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Sujet : Le fonctionnement de la création monétaire et ses vicissitudes
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CHAT0N_BARBARE
Niveau 10
23 janvier 2020 à 18:36:19

L'une des caractéristiques principales du capitalisme est d'être une économie monétaire. Cette caractéristique entraîne l'existence d'une contrainte budgétaire chez chaque agent économique. Que ce soit les ménages, les entreprises, ou les États, ceux-ci ne peuvent continuellement dépenser plus que ce qu'ils gagnent. Ils peuvent bien s'endetter, ce qui correspond à une consommation temporairement supérieure à leurs revenus permise par l'étalement de leurs paiements dans le temps ; mais ils ne peuvent s'endetter continuellement car ils font face à des contraintes de solvabilité (la valeurs totale de leurs actifs ne peut être inférieure à la valeur de leurs dettes, du moins pour les entreprises) et de liquidité (ils doivent respecter leurs engagements en temps et en heures, en ce qui concerne le paiement des intérêts de leurs dettes, ou l'échéance de remboursement de celles-ci par exemple).

On voit ainsi comment la contrainte budgétaire est au cœur même du fonctionnement du capitalisme, et de la nécessité pour les agents de gérer leurs budgets rationnellement au risque d'être mis en redressement judiciaire. Mais cette contrainte budgétaire nous amène nécessairement à nous questionner sur la création monétaire puisque un assouplissement de la contrainte budgétaire globale des agents économiques, requis par exemple par une offre plus large de biens et services disponibles correspondant à la croissance, nécessite l'élargissement de la quantité de monnaie.

 

Mais qui dispose donc du pouvoir de création monétaire ?
Il s'agit des banques commerciales, ainsi que des banques centrales. Les banques centrales (Fed, BCE et ses antennes nationales comme la BDF par exemple, etc...) émettent les billets et les pièces, tandis que les banques commerciales (Société générale, Banque populaire, etc...) créent la monnaie fiduciaire, cette monnaie électronique que vous utilisez de plus en plus lorsque vous faites vos achats par tout autre moyen que les pièces et les billets. La monnaie centrale, c'est à dire les pièces et les billets, ne représentent qu'à peine 8% de la monnaie utilisée par les agents économiques lambdas. Les banques commerciales créent de leur côté la monnaie fiduciaire lorsqu'elles octroient des crédits à leurs clients.
Cependant pour créer de la monnaie fiduciaire, les banques commerciales doivent se soumettre à certaines contraintes. Elles doivent respecter un ratio de réserves obligatoires, c'est à dire qu'elles ne peuvent émettre plus de 100 fois la quantité de monnaie que la quantité de monnaie centrale dont elles disposent dans leurs réserves.

La monnaie centrale est la monnaie créée par les banques centrales.
Les banques commerciales ne s'échangent que de la monnaie centrale entre elles. Lorsque vous faites un virement vers le compte d'une tierce personne qui n'est pas dans la même banque que vous, votre banque effectuera une transaction en monnaie centrale vers la banque de cette personne. La monnaie fiduciaire n'a donc cours qu'entre les clients d'une même banque commerciale.

Pour se procurer la monnaie centrale, les banques commerciales peuvent l'emprunter auprès de la banque centrale, mais elles doivent lui payer un intérêt, qui est le taux de facilité de prêt marginal. Généralement, les banques commerciales empruntent cette monnaie centrale aux autres banques commerciales sur le marché inter-bancaire, car celles-ci se prêtent leurs excédents de monnaie centrale à un taux inférieur à celui proposé par la banque centrale.
D'autre part, les banques commerciales disposent donc de réserves de monnaie centrale, comme il l'a été précisé, et ces réserves sont rémunérées par la banque centrale au taux de facilité de dépôt (pour les réserves obligatoires) et au taux de refinancement (pour les réserves excédentaires).

Les trois taux évoqués sont les taux directeurs de la banque centrale pour piloter la création monétaire par les banques commerciales, et donc le taux d'inflation dans l'économie.

Cependant un problème est intervenu avec la crise de l'euro : la BCE a abaissé ses taux directeurs au plancher, mais les banques commerciales refusaient de délivrer de nouveaux crédit à l'économie. De ce fait la zone euro entrait dans une phase de désendettement. Or comme la dette est précisément de la monnaie fiduciaire ainsi que nous l'avons expliqué, la masse monétaire de la zone euro commençait à se réduire.
Une masse monétaire en réduction est synonyme de resserrement de la contrainte budgétaire globale, donc des dépenses et revenus globaux et de l'activité économique en générale, et fait donc craindre un risque de récession.
Vous pouvez visualiser la contraction des crédits en zone euro sur les graphiques G4 et G5 de cette page :
https://publications.banque-france.fr/sites/default/files/medias/documents/bdf211_mai-juin-2017_web.pdf#page=49

Pour contrer ce risque déflationniste et récessioniste, la BCE a dû inventer de nouveaux outils puisque ses outils traditionnels, les taux d'intérêts, avaient montré leurs limites. La BCE s'est donc lancée dans des programmes d'assouplissement quantitatif, ou quantitave easing, QE.

Le QE consiste en l'achat par la banque centrale d'actifs détenus par les banques commerciales. Pour l'essentiel ces actifs étaient des titres de dette publique détenus par les banques commerciales.
Le QE correspond donc à l'injection de monnaie centrale à disposition des banques commerciales, et cette délivrance de nouvelles liquidités est censée ainsi accroître leur disposition à octroyer de nouveaux crédits aux agents économiques.
https://abc-economie.banque-france.fr/sites/default/files/medias/quantitative-easing_gr1.png
Par la même occasion le QE accroit la sûreté des titres de dettes publiques, puisqu'il vient garantir son rachat par la banque centrale. De ce fait les taux d'intérêt que payent les États sur l'émission de leurs titres de dette se sont réduits.
https://abc-economie.banque-france.fr/sites/default/files/medias/quantitative-easing_gr2.png
Ce dernier point favorise la dépense et l'endettement publique pour contrecarrer la contraction des dépenses globales et le désendettement de l'économie.

Par ailleurs, il est à noter que les taux de facilité de dépôt sont devenus négatifs à partir de 2014 également. C'est à dire que lorsque les banques commerciales conservent des réserves excédentaire de monnaie centrale (donc supérieur aux 1% de réserves obligatoires), elles voient le volume de ces réserves fondre progressivement. L'objectif de ces taux négatifs est donc de pousser les banques commerciales à ne pas garder leur monnaie centrale, et au contraire à les faire circuler dans l'économie par l'octroie de nouveaux crédit et l'investissement dans l'économie réelle. Or les banques commerciales semblent préférer acheter des titres de dette publique (actifs les plus sûrs), que d'investir dans le reste de l'économie. De ce fait, les taux d'intérêt que payent les États les plus vigoureux de la zone Euro sont eux mêmes devenus négatifs puisque toutes les banques commerciales se battent pour racheter leurs titres de dette : https://abc-economie.banque-france.fr/sites/default/files/medias/mot-actu-taux-int-nega-img-1.png
Par ailleurs, les banques commerciales conservent également de grandes quantité de liquidité (2000 milliards d'€) sur leurs comptes à la BCE, malgré des taux négatifs là aussi.

https://abc-economie.banque-france.fr/sites/default/files/medias/documents/l-eco-en-bref-politiques-monetaires-non-conventionnelles-2019-02-21_0.pdf

Ces politiques d'assouplissement de la contrainte budgétaire globale par augmentation de la quantité de monnaie en circulation semblent toucher leur cible. Le crédit au secteur privé français est très dynamique. Il est si dynamique que le secteur privé français est devenu le plus endetté de la zone euro, et que le ministère des finances s'en est inquiété et a décidé d'augmenter le coussin de fond propre (la ratio de capital par rapport aux dettes) des banques commerciales, ne craignant qu'une bulle se constitue.

https://www.latribune.fr/entreprises-finance/banques-finance/envol-de-la-dette-privee-bercy-somme-les-banques-de-faire-des-reserves-811074.html

Les bulles tiens ; c'est peut-être le revers des politiques du QE. Certains s'en inquiètent.
Il ne semble pas qu'une bulle se soit reformée sur l'immobilier :
https://data.oecd.org/chart/5OQe
Cependant ce constat n'est pas bien sûr pour le marché des actions qui semble être totalement en roue libre :
https://data.oecd.org/chart/5OQh

ruby_gnole
Niveau 9
23 janvier 2020 à 21:00:59

Petite rectification : les banques commerciales créent de la monnaie scripturale, par des écritures comptables. La monnaie fiduciaire est celle créée par les banques centrales (billets, pièces).

Question : comment les banques centrales arrivent à déterminer la quantité de monnaie qui doit être mise en circulation ? Est-ce qu’elles font des projections sur l’offre ? C’est plutôt proactif ou réactif ?

Autre question : les banques centrales financent-elles les gouvernements ? Les fonctionnaires sont payés comment ? L’état a-t-il un compte dans chaque banque commerciale ?

CHAT0N_BARBARE
Niveau 10
23 janvier 2020 à 22:54:05

A la relecture j'ai fait plusieurs erreurs, comme celle que tu soulignes par exemple. D'autre part le taux de facilité de dépôt rémunère les réserves globales. Il n'existe pas un taux pour les réserves obligatoire et un autre pour les réserves excédentaires.
Le taux de refinancement est le taux d'intérêt que fait payer la BCE aux banques commerciales lorsque celles ci lui empruntent de l'argent à 7j ; alors que le taux de prêt marginal est le taux pour des emprunts à 24h.
La liquidité à 24h est plus cher, donc le taux de refinancement est moins cher que le taux de prêt marginal.
Le taux de facilité de dépôt, lui, est bien le taux auquel sont rémunérées les réserves des banques commerciales constituées auprès de la banque centrale. Puisque ce taux est négatif en ce moment, les banques commerciales qui déposent des réserves à la banque centrale voient cet argent fondre progressivement.
https://www.ecb.europa.eu/explainers/tell-me/html/marginal_lending_facility_rate.fr.html

Par ailleurs j'annonce le rehaussement du ratio de fonds propres pour les banques sans expliquer de quoi il s'agit.
En fait les banques sont les pros des effets de levier, c'est à dire qu'elles s'endettent énormément pour faire des investissements, ce qui fait que leur bilan comptable est constitué d'énormément de dette et très peu de capital. De ce fait elles sont très vulnérables à de retournement brutaux de conjoncture économique, par exemple lors de l'explosion d'une bulle où énormément d'actifs perdent brutalement de la valeur.
Or comme les banques sont des institutions systémiques, on ne peut les laisser faire faillite. Pour prévenir la faillite des banques, le législateur à instaurer un cousin contracyclique de fonds propres. Lorsque la croissance du crédit est trop prononcée, ce qui est un signe régulier de formation d'une bulle financière, la banques doivent augmenter leur ratio de capital sur dette. Le rehaussement du ratio de fond propres est donc signe d'une crainte quant à la constitution d'une bulle au Haut conseil à la stabilité financière.
https://publications.banque-france.fr/sites/default/files/medias/documents/bdf211_mai-juin-2017_web.pdf#page=62

Par ailleurs je n'ai pas vraiment de réponse aux questions que tu poses. Faudrait que je me renseigne. A priori par contre je pense que la politique de la BCE est dictée par des prévisions qui sont rectifiées par les observations, donc on peut pas faire de dichotomie pro-actif ou réactif.

Francocuck
Niveau 7
23 janvier 2020 à 23:27:14

Et pourtant pour la première fois, l'augmentation de la masse monétaire n'a pas créée d'inflation, on doit stagner à 1,2% pour la France en 2019.
Peut être que Lagarde nous sortira un hélicoptère de son chapeau pour relancer tout ça :noel:

Pour les fonds propres des banques commerciales, les accords Bâle III considèrent que sont des fonds propres :
Les bénéfices non distribués, capital social, réserves, intérêts des filiales auxquels ont peut rajouter des emprunts subordonnés. C'est juste de l'information gratuite comme ça, ça ne change rien à ce que tu as dit.

@ruby_gnole, la BCE a un objectif d'inflation de 2% pour cela elle dispose des moyens que Chaton_Barbare a mentionné. Chaque mois il y a des prévisions d'inflation pour les mois à venir et la BCE pourra donc prévoir des actions correctives. Le problème c'est que le non conventionels ne fonctionnent pas efficacement. Draghi a déjà injecté pas loin de 2600 milliards d'euros en 8 ans sans succès. En plus l'Allemagne accuse la BCE de directement financer les dettes des États (France, Espagne, Italie...). Pour les obligations d'Etats, on a 2 marchés :
- le marché primaire où les États émettent leurs obligations, elles sont rachetés par des spécialistes en valeur du trésor (banques commerciales homologués)
- le marché secondaire où la BCE va racheter les dettes aux banques commerciales, mais aussi des investisseurs privés, des "Hedge Fund".
La BCE a l'interdiction de venir sur le marché primaire mais en rachetant de manière importante les dettes sur le marché secondaire, elle encourage les États à s'endetter puisqu'il y aura toujours de la demande.

CHAT0N_BARBARE
Niveau 10
24 janvier 2020 à 00:26:40

C'est vrai que comparé à la quantité phénoménale de liquidité injecté par la BCE (pas loin de 50% du PIBC de la zone euro je crois), on ne puisse pas dire que le QE ai remplit la fonction qu'on lui assignait. D'ailleurs il me semble que la déflation n'a disparue que plusieurs années après le lancement du QE en 2014, vers 2016-2017. Par contre il semble bien que la menace de la déflation s'éloigne de nous

CHAT0N_BARBARE
Niveau 10
24 janvier 2020 à 23:58:52

Aie, j'ai dis encore une fois une semi-bêtise.
Oui les banques d'investissement sont les "pros" du LBO, cette pratique qui consiste à acheter du capital avec peu de trésorerie et beaucoup de dette, et qui est rentable car les revenus générés par le capital ainsi acheté seront plus élevés que les intérêts versés à nos créanciers ayant permis l'acquisition de ce capital.
Donc les banques d'investissement ont des niveaux de dette très élevés, surtout par rapport à leurs fonds propre (constitués par les bénéficies non redistribués et mis en trésorerie ou réinvestis, ainsi que par les apports innitiaux lors de la prise de participation par les actionnaires).
De ce fait, elles sont en effet, comme je l'ai dis, très fragiles en cas d'éclatement d'une bulle spéculative par exemple et donc de volatilité extrême du prix de certains actifs.
Les "coussins de fonds propres" établis par les accords de Bâle viennent donc augmenter le ratio de fonds propres/dette des banques, justement pour leur permettre d'encaisser le choc par leurs fonds propres, auquel cas sinon elles sont juridiquement en état de faillite de solvabilité et mises en redressement judiciaire.

Cependant les coussins de fonds propres servent également pour l'activité banque de détail. Puisque lorsqu'une banque commerciale créée de l'argent en délivrant un crédit à l'un de ses clients, comptablement elle augmente son passif sans que ce ne soit considéré comme des fonds propres. Donc le ratio de fonds propres vient réduire la quantité de crédit que sont disposées à émettre les banques.

Francocuck
Niveau 7
25 janvier 2020 à 19:10:14

Avec Bâle III les fonds propres doivent être de 10,5% par rapport aux risques de crédit. Mais l'ACPR (Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution) peut imposer des coussins de 8% qui se rajoutent aux précédents.

Les crédits sont aussi pondérés selon des méthodes standard ou internes. Pour les crédits des banques centrales la pondération est souvent de 0%. Pour des États, cela dépendra de leurs notations d'après les célèbres Fitch, S&P ou Moody's. Quand on sait que ces derniers ont donnés de très bonne note à des CDS (Crédit Default Swap) constitué de subprime (crédit hypothécaire de mauvaise qualité) on peut mettre en doute leur travail. Peut être que les crédits des banques sont sûr-notés par rapport à la réalité mais ça on ne le découvrira qu'après.

Le problème des fonds propres exigibles c'est que cela peut resserrer le canal des crédits et donc réduire l'investissement et l'activité économique, ce que la BCE ne veut pas. D'un côté il faut rechercher un système plus résilient en cas de crise et de l'autre il faut continuer à financer et à stimuler l'activité, nous sommes face à un dilemme.

CHAT0N_BARBARE
Niveau 10
25 janvier 2020 à 19:49:53

Oui et justement comme le taux d'endettement du secteur privé est en croissance linéaire rapporté au PIB, ça fait craindre aux autorités la formation d'une bulle financière, donc elles ont augmenté le ratio du coussin de fonds propres exigé. Le lobby bancaire a fait jouer ses influences à l'assemblée Nationale et on a vu des députés ne savant pas vraiment de quoi ils parlent défendre la supression de ce coussin. Bon finalement les autorités ne sont pas revenues dessus, donc tant mieux.
Quoi que ce qu'il faudrait peut-être plutôt faire c'est réfléchir à des instruments pour empêcher directement la constitution de bulles sur les marchés financiers...

Les autorités ne savent pas trop quoi en penser à mon avis parce que leur indicateur principal pour repérer la constitution d'une bulle financière, c'est le "gal bâlois" ; ça correspond à l'écart entre la croissance du taux d'endettement rapporté au PIB et sa tendance de long terme. Or comme je le disais la croissance du taux d'endettement est linéaire et non exponentielle, donc le gap bâlois n'est pas très élevé à ma connaissance. Cependant on peut tout aussi bien assister à la constitution d'une bulle qui gonfle lentement. Le gap bâlois ne repère que les bulles qui se constituent rapidement.

À priori de toute façon lorsqu'on a un taux d'endettement rapporté au PIB qui croît, c'est que de l'argent créé (des crédits donc) ne sont pas venus irriguer "l'économie réelle" (le PIB) ; elle s'est accumulée dans le reste du circuit économique, sur le marché secondaire, qui n'est pas pris en compte dans le calcul du PIB. Donc la valeur d'actifs financiers ou l'immobilier d'occasion, a forcément pris de la valeur. Et vu l'indice de l'OCDE sur les cours boursiers en France que j'ai partagé, il est évident qu'on est face à une énorme bulle, qui ne devrait pas tarder à exploser d'ailleurs.

Oui franco cuck tu fais bien de rappeler que les fonds propres sont pondérés de leurs risques dans le cadre du coussin, et que la mesure de leurs risques peut très bien être sous estimée.
Pour évaluer le risque d'un actif on regarde l'historique de l'évolution de sa valeur, sa volatilité historique. Sauf que ça se base sur l'idée que l'évolution futur du prix de l'actif sera similaire à l'évolution passée de son prix ; ce qui n'est pas le cas lors de l'éclatement d'une bulle, où l'actif perd d'un seul coup énormément de valeur en très peu de temps.

CHAT0N_BARBARE
Niveau 10
20 mai 2020 à 23:47:24

https://blocnotesdeleco.banque-france.fr/billet-de-blog/la-monnaie-de-banque-centrale-na-rien-de-magique

Comme la banque centrale détient la dette publique et qu’elle appartient à l’État, ne serait-il pas possible d’effacer la dette publique détenue par la banque centrale sans incidence sur le bilan agrégé du secteur public ? La réponse est non.

1)Non seulement il est illégal d’annuler une dette souveraine dans la zone euro,
2) mais la banque centrale est également redevable d’intérêts sur les dépôts créés.
Lorsque la Banque de France achète une obligation d’État française auprès d’une banque française, elle crédite le compte de dépôt de cette banque sur ses livres. La Banque de France perçoit alors un revenu d’intérêt de cette obligation et verse un intérêt sur le dépôt créé.
Ce n’est pas un problème actuellement car le taux de rémunération des dépôts est négatif mais cela pourrait le devenir lorsque ce taux redeviendra positif. La banque centrale devra alors de l’argent sans avoir les revenus nécessaires pour le financer.

Il existe principalement deux possibilités pour remédier à ce déficit de revenu :

1) soit les transferts entre la banque centrale et l’État servent à absorber la perte,
2)soit la banque centrale rembourse en émettant de nouvelles réserves, la banque centrale devant émettre des volumes croissants de dépôts afin de payer les intérêts sur ses réserves existantes. Cela peut enclencher une spirale inflationniste.

Pour résumer l'argument, quand l'eurosystême achète de la dette publique, la banque centrale crédite le compte de la banque commerciale qui possédait ce titre de dette. Le dépôt créé doit ensuite être rémunéré par la banque centrale à hauteur du "taux de rémunération des dépôts".
Ces intérêts sont actuellement compensés par les intérêts que verse l'État au propriétaire du titre de dette. Or si cette dette est annulée, les intérêts adossés le sont également.
La banque centrale devrait alors continuer de verser un intérêt à la banque commerciale pour le dépôt crée, mais ne pourrait pas le compenser par l'intérêt que lui verse l'État pour la détention du titre de dette comme elle le fait actuellement.

Pourtant, ce qui me pose question quant à ce billet de blog, c'est que, en cas de retournement sur le taux des dépôts, la BCE pourrait tout aussi bien augmenter les taux auxquels les banques commerciales lui empruntent de l'argent ; ce qui n'est pas évoqué ici.

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Sujet : Le fonctionnement de la création monétaire et ses vicissitudes
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