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Sujet : Que font les mecs qui bossent dans des gratte ciel ?
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TouhouMusic6
Niveau 10
20 novembre 2019 à 05:13:39

Je pose la question ici, j'aurais peut être + de chance d'avoir des réponses sérieuses.

Que font les mecs qui bossent dans des gratte ciel ? Et qui bossent dans des bureaux en général ? C'est quoi leur rôle dans la société, leur utilité concrète ?

Un agriculture, je comprends concrètement ce qu'il fait: il cultive des fruits et légumes par exemple qu'il va vendre à des clients qui vont se nourrir avec. Un distributeur aussi: on va dire qu'il gère les camions qui vont déplacer les différents produits.

Mais les commerciaux ? Le monde de la finance ? Tout ces mecs qui bossent dans des gratte ciel par exemple à la défense ? Entouré d'ordinateur, de paperasse et de chiffres. Ils servent à quoi concrètement ? Ils font quoi concrètement ?

Perso, je vois pas pourquoi on pourrait pas tout supprimer. Une entreprise ça produit des produits par des mecs spécialisé dans ça (comme des artisans) et après t'as le directeur qui pourrait tout gérer. Je vois pas à quoi ça sert tout ça.

haecceity
Niveau 10
20 novembre 2019 à 07:38:27

Ils produisent le mieux la richesse https://image.noelshack.com/fichiers/2016/38/1474755106-risitas745.png

Ils reproduisent leur Capital https://image.noelshack.com/fichiers/2016/46/1479602608-jesuscommuniste3.png

Ils investissent et créent de l'emploi https://image.noelshack.com/fichiers/2016/38/1474755106-risitas745.png

Ils exploitent les prolos https://image.noelshack.com/fichiers/2016/46/1479602608-jesuscommuniste3.png

-The[Flash]-
Niveau 10
20 novembre 2019 à 10:41:46

Ils exploitent les gens les plus utiles (les agriculteurs par exemple, qui font ça par passion et qui produisent calmement des produits de qualité) pour gagner du fric, du fric, du fric.

quelquundautre
Niveau 18
20 novembre 2019 à 15:27:01

Cela dépend des entreprises. Prenons les trois plus grandes tours de La Défense.

Tour First, 159m en 1974 ,231m en 2011
https://fr.wikipedia.org/wiki/Tour_First
Cabinet d'audit et conseil EY (Royaume-Uni) : une branlée de consultants de tous poils (ingénieurs, juristes, économistes, etc.) embauchés par tout type d'institution pour répondre à tout type de question. Par exemple purement fictif, un ministère de la santé quelconque souhaite revoir sa gestion des ambulances et désire une étude sur quel modèle adopter (public, privé, quelles embauches, quelles centrales, etc.).
Société d'assurance et crédit Heuler Hermes (France), propriété du groupe Allianz (Allemagne) : peut-être quelques traders, probablement beaucoup de financiers pour gérer les différentes lignes, peut-être aussi une plateforme d'appels ?
Laboratoires Expanscience (France) : siège social donc toutes les fonctions administratives, cadres supérieurs finances / RH / comité de direction etc.

Tour Majunga, 195m en 2014
https://fr.wikipedia.org/wiki/Tour_Majunga
Bureau de gestion d'actifs Axa Investment Managers (France) : gestion d'actifs donc investissements pour le compte de clients (institutionnels principalement je suppose) donc analyses économiques, recherches de bons placements, etc. Financiers en somme, des traders .
Cabinet d'audit et conseil Deloitte (Etats-Unis) : pareil qu'EY.

Tour Total, 190m en 1985
https://fr.wikipedia.org/wiki/Tour_Total_(Coupole)
Industrie pétrolière Total (France) : les RH, les juristes, les financiers, les relations publiques, la direction, et probablement des départements d'ingénieurs en diverses fonctions (prospection, contact avec les plateformes existantes, gestion des flux). Je ne pense pas que la recherche et développement y soit, l'industrie pétrolière doit avoir besoin de laboratoires scientifiques et je ne les imagine pas à La Défense.

Bonus : Tour Montparnasse, 210m en 1973
https://fr.wikipedia.org/wiki/Tour_Montparnasse
Groupe LFPI, gestionnaire d'actifs (France) : pareil qu'Axa Investment Manager, gestion d'investissements donc achats et reventes de divers produits financiers.
La mutuelle MGEN (France) : historiquement mutuelle de la fonction publique ouverte à tous en 2015, donc là aussi les fonctions supports ainsi que la gestion des affaires courantes.
Y se sont succédé plusieurs QG politiques, dont celui de la campagne de Macron en 2016, et depuis 2018 on trouve le mouvement de Benoit Hamon. Également l'Ordre des Architectes.

Maintenant sur l'utilité de toutes ces petites gens... Et bien oui ils sont utiles. On critique le monde de la finance, on pense qu'il ne sert à rien, mais ce n'est pas vraiment vrai. C'est un parasite utile, ou en tout cas qui s'est rendu utile voire indispensable dans notre société de consommation. Le plus évident car le plus accessible c'est le crédit au particulier (consommation et immobilier principalement) qui permet à n'importe qui d'avoir accès à un certain confort de vie. Mais il y a aussi toute la finance d'entreprise qui permet (ou doit permettre) l'innovation et le développement. Ces crédits n'ont pas nécessairement besoin du monde de la finance et du marché secondaire (celui des produits financiers abstraits), mais ce même marché secondaire a amélioré l'accès aux prêts pour tous. Les financiers, les traders, avant de faire de l'argent dans leur coin avec leurs primes, ils font d'abord de l'argent pour leurs clients.

Quant aux cabinets d'études et d'audit, là c'est pareil. J'ai quelques amis ingénieurs qui planchent sur des questions dont ils ne connaissent rien : voir un ingénieur en finance plancher sur le modèle des ambulances c'est absurde, mais pourtant c'est ce qu'il se passe. Personnellement, j'ai eu un stage dans un cabinet d'études tout petit et spécialisé, je peux te dire que les réponses faites étaient assez arbitraires et souvent les employés étaient complètement détachés du secteur dans lequel ce bureau était spécialisé (dans le sens où je pense que les clients auraient mieux répondu aux questions posées s'ils avaient eux-mêmes alloué des salariés à la question). Mais là aussi les cabinets ont su se rendre incontournables car ils permettent aux entreprises de déléguer des questions considérées comme annexes ; de plus les cabinets du Big Four (KPMG, Deloitte, EY, PwC) mais aussi d'autres comme BCG trustent complètement le marché du travail des diplômés de grandes écoles. On le trouve ici sur Wikipédia : https://fr.wikipedia.org/wiki/Conseil_en_strat%C3%A9gie#Processus_de_recrutement_et_%C3%A9coles_cibles_des_cabinets_de_conseil_en_strat%C3%A9gie . Mais pour avoir fait moi-même une grande école, je vois que beaucoup d'ingénieurs ou sciences pistes se pointent sans réfléchir dans ces cabinets, y passent quelques années et amassent un sacré fric pour appliquer non pas leur savoir mais leur méthode de travail. C'est en train de devenir un automatisme, à titre d'exemple j'ai récemment reçu une invitation de mon ancienne école à une conférence au titre évocateur : "le conseil, une obligation en fin d'études ? ". Le plus triste pour en terminer sur le conseil, c'est que bien souvent les jeunes diplômés qui y foncent se font chier et ne trouvent pas de sens à ce qu'ils font. C'est vrai quoi, se casser le cul à avoir une mention très bien au BAC, ensuite en chier pendant deux ans en prépa, tout ça pour dire où il faut mettre une station d'ambulances en Corrèze...

Après sur les RH (ressources humaines), bon, je suppose que chaque grande entreprise est bien forcée d'avoir un personnel dédié. Le problème à mon sens, c'est qu'il existe aujourd'hui des diplômes en RH, et beaucoup d'entreprises externalisent ces fonctions en faisant appel à des cabinets spécialisés en RH qui travaillent sur tout genre d'embauche. C'est un problème, parce que du coup on se retrouve à passer des entretiens avec quelqu'un qui connaît encore moins bien le travail auquel on postule, c'est un comble. Pour les cinéphiles, la pire aberrance des RH a été portée à l'écran par le film In the air où George Clooney parcourt les Etats-Unis pour aller virer des gens à la place des patrons de ces entreprises clientes du cabinet où travaille Clooney.

Quant aux juristes, on parle là des spécialistes en propriété intellectuelle, en droit des entreprises, bref une armée d'avocats qui ne sont souvent même pas avocats (souvent, embauche sans barreau ; le barreau n'est obligatoire que pour prendre place au tribunal). Ces armées protègent les entreprises, et font aussi office d'offensive et sont parfois fort utiles pour gagner de l'argent (optimisation fiscale, procès lucratifs, etc.). Ils peuvent faire partie d'un cabinet extérieur, mais souvent les entreprises leur confient des informations confidentielles et préfèrent donc disposer de juristes à leur disposition car confinés au secret et punissables plus facilement en cas de lanceur d'alerte.

CHAT0N_BARBARE
Niveau 10
20 novembre 2019 à 16:45:26

Ta réponse et très complète ; c'est certainement l'un des postes les plus intéressant posté sur ce forum depuis des années.

Tu es dans quel secteur ojd toi ?

Et je souligne que tu mets en avant finalement ce qu'on pourrait appeler la bureaucratie du capitalisme..

balavo105
Niveau 5
20 novembre 2019 à 17:04:16

Bah des bureaux, entreprises etc, donc bcp plus utiles que toi

quelquundautre
Niveau 18
21 novembre 2019 à 13:54:26

Le 20 novembre 2019 à 16:45:26 CHAT0N_BARBARE a écrit :
Ta réponse et très complète ; c'est certainement l'un des postes les plus intéressant posté sur ce forum depuis des années.

Tu es dans quel secteur ojd toi ?

Et je souligne que tu mets en avant finalement ce qu'on pourrait appeler la bureaucratie du capitalisme..

C'est flatteur, je t'en remercie. Mais attention quand même à ne pas balancer les tares de la bureaucratie sur le capitalisme. On a tendance à l'oublier, mais la bureaucratie administrative souvent décuplée dans les régimes socialistes a certains traits communs. Je n'ai pas vécu dans un Etat du bloc communiste, donc j'ai du mal à en savoir autant, mais je viens de lire un article sur l'Allemagne de l'Est dans laquelle les fonctions publiques étaient là aussi un débouché automatique pour les diplômés d'alors. Je n'ai rien contre l'Etat providence, au contraire, mais beaucoup de dérives ont été observées. Probablement les mêmes que dans le privé, mais à une échelle beaucoup plus importante, à l'abri de la justice car public, et sur les frais du contribuable, donc très discutable. Puis en France, tout le monde connaît les administrations gargantuesques blindées d'incompétents, ce n'est pas un mythe. Mais l'opposition en fait un mythe pour s'en séparer sans ménagement, ce qui est tout aussi regrettable.

La question porte en fait sur la bureaucratie dans son ensemble. Bien sûr, on peut leur casser du sucre sur le dos parce qu'ils ne produisent pas de légumes, ils ne fabriquent pas de mobilier, ils ne construisent pas de ponts, etc. Il faut distinguer deux genres d'emplois de bureau, les fonctions support et les fonctions premières immatérielles. Ces dernières ont un sens établi souvent, notamment la finance. On peut les critiquer par idéologie, mais leur fonction est première et pas annexe. Les fonctions support donc (RH, gestion administrative, droit d'entreprise) sont probablement les plus abstraites, mais elles naissent naturellement lorsqu'une entreprise se développe. J'ai un ami qui a ouvert son cabinet d'architecture, il bosse énormément avec un associé, ça marche assez pour s'ouvrir un peu. Il m'expliquait qu'au début ils n'avaient pas les moyens d'embaucher quelqu'un et prenaient donc des stagiaires de six mois, moins couteux qu'un employé fixe. Or il s'est rendu compte qu'avec des stagiaires il passait énormément de temps à les former et les aider, et ne consacrait qu'un dixième de sa journée à son travail réel. Plutôt que d'embaucher trois stagiaires, il songe désormais à employer un fixe qui serait chargé des fonctions support (un secrétariat donc), comme ça il se consacrera à ce que faisaient les stagiaires et sera trois fois plus rapide, et ne perdra plus de temps à s'occuper des comptes et des contrats. La fonction support est indiscutablement utile, et pourtant on parle bien d'un employé qui ne va rien produire de ses mains, et qui aura le même profil et la même fonction que toutes ces fonctions support que l'on trouve dans les tours.

Là où on peut critiquer, c'est quand la machine devient trop grosse. J'ai travaillé pour une grande entreprise avec une fonction bien établie, et pourtant quand on regarde son organigramme, les départements qui s'occupent directement du but premier de l'entreprise sont presque minoritaires tellement les fonctions support sont importantes pour cette entreprise. Je pense que ces départements support sont un peu trop gros, on pourrait écrémer si on pense en termes de chiffres, de temps de travail, etc. Seulement, en écrémant cela va faire peser plus de poids sur les épaules de ceux qui restent en fonction support et de ceux qui n'ont pas pour objectif premier de s'occuper de ces fonctions supports. (J'ai l'impression de m'emmêler dans mes mots). Avoir de gros départements dédiés aux fonctions supports permet d'alléger les épaules de tous, ceux des fonctions premières car ils peuvent s'y concentrer, et ceux des fonctions supports car s'ils sont en sous-effectifs ils peuvent souffrir d'une surcharge de travail et de la pression des cadres attelés aux fonctions premières qui ont besoin d'eux souvent de manière instantanée. Puis enfin, argument non négligeable, dans notre société désindustrialisée et où les métiers manuels périclitent et sont parfois pas très bien vus, ces fonctions supports garantissent tout de même l'alimentation en emplois du marché du travail. Et ces emplois recouvrent une large partie du spectre de la qualification professionnelle, vu qu'ils concernent des fonctions diverses et variées.

Cela ressemble à une bureaucratie de capitalisme, vu qu'elle suit le développement d'une entreprise un peu sur le mode "marche ou crève", une entreprise qui ne se développe plus est vouée à l'échec. Mais le phénomène est à peu près le même dans ses finalités quand on parlait de grandes entreprises publiques, c'était même pire vu qu'elles grossissaient moins par besoin interne et plus par besoin de donner du travail à tout le monde. Honnêtement, même si j'ai pour habitude de défendre le public, entre une entité privée qui recrute par besoin interne et une entité publique qui recrute par "besoin externe" (embaucher pour embaucher), je trouve que la logique de l'entité privée est plus honorable et plus pérenne.

Mais pour en revenir à la critique donc, souvent ces fonctions supports sont tellement développées qu'on en vient à observer des effets pervers : des départements juridiques qui deviennent fonctions premières car on peut réellement dégager des revenus avec ça (exemple, même si sur ce coup ça a raté : https://www.la-croix.com/Economie/Monde/Big-Mac-petite-entreprise-irlandaise-gagne-contre-geant-McDonalds-2019-01-16-1200995778) ; des départements de secrétariat tentaculaires qui finissent par ralentir les fonctions premières tant ils sont devenus complexes et procéduriers ; quand les RH recrutent pour un poste à la place de celui qui travaillera directement avec la personne employée, sur des sujets méconnus des RH ; puis tout simplement on peut se demander ce qu'il se passe quand ces fonctions supports engloutissent des coûts de plus en plus élevés au point qu'on pourrait se demander si leur rentabilité finale est toujours constatée ; etc.

Autre réflexion quand même sur l'objet du gratte-ciel : son atout est de densifier les zones de travail. Bien sûr il y a un intérêt phallique, "regardez-moi j'ai la plus grosse". Mais avant tout il s'agit de regrouper des personnes qui travaillent ensemble. La Tour Total regroupe tout le bordel, les entreprises qui y sont travaillent souvent ensemble, donc c'est un gain en efficacité et en temps que de pouvoir se rencontrer rapidement.

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Sujet : Que font les mecs qui bossent dans des gratte ciel ?
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