L'histoire des États du monde entier est jalonnée de coups d'États, de clans en lutte pour la mainmise sur le pouvoir central. Qu'on se souvienne, en France, des différentes familles qui se sont passées le pouvoir central. Charolingiens, Mérovingiens, Capétiens, Valois, Bourbons... L'histoire des dynasties françaises est inintéressante car beaucoup trop sinueuse ; et si ce n'est le nom de grands monarques qui ont réussi à stabiliser leur pouvoir comme Charlemagne, Louis XIV, ou encore Napoléon, personne ne s'ennuie à retenir le nom de tous ceux qui se sont cédés la couronne de France, tant ils sont nombreux.
Une rupture a lieu lors du renversement de la monarchie et de l'établissement de la République. Le pouvoir n'est alors plus donné à qui sait l'arracher, il est donné à qui sait le mieux le réclamer. La République place le chef de l'administration sous tutelle de ceux qu'il administre. Elle crée un lien d'interdépendance.
C'est cela la grande avancée politique de la République. Et aujourd'hui, quiconque fomenterait un coup d'État, aurait moins de légitimité que celui qui est élu, et, sans légitimité, aurait incroyablement plus de difficulté à se faire obéir.
Pourtant il ne faut pas être dupe non plus. La République met certes le chef de l'Etat sous tutelle des citoyens, mais la capacité de ceux ci à choisir leur chef est entravée par le processus électoral, qui tend à être kleptocratique. De ce fait, les figures capables de concourir à la fonction de président de la République ne sont pas bien nombreuses. Demain, nous savons déjà qu'un citoyen inconnu du grand public et sans assise dans les cercles du pouvoir, ne sera pas élu président. Les élections sont en quelques sortes déjà courues avant d'être jouées. Si nous ne savons pas les noms de ceux qui présideront, nous savons d'où ils viendront, nous pouvons prédire leur étiquette politique également.
Et c'est ce caractère kleptocratique de la République qui invite certains États totalitaires à se dissimuler sous un voile républicain. Ainsi en est-il par exemple de l'Algérie, qui a vu le président Bouteflika élu en 1999 avec 74% des voix, reconduit en 2004 avec 85% des voix, puis à nouveau en 2009 avec 90% des voix, alors même que la constitution interdisait un troisième mandat. Puis élu en 2014 avec 81% des voix, avant de démissionner en 2019 sous la pression des manifestations populaires. Pourtant c'est toujours l'État profond Algérien qui tient le pouvoir, avec à son sommet l'armée.
On peut également prendre l'exemple du président de Djibouti, élu en 1999, puis réélu en 2016 avec 87% des voix, n'hésite pas à empêcher toute forme de contestation en limitant la liberté de la presse et en chassant l'opposition.
Le cas de la Russie est tout aussi éclairant. Une république ne peut exister que si le système électoral est équitable, c'est à dire que si la liberté de la presse est garantit une couverture égalitaire des propositions de chaque candidats aux élections, mais également la délivrance d'une information non biaisée à la population. Cette liberté n'est possible que si le pouvoir médiatique est indépendant des autres pouvoir, et n'est pas à la botte d'intérêt privés.
Ainsi, plus de démocratie, c'est à dire la recherche de plus d'équité dans le processus électoral, mais également la lutte contre la collusion entre les pouvoirs administratifs, législatifs, judiciaires, bancaires, industriels et médiatiques, c'est à dire la lutte contre la corruption, est toujours un mieux vers lequel il faut chercher à tendre. Cette démocratie est autant garante de la stabilité du régime face aux luttes entre différents clans pour la mainmise sur le pouvoir, que de l'utilisation du pouvoir à des fins de soumission à l'intérêt de tous.
On peut alors voir d'un mauvais œil la concentration des richesses qui a cour ces dernières décennies dans les républiques des pays occidentaux.
Voici la croissance auxquels ont été confrontées les populations des pays occidentaux selon leur niveau de vie entre 1980 et 2016 :
Ce graphique n'est pas le signe d'une politique allant dans le sens des intérêts de tous. On voit bien que les intérêts des plus puissants sont favorisés. Ceci devrait amener chacun d'entre nous à remettre en cause les défaillances de nos républiques. La concentration des médias dans les mains d'une poignée d'industriels ultra-riches n'est pas signe de bonne santé d'une nation. Le renforcement des flux entre administration publique et entreprises privées, aussi appelé pantoufflage, ne l'est pas plus. La loi organique de 2016 contraignants les élus à rendre publics leurs parainages pour les fameuses 500 signatures requise pour pouvoir se présenter à l'élection présidentielle va dans le mauvais sens car elle augmente le risque de pression sur les élus afin d'obstruer le parrainnage de tel ou tel candidat. La loi des 500 parainages elle même est une loi kleptocratique. Il en va de même de la loi du 25 avril 2016 introduisant une modification des contraintes de médiatisation de l'élection présidentielle. Là où les candidats les plus modestes bénéficiaient d'un temps de parole égal à celui des favoris pendant un mois, ils n'y auront droit désormais que pendant 15 jours seulement.
On pourrait aligner les exemple du mauvais sens dans lequel se dirige la République française. Pourtant, si ce n'est pour une oligarchie qui détient déjà le pouvoir mais se voit encore trop contraintes par des institutions mettant leur arbitraire sous contrôle d'instances indépendantes, nous avons tous à perdre de cette politique.