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Sujet : Un recueil de poésie,
Tom-H
Niveau 10
18 juin 2015 à 23:42:22

https://image.noelshack.com/fichiers/2015/25/1434662706-rspct.jpg https://image.noelshack.com/fichiers/2015/25/1434662712-chat.jpg https://image.noelshack.com/fichiers/2015/25/1434662928-10303880-607864296006401-8548553135947794287-n.jpg

Camarades,

Je vous propose, sur ce topic, d'aborder un peu le sujet de la poésie. Aimez-vous la poésie ? En lisez-vous souvent ? Parlons un peu de ce que nous savons là-dessus.

Je vous propose également, pour ceux qui le souhaitent, de poster les poèmes qui vous plaisent, qui vous ont marqués, que vous avez découverts, si vous avez envie d'en faire partager, n'hésitez pas. Puisque certains sur ce forum semblent s'y connaître en littérature étrangère, ce sera également l'occasion de découvrir des poètes dont on ne soupçonne pas l'existence.

Je vais donc commencer, pour ne pas être original, par introduire le topic avec un peu de
Baudelaire. :rouge:
Mon passage favori du Spleen de Paris, intitulé Le joueur généreux.

Hier, à travers la foule du boulevard, je me sentis frôlé par un Etre mystérieux que j'avais toujours désiré connaître, et que je reconnus tout de suite, quoique je ne l'eusse jamais vu. Il y avait sans doute chez lui, relativement à moi, un désir analogue, car il me fit, en passant, un clignement d'oeil significatif auquel je me hâtai d'obéir. Je le suivis attentivement, et bientôt je descendis derrière lui dans une demeure souterraine, éblouissante, où éclatait un luxe dont aucune des habitations supérieures de Paris ne pourrait fournir un exemple approchant. Il me parut singulier que j'eusse pu passer si souvent à côté de ce prestigieux repaire sans en deviner l'entrée. Là régnait une atmosphère exquise, quoique capiteuse, qui faisait oublier presque instantanément toutes les fastidieuses horreurs de la vie; on y respirait une béatitude sombre, analogue à celle que durent éprouver les mangeurs de lotus quand, débarquant dans une île enchantée, éclairée des lueurs d'une éternelle après-midi, ils sentirent naître en eux, aux sons assoupissants des mélodieuses cascades, le désir de ne jamais revoir leurs pénates, leurs femmes, leurs enfants, et de ne jamais remonter sur les hautes lames de la mer.
Il y avait là des visages étranges d'hommes et de femmes, marqués d'une beauté fatale, qu'il me semblait avoir vus déjà à des époques et dans des pays dont il m'était impossible de me souvenir exactement, et qui m'inspiraient plutôt une sympathie fraternelle que cette crainte qui naît ordinairement à l'aspect de l'inconnu. Si je voulais essayer de définir d'une manière quelconque l'expression singulière de leurs regards, je dirais que jamais je ne vis d'yeux brillant plus énergiquement de l'horreur de l'ennui et du désir immortel de se sentir vivre.
Mon hôte et moi, nous étions déjà, en nous asseyant, de vieux et parfaits amis. Nous mangeâmes, nous bûmes outre mesure de toutes sortes de vins extraordinaires, et, chose non moins extraordinaire, il me semblait, après plusieurs heures, que je n'étais pas plus ivre que lui. Cependant le jeu, ce plaisir surhumain, avait coupé à divers intervalles nos fréquentes libations, et je dois dire que j'avais joué et perdu mon âme, en partie liée, avec une insouciance et une légèreté héroïques. L'âme est une chose si impalpable, si souvent inutile et quelquefois si gênante, que je n'éprouvai, quant à cette perte, qu'un peu moins d'émotion que si j'avais égaré, dans une promenade, ma carte de visite.
Nous fumâmes longuement quelques cigares dont la saveur et le parfum incomparables donnaient à l'âme la nostalgie de pays et de bonheurs inconnus, et, enivré de toutes ces délices, j'osai, dans un accès de familiarité qui ne parut pas lui déplaire, m'écrier, en m'emparant d'une coupe pleine jusqu'au bord: "A votre immortelle santé, vieux Bouc!"
Nous causâmes aussi de l'univers, de sa création et de sa future destruction; de la grande idée du siècle, c'est-à-dire du progrès et de la perfectibilité, et, en général, de toutes les formes de l'infatuation humaine. Sur ce sujet-là, Son Altesse ne tarissait pas en plaisanteries légères et irréfutables, et elle s'exprimait avec une suavité de diction et une tranquillité dans la drôlerie que je n'ai trouvées dans aucun des plus célèbres causeurs de l'humanité. Elle m'expliqua l'absurdité des différentes philosophies qui avaient jusqu'à présent pris possession du cerveau humain, et daigna même me faire confidence de quelques principes fondamentaux dont il ne me convient pas de partager les bénéfices et la propriété avec qui que ce soit. Elle ne se plaignit en aucune façon de la mauvaise réputation dont elle jouit dans toutes les parties du monde, m'assura qu'elle était, elle-même, la personne la plus intéressée à la destruction de la superstition, et m'avoua qu'elle n'avait eu peur, relativement à son propre pouvoir, qu'une seule fois, c'était le jour où elle avait entendu un prédicateur, plus subtil que ses confrères, s'écrier en chaire: "Mes chers frères, n'oubliez jamais, quand vous entendrez vanter le progrès des lumières, que la plus belle des ruses du diable est de vous persuader qu'il n'existe pas!"
Le souvenir de ce célèbre orateur nous conduisit naturellement vers le sujet des académies, et mon étrange convive m'affirma qu'il ne dédaignait pas, en beaucoup de cas, d'inspirer la plume, la parole et la conscience des pédagogues, et qu'il assistait presque toujours en personne, quoique invisible, à toutes les séances académiques.
Encouragé par tant de bontés, je lui demandai des nouvelles de Dieu, et s'il l'avait vu récemment. Il me répondit, avec une insouciance nuancée d'une certaine tristesse: "Nous nous saluons quand nous nous rencontrons, mais comme deux vieux gentilshommes, en qui une politesse innée ne saurait éteindre tout à fait le souvenir d'anciennes rancunes."
Il est douteux que Son Altesse ait jamais donné une si longue audience à un simple mortel, et je craignais d'abuser. Enfin, comme l'aube frissonnante blanchissait les vitres, ce célèbre personnage, chanté par tant de poètes et servi par tant de philosophes qui travaillent à sa gloire sans le savoir, me dit: "Je veux que vous gardiez de moi un bon souvenir, et vous prouver que Moi, dont on dit tant de mal, je suis quelquefois bon diable, pour me servir d'une de vos locutions vulgaires. Afin de compenser la perte irrémédiable que vous avez faite de votre âme, je vous donne l'enjeu que vous auriez gagné si le sort avait été pour vous, c'est-à-dire la possibilité de soulager et de vaincre, pendant toute votre vie, cette bizarre affection de l'Ennui, qui est la source de toutes vos maladies et de tous vos misérables progrès. Jamais un désir ne sera formé par vous, que je ne vous aide à le réaliser; vous régnerez sur vos vulgaires semblables; vous serez fourni de flatteries et même d'adorations; l'argent, l'or, les diamants, les palais féeriques, viendront vous chercher et vous prieront de les accepter, sans que vous ayez fait un effort pour les gagner; vous changerez de patrie et de contrée aussi souvent que votre fantaisie vous l'ordonnera; vous vous soûlerez de voluptés, sans lassitude, dans des pays charmants où il fait toujours chaud et où les femmes sentent aussi bon que les fleurs, - et caetera, et caetera...", ajouta-t-il en se levant et en me congédiant avec un bon sourire.
Si ce n'eût été la crainte de m'humilier devant une aussi grande assemblée, je serais volontiers tombé aux pieds de ce joueur généreux, pour le remercier de son inouïe munificence. Mais peu à peu, après que je l'eus quitté, l'incurable défiance rentra dans mon sein; je n'osais plus croire à un si prodigieux bonheur, et, en me couchant, faisant encore ma prière par un reste d'habitude imbécile, je répétais dans un demi-sommeil "Mon Dieu! Seigneur, mon Dieu! faites que le diable me tienne sa parole!"

Eldwist
Niveau 23
19 juin 2015 à 01:56:41

J'aime bien le théâtre de Corneille ou Racine, après je ne sais pas si c'est vraiment de la poésie (bien que ce soit écrit en vers).

Le fameux monologue de Don Diègue (Le Cid)

DON DIÈGUE
Ô rage ! ô désespoir ! ô viellesse ennemie !
N'ai-je donc tant vécu que pour cette infamie ?
Et ne suis-je blanchi dans les travaux guerriers
Que pour voir en un jour flétrir tant de lauriers ?
Mon bras qu'avec respect tout l'Espagne admire,
Mon bras, qui tant de fois a sauvé cet empire,
Tant de fois affermi le trône de son roi,
Trahit donc ma querelle, et ne fait rien pour moi ?
Ô cruel souvenir de ma gloire passée !
Oeuvre de tant de jours en un jour effacée !
Nouvelle dignité fatale à mon bonheur !
Précipice élevé d'où tombe mon honneur !
Faut-il de votre éclat voir triompher le comte,
Et mourir sans vengeance, ou vivre dans la honte ?
Comte, sois de mon prince à présent gouverneur ;
Ce haut rang n'admet point un homme sans honneur ;
Et ton jaloux orgueil par cet affront insigne
Malgré le choix du roi, m'en a su rendre indigne.
Et toi, de mes exploits glorieux instrument,
Mais d'un corps tout de glace inutile ornement,
Fer, jadis tant à craindre, et qui, dans cette offense,
M'as servi de parade, et non pas de défense,
Va, quitte désormais le derniers des humains,
Passe, pour me venger, en de meilleurs mains.

Tom-H
Niveau 10
19 juin 2015 à 02:14:19

Même si c'est pas forcément de la poésie vous pouvez poster si vous trouvez que l'extrait choisi est tout plein de poésie à votre sens. :noel:

Je crois qu'il y a rien de mieux que le théâtre pour cela. :cute:

elbouffon
Niveau 7
19 juin 2015 à 10:48:00

Moi j'aime bien cette version du corbeau et du renard façon argot (lol c pa dla poési hin) :

Le corbac et le goupil

Un corbac sur un feuillu planté
Tenait dans son claque-merde un coulant baraqué
Maitre Goupil par le fumet alléché
Se radina en loucedoc pour le baratiner :
"Hé salut, duchenoque le corbac
Je n'avais pas gaffé que t'étais si leaubé
Si en majesté et si comac
Et si tu pousses, sans charre, le madrigal aussi bien
Que t'es attifé
T'es le daron des gonzes de ce patelin"
Le corbac, à ses mots, vraiment pas mariole
Lui lâcha le fromtom' sur la fiole.
Le goupil aussi sec l'alpagua et dit : "Mon bon corbac
Sache que si un mecton comme moi
Colle au fion comme un morbac
D'un lascar aussi con que toi
C'est pour bonir d'une voix de rogomme
Des bobards à la gomme."
Le corbac nazebroque et confus
Se jura, un peu tard, qu'il ne l'aurait plus jamais dans le cul.

Ptittxete
Niveau 8
19 juin 2015 à 16:09:38

Bonjour deux poèmes pour aujourd’hui, un Persan et un Arabe, pour moi parmi les plus grandes patries de la poésie mondiales :

Tu es comme le matin. Je suis la lampe qui brille,
Seule, à l’aube. Souris-moi, et je donnerai ma vie.
Tu es le deuil de mon cœur, pour les boucles de ta tête
Que ma tombe fleurira d’un tapis de violettes.
Je me tiens, les yeux ouverts, sur le seuil de ton désir.
Dans l’attente de ton regard, …mais, de moi, tu te retires.
Merci. Que Dieu te protège, ô cohorte de douleurs,
Car, lorsque je serai seul, tu resteras dans mon cœur !
De mes yeux je suis l’esclave, lorsque, malgré leur noirceur,
Le compte de mes chagrins leur fait verser mille pleurs.
Mon idole se dévoile aux regards de tout le monde,
Mais personne ne surprend tant de grâce, que moi seul.
Mon amour, comme le vent, quand tu passes sur ma tombe,
Dans ma fosse, de désir, je déchire mon linceul…

Khouajeh Chams ad-Din Mohammad Hafez-e Chirazi

Ma visiteuse, comme frappée par une honte,
ne me visite que dans l'obscurité.
Je lui ai offert mes membres et mes organes
pourtant elle a préféré mes os.
Ma peau nous oppresse tous les deux
et mon mal ne fait que s'accroitre.
En me quittant elle me lave si bien
comme pour nous laver d'un grand péché.
Le matin la chasse sans ménagement
Et en larmes elle fuit aux quatre coins.
J'attends avec angoisse son retour
tel un nostalgique anxieux.
Elle reste fidèle à son rendez-vous,
mais que faire de la fidélité de celle
qui vous ronge les genoux et les os.

Abou T̩ayeb Ah̩mad ibn al-H̩usayn al-Mutanabbī

JorgeLuisBorges
Niveau 10
19 juin 2015 à 16:50:51

Je déteste Apollinaire, j'ai un sale souvenir d'avoir du bosser sur Alcools en méthodologie de la dissert' mais j'adore ce poème pour le jeu d'inversion et de correspondances sur les éléments des images :

Les colchiques

Le pré est vénéneux mais joli en automne
Les vaches y paissant
Lentement s'empoisonnent
Le colchique couleur de cerne et de lilas
Y fleurit tes yeux sont comme cette fleur-la
Violatres comme leur cerne et comme cet automne
Et ma vie pour tes yeux lentement s'empoisonne

Les enfants de l'école viennent avec fracas
Vêtus de hoquetons et jouant de l'harmonica
Ils cueillent les colchiques qui sont comme des mères
Filles de leurs filles et sont couleur de tes paupières
Qui battent comme les fleurs battent au vent dément

Le gardien du troupeau chante tout doucement
Tandis que lentes et meuglant les vaches abandonnent
Pour toujours ce grand pré mal fleuri par l'automne

Ptittxete
Niveau 8
19 juin 2015 à 16:57:46

Je connais ce poème par cœur, merci les cours de français avant le bac :hap:

Floriandu40
Niveau 10
19 juin 2015 à 17:12:57

J'apprécie et lis beaucoup de poésie, même si je ne connais que très peu de poètes "étrangers".

J'en poste deux, le premier :

Auburn de Verlaine :

Tes yeux, tes cheveux indécis,
L'arc mal précis de tes sourcils,
La fleur pâlotte de ta bouche,
Ton corps vague et pourtant dodu,
Te donnent un air peu farouche
A qui tout mon hommage est dû.

Mon hommage, ah, parbleu ! tu l'as.
Tous les soirs, quels joie et soulas,
0 ma très sortable châtaine,
Quand vers mon lit tu viens, les seins
Roides, et quelque peu hautaine,
Sûre de mes humbles desseins.

Les seins roides sous la chemise,
Fière de la fête promise
A tes sens partout et longtemps.
Heureuse de savoir ma lèvre,
Ma main, mon tout, impénitents
De ces péchés qu'un fol s'en sèvre!

Sûre de baisers savoureux
Dans le coin des yeux, dans le creux
Des bras et sur le bout des mammes,
Sûre de l'agenouillement
Vers ce buisson ardent des femmes
Follement, fanatiquement !

Et hautaine puisque tu sais
Que ma chair adore à l'excès
Ta chair et que tel est ce culte
Qu'après chaque mort, - quelle mort ! -
Elle renaît, dans quel tumulte !
Pour mourir encore et plus fort.

Oui, ma vague, sois orgueilleuse
Car radieuse ou sourcilleuse,
Je suis ton vaincu, tu m'as tien :
Tu me roules comme la vague
Dans un délice bien païen,
Et tu n'es pas déjà si vague ?

Le passage en gras est mon préféré, il dégage un tel érotisme et une telle beauté que je l'ai appris par coeur ( comme de nombreux poèmes.)

Celui-ci est un poème de Claude Roy ( que j'apprécie beaucoup )

Dès qu'il fait noir la mer s'ennuie
secoue son sac d'herbes séchées
remue son eau toute la nuit
Elle a beau faire et chuchoter
le soleil restera couché
Ce poème étant métaphore
je m'y compare à l'océan
Mon soleil mon chaud mon aurore
c'est la douce que j'aime tant
et la nuit qui m'ennuie si fort
c'est son absence et mon tourment
ma vacance et ma marée basse
mon calme plat et mon temps mort
ma grise mine et guerre lasse
triste comme au milieu du port
le mazout d'un bateau qui a franchi la passe
Ce poème étant métaphore
je m'y compare à l'océan
Mais il ne veut rien entendre
et refuse (hautain) toute comparaison
Il est eau il est sel il est vent il est bleu il est immense et fou il est avide et tout
Moi je suis Claude Roy simplement Claude Roy

Pseudo supprimé
Niveau 5
20 juin 2015 à 17:19:38

Mon poème occidental préféré c'est Paradise Lost de John Milton.

Anticoncept
Niveau 7
20 juin 2015 à 19:28:04

Les colchiques d’Apollinaire :bave:

Je sais pas trop sinon, en ce moment je lis Lamartine et j'aime bien.

Pseudo supprimé
Niveau 9
24 juin 2015 à 09:20:50

"Les Bijoux"

La très-chère était nue, et, connaissant mon coeur,
Elle n'avait gardé que ses bijoux sonores,
Dont le riche attirail lui donnait l'air vainqueur
Qu'ont dans leurs jours heureux les esclaves des Maures.

Quand il jette en dansant son bruit vif et moqueur,
Ce monde rayonnant de métal et de pierre
Me ravit en extase, et j'aime à la fureur
Les choses où le son se mêle à la lumière.

Elle était donc couchée et se laissait aimer,
Et du haut du divan elle souriait d'aise
A mon amour profond et doux comme la mer,
Qui vers elle montait comme vers sa falaise.

Les yeux fixés sur moi, comme un tigre dompté,
D'un air vague et rêveur elle essayait des poses,
Et la candeur unie à la lubricité
Donnait un charme neuf à ses métamorphoses ;

Et son bras et sa jambe, et sa cuisse et ses reins,
Polis comme de l'huile, onduleux comme un cygne,
Passaient devant mes yeux clairvoyants et sereins ;
Et son ventre et ses seins, ces grappes de ma vigne,

S'avançaient, plus câlins que les Anges du mal,
Pour troubler le repos où mon âme était mise,
Et pour la déranger du rocher de cristal
Où, calme et solitaire, elle s'était assise.

Je croyais voir unis par un nouveau dessin
Les hanches de l'Antiope au buste d'un imberbe,
Tant sa taille faisait ressortir son bassin.
Sur ce teint fauve et brun, le fard était superbe !

Et la lampe s'étant résignée à mourir,
Comme le foyer seul illuminait la chambre,
Chaque fois qu'il poussait un flamboyant soupir,
Il inondait de sang cette peau couleur d'ambre !

Charles Baudelaire dans Les Fleurs du Mal

(J'ai repensé à Salammbô et Baudelaire ne semble pas voir et sentir, ressentir autre chose que le guerrier Mâtho lorsqu'il entre dans la chambre de la princesse.)

Tom-XIV
Niveau 7
25 juin 2015 à 19:34:14

Très bon choix de poèmes pour chacun. :noel:
Larry, tu aurais pu faire un effort pour la mise en forme du texte !

Le 20 juin 2015 à 17:19:38 Asvagajasca a écrit :
Mon poème occidental préféré c'est Paradise Lost de John Milton.

Et comme poème non-occidental ?

Tom-XIV
Niveau 7
26 juin 2015 à 12:04:42

Je n'ai pas de rancune envers toi Larry, peux-tu en dire autant ?

]BestGeek[
Niveau 10
26 juin 2015 à 18:42:08

Je partage du Ponge, plus particulièrement "Le Pain" tiré du Parti pris des choses . Sacré recueil,
très déroutant, et encore plus quand on lit certaines interprétations (en plus je suis tombé dessus à l'oral du bac français :hap:).

Le pain

La surface du pain est merveilleuse d'abord à cause de cette impression quasi panoramique qu'elle donne : comme si l'on avait à sa disposition sous la main les Alpes, le Taurus ou la Cordillère des Andes.
Ainsi donc une masse amorphe en train d'éructer fut glissée pour nous dans le four stellaire, où durcissant elle s'est façonnée en vallées, crêtes, ondulations, crevasses… Et tous ces plans dès lors si nettement articulés, ces dalles minces où la lumière avec application couche ses feux, - sans un regard pour la mollesse ignoble sous-jacente.
Ce lâche et froid sous-sol que l'on nomme la mie a son tissu pareil à celui des éponges : feuilles ou fleurs y sont comme des sœurs siamoises soudées par tous les coudes à la fois. Lorsque le pain rassit ces fleurs fanent et se rétrécissent : elles se détachent alors les unes des autres, et la masse en devient friable…
Mais brisons-la : car le pain doit être dans notre bouche moins objet de respect que de consommation.

Stilk
Niveau 10
27 juin 2015 à 20:16:11

Le Bateau Ivre d''''Arthur Rimbaud'' :coeur:

Comme je descendais des Fleuves impassibles,
Je ne me sentis plus guidé par les haleurs :
Des Peaux-rouges criards les avaient pris pour cibles,
Les ayant cloués nus aux poteaux de couleurs.

J'étais insoucieux de tous les équipages,
Porteur de blés flamands ou de cotons anglais.
Quand avec mes haleurs ont fini ces tapages,
Les Fleuves m'ont laissé descendre où je voulais.

Dans les clapotements furieux des marées,
Moi, l'autre hiver, plus sourd que les cerveaux d'enfants,
Je courus ! Et les Péninsules démarrées
N'ont pas subi tohu-bohus plus triomphants.

La tempête a béni mes éveils maritimes.
Plus léger qu'un bouchon j'ai dansé sur les flots
Qu'on appelle rouleurs éternels de victimes,
Dix nuits, sans regretter l'œil niais des falots !

Plus douce qu'aux enfants la chair des pommes sures,
L'eau verte pénétra ma coque de sapin
Et des taches de vins bleus et des vomissures
Me lava, dispersant gouvernail et grappin.

Et dès lors, je me suis baigné dans le Poème
De la Mer, infusé d'astres, et lactescent,
Dévorant les azurs verts ; où, flottaison blême
Et ravie, un noyé pensif parfois descend ;

Où, teignant tout à coup les bleuités, délires
Et rythmes lents sous les rutilements du jour,
Plus fortes que l'alcool, plus vastes que nos lyres,
Fermentent les rousseurs amères de l'amour !

Je sais les cieux crevant en éclairs, et les trombes
Et les ressacs et les courants : je sais le soir,
L'Aube exaltée ainsi qu'un peuple de colombes,
Et j'ai vu quelquefois ce que l'homme a cru voir !

J'ai vu le soleil bas, taché d'horreurs mystiques,
Illuminant de longs figements violets,
Pareils à des acteurs de drames très antiques
Les flots roulant au loin leurs frissons de volets !

J'ai rêvé la nuit verte aux neiges éblouies,
Baiser montant aux yeux des mers avec lenteurs,
La circulation des sèves inouïes,
Et l'éveil jaune et bleu des phosphores chanteurs !

J'ai suivi, des mois pleins, pareille aux vacheries
Hystériques, la houle à l'assaut des récifs,
Sans songer que les pieds lumineux des Maries
Pussent forcer le mufle aux Océans poussifs !

J'ai heurté, savez-vous, d'incroyables Florides
Mêlant aux fleurs des yeux de panthères à peaux
D'hommes ! Des arcs-en-ciel tendus comme des brides
Sous l'horizon des mers, à de glauques troupeaux !

J'ai vu fermenter les marais énormes, nasses
Où pourrit dans les joncs tout un Léviathan !
Des écroulements d'eaux au milieu des bonaces,
Et des lointains vers les gouffres cataractant !

Glaciers, soleils d'argent, flots nacreux, cieux de braises !
Échouages hideux au fond des golfes bruns
Où les serpents géants dévorés des punaises
Choient, des arbres tordus, avec de noirs parfums !

J'aurais voulu montrer aux enfants ces dorades
Du flot bleu, ces poissons d'or, ces poissons chantants.
− Des écumes de fleurs ont bercé mes dérades
Et d'ineffables vents m'ont ailé par instants.

Parfois, martyr lassé des pôles et des zones,
La mer dont le sanglot faisait mon roulis doux
Montait vers moi ses fleurs d'ombre aux ventouses jaunes
Et je restais, ainsi qu'une femme à genoux...

Presque île, ballottant sur mes bords les querelles
Et les fientes d'oiseaux clabaudeurs aux yeux blonds.
Et je voguais, lorsqu'à travers mes liens frêles
Des noyés descendaient dormir, à reculons !

Or moi, bateau perdu sous les cheveux des anses,
Jeté par l'ouragan dans l'éther sans oiseau,
Moi dont les Monitors et les voiliers des Hanses
N'auraient pas repêché la carcasse ivre d'eau ;

Libre, fumant, monté de brumes violettes,
Moi qui trouais le ciel rougeoyant comme un mur
Qui porte, confiture exquise aux bons poètes,
Des lichens de soleil et des morves d'azur ;

Qui courais, taché de lunules électriques,
Planche folle, escorté des hippocampes noirs,
Quand les juillets faisaient crouler à coups de triques
Les cieux ultramarins aux ardents entonnoirs ;

Moi qui tremblais, sentant geindre à cinquante lieues
Le rut des Béhémots et les Maelstroms épais,
Fileur éternel des immobilités bleues,
Je regrette l'Europe aux anciens parapets !

J'ai vu des archipels sidéraux ! et des îles
Dont les cieux délirants sont ouverts au vogueur :
− Est-ce en ces nuits sans fonds que tu dors et t'exiles,
Million d'oiseaux d'or, ô future Vigueur ?

Mais, vrai, j'ai trop pleuré ! Les Aubes sont navrantes.
Toute lune est atroce et tout soleil amer :
L'âcre amour m'a gonflé de torpeurs enivrantes.
O que ma quille éclate ! O que j'aille à la mer !

Si je désire une eau d'Europe, c'est la flache
Noire et froide où vers le crépuscule embaumé
Un enfant accroupi plein de tristesse, lâche
Un bateau frêle comme un papillon de mai.

Je ne puis plus, baigné de vos langueurs, ô lames,
Enlever leur sillage aux porteurs de cotons,
Ni traverser l'orgueil des drapeaux et des flammes,
Ni nager sous les yeux horribles des pontons.

Pseudo supprimé
Niveau 9
28 juin 2015 à 13:08:41

Et sinon, un mot sur les 3 photos que Tom a postées au début ? :(

Tom-XIV
Niveau 7
28 juin 2015 à 17:37:45

Larry il suffit simplement d'arrêter le délire de persécution à la première petite remarque qu'on te fait. Je ne pensais pas du tout à mal lorsque je t'ai dit de faire attention à ta mise en forme. Les poèmes que tu partages sont agréables.

Tom-XIV
Niveau 7
28 juin 2015 à 18:17:43

Le 28 juin 2015 à 13:08:41 Marie-Sybille a écrit :
Et sinon, un mot sur les 3 photos que Tom a postées au début ? :(

Si tu souhaite dire quelque chose là-dessus, je t'en prie. :oui:

stoechiometrie
Niveau 10
02 juillet 2015 à 22:25:18

T'es vraiment un type excessivement désagréable.

_______________________________

Le bon maître huchier, pour finir un dressoir,
Courbé sur l'établi depuis l'aurore ahane,
Maniant tour à tour le rabot, le bédane
Et la râpe grinçante ou le dur polissoir.

Aussi, non sans plaisir, a-t-il vu, vers le soir,
S'allonger jusqu'au seuil l'ombre du grand platane
Où madame la Vierge et sa mère Saint Anne
Et Monseigneur Jésus près de lui vont s'asseoir.

L'air est brûlant et pas une feuille ne bouge ;
Et saint Joseph, très las, a laissé choir la gouge
En s'essuyant le front au coin du tablier ;

Mais l'Apprenti divin qu'une gloire enveloppe
Fait toujours, dans le fond obscur de l'atelier,
Voler des copeaux d'or au fil de sa varlope.

Le Huchier de Nazareth, Les Trophées, José-Maria de Heredia

Pseudo supprimé
Niveau 9
02 juillet 2015 à 22:40:10

[...]
« Non tengamos tiempo ya
En esta vida mezquina
Por tal modo,
Que mi voluntad está
Conforme con la divina
Para todo ;
E consiento en mi morir
Con voluntad placentera,
Clara e pura,
Que querer hombre vivir
Cuando Dios quiere que muera
Es locura. »

(Tú que por nuestra maldad
Tomaste forma servil
E baxo nombre ;
Tú que en tu divinidad
Juntaste cosa tan vil
Como el hombre ;
Tú que tan grandes tormentos
Sofriste sin resistencia
En tu persona,
Non por mis merescimientos,
Mas por tu sola clemencia
Me perdonas.)

Así con tal entender
Todos sentidos humanos
Conservados,
Cercado de su mujer,
E de sus hijos e hermanos
E criados,
Dio el alma a quien se la dio,
(El cual la ponga en el cielo
Y en su gloria),
Que aunque la vida perdió,
Nos dexó harto consuelo
Su memoria.

Coplas por la muerte de su padre, Jorge Manrique.

Sujet : Un recueil de poésie,
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