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Sujet : [Avis] Le Projet Arion
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Spycho
Niveau 10
26 juin 2017 à 20:30:14

Bonjour tout le monde :)

Bon, j'étais déjà passé à quelques reprises en mode ninja pour glaner sournoisement quelques conseils, mais pour le coup je vais faire ça un peu plus proprement.
J'ai écrit pas mal de fics quand j'étais ado, mais ça fait un moment que je planche sur un vrai roman, en alternant pics d'écriture intense et période de vide absolu, autant dire que ça avance pas de façon stable. Mais bon, qu'importe, je suis de nouveau sur les rails, et pendant que je suis dedans, j'aimerais bien en profiter pour obtenir quelques avis globaux, histoire de les garder sous le coude quand je suis en train d'écrire.

En ce qui concerne le synopsis général du roman, je pars d'un concept assez basique qui fais que je me demande des fois si j'écris pas un roman de super-héros, ou en tout cas d'anti-héros. En gros, un gamin est affecté par une expérience top-secret, se retrouve avec des pouvoirs, fin comme je dis, classique.
En revanche, l'élément principal autour duquel mon histoire tourne, c'est que le virus à la base de tout ça finit par se doter d'une conscience propre, ce qui donne globalement deux entités vivant dans un même corps, l'une monstrueuse, et l'autre qui essaie tant bien que mal de rester humain.

Au final, le côté "anti-héros de comics", c'est surtout une toile de fond.
J'ai conscience que c'est un type d'histoire qui se destine pas à n'importe qui, d'autant plus que j'ai fait le choix de pas prendre de pincettes en terme de violence, physique comme psychologique, mais c'est un récit qui me trotte dans la tête depuis quelques années maintenant.

Donc voila, je pense pas poster l'intégralité de ce que j'ai écris sur ce topic, mais au moins le prologue + premier chapitre. Eventuellement, si quelqu'un souhaite se faire un avis un peu plus complet ou voir un peu plus où je veux en venir avec cette histoire, je pourrais en poster quelques uns de plus, faut dire que ça démarre pas tout de suite.

Par contre même prologue + chapitre 1 ça va être peut-être indigeste d'un seul coup, mais vous verrez rapidement, avec la forme que prend la majorité de mon prologue, je préfère mettre un chapitre pour aller avec, sinon difficile de se faire une idée.
Si une partie du récit vous dit quelque chose, c'est que j'en ai déjà posté un morceau y a quelques mois, sous un autre pseudo (ouais, la timidité ça me suis jusque sur les forums, faut pas chercher :noel: )

Et comme d'hab' je sais pas faire simple et concis, on va passer à la suite, ça ira mieux :o))
Toute réflexion sera la bien venue, peu importe ce qu'elle concerne :p)

(et le titre, c'est provisoire, je suis pas doué avec ça :noel: )

Si quelqu'un veut juste en lire une partie, le prologue sera dans les deux premiers messages, et le chapitre 1 divisé entre les deux suivants. J'ai essayé de tout garder en un, mais apparemment, c'est trop long pour JVC :noel:

Encore une fois, navré si ça fait beaucoup d'un coup :o))

Spycho
Niveau 10
26 juin 2017 à 20:30:31

(dans les textes qui vont suivre, j'ai essayé de conserver au maximum l'écriture du fichier d'origine, avec gras, italique, etc, mais visiblement les astérisques dont je me sers pour espacer les différents "passages" deviennent de gros points pas beaux chez JVC :o)) )

Prologue:

Responsable du projet : Docteur Yves Labbar
25 Août 1974 : Rapport du projet Arion :
Les 35 sujets de test sont bien arrivés, de toutes origines pour favoriser la diversité génétique lors de nos expériences. Tous sont des criminels fournis discrètement par leur pays d'origine, mais j'espère bien que nos tests les feront changer, ou, dans le pire des cas, nous permettrons de reproduire l'expérience sur des volontaires plus fiables. Je suis heureux de l'interdiction de survol au-dessus de cette île – le dôme invisible, comme l'appellent mes collègues –, ce n'est qu'une mesure lambda, mais elle reste agréable à entendre. Nos scientifiques travailleront sur la toxine pendant encore très longtemps, mais le conditionnement, et les premiers tests, devraient pouvoir commencer rapidement.

21 Février 1979, Rapport du Sujet Test : Ray Griffin, origine américaine, 33 ans :
Le sujet est jusqu'ici le seul à avoir survécu aux traitements, et l'analyse de son génome montre qu'il a subit de très légères mutations. Le processus étant vraisemblablement aléatoire, il est difficile de déterminer si nous serons capables de retrouver un hôte ayant des gènes aussi réceptifs que lui, mais j'ai bon espoir que nous puissions par la suite reproduire nos expériences en l'utilisant comme patient zéro.
Sa réaction à certaines maladies contre lesquelles nous étions ou n'étions pas immunisées naturellement est elle aussi assez surprenante. Si les mutations se poursuivent dans les jours à venir, je recommande le lancement de la construction d'un tube à essai. Il est probable que nous approchions.

22 novembre 1985, Rapport du Sujet Test : Ray Griffin, origine américaine, 39 ans :
Le sujet commence à faire de remarquables progrès. S'il était depuis peu capable de remodeler son propre ADN par un procédé qu'il n'est pas capable d'expliquer lui-même, les modifications restaient néanmoins mineures, allant de la couleur des cheveux, ou des yeux, à un léger changement de texture de la peau. Le cas le plus extraordinaire, et terrifiant pour lui, ayant été l'apparition provisoire d'un deuxième pouce à la main droite, et surtout, des articulations correspondantes, le doigt supplémentaire étant totalement fonctionnel.
Cependant, aujourd'hui, le sujet a semble-t-il développé ses capacités, et son bras tout entier s'est couvert d'une peau plus épaisse parsemée de fines épines osseuses. La transformation était purement organique, mais elle était, elle aussi, parfaitement fonctionnelle. Je recommande vivement d'accélérer la préparation d'une drogue capable d'inhiber ses capacités. Ses mutations deviennent plus dangereuses, et j'ai surpris un rictus désagréable sur son visage.

12 Janvier 1986, Rapport du Sujet Test : Ray Griffin, origine américaine, 27 ans :
J'ignore ce qu'il s'est produit, mais le sujet a apparemment trouvé le moyen d'inverser son métabolisme cellulaire, et, en quelque sorte, de rajeunir. L'homme d'une quarantaine d'année qui me regardait derrière la vitre est désormais un jeune homme de moins de trente ans d'après nos tests, et je ne sais pas si je dois me réjouir de cette découverte. Je pense que son absence de progrès des deux derniers mois est due à cette volonté de retrouver ses années perdues. J'ai bien l'impression que nos recherches sont encore plus prometteuses qu'elles semblaient l'être.

28 Février 1995, Rapport du Sujet Test : Ray Griffin, origine américaine, 27 ans :
Nous avons réussi, mais à un prix redoutable. Alors que nous pensions, depuis déjà plusieurs années, que les progrès de Griffin s'étaient arrêtés à un accroissement de la masse musculaire, de la résistance osseuse et de quelques mutations visuellement impressionnantes mais peu dangereuses, il se trouve que nous nous étions trompés. Le relâchement de la surveillance à cause de son apparente stagnation, et les quelques mutations qu'il devait, après déduction, nous offrir pour nous tenir occupés, lui ont en réalité permit de développer un potentiel que nous n'avions pas soupçonné. Bien que je n'arrive pas encore à comprendre comment cela a pu arriver, il s'est libéré de ses sangles, et ses bras se sont transformés. Ils ont pris une couleur sombre et une texture écailleuse, et ses mains ont été remplacées par deux immenses pattes aux griffes effilées.
Nous avons perdus trois docteurs avant même d'avoir pu réagir, et les armes des gardes n'ont pas semblé lui faire d'effet. Nous avons réussi à lui injecter une dose massive du virus permettant d'inhiber ses capacités régénératives et métamorphiques, mais avant cela il a.... Je crois que le terme serait qu'il a « absorbé » l'un des soldats après l'avoir éventré. Après avoir été témoin d'un acte aussi inhumain qu'inexplicable, je ne pense pas que mes confrères accepteront de s'approcher de lui à nouveau.
Je conseille de conserver le sujet sous emprise de la drogue et de ne plus l'exploiter de cette façon. Il est temps d'essayer de synthétiser un vecteur génétique ayant les même capacités métamorphes, en espérant que nous serons capables d'en contrôler les victimes test.
Quoiqu'il en soit, je pense que nous avons réussi.

10 Septembre 2005 : Rapport sur le Vecteur PolyMorphe :
Le vecteur viral est enfin prêt. Il a pour but, une fois transmis au sujet, de procéder à des mutations génétiques similaires à celles observées sur Griffin. Nous avons toutes les raisons de penser que ses effets sur la population formée à Lerne, avec sa diversité génétique, seront à la hauteur de nos espérances. Si le test échoue, je ne sais pas si nous serons capables de recommencer, même avec notre Sujet Zéro parfaitement viable. Griffin est prêt à être transféré dans un autre laboratoire en cas de réussite. Sinon, nos équipes de décontamination sont prêtes à toutes éventualités.
Je ne sais même plus si ce projet a encore une véritable raison d'être, mais peut-être, en fin de compte, que ces 31 années de ma vie n'auront pas été vaines. Même si nous n'obtenons pas un moyen de produire des « super-soldats », nous avons assurément fait un pas en avant dans la génétique.
Les dés sont jetés.

Spycho
Niveau 10
26 juin 2017 à 20:31:04

École primaire de Lerne, 10h27, 19 Septembre 2005.

Très rapidement, les lignes dessinées par la professeur de CE2, censées représenter un cube, finirent par se mélanger et se fondre avec les autres éléments écrits au feutre noir sur le tableau, laissant l'esprit du jeune Aiden Carter se perdre au gré de son imagination. Les yeux fixant un point situé bien au-delà du cours de géométrie, ses pensées s'égarèrent, à la recherche du rêve que sa mère avait si brutalement interrompu le matin même en le réveillant.
Voyant qu'il s'endormait, Thomas, son voisin et meilleur ami, le secoua légèrement, ne réussissant qu'à obtenir un regard las de la part du garçon. Les paroles de la professeur se mêlaient allègrement à cet univers imaginaire qu'il tentait de reformer, avant de ne devenir que des lambeaux de phrases se perdant dans le vent. Il était 10h30 du matin, mais la matinée semblait durer depuis une éternité.

*

Sous-sol du commissariat de Lerne, tunnel de maintenance, 10h31.

Une dizaine de soldats marchaient d'un pas lourd dans le tunnel, leurs bottes résonnant en grand fracas sur le sol métallique, leurs échos se perdant dans le silence de cette marche. Au milieu de ce cortège, deux scientifiques en combinaisons hazmat intégrales poussaient le chariot transportant une lourde caisse métallique.

« Combien de temps il faudra pour que chaque habitant rejoigne l'un des abris ? S'interrogea l'un d'eux. »

Le Lieutenant qui menait la marche, Alexandre Garrati, tourna légèrement la tête vers lui, ses yeux d'un bleu presque gris invisibles derrière son masque à gaz Il jaugea silencieusement le scientifique pendant quelques instants, essayant d'imaginer quelle tête aux cheveux grisonnants pouvait se cacher derrière cette voix mal assurée. Certes, il pouvait aussi bien s'agir d'un jeune d'une trentaine d'années, mais la plupart des blouses blanches qui travaillaient sur ce projet y étaient depuis le début.
La plupart des soldats, eux, n'y étaient que depuis quelques années, quand le test final était devenu plus qu'une simple chimère pour les chefs de projet.

« Une quinzaine de minutes, une fois l'alarme activée. Ils sont conditionnés à ce genre de simulations depuis leur arrivée pour les plus anciens, leur naissance pour les plus jeunes. Ne vous en faites pas, ce sera vite terminé. Ils ne sont pas au courant, donc il y a peu de risques que certains restent chez eux en pensant à une formalité mensuelle.
– Il y a.... beaucoup de "jeunes" ? Demanda le deuxième scientifique, presque timidement.
– Suffisamment pour remplir votre quota de "diversité", pour ce que j'en sais. Pourquoi, vous avez des remords ? Le piqua mesquinement Garrati.
– Inutile de continuer, Gaulin, coupa la première blouse blanche, les tests sont les tests, et il n'y a plus d'échappatoire. »

Garrati sourit tristement sous son masque, tandis qu'il ouvrait la porte montant au commissariat, où ils attendraient patiemment que les habitants soient enfermés. On leur avait expliqué que les habitants de Lerne avaient été élevés comme des cochons d'Inde, habitués à leur train de vie et conditionnés pour leur donner l'illusion que leur vie était parfaite comme elle était. Mais malgré cela, il était difficile de ne pas penser aux milliers de personnes qui n'allaient peut-être pas survivre à ce test, et toutes les belles paroles de leurs instructeurs ne les aideraient pas à mieux dormir la nuit une fois que les ventilations auraient envoyé leur précieux "vecteur" aéroporté – quoi que ça puisse vouloir dire – dans les abris.
Et cela, il l'avait vu dans les yeux de chacun de ses hommes, tous sous-officiers, mais pas plus à l'aise que de simples bidasses devant la situation qu'ils allaient affronter. Alors qu'il faisait signe au Commissaire d'actionner l'alarme, il jeta un regard par la fenêtre, observant ces rues tranquilles qui allaient servir de tube à essai géant.
L'ironie dans tout cela, c'est que le nom de la ville était une référence directe au premier nom du projet, Hydre, et que les habitants qui y vivaient s'y étaient habitués. Apparemment, les blouses blanches avaient changé d'avis et préféré un nom moins menaçant pour leur arme biologique, et opté pour Arion. Pourquoi est-ce qu'ils avaient troqué une bête mythique et aux multiples têtes pour un foutu cheval immortel, il ne savait pas, mais le nom de la ville, lui, était resté.
C'était un piège mortel qui portait le nom d'un piège mortel, et tout le monde s'en foutait.

*

École primaire de Lerne, 10h39

Ce fut le son lointain et en deux temps de la sirène de la ville qui le tira de sa rêverie, alors que les cubes dessinés au tableau se superposaient et se fondaient en une masse informe. L'institutrice se retourna, le feutre noir à la main, et observa d'un air soucieux sa montre, puis le calendrier accroché sous la fenêtre, avant de faire apparaître un sourire sans joie sur son visage.

« Allez les enfants, vous savez quoi faire. Prenez vos manteaux et laissez vos affaires sur la table ! Annonça-t-elle avec bonne humeur. »

Les enfants se regardèrent tous entre eux, des étoiles dans les yeux à l'idée de quitter la classe grâce à l'alarme. Aiden se leva en même temps que Thomas, et les deux amis échangèrent un sourire en enfilant leurs manteaux.

« Tu crois qu'on va rester dehors longtemps ? Demanda joyeusement Thomas.
– Je sais pas, peut-être assez pour aller manger juste après, ce serait chouette non ?
– Ouais, super chouette ! »

La classe quitta la salle au milieu des pépiements de bonheur des enfants, rejoignant les autres élèves de l'école dans la cour. Tout ce petit monde, encadré par des instituteurs qui discutaient à voix basse de cet exercice non prévu, pas spécialement inquiets, mais pas vraiment à l'aise non plus. Les exercices étaient prévus en cas de grosse tempête, voire d'ouragans, comme Lothar, en décembre 1999, qui avait causé une panique générale dans la ville et des dizaines de victimes. Le groupe de plus de 125 élèves et leurs 5 professeurs traversèrent d'une marche rapide la rue rectiligne, se joignant à la foule grandissante qui s'entassait devant l'entrée d'un des abris.
Le brouhaha incessant dissimulait presque entièrement la sirène, qui continuait à résonner dans la cité désormais grouillante de vie, alors que chaque habitant se hâtait vers les vastes bunkers souterrains. Certains essayaient de regarder au loin, guettant la présence de nuages menaçants, ou d'un terrifiant mur d'eau approchant de l'île, mais tous durent se rendre à l'évidence ; il n'y avait aucun danger en approche, du moins, pas dans l'immédiat.
A 10h57, Aiden, debout sur un banc, observa la lente fermeture des deux portes hermétiques, censées les protéger des catastrophes. En voyant les deux rideaux d'acier s'abattre sur le sol, les conversations enjouées diminuèrent progressivement, jusqu'à laisser place à un silence étouffant. Les quelques personnes qui se risquaient à chuchoter avec leurs voisins se turent très vite, l'air immobile leur donnant l'impression qu'ils hurlaient.
Aiden chercha le regard de Thomas, se demandant ce qu'il se passait. Autour de lui, tous se posaient la même question.
Le claquement sonore du verrouillage sonna comme un coup de canon, et même les discours apaisants du responsable de l'abri ne purent percer la tension qui s'était étendue dans l'obscurité.

*

Poste de maintenance de l'abri n°3, 11h01

Garrati se tenait immobile devant le dispositif de ventilation, les yeux passant de sa montre aux deux hommes qui installaient la bonbonne métallique, gardant une main posée sur le talkie-walkie qui transmettait l'évolution de la préparation du test aux autres abris. Sous le masque à gaz et la cagoule qui lui couvraient la tête, la sueur coulait à flot sur sa peau, et il avait les mains moites. Les abris étaient tous verrouillés, et les systèmes de déploiement étaient presque tous en place. L'un des hommes qui installaient le virus se tourna vers lui et leva le pouce.
Garrati alla fermer le sas du poste de maintenance pour éviter toute propagation accidentelle de la substance en cas de problème de la ventilation, puis il leva le talkie-walkie à sa bouche.

« Installation terminée à l'abri 3. A toutes les équipes, confirmez. »

Chaque soldat répondit tour à tour, les numéros s'entassant les uns sur les autres, les chiffres ainsi énumérés lui donnant l'impression d'un compte à rebours. Quand le dernier abri fut confirmé, il prit une grande respiration, déglutit péniblement, puis prononça les trois petits mots qui allaient condamner toute une population.

« Début du test. »

*

Abri n°12, 11h06

L'homme était monté sur un tabouret pour être vu de tout le monde, et expliquait en mâchant ses mots que les autorités maritimes avaient annoncé qu'une vaste tempête s'approchait à grande vitesse des côtes Atlantiques françaises, et que l'île se trouvait sur sa route. Cependant, ses hésitations de plus en plus marquées, la sueur qui coulait abondamment de son front et les rumeurs qui circulaient dans les rangs des habitants eurent rapidement raison de sa crédibilité. Malgré leurs habitudes, plusieurs personnes commencèrent à hausser la voix pour poser des questions, que l'orateur tentait maladroitement d'esquiver.
Les enfants, emmenés dans un coin de l'immense salle par leurs instituteurs, s'étaient répartis en petits groupes pour bavarder ou jouer avec le peu de matériel et de place qu'ils avaient. Aiden, qui avait emporté avec lui un de ses feutres et un carré de papier, s'assit contre le mur pour essayer de dessiner tranquillement, s'arrêtant pour réfléchir en tapotant sur le crayon au rythme régulier de la ventilation qui tournait au-dessus de lui.
Sans qu'il s'en rende compte, le battement des pales s'accéléra brusquement, et, dans les zones les plus silencieuses de l'abri, l'air ainsi expulsé provoqua un son assourdissant. Les lumières baissèrent légèrement, tandis qu'une fumée rouge rampait hors des grilles et se répandait dans l'atmosphère lourde de l'abri.

L'homme sur le tabouret fut le premier au contact du gaz. Il en inspira une bouffée en reprenant sa respiration, et les personnes au premier rang purent capter brièvement la crispation de son visage, avant de respirer eux-même la fumée. Pendant quelques secondes, les premiers signes furent invisibles, seulement ressentis par une forte douleur à la poitrine, puis au crâne, quand le vecteur fut mêlé au sang, puis pompé à travers le corps.
Mais très vite, plusieurs personnes s'écroulèrent à genoux, toussant et crachant, leurs yeux parsemés de vaisseaux sanguins éclatés cherchant un réconfort auprès de leurs semblables. Des hurlements d'agonie emplirent l'abri, alors que les habitants succombaient à la douleur et à l'horreur des mutations forcées, leurs corps étant incapables de résister à la violence des modifications génétiques entraînées par le vecteur.
Adossé au mur contre lequel il avait commencé à dessiner, Aiden ne pouvait qu'observer les scènes qui l'entouraient. Secoué de spasmes et de tremblements, des filets de sang coulant sur son menton avant d'aller former une tâche rouge sur son t-shirt, il n'avait même pas la force de hurler. La douleur lui déchirait le corps, et l'horreur se grava dans son esprit avec la force d'un marteau. A peine quelques mètres devant lui, la jeune femme qui moins d'une demi-heure plus tôt dessinait des cubes sur le tableau se tordait sur le sol, ses ongles impeccablement manucurés arrachant des lambeaux entiers de chair à son visage tandis qu'un long hurlement désarticulé jaillissait de sa bouche ouverte et sanglante.

Alors qu'il essayait en vain de s'arracher à cette vision d'horreur, une ignoble sensation de brûlure lui couvrit le sommet du crâne et se répandit sur ses épaules. Condensé par la fraîcheur des abris et des conduits de ventilation, une partie du gaz s'écoulait désormais par les grilles sous la forme d'un liquide épais et d'un rouge presque noir.
La substance lui dégoulina sur le visage, avant de lui couvrir les yeux avec une morsure similaire à de l'acide. Il trouva enfin la force de pousser un hurlement strident, avant que le produit ne lui coule dans la bouche, puis que son corps tout entier ne soit englouti sous le répugnant liquide. Son cri se transforma en un gargouillis inintelligible, puis la douleur disparut, en même temps que le monde qui l'entourait.

Voila pour le prologue :)

Spycho
Niveau 10
26 juin 2017 à 20:31:45

Chapitre 1 :

Résultats du test du Vecteur PM sur la Ville-Test de Lerne, 2 jours, 5 heures et 36 minutes après l'envoi du produit :

Population initiale : 13 586 habitants.

Habitants décédés : 11 831, soit un taux de mortalité absolue de 87,08229%

La population restante n'est pas cliniquement décédée, mais présente des mutations biologiques aléatoires et peu efficaces, et sans la moindre capacité de métamorphose, contrairement à notre Sujet Zéro. Les sujets sont également réduits à un état végétatif, se contentant d'arpenter leurs environnement en se nourrissant des cadavres qu'ils trouvent. Ils font preuve d'une extrême agressivité, et leurs déformations physiques sont extrêmement variées, rendant le comptage et l'exécution très désagréable et traumatisante pour nos hommes. De plus, la plupart des cadavres affichant des déformations ou des plaies importantes dues à l'administration du produit, le compte des sujets "vivants" reste compliqué et cantonné à ceux encore en état de fonctionnement lors de l'ouverture des abris.
En revanche, certains sujets, plus prometteurs, semblent avoir subit des mutations plus importantes, leur faisant perdre toute apparence humaine. Nous avons hélas perdu 6 soldats lors de l'ouverture d'un abri comptant 3 spécimens aux mutations avancées. Ces derniers n'avaient aucun signe du polymorphisme de Griffin.
Les sujets viables sont donc classés en deux types :

Mutations basiques et peu concluantes: 1568, soit un taux de réussite partielle de 11,54129%
Mutations avancées : 187, soit un taux de réussite concluante de 1,37642%

Les recherches et analyses ne sont pas terminées, mais il est probables que les chiffres ne changent pas, ou très peu. Si le test ne montre aucune faculté similaire à Griffin, il est en revanche certain que nous avons créé quelque chose d'autre, et je ne sais pas si c'est rassurant.

*

Actualisation, 2 jours, 8 heures et 23 minutes après l'envoi du produit :

Habitants Décédés : 11 830.
Mutations basiques : 1568.
Mutations avancées : 187.
Survivant au test : 1.

Identification : Aiden Carter
Age : 8 ans, 2 mois et 7 jours.
Taille : 1m 27cm
Cheveux : Châtains clairs, modification de la nuance de couleur fréquente.
Yeux : Marrons, mais prédominance verte pour l’œil droit. Anomalie absente avant exposition au vecteur.
État : Stable, régénération des tissus rapide.

Le Lieutenant Garrati a trouvé en début d'après-midi ce garçon qui remuait dans l'abri n°3. Les premiers tests ont montré des similitudes presque totales avec l'ADN de Griffin, mais son matériel génétique semble assez changeant d'une analyse à l'autre. S'il se remet totalement, nous pourrons commencer les tests, tout en le conservant constamment sous injection pour éviter une progression trop rapide de la mutation. Celle-ci semble très localisée, et nos premières estimations nous permettent d'envisager une progression très lente à travers son système au cours des prochaines années.
Je n'ose pas m'avancer, mais je pense que nous avons réussi.

Docteur Yves Labbar, responsable du projet Arion.

*

Laboratoire de recherche du Projet Arion, 23 Juin 2007.

« Ça fait mal ?
– Pas vraiment, non. Ça devrait ? »

Le docteur Labbar haussa les sourcils au-dessus de ses lunettes de protection. Le garçon de bientôt 10 ans était allongé sur le dos, une longue aiguille enfoncée dans le sternum pour procéder à une ponction de moelle osseuse. La seule anomalie notable résidait dans le fait que l'opération était exécutée sans anesthésie, à la demande de leur sujet fétiche.

« Eh bien, oui, ça devrait, tu es sûr de ne rien ressentir ? Demanda Labbar avec hésitation.
– Ça pince un peu, mais c'est tout. C'est bientôt fini ?
– Encore quelques minutes et tu pourras te relever, si tu y arrives, bien sûr.
– Génial. Il reste encore beaucoup de tests avant que vous donniez votre accord ?
– Non, c'est le dernier. Si tout va bien, je pourrais enfin être débarrassé de ce harcèlement, répondit le docteur avec un sourire. »

Le garçon tourna la tête et lui rendit son sourire, avant de rediriger le regard vers le haut. Le paravent installé à la base de son cou lui épargnait la vue de l'opération, ce qui ne le gênait pas. Il n'avait jamais vraiment eu mal depuis qu'il s'était réveillé dans cette salle noire, mais voir une aiguille lui percer la peau ne l'avait jamais vraiment mis à l'aise.
Peut-être que j'avais peur des piqûres avant ?
Il concentra son regard sur les dalles blanches du plafond, essayant, une nouvelle fois, de ramener des bribes de souvenirs à sa mémoire. Le docteur Labbar avait été surpris d'apprendre qu'il ne se souvenait de rien, mais lui avait toutefois expliqué qu'il avait subit une infection totalement inconnue qui avait causé la mort de sa famille, et qui expliquait les étranges capacités dont il disposait. Il savait que cette infection grandissait perpétuellement en lui, malgré les efforts des scientifiques pour la ralentir, et que c'était pour ça qu'il avait été gardé en observation pendant les deux dernières années.
Mais maintenant, les hommes qui s'occupaient des tests avaient fini par prédire le moment où l'infection atteindrait un seuil critique, et avaient finalement envisagé la possibilité de le laisser vivre une vie normale jusqu'à ce moment. Quelque chose au fond de lui essayait de lui faire comprendre qu'il devrait ressentir des émotions en évoquant ses parents morts ou cette inévitable conclusion à son existence, mais il n'y arrivait pas.
Au lieu de ça, l'idée de rencontrer d'autres enfants, adultes, et découvrir la vie en dehors du laboratoire occupait entièrement ses pensées, occultant même jusqu'à l'ennui de devoir passer ces interminables tests pour s'assurer qu'il n'était pas contagieux, ou quelque chose dans ce genre là.

« Et...... voilà, terminé. Essaie de te lever, doucement, d'accord ? Recommanda Labbar. »

Aiden se redressa tranquillement, jeta un rapide coup d’œil à la machine qui était plongé dans ses os quelques instants auparavant, puis posa les pieds par-terre et se leva.

« J'ai dit doucement, tu n'écoutes jamais ?
– J'ai fait doucement ! Protesta le garçon.
– Et tu n'as pas le tournis ? Pas envie de vomir, de t'allonger, ou un peu mal ?
– Ben non, pas plus que les autres fois. Je peux y aller ? Demanda Aiden, croisant les mains devant lui en ouvrant grands ses yeux vairons. »

Le scientifique lui fit signe que oui avec un grand sourire. Malgré l'horreur qui avait mené à sa création et les risques qu'il pouvait présenter une fois le virus pleinement développé, le petit était véritablement adorable, et il était certain qu'il allait lui manquer. Lui-même allait être transféré, ainsi que de nombreux soldats et scientifiques, à un laboratoire annexe à proximité de l'endroit où le petit Aiden allait entamer sa nouvelle vie, afin de garder un œil sur lui et de continuer à mesurer la progression de l'infection.
Une ombre passa sur son visage en songeant que Ray Griffin, leur Sujet Zéro, allait lui aussi rejoindre ce nouveau laboratoire. Afin d'avoir la souche initiale du "virus" à portée de main en cas de problème majeur avec l'enfant, les chefs de service avaient décidé de laisser les deux patients – Griffin, l'original, et Aiden, leur "prototype", comme ils aimaient à l'appeler – à une distance qui permettrait une intervention rapide, prétextant que Griffin ne présentait plus la moindre menace tant son corps était soumis à la drogue qu'ils lui injectaient.
Au fond, il se doutait bien que ses supérieurs caressaient le rêve de pouvoir contrôler et utiliser Griffin.

*

Laboratoire de recherche du Projet Arion, 26 Juin 2007.

Aiden profitait de ses dernières occasions de jouer avec ses capacités en modifiant la forme de son nez et la couleur de ses cheveux. Il avait appris à contrôler ces changements, qui survenaient de façon assez aléatoires les premières semaines après son réveil, mais il savait qu'il ne pourrait plus modifier son apparence selon ses envies une fois qu'il aurait commencé sa nouvelle vie. La seule chose qu'il n'avait jamais cherché à modifier était son œil droit, d'un vert très foncé, qu'il avait fini par apprécier comme une autre marque de sa différence avec les autres. Et comme on lui avait dit que ce n'était pas une preuve de son infection dans le monde extérieur, il avait décidé de le garder.

« Allez Aiden, l'hélicoptère est prêt, c'est l'heure ! Appela doucement une voix dans le couloir. »

Le garçon regarda une dernière fois son apparence définitive dans le miroir, puis ouvrit la porte et s'arrêta devant le soldat qui le regardait d'un air presque paternel. Garrati, devenu Capitaine depuis le test de Lerne, était devenu en quelque sorte le parrain officieux du petit prodige. C'était lui qui venait le chercher pour l'amener aux tests, qui le conduisait au repas, et qui, quand il avait le temps, jouait avec lui. Il s'était donc naturellement porté volontaire pour diriger l'équipe qui garderait un œil sur Aiden.
Le garçon lui sourit et s'engagea dans le couloir, ouvrant la marche avec l'assurance et l'engouement propre aux enfants de son âge. Garrati attrapa la petite valise du garçon, et lui emboîta le pas. Il avait été décidé qu'il irait vivre avec un tuteur dans un village situé à quelques dizaines de kilomètres de la ville de Lyon, dans la plaine abritant la centrale nucléaire du Bugey, où il pourrait aller dans une école, un collège puis un lycée tous situés à moins de vingt kilomètres du laboratoire secondaire. Il sourit tristement en songeant qu'Aiden n'aurait probablement pas l'occasion de dépasser de beaucoup le stade du lycée.
Le pire dans cette idée était que le garçon avait pleinement conscience de ce qui allait lui arriver, mais n'avait pas l'air de s'en formaliser. Peut-être était-ce simplement parce qu'il n'avait pas réellement vécu, et qu'il changerait d'état d'esprit après quelques années dans le monde extérieur, mais, au fond de lui, Garrati espérait qu'il conserverait cette insouciance jusqu'au moment fatidique. Après tout, le garçon avait été créé dans le seul but de devenir un clone plus malléable de Griffin, quoi que puissent en penser de simples soldats.
En arrivant dehors, Aiden se figea devant l'hélicoptère qui allait les emmener vers sa nouvelle vie, puis courut avec excitation à l'intérieur de l'appareil.

*

Rapport d'évolution d'Aiden Carter, 12 ans et 7 mois, 22 Février 2010 :

Aiden se porte toujours à merveille. Son tuteur, Jérémy Montoya, nous affirme qu'il a commencé à développer des mutations beaucoup plus prononcées que les changements de couleurs de cheveux ou les petites modifications superficielles qu'il maîtrisait sur le bout des doigts. Le petit a apparemment été effrayé la première fois que son bras s'est recouvert d'écailles gris sombre, mais il s'est depuis habitué à ce genre de pratiques, et essaie désormais de nouvelles expériences pour voir jusqu'où il arrive à modifier son apparence.
Étant donné l'avancement encore restreint du virus dans son organisme, ces mutations laissent présager un potentiel extraordinaire une fois en phase terminale, si toutefois il survit à ce stade, ce que j'espère au plus haut point, d'un point de vue scientifique autant que d'un point de vue humain. Je dois néanmoins préciser quelques doutes et soucis qui ont commencé à faire surface.
D'une part, et cela n'a pas d'incidence sur le Projet en soi, Aiden a enfin pris pleinement conscience de ce que la vie a à lui offrir. S'il est encore persuadé qu'il ne survivra pas à son infection, conformément à vos directives, il a néanmoins commencé à appréhender la situation avec nettement moins d'insouciance. Le Capitaine Garrati et moi-même avons du mal à conserver nos distances avec lui en tant que sujet-test, et le Capitaine m'a déjà avoué plusieurs fois avoir envie d'expliquer à l'enfant qu'il allait peut-être survivre.
Ensuite, il est encore jeune, mais je m'inquiète de ses relations futures, une fois sa puberté pleinement installée. L'infection n'est d'après nos tests pas transmissible par les moyens habituels, mais il nous a déjà montré à plusieurs reprises qu'il n'était pas complètement apte à contrôler ses capacités lorsqu'il était en proie à des émotions fortes. J'ignore quels seront les risques qu'il dévoile son identité lorsque ses hormones commenceront à le travailler ou lorsqu'il commencera à tomber amoureux, mais une séance d'information à ce sujet pourrait lui être bénéfique. Le cas extrême, il faudra peut-être l'isoler pendant la durée de son adolescence. Je ne tiens pas à devoir envoyer une escouade faire "disparaître" une jeune fille parce qu'il s'est couvert d'écailles pendant une promenade au parc.
Enfin, et c'est le point le plus préoccupant, la drogue que nous lui injectons, la même que celle fournie à Griffin, semble avoir perdu de son effet, contrairement au Sujet Zéro. La croissance du virus, que nous avions réussi à fixer à une progression linéaire, semble s'être accélérée malgré nos efforts pour la maintenir à son niveau habituel. Si nos analystes avaient prédit la phase terminale aux alentours de ses vingt ans, les derniers résultats ont réduit de plusieurs mois cette échéance. Si le virus continue à se développer, je crains qu'il n'atteigne l'état critique quelques années plus tôt que nous ne le pensions.

Yves Labbar, responsable du Projet.

Spycho
Niveau 10
26 juin 2017 à 20:32:47

12 avril 2013 :

Le contact de sa main, la couleur de ses yeux, l'odeur de ses cheveux. Tant de choses qui faisaient totalement oublier le film qu'ils étaient en train de regarder à Aiden. S'ils n'avaient pas été dans cette salle de cinéma, et s'il n'avait pas eu peur de passer pour un idiot, il aurait sûrement hurlé de joie lorsque Laura avait finalement pressé sa main sur la sienne. Après trois ans à passer leurs journées de cours ensemble, la jeune fille aux cheveux noirs et aux yeux d'un vert qui le faisait fondre avait enfin accepté son invitation, et voilà qu'il venait de franchir un cap.
Reste calme. Tu veux pas tout foirer, tu veux pas faire de conneries, concentre toi un peu, merde !
Mais c'était comme de lui demander de soulever la Tour Eiffel, et les frissons qui lui parcouraient les bras n'arrangeaient pas les choses. Il se risqua à glisser le bras gauche autour de son épaule, et sourit à pleine dents lorsqu'elle s'appuya un peu plus contre lui. Il n'entendit même plus le son des coups de feu que s'échangeaient les policiers et les braqueurs de banque.
Mais alors qu'il s'apprêtait à murmurer quelque chose à l'oreille de la jeune fille – quelque chose de romantique, sûrement, ou peut-être de drôle, qui sait ? – un frisson beaucoup plus familier lui parcourut le bras droit.
Il baissa les yeux, et, horrifié, manqua de pousser un cri de surprise.
A peine éclairé par l'écran de cinéma, mais lui donnant pourtant l'impression d'être braqué par un spot lumineux, trois larges griffes avaient remplacé sa main, alors que l'avant-bras avait pris une teinte noire et une texture écailleuse jusqu'au coude.
Il eut l'impression que toute chaleur venait de déserter son corps.
L'adolescent vérifia rapidement que Laura n'avait rien remarqué, et que personne d'autre ne pouvait le voir, puis il attrapa son blouson, l'enroula autour de son bras et fit mine de se lever.

« Qu'est-ce que tu fais ? Chuchota la jeune fille.
– Désolé, toilettes, fit-il avec un sourire gêné qu'il n'eut pas de mal à simuler.
– Avec ton blouson ?
– Juste au cas où. Souffla t-il, puis il quitta son siège avant qu'elle ne puisse insister. »

Aiden grimpa les marches quatre à quatre, passa sans le voir devant un vigile qui vérifiait qu'aucune caméra ne filmait l'écran, poussa la porte et avança à grand pas vers les toilettes, sans regarder autour de lui. Il s'enferma dans l'un des cabinets, les possibles doutes qu'il pourrait donner à son amie laissés loin derrière lui.
Une fois sûr que personne ne viendrait le déranger, il se laissa glisser le long de la porte et leva son bras méconnaissable devant ses yeux.

« Pourquoi maintenant ? Marmonna t-il. Pourquoi ici ? T'es trop con, trop con, trop con..... »

Il appuya la tête contre la porte en PVC, et essaya de se focaliser sur sa respiration. Il inspira profondément, ferma les yeux, puis expira lentement, avant de recommencer. Au bout de quelques instants, les battements de son cœur ralentirent, et la sueur cessa de dégouliner sur son front et le long de ses aisselles. Il visualisa son bras tel qu'il était actuellement, puis tel qu'il devrait être, et sentit le léger fourmillement lui courir sous la peau. Il demeura dans cette position encore quelques instants, puis se risqua à entrouvrir les yeux.
La peau était à nouveau claire et sans cicatrices, ses mains avaient retrouvés leurs cinq doigts fins et aux ongles rongés. Un léger ricanement lui échappa, puis il récupéra son blouson, tira la chasse pour faire bonne figure, et sortit.
Mais en arrivant devant le miroir, son sourire lui glissa des lèvres.
L'adolescent dans la glace le fixait avec des yeux vairons, mais pas de la bonne couleur. L'iris qui devrait être vert, ce même œil qui avait attiré le regard de Laura la première fois, était désormais d'un rouge vif. Il porta machinalement une main à ses paupières, approchant suffisamment son visage du miroir pour que sa respiration y laisse de la buée.

« Alors ça, c'est nouveau..... murmura t-il »

Il se fixa intensément, visualisant la couleur verte qu'il avait appris à apprécier, mais l'iris demeura couleur de sang. Il déglutit lentement, respira profondément, puis recommença l'opération. Enfin, la couleur se brouilla, et repris sa teinte habituelle. Cette fois, aucun rire nerveux ne franchit ses lèvres.

*

Rapport d'évolution d'Aiden Carter, 17 ans et 6 mois, 12 Janvier 2015

Huit mois. Les résultats des analyses sont clairs, et cette fois, ils sont définitifs, du moins nous l'espérons. Nous avons augmenté la quantité de drogue dans son système, et nous recommencerons dans quatre mois, pour les derniers examens avant la fin. Mais je n'arrive pas encore à croire qu'il ne lui reste que huit mois à vivre normalement, et peut-être même à vivre tout court.
Il s'est effondré en apprenant la nouvelle, et je le comprend.
En quelques secondes, toutes les mesures qu'il va devoir prendre pour sectionner en douceur les liens qui l'unissent à sa vie actuelle, toutes les expériences qu'il espérait pouvoir vivre et ne pourra pas, tout lui est tombé dessus. Moi-même, je n'arrive pas à croire que le virus se soit développé si vite que nos prévisions aient avancé de plus de deux ans depuis les premières estimations.
Et le reste des nouvelle n'est pas bon non plus.
Depuis un an et demi, le contrôle qu'il exerce sur ses capacités est de plus en plus aléatoire, et depuis peu, cela n'a fait qu'empirer. L'hypothèse des hormones ou des émotions trop puissantes n'est plus d'actualité, car nous avons la certitude que ce manque de contrôle est dû à l'infection. Son tuteur nous a informé qu'Aiden avait eu récemment une saute d'humeur assez brutale, et qu'il avait changé ses mains en griffes pendant quelques secondes, le temps de les abattre sur une table, avant de reprendre le contrôle et de s'excuser.
Quand je me rappelle l'instabilité croissante de Griffin, je ne peux que redouter ce qui pourrait arriver. Nous avons pensé pendant des années que la phase terminale se solderait soit par sa mort, soit pas l'achèvement de notre travail, en pensant naïvement que la rage de Griffin avait été causée par les expériences horribles que nous avions mené sur lui.
Mais pour la première fois, je commence à me demander s'il s'agit réellement du garçon que nous avons récupéré dans cet abri que j'ai devant les yeux, ou s'il s'agit d'autre chose.
Je sais que je devrais garder ces rapports professionnels, mais je suis obligé de le préciser. Je commence à avoir peur.

Yves Labbar, responsable du Projet.

*

16 Mai 2015, 13h33

« Tu peux te relever Aiden, c'est terminé. »

Le visage inexpressif que le jeune homme tourna vers lui tordit encore davantage l'estomac du docteur Labbar. C'était selon toute vraisemblance la dernière fois qu'il voyait ce garçon dans son état actuel, et il aurait aimé pouvoir retrouver ce sourire que l'enfant lui avait si souvent adressé des années plus tôt. Mais il n'en était rien, ce regard vide était probablement tout ce qu'il méritait.
Ils lui avaient accordé la possibilité de finir son année scolaire, après quoi il devrait disparaître pour passer les dernières semaines en observation. Le moment où il devrait faire ses adieux à ses amis et à la jeune fille dont il avait si souvent parlé pendant ses examens médicaux approchait inexorablement, et cette dernière série de test en était l'invisible point de départ.
Aiden regarda brièvement le docteur, sourit faiblement, puis quitta la pièce. Montoya l'attendait au garage pour le reconduire en cours, et s'ils se dépêchaient, il serait juste à l'heure. Il regrettait que ce ne soit pas Garrati qui s'occupe de ces trajets, mais le soldat ne pouvait pas être constamment à ses côtés, même dans ces moments difficiles.

*

16 Mai 2015, 13h59.

La sonnerie qui marquait la fin de la pause de midi résonna dans l'établissement alors qu'il en franchissait la porte d'entrée. Il se pressa dans les escaliers, au milieu du flux des élèves qui rejoignaient avec plus ou moins d'enthousiasme leurs salles de cours. Il s'engagea dans un couloir, et aperçu au fond son professeur de physique qui avançait de son habituel pas raide vers le petit groupe de sa classe. Il les rejoignit avant même que la salle ne soit ouverte.
Laura l'accueillit avec un baiser, et son habituel sourire moqueur.

« C'est pas une heure pour arriver ça.
– Bah, les médecins, tu sais, toujours en retard, répondit-il en l'étreignant brièvement. »

Il la poussa gentiment vers la porte, espérant désespérément que les larmes qu'il sentait venir resteraient où elles étaient. Chaque fois qu'ils se retrouvaient seuls, il pensait être capable de rassembler son courage pour mettre fin à leur relation, mais à la seconde où il croisait son regard débordant de joie, il sentait sa détermination se dégonfler comme un vieux ballon.
Pas aujourd'hui. Peut-être la semaine prochaine..... ou celle d'après....

*

16 Mai 2015, 14h06

« Docteur, je crois qu'on a un problème. »

Labbar leva les yeux de son bureau, et le sentiment que la journée ne pouvait pas être pire se désintégra en croisant le regard fuyant du jeune scientifique.

« Que se passe t-il ?
– Venez voir.... »

Le docteur se leva lentement, et un frisson glacial rampa le long de son dos comme un serpent. Les premiers résultats avaient du être menés à leur terme, et il n'y avait qu'une seule raison d'inquiéter l'un de ses collègues de la sorte.
Détends-toi, ce n'est sans doute rien. Ça ne peut pas être si grave que ça.
Mais, évidemment, ça l'était.
Il sentit ses jambes flancher, et se laissa tomber sur l'un des sièges, alors qu'il parcourait des yeux les résultats et la nouvelle simulation qui les avait suivi. Puis la peine qu'il ressentait fit progressivement place à une peur plus viscérale.
Le virus avait terminé sa progression, et ce n'était plus qu'une question d'heures, peut-être de minutes, pour qu'Aiden n'en subisse les conséquences. Et ils n'avaient pas la moindre idée de la façon dont l'infection se manifesterait.

« Prévenez Garrati. Dites lui de prendre un hélicoptère, ses meilleurs hommes et suffisamment de drogue pour rendre Aiden inoffensif en cas de résistance. »

Il se passa une main sur le visage, et fit signe au jeune scientifique d'attendre quelque secondes. Après quoi, il soupira, et rouvrit les yeux.

« Dites lui de faire attention. Si Aiden devenait incontrôlable, qu'il devenait une menace avant qu'ils l'aient récupéré..... Qu'ils l'abattent. »

Et voila pour le premier chapitre :)
Encore une fois, je sais que c'est massif pour quelqu'un qui débarque sur le topic, mais n'hésitez pas à n'en lire qu'une partie si c'est trop :noel:

HelpingFR
Niveau 25
26 juin 2017 à 21:40:41

A lu ! Du moins le prologue

Assez content de te voir débarquer, je ne sais pas si tu compte rester jusqu'à poster la suite :oui:
Je vais suivre ce que tu demande et vraiment lire le 1er chapitre pour vraiment me faire un avis :oui:
Pour l'instant, j'apprécie le style :oui:
Je laisse les autres poster peut-être des commentaires un peu plus constructifs, je suis une brêle pour pointer les défauts :noel:

HelpingFR
Niveau 25
06 juillet 2017 à 19:21:29

Chapitre 1 lu :oui:

et l'exécution très désagréable

Généralement, il faut éviter le "très". Du moins, c'est un règle que j'ai assimilé avec le Cercle des Poètes Disparus :noel:
"On ne dit pas je suis très fatigué, on dit, je suis épuisé." :oui:

A part ça, je n'ai rien à redire de particulier. J'espère juste pouvoir lire la suite bientôt :oui:

--crazymarty--
Niveau 10
10 juillet 2017 à 17:41:07

Lu. C'est pas mauvais. Tu as de la suite en stock ?

Spycho
Niveau 10
10 juillet 2017 à 20:47:24

Yup, désolé, mon ordi m'a lâché y a une dizaine de jours, ça a été une bataille sans fin pour essayer de le sauver :o))

Help :d) Généralement, quand il s'agit des pensées de personnages, je fais pas spécialement attention, mais celui-ci m'a échappé visiblement. Par contre il va simplement se changer en "particulièrement", ce "très", mais ça suffira :noel:

J'envoie la suite :oui:

HelpingFR
Niveau 25
18 juillet 2017 à 14:07:25

Chapitre 2 lu, rien à ajouter, j'aime toujours :oui:

Spycho
Niveau 10
20 juillet 2017 à 19:34:07

Rien de rien de rien? :noel:
Bon en tout cas, si jamais hein, vu que je suis vraiment lancé, c'est le moment ou jamais de profiter de bons conseils pour corriger ce qui doit l'être :o))

J'envoie la suite, au passage :oui: (j'essaie de faire tenir ça en deux messages, ça a pas l'air de vouloir :( )

Spycho
Niveau 10
20 juillet 2017 à 19:36:03

Accessoirement, je viens de trouver comment contourner le soucis de "les astérisques deviennent des gros points", suffit de les mettre en italique :o))

Chapitre 3 :

« Aujourd'hui, une terrible tragédie a eu lieu dans le lycée de la petite ville d'Amberieu, dans le département de l'Ain. En début d'après-midi, l'un des élèves de la classe, identifié comme étant Aiden Carter, un jeune homme de 17 ans, aurait sauvagement attaqué son professeur avec ce que ses camarades n'ont pu nous décrire que comme un gant noir équipé de couteaux. Les militaires sont très rapidement intervenus sur les lieux, et auraient même assisté au meurtre.
Si l'armée n'a pas accepté de répondre à nos questions concernant leur présence avant le drame, les témoins présents aux alentours ont mentionné d'horribles cris de douleur et de terreur, et l'un d'entre eux affirme avoir vu le jeune Aiden tuer un soldat avant que la porte ne se ferme.
Nous n'avons pas été autorisé à entrer sur les lieux, mais nous pouvons affirmer avec certitude que cinq corps ont été exfiltré par hélicoptères du bâtiment, ainsi qu'un soldat légèrement blessé.
Les élèves de la classe d'Aiden Carter ont été incapables de décrire précisément les événements qui ont provoqué la mort de ces personnes, la plupart s'étant enfuis ou évanouis avant le dénouement. Les autres sont actuellement sous protection gouvernementale, en état de choc.
Aiden Carter serait, selon l'armée, transféré dans un établissement psychiatrique où il subira des examens. »

Alexia Lidier, reporter pour un journal local, 16 Mai 2015.

*

Rapport d'évolution d'Aiden Carter, 18 ans et 4 mois, 23 Novembre 2015 :

Nous l'avons fait sortir aujourd'hui, sous haute protection et avec une concentration gigantesque de drogue dans son organisme. Et pourtant, nous avons bien faillit perdre le contrôle. Heureusement, notre nouvelle contre-mesure, une neurotoxine puissante issue du venin du Taïpan du Désert, le serpent le plus venimeux connu à ce jour, est pour l'instant suffisante pour le neutraliser, le sujet devant concentrer toutes ses capacités de régénération pour contrer la toxine. Il semblerait que, combinés à ce venin, les chocs électriques à très haute intensité soient le meilleur moyen de le mettre hors d'état de nuire.
Nous ignorons cependant s'il est réellement immortel, ou si des dégâts trop importants pourraient lui être fatals. La seule solution serait pour l'instant la destruction totale du corps et de ses cellules par incinération, ce qui nécessiterait de capturer le sujet à l'aide du venin et d'électricité, avant de le brûler de telle façon qu'il ne reste rien à régénérer.
De même, je suis au regret d'annoncer que le sujet affiche à coup sûr la même instabilité que Griffin, et qu'il semble atteint d'une version très littérale de dédoublement de personnalité. Si nous n'avions jusqu'à présent été confronté qu'à une coquille vide contrôlée par le virus, qui prend un malin plaisir à se nommer lui-même Arion, nous avons eu la surprise de découvrir qu'Aiden existait toujours sous le monstre. Ils semblent tous deux partager leur corps, même s'il est clair qu'Arion a un contrôle presque total, à mon grand regret. Il est difficile de déterminer s'il s'agit d'une autre personnalité ou si le virus est devenu un organisme pensant à part entière, mais nous sommes bel et bien confrontées à deux êtres totalement différents.
Au moins, nous avons un moyen relativement sûr d'identifier notre interlocuteur. Aiden tenait énormément à ses yeux vairons et sa "normalité", alors qu'Arion cherche uniquement à provoquer la peur et le malaise avec ses iris rouges et sa voix sifflante, ce qui devrait être une information intéressante pour réussir à parler à Aiden. Il m'a parut à la fois effrayé et énervé quand il a pris le dessus sur le virus, mais je pense qu'il est néanmoins le plus ouvert des deux.
Et qui sait, s'il prend le contrôle sur Arion, peut-être avons nous une chance.

Docteur Yves Labbar.

*

18 Février 2016

La douleur est horrible. Il sent ses membres qui le brûlent, et chaque millimètre de son corps lui paraît arraché , déchiqueté, et reconstitué dans un sens différent. Au milieu des ténèbres, seule la flamme rouge de sa souffrance est visible, et il n'a que ça à quoi se raccrocher. Les souvenirs du visage bienveillant de sa mère, des moments passés avec son père, tout est dévoré par une ombre qui s'empare de son esprit à mesure que la douleur progresse. Puis tout s'efface, et le visage étranger d'un homme en blouse de laboratoire les remplace, devenant son seul lien avec ces sensations qui parcourent son corps.
Sauf que non. Une idée germe tout doucement, peut-être poussée par cette ombre qui le dévore, mais elle semble tellement juste....
Cet homme.... Ces hommes, tous autant qu'ils sont, ne sont pas ses amis. Ce ne sont pas ses professeurs, ce ne sont pas des proches qui s'inquiètent pour son bien-être. Et ce ne sont assurément pas ses parents, ou en tout cas des figures qui tentent de s'en rapprocher. Et lentement, les souvenirs d'avant la douleur reviennent. Ils s'imposent, et remplacent complètement ces étrangers, ces personnes qui prétendent l'aimer, et la froideur des laboratoires de test laisse place à l'agréable toucher d'un rayon de soleil sur son visage, alors qu'il monte de plus en plus haut sur la balançoire. Le souffle du vent, le rire joyeux de son père qui le pousse, la douce odeur du barbecue et les appels à passer à table de sa mère.
Et le hurlement strident de la sirène, les cris de douleur de l'institutrice, et le claquement métallique de la porte de l'abri.
Le souffle frais du vent devient celui, humide, de la ventilation, l'odeur de viande grillée devient celle de la putréfaction, et ce sentiment de bien-être se mue en horreur indicible. Et en douleur. A nouveau, il se sent déchiqueté par quelque chose à l'intérieur de lui, et se met à hurler. Sauf qu'il ne peut pas, car quelque chose lui obstrue la bouche. Et, une nouvelle fois, la voix douce, mais si fausse du docteur, la vision des machines de tests, les avertissements quant à son exposition accidentelle à une infection.
Leur faute.
Les fioles remplies de sang et les tubes qui pompent le liquide vermeille, les médicaments et leur engourdissement momentané. Les frissons et les métamorphoses. La joie, et la peur. Et la mort. Sa mort.
Ce sont eux qui m'ont fait ça.
Il ressent la puissance qui a envahit son corps lorsque le virus a pris le contrôle, il revoit la terreur dans les yeux du professeur, et il se remémore l'extase de l’absorption du soldat. Et il revoit les yeux brillants de Laura, et ressent les battements de son cœur quand il était avec elle. Il entraperçoit ce qu'il a été, et ce qu'il pourrait être. Ce que ces hommes lui ont pris, et ce qu'ils vont l'empêcher de vivre.
Et il le refuse.

*

Tapi au fond de l'esprit d'Aiden, Arion continua à déverser dans son cerveau les souvenirs qu'il avait emprisonné sous les limbes brumeuses du traumatisme de l'infection. Si Aiden avait oublié, lui avait côtoyé chaque jour depuis le premier ces souvenirs perdus et enfouis au plus profond de son être, dissimulé par la douleur et les drogues qu'ils lui faisaient prendre. Mais il était temps de changer cela. Depuis des semaines, il s'était forcé à jouer au plus faible, à simuler l'écrasement par les doses qu'ils pensaient excessives alors que lui même s'y habituait, et à les laisser parler à Aiden quand ils le désiraient.
A leur faire baisser leur garde.
Et maintenant, il n'avait plus qu'à attendre. Aiden luttait constamment pour reprendre le contrôle, et diminuait se faisant les capacités d'Arion, puisqu'il devait se concentrer pour garder les rênes. Mais, tout en laissant les souvenirs retrouvés faire leur œuvre, il sentit que la rage d'Aiden grandissait, mêlée à une incertitude sur ses capacités à se libérer, et qu'avec elle, une idée toute simple germait dans son esprit.
Laisser sortir Arion.
Le virus se délecta de cette idée, et la regarda planter ses griffes dans l'esprit du jeune homme, sans tenter d'intervenir, afin qu'il s'enferme de son plein gré. Puis une pensée se forma dans sa tête, faisant vibrer la créature de joie.
J'ai besoin de toi.

*

Un léger son attira l'attention du docteur Labbar sur l'écran situé à sa droite. L'activité cérébrale d'Aiden était devenue brusquement étonnamment élevée, étant donné l'état dans lequel il était supposé être. Il pivota sur son siège, observant le jeune homme. Leur sujet était suspendu à l'intérieur d'une cuve en verre renforcé, remplie d'un mélange hautement conducteur, les bras et les jambes enserrées dans des étaux d'acier. Il portait un respirateur, et des capteurs étaient prêt à envoyer une puissante décharge électrique en cas d'activité dépassant les standards qu'ils avaient programmé. Et ce pic avait frôlé de très près cette limite invisible.

« Gaulin ? Appela t-il doucement.
– Oui monsieur ?
– Augmentez la puissance des décharges, juste au cas où. Je viens d'apercevoir un pic d'activité, et je préférerais éviter de prendre des risques. On ne sait jamais, avec Arion.
– Comme vous voudrez. Vous n'avez pas peur que ce soit trop puissant ?
– Oh, je doute que nous ayons réellement quelque chose de "trop puissant" pour lui dans les environs..... »

Un deuxième bip lui fit tourner la tête, venant cette fois du rythme du cœur. Encore une fois, il avait accéléré juste assez, pendant quelques secondes, pour effleurer sans la franchir la barrière imposée par les capteurs. Il ouvrit le tiroir, sortant le pistolet à air comprimé, et les fléchettes remplies de venin de Taïpan qu'il contenait. Il ne pouvait pas se permettre de mettre tout le monde en alerte pour un mauvais pressentiment, mais il en était tout proche.
Du coin de l’œil, il vit que la respiration d'Aiden, régulière en temps normal, venait de se ralentir, comme s'il venait de prendre une longue inspiration, ce qu'il n'était pas non plus censé faire dans le sommeil dans lequel il était plongé.
Il pivota sur sa chaise, observant du coin de l’œil les écrans, mais gardant le regard fixé sur la cuve. Il n'y eut plus que les bavardages lointains de ses collègues, et le cliquètement de doigts sur les claviers.
Puis l'enfer se déchaîna.
Les ordinateurs jetèrent leurs cris d'alarme, et quasiment instantanément, le corps d'Aiden fut secoué de spasmes, ponctués par les puissants arcs électriques qui parcouraient la cuve. Le liquide commença rapidement à bouillir sous l'intensité des décharges, et la peau du jeune homme se mit à se dissoudre dans la cuve, montrant des muscles à vifs en de nombreux endroits. Sa tête, maintenue par des broches métalliques, était agitée de soubresauts.
Puis il ouvrit les yeux.
Malgré ses tremblements, les deux lueurs rouges de ses iris étaient horriblement fixes, et Labbar vit un sourire s'étirer sur ses lèvres. Puis son corps pris une teinte plus sombre, les tissus blessés se régénérèrent, et ses tremblements diminuèrent. Ses mains s'allongèrent, devenant ces terrifiantes griffes qu'ils avaient déjà aperçu trop souvent.
Le docteur se jeta sur le bouton d'alerte placé à côté de son bureau, et l'enfonça à l'instant même où un claquement métallique retentissait dans la cuve. La sonnerie stridente résonna dans la salle et dans tout le complexe, alors qu'un hurlement inhumain emplissait les environs. Le docteur se retourna, et n'eut que le temps de lever futilement une main vers les trois scientifiques qui s'étaient approchés.
Le corps d'Aiden prit soudain des proportions grotesques, expulsant d'étranges tentacules organiques de son abdomen, comme s'il éjectait de la masse. Et le verre renforcé de la cuve éclata sous la pression. Les trois malheureux n'eurent pas le temps de réagir quand les fragments tranchants comme des rasoirs s'abattirent sur eux, réduisant leur corps en charpie.
Labbar roula par-dessus son bureau, et le cliquetis des débris s'écrasant tout autour de lui emplirent momentanément son esprit. A quelques mètres, l'un des scientifiques se tortillait sur le sol, la chair à vif, les vêtements déchiquetés. Il tourna la tête vers lui, et le docteur eut un mouvement de recul. L'un de ses yeux pendait sur sa joue, tandis que l'autre avait été lacéré par un fragment de verre. Et il geignait, appelant ses proches d'une voix stridente.

HelpingFR
Niveau 25
23 juillet 2017 à 12:47:12

Je n'ai pas encore lu le chapitre 3, mais je te conseillerai de décomposer tes chapitres en partie, car je dois admettre que ça risque de décourager ceux qui vont lire, de se retrouver un gros pavé qui ne peut tenir que sur trois posts :noel:
(C'est là que tu vois que JVC n'est vraiment, mais vraiment pas fait pour le partage de textes :hap: )

HelpingFR
Niveau 25
23 juillet 2017 à 14:08:42

Néanmoins, chapitre lu, et je dois avouer que j'ai bien hâte de lire la suite :noel:
Je me demande vraiment où tout ça va nous mener :noel:

Branholt
Niveau 10
23 juillet 2017 à 18:09:14

Je n'ai pas encore commencé à lire car je n'ai pas le temps tout de suite mais j'adore ton synopsis car ça me fait penser au manga Parasite je ne sais pas si ça été une source d'inspiration ou non pour toi. Ci ce n'est pas le cas je t'invite grandement à y jeter un coup d’œil, la réflexion proposée par le manga est géniale !

Je ferai une review dès que j'aurais tout lu.

Spycho
Niveau 10
23 juillet 2017 à 20:44:00

Help :d) Ouais, je sais, c'est vachement indigeste d'un seul coup, mais je sais pas trop comment couper ça correctement, je me sentirais comme un mec qui décide de balancer des pages de pubs de façon random au milieu d'un film :noel:
Cela dit je pense que je vais pas avoir le choix, effectivement. Le prochain chapitre est légèrement plus court, il devrait tenir en deux posts, mais j'en ai d'autres qui risquent de tenir en quatre :peur:
(par exemple, le dernier fais à peu près huit pages et demi sur le fichier, le prochain en fait six (et techniquement j'aurais pu l'agrafer au précédent), et celui d'après en fait onze :noel: )

Je ferais ça je pense, de toute façon j'enverra le suivant dans le début de semaine :oui:

Benholt :d) Pas de soucis, prends ton temps, surtout que ça fait pas mal d'un coup, même pour un début :o))
Par contre, vu que je suis pas vraiment fan de manga (connaissances limitées à deux trois trucs populaires en gros), ça me dit absolument rien. Cela dit, j'ai été voir un peu le synopsis et quelques visuels, et effectivement, je vois les points communs, peut-être un peu trop d'ailleurs, c'est assez bizarre, en quelques screens j'ai eu l'impression de voir une version manga de plusieurs idées que j'aborde ici :o))
Niveau inspiration je dirais que ça me vient plutôt des symbiotes présents dans l'univers de Spider-man, mais je vois le rapprochement, ça a l'air sympa d'ailleurs :noel:

HelpingFR
Niveau 25
23 juillet 2017 à 21:06:48

Boarf, tu sais, on commence un peu à s'habituer aux fragments de chapitres :hap:

Spycho
Niveau 10
23 juillet 2017 à 21:35:08

Mais c'est trop triste, faut pas s'habituer à ça! :noel:
Fin c'est surtout qu'un chapitre c'est censé former un tout, ça commence à un endroit précis et ça finit à un autre, je me vois pas les découper en morceaux. Surtout que chaque début de chapitre a un petit passage en italique qui est censé apporter quelques infos supplémentaires, que ce soit des reportages, des briefings, etc, donc si je me mets à passer mes chapitres à la machette, ça va être le bordel :o))

Bon, je vais pas avoir le choix de toute façon, mais qu'il soit noté que ça m'emmerde, pour le coup :noel:

HelpingFR
Niveau 25
23 juillet 2017 à 22:04:43

Au pire, si ça peut alléger, tu met juste Chapitre X partie 1/2/3/4 :hap:

Pour ma part, en te lisant, je comprend qu'on puisse se démotiver quand il s'agit de me lire moi :hap:
(En sachant que pour moi, maintenant, il me faut trois posts mini :hap: )

Branholt
Niveau 10
24 juillet 2017 à 12:01:19

Bon j'ai tout lu et j'adore ! J'ai très peu de choses à redire même s'il y a une chose qui me dérange, mais je vais d'abord commencer par le positif : tu écris très bien, l'histoire est vraiment agréable à suivre et malgré les nombreuses ellipses temporelles et géographiques le fil de l'histoire n'est pas décousu ; il en va de même pour les passages de Aiden à Arion, c'est fait de manière claire ; tu as également un style très plaisant, tu arrives bien à poser le cadre de l'action sans non plus assommer le lecteur de détails ce qui renforce la fluidité du récit ; tu arrives bien à montrer la peur et le dégoût que les gens ressentent vis-à-vis d'Arion et c'est vraiment cool car malgré les horreurs commises par la créature on arrive à avoir un minimum d'empathie pour elle même si on la craint.

Pour les points négatifs : je trouve que tu aurais dû bien plus t'attarder sur le personnage d'Aiden et notamment son adolescence car malheureusement on ne sait rien de sa personnalité et il n'y a pas réellement de lien qui a été créé entre lui et le lecteur et finalement je souhaite bien plus suivre les aventures d'Arion que d'Aiden ; ensuite si tu montres très bien à quel point Arion est violent tu devrais peut-être plus montrer que c'est un monstre de force afin de donner plus de "punch" aux scènes de combats mais bon ça c'est plus un détail mais ce qui m'a vraiment gêné c'est que la psychologie d'Aiden qui n'est pas assez développée ce qui fait qu'à part le fait que j'ai pitié pour lui, je m'en fiche un peu de ce qu'il va lui arriver :noel:

Mais sinon ça reste majoritairement très bon et très plaisant à lire [[sticker:p/1lm9]]

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Sujet : [Avis] Le Projet Arion
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