D'avance, bonne lecture
Alexis de Tocqueville nous décrit dans son livre de la Démocratie en Amérique (1840) le fonctionnement de la Démocratie aux Etats-Unis d’Amérique en cette première moitié du XIXe siècle. Ce qui est intéressant c’est que nous pouvons extrapoler ses critiques pour analyser notre modèle actuel.
La République contemporaine instaure un nouvel ordre où la sphère politique ne se confond pas avec le peuple. J’en prends pour exemple la France notamment la Ve République. Nous demandons au peuple français de choisir un candidat avec un programme préétabli. Finalement le citoyen est assez démuni quant aux choix qu’il doit faire. Car il doit choisir entre un programme libéral, un programme communiste, un programme social-libéral ou un programme, disons national. Il n’a pas le choix sur les détails du programme, il doit choisir un ensemble censé être cohérent.
Mais aux Etats-Unis du début du XIXe siècle, on peut voir que le fonctionnement républicain se rapproche très fortement du fonctionnement de la Démocratie. Les élus sont choisis par le peuple pour des durées très courtes, on ne nous parle pas d’école comme il peut exister en France tels que L’ENA, Sciences Po qui enlèvent toute possibilité au citoyen lambda de devenir élu, excepté maire de petite commune. Les Américains de cette époque sont impliqués politiquement notamment au travers d’association qui remplace d’une certaine manière les corporations d’anciens régimes.
Mais aux Etats-Unis du début du XIXe siècle, on peut voir que le fonctionnement républicain se rapproche très fortement du fonctionnement de la Démocratie. Les élus sont choisis par le peuple pour des durées très courtes, on ne nous parle pas d’école comme il peut exister en France tels que L’ENA, Sciences Po qui enlèvent toute possibilité au citoyen lambda de devenir élu, excepté maire de petite commune. Les Américains de cette époque sont impliqués politiquement notamment au travers d’association qui remplace d’une certaine manière les corporations d’anciens régimes.
Avant d’aller plus loin, il nous faut définir ce que Tocqueville entend par Démocratie, Egalité et Liberté. La Démocratie est un « état social », ce n’est pas un régime particulier, il se caractérise par le principe égalitaire. L’égalité se caractérise par le fait que tous les hommes ont le même poids politique et peuvent participer de la même manière. La liberté est plutôt ici un degré à atteindre, j’entends par là qu’il y a divers degrés de servitude que le citoyen peut accepter dans une Démocratie. La liberté étant plutôt associée aux Indiens dans son livre, Indiens qui sont vu comme des sauvages.
Nous allons voir que la majorité peut exercer un pouvoir tyrannique sur le peuple tout entier, que l’égalité si louangée peut amener de nouveaux troubles et que l’individualisme est un nouveau problème posé dans une Démocratie.
Plan :
I - La tyrannie de la majorité et sa métamorphose
II - La valeur égalité à l'origine de certains troubles
III - L'individualisme et la passivité des foules
I - La tyrannie de la majorité et sa métamorphose
La Démocratie établit comme grand principe l’égalité en réaction à la société aristocratique qui fonctionnait par caste non perméable. A mesure que la Démocratie nivelle la population par le haut, mais aussi par le bas, toute personne étant égale à toutes les autres préférera écouter l’opinion publique plutôt qu’une seule personne. Le citoyen va préférer entendre l’avis de la majorité plutôt que l’avis d’une personne qui pourtant pourrait être experte en ce sujet. Et je souhaiterais rajouter que l’opinion se fait facilement influencer par les sentiments, le pathos. Notamment sur des sujets très complexes qui demandent un recul et une réflexion telle que l’immigration, les questions sociétales, ou même la politique en général. Quand vous entendez des journalistes, politiques qui utilisent un registre misérable comme « les pauvres », « souffrance », « démuni » vous êtes face à une tentative de vous apitoyer.
La tyrannie de la majorité vient du fait que les élections démocratiques doivent recueillir 50 % + 1 voix des électeurs votants. C’est la première des faiblesses de la démocratie, elle fragilise la possibilité de remettre en question n’importe quelles décisions, car l’on s’opposerait alors à plus nombreux que soi et donc à plus fort que soi. Et on peut donc voir l’apparition de ce que les sociologues nomment « Pensée de groupe ». Les personnes ayant une opinion minoritaire vont se taire face à la majorité pour se conformer au groupe. C’est un grand ennemi de la pluralité des opinions. Le groupe, majoritaire se sentant en supériorité va réprimer la « dissidence ».
En point négatif, je dirais qu’Alexis de Tocqueville oublie de parler de l’importance de la presse et des médias bien qu’à cette époque il n’en existait pas beaucoup. Nous voyons bien que les médias influencent grandement l’opinion. Je prends pour exemple l’élection de notre président actuel Emmanuel Macron qui a fait la une de dizaines de magazines avant son élection. Nous avons aussi dans nos Républiques contemporaines le sondage, qui souvent a une valeur auto réalisatrice. J’entends par là qu’un sondage va fortement influencer le vote des électeurs, la prédiction va en fait influencer l’électorat à calquer son action sur cette prédiction. Mais j’aurais aussi pu parler de l’élection de Donald Trump qui a posé des problèmes au niveau des publicités sur Facebook.
Le risque de tyrannie de la majorité qui peut encore se voir en politique a laissé la place à la tyrannie de la minorité bruyante dans les autres endroits de la société notamment les réseaux sociaux. Un cas pour illustrer ma pensée, la marque Oasis a récemment organisé un concours sur Twitter où les participants devaient donner le nom de leur ville. Le 18-25 a réussi à faire gagner la ville d’Issou, se rendant compte que c’était le 18-25, des personnes, une poignée, ont réussi à force de chantage aux racismes et autres mots en — isme à évincer ladite ville. Nous arrivons là à quelque chose d’intéressant, ces personnes, moralisatrices, grégaires sont d’excellents consommateurs, très sensibles à la publicité ciblée (Spotify et sa playlist LGBT, Netflix, Disney, etc.). Ainsi donc, une minorité agissante, utilisant les valeurs démocratiques (le racisme ne peut pas être toléré dans une société se basant sur l’égalité entre les personnes) à son avantage peut faire pencher la décision en sa faveur face à une majorité ce qui est très inquiétant pour la suite.
II- La valeur égalité à l’origine de certains troubles
Ce nivellement par le haut ou par le bas nous vient d’une valeur fondamentale qui est sur chacune de nos mairies françaises, l’égalité. Tocqueville regarde avec nostalgie l’ancien régime, car il y avait des personnes fort brillantes qui se démarquaient du reste de la population. Mais il y avait aussi des personnes médiocres, car la société aristocratique n’avait pas cet aiguillon que l’on nomme égalité. Tandis que la Démocratie va faire en sorte que tous les citoyens soient égaux, en droits et en devoirs, mais à terme égaux en capacité, en réflexion ce qui peut poser des problèmes. La société aristocratique va perpétuer une classe de dominant qui recevra la meilleure éducation et sera plus éclairée que les autres. A mon sens il y a nécessité d’avoir une certaine élite intellectuelle qui se différencie de la masse par sa capacité de réflexion, d’autocritique ce que le peuple ne peut pas faire. Mais je ne suis pas pour le rétablissement de caste qui nuit fortement à la cohésion sociale. La balance entre les deux est l’éducation pour tout ce que la République essaie de faire tant bien que mal.
L’égalité, selon Tocqueville, est aussi responsable de l’individualisme. En effet, comme tous les citoyens sont égaux, aucun ne se différencie de la masse. Cela amène sournoisement les citoyens à s’éloigner les uns des autres. Pourquoi ?
Dans l’ancien régime pour se faire entendre par les gouvernants il fallait se faire appuyer par sa caste, c’est-à-dire sa classe, en France nous en avions trois que l’on pourrait encore subdiviser : le tiers Etat/la noblesse/le clergé. Or, comme dans une Démocratie tous les citoyens sont égaux, ils ne vont pas rechercher le support de leurs concitoyens puisqu’ils n’ont plus rien en commun. Dans l’ancien régime, ils partageaient des peines, des souffrances, ils partageaient le poids qu’avait la classe supérieure. Comme il n’y avait que très peu de perméabilité entre les classes, ils partageaient aussi des liens familiaux. Je pense que pour des personnes du XXIe siècle il nous est très difficile de comprendre ce que c’est qu’appartenir à une classe et côtoyer tous les jours des classes supérieures ou inférieures. Je ne dis pas qu’il n’existe plus de classe notamment dirigeante, mais très souvent elles n’ont plus besoin de se côtoyer. Au Moyen-Age le seigneur protégeait les serfs attachés à sa terre, il les côtoyait et les voyait tous les jours. A la Renaissance et durant le siècle des Lumières, les nobles côtoyaient les serviteurs. Aujourd’hui, nous ne voyons pas les 1 % les plus riches puisqu’ils n’habitent pas aux mêmes endroits que nous, leurs enfants ne vont pas dans les mêmes écoles ni les mêmes Universités.
On pourrait me rétorquer que les prolétaires se font aussi oppresser par les capitalistes, les bourgeois et qu’ils pourraient avoir une conscience de classe. Nous voyons bien, aujourd’hui, que les prolétaires sont complètement divisées. Durkheim nous dirait que c’est à cause de la division du travail qui éloigne les travailleurs qui se spécialisent, on passe d’une communauté où tout le monde se côtoie à une société régie par des échanges marchands. Ils n’ont plus le même vocabulaire, les mêmes habitudes, les mêmes consommations. Je rejoindrais en partie Durkheim sur ce thème, mais j’ajouterais qu’un prolétaire peut devenir responsable, avec l’ancienneté, des formations, des promotions et donc il n’est pas éternellement rattaché à cette classe. C’est peut-être une explication de pourquoi les prolétaires ne sont pas forcément solidaires en tant que classe. Il y a toujours un espoir d’appartenir à la classe moyenne.
Mais il faut quand même ajouter que Tocqueville nous parle d’association. En effet les citoyens américains aiment se retrouver dans des associations, cela leur permet d’être impliqués dans la vie politique américaine. Il existe toutes sortes d’associations, marchandes, industrielles, regroupement spirituel. Mais l’on est quand même loin d’une conscience de classe ou de caste. Disons que c’est l’équivalent en moins puissant, c’est-à-dire que le pouvoir de coercition sur la société est beaucoup moins grand. Rappelons que nous sommes avant les grandes familles comme les Rockefeller, Morgan qui elles pourront influencer la société.
Nous avons dit que l’égalité était à l’origine des troubles que connaît la Démocratie, nous avons expliqué qu’il n’y avait plus de caste à cause de l’égalité et que donc les citoyens s’éloignaient les uns des autres. Nous allons maintenant voir que l’égalité amène à l’individualisme et à la passivité.