Bonjour à tous
Après un premier jet, j'ai décidé de refondre et de réécrire le récit afin d'essayer de le rendre meilleur.
Et puis, il est temps peut-être que je retourne à quelque chose de vraiment sérieux.
Après quelques mois de retravail et de préparation, me voilà enfin lancé et voici donc le premier chapitre.
Je vous remercie d'avance pour la lecture et et les commentaires
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Chapitre 1 : L’erreur
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« A la fin des épreuves ! Et à notre avant-dernière année dans ce vieux bahut de merde ! »
Dans l’obscurité trouée uniquement par des projecteurs colorés, Luc reconnaissait la voix fédératrice de Matthieu. Il l’observait, dressé sur l’estrade de la salle multimédia, levant un verre à moitié vide d’une des boissons ramenées pour la soirée.
Les trois classes de Première l’imitèrent en poussant un cri de joie. Luc, à contrecœur, suivit le courant et leva également son verre. Contrairement aux autres, il n’avait pas de Coca, ni de Jus d’orange. Juste de l’eau. Il revenait tout juste des toilettes car personne n’en avait apporté.
La musique lui montait à la tête, la foule compacte et toujours en mouvement l’étouffait, et les lumières ne lui procuraient qu’un douloureux mal de tête. Son esprit saturait et rapidement, il se fraya un chemin vers la porte de sortie, serpentant entre ses camarades de classe et les autres élèves de Première. Dès que la porte claqua derrière lui, Luc prit une grande bouffée d’air frais qu’il expulsa calmement.
Il contempla l’école qui l’entourait, où il avait passé bientôt six ans de sa vie. La cour du collège s’allongeait dans l’obscurité mais les formes des bâtiments étaient toujours discernables. L’école avait quelques choses d’unique, il s’agissait d’un fait indéniable. Il s’agissait d’un vieux château aux briques rouges et brunes qui avait servi de couvent, puis d’école privée, avant de devenir public. Une aura mystérieuse se dégageait en permanence de la vétusté de l’ensemble des bâtiments. Il se laissa aspirer par la contemplation de l’une des petites tours au bout pointu lorsqu’une voix familière le réveilla.
« Ca va pas Luc ? demanda Esteban, assis sur quelques marches.
— J’avais vraiment besoin de sortir. J’en pouvais plus.
— Ca te tente, des cacahuètes ? »
Esteban lui tendit une assiette en carton sur lesquelles reposaient les biscuits apéritifs. Luc en prit un et remercia son ami. Il se rappelait l’arrivée d’Esteban, au début de l’année de seconde. Un garçon un peu gras mais toujours animé d’une joie de vivre qui le rendait sympathique aux yeux de tous.
« Pourquoi t’en as pris autant ? fit Luc avec un sourire en coin.
— Je me prépare au cas où y en aurait plus quand j’y retournerais. Il en reste ?
— C’était pas vraiment ma priorité de vérifier s’il restait de la bouffe. Tu saurais pas où est Esther ?
— Tu viens tout juste de la manquer, elle vient de partir aux toilettes. Pourquoi ?
— Pour rien… Je vais aller un peu me dégourdir les jambes. Marcher.
— Ouais ouais, ben bonne marche alors. »
Luc se soustrait à la compagnie de son ami pour s’enfoncer dans l’obscurité, les yeux levés vers le ciel. Il pouvait observer quelques étoiles tenir compagnie à la lune. Les gravats roulaient devant lui alors qu’il approchait de la porte vitrée des toilettes des filles.
Il vit brièvement Esther passer devant et son corps s’arrêta d’un coup. Il se rendit compte qu’il tenait là une chance incroyable… Et il fut pris de terreur à l’idée de la rater, comme toutes les autres.
Depuis la fin du collège, Luc ressentait quelque chose pour elle. Au départ, il pensait à de la gratitude, Esther avait été une amie exceptionnelle après la mort de sa mère, mais un désir plus profond s’était développé durant les vacances. Depuis le lycée, Luc n’arrivait pas à fermer l’œil sans avoir l’image d’Esther en tête. Malgré toutes les fois où il avait imaginé ce scénario, il se retrouvait démuni lorsqu’il devait se lancer dans la pratique.
Comment allait-il lui avouer son amour ? Allait-il juste s’avancer vers elle, discuter ? Ou peut-être que les mots ne suffiraient pas. Peut-être qu’il aurait juste à avancer vers elle et… Essayer de la prendre dans ses bras.
Esther poussa la porte des toilettes, et les pensées de Luc se dispersèrent.
« Qu’est-ce que tu fais là, Luc ? demanda Esther d’une voix douce.
— Je… Je marchais.
— Tout seul dans le noir ?
— T’as bien dû y aller, dans le noir, pour aller aux toilettes. »
Luc esquissa un sourire tandis qu’il se traitait d’idiot. Il commençait déjà à perdre ses moyens.
« Il fait froid, tu trembles. Viens, on va retourner avec les autres. »
Luc acquiesça. Retourner à la fête restait la dernière chose qu’il avait envie de faire, mais il se sentait obligé de l’accompagner. Il passa tout le trajet à admirer les cheveux blonds de son amie danser devant lui et la frustration s’accumulait à chacun de ses pas.
Finalement, Luc accéléra l’allure et dépassa Esther pour l’arrêter.
« Esther, j’ai…
— Hey ! Je te cherchais partout ! »
Son sang se glaça en entendant la voix de Matthieu dans son dos. Luc dut se forcer pour regarder son camarade de classe arriver vers eux. Son estomac se noua alors qu’il approchait. Que voulait cet imbécile ?
« Tu vas geler si tu restes dehors…
— Comme si tu en avais quelque chose à faire, envoya Luc d’un ton sec.
— Tais toi, Skeletor, répliqua Matthieu en fusillant Luc du regard.
— Matt ! »
L’intervention d’Esther surprit autant Matthieu que Luc. Le jeune lycéen crut nager en plein cauchemar. Matt ? Matt ?!
Avant même qu’il ait le temps de se poser des questions, il vit Matthieu commencer à serrer Esther contre lui avant de lui donner quelques baisers sur la joue. Luc ne comprenait rien à ce qu’il se passait. Comment ceci venait-il d’arriver ? Pourquoi Esther et lui… ?
Une voix dans sa tête lui hurlait de fuir, de s’évanouir dans la nuit, mais le corps ne répondit pas. Ses oreilles ne tardèrent pas à brûler et il sentait son visage rougir de divers sentiments qui menaçaient d’exploser à tout instant. Et pourtant, jamais il n’avait eu si froid.
« Je… je vous laisse seul. »
Il articula ces mots avec une incroyable fluidité, et sans attendre réponse, il détourna le regard et écouta enfin sa voix intérieure. Il s’éloigna le plus possible des deux amants, mais pas assez pour pouvoir ignorer les petites rires amoureux. Il se rapprocha de la salle multimédia, mais il préféra se diriger vers le mur. Ses jambes se dérobèrent sous lui, ses yeux s’humidifièrent et il s’étala lamentablement contre les briques froides.
« Ne pleure pas… Ne pleure pas… Ne pleure pas putain ! » se répétait-il en vain.
Il lui parut passer une éternité, assis sur les gravats, la tête contre le mur de la salle multimédia, à pleurer sur ses sentiments longtemps refoulés, sa couardise, ses rêves idiots d’un avenir avec Esther, et son cœur brisé en autant de morceaux qu’il n’y avait de cailloux sur la cour du collège et du lycée réunis.
Il avait l’impression de reposer dans une bulle isolée du monde et du temps. Une bulle qui éclata aussitôt lorsqu’il entendit quelques cailloux rouler près de lui.
Luc balaya ses larmes avec ses poings pour voir deux jambes devant lui.
« Qu’est-ce que tu fais, Luc ? »
Luc leva les yeux pour voir une main tendue dans sa direction. Il la serra et se laissa tirer par Grégoire, son plus vieil ami depuis qu’il était dans cet établissement.