Bonjour à tous et à toutes !
Je suis nouveau sur ce forum et c'est la première fois que je poste. J'aimerais vous faire partager un chapitre d'un roman en cours d'écriture pour avoir quelques retours
Simplement pour poser le contexte : j'avais écrit le premier chapitre il y a de cela quelques mois mais je n'ai malheureusement pas pu continuer (Problèmes indépendants de ma volonté ).
En reprenant récemment l'écriture j'ai relu ce premier chapitre que j'ai trouvé finalement assez mal écrit, c'est pourquoi je ne poste ici que le second chapitre écrit plus récemment en attendant d'améliorer le premier. Don't worry, pas de problèmes de compréhension vu que le second chapitre introduit un nouveau personnage. Mais de toute façon j'aimerais bien avoir des avis principalement sur le style, le rythme plutôt que sur l'histoire pour savoir si cela vaut le coup que je continue à écrire.
Sur ce je vous souhaite une agréable lecture ( du moins je l'espère ) et j'attend vos retours avec impatience, qu'ils soient positifs ou négatifs !
PS : j'ai laissé la citation de Lewis Caroll car tous mes chapitres commencent ainsi et qu'elle est une clé de lecture et d’interprétation pour les chapitres suivants. Par contre la mise en page fait très pavé, j'ai essayé d'aérer un peu mais sur jvc c'est très différent de ce que j'avais fait sous Word. Mes excuses les plus sincères
Chapitre II
« Si je n’existais pas, dit Alice en riant à moitié à travers ses pleurs tant tout cela lui paraissait ridicule, je ne pourrais pas pleurer. »
« Parce-que tu crois que ce sont de vraies larmes ? » interrompit Tweedledee d’un ton extrêmement méprisant.
Ronan attendit que son père quitte l’appartement. Il savait que pleurer n’aurait eu pour seul effet d’empirer les choses. Une fois les pas lourds de son paternel évanouis dans le silence de la nuit, il patienta encore plusieurs minutes avant de fondre en larmes. Toujours à terre, il retira la main de son bas ventre au niveau duquel la douleur commençait à s’affaiblir et ramena ses genoux contre sa poitrine endolorie, se recroquevillant sur lui-même. La position fœtale avait toujours eu quelque chose de réconfortant pour lui. Une sorte de retour aux sources, du temps où il flottait insouciant dans le liquide amniotique, lové au creux d’un ventre protecteur.
Une heure s’écoula ainsi durant laquelle il ne fit que pleurer. Pleurer. Un acte si naturel, qui lui était désormais interdit depuis que son père avait récupéré sa garde. Deux ans auparavant il aurait pu qualifier sa vie de « supportable ». Mais depuis le décès de sa mère aussi brutal qu’inattendu, des suites d’un arrêt cardiaque, il lui a fallu supporter la dépression de son père durant les premiers mois, puis sa longue descente aux enfers dans les méandres de l’alcoolisme. Ronan avait à l’époque trouvé impressionnant la façon dont la boisson s’était immiscée dans leur vie, d’une manière si subtile, un peu comme un poison qui lentement pourrit la moindre parcelle d’un corps. Au début ce n’était qu’un détail parmi tant d’autres, une réponse censée au traumatisme qu’avait été la mort de sa mère. Puis petit à petit il avait vu l’alcool s’insérer dans chacune des pores de la peau de son paternel, dicter chacune de ses actions, de ses faits et gestes. Tel un marionnettiste machiavélique, ce poison l’avait poussé à être violent avec son entourage, sa famille. Son fils.
Ronan finit par chercher à tâtons un meuble sur lequel s’appuyer pour se relever. Il jeta son dévolu sur l’illustre fauteuil paternel. Triste ironie. Ses ongles s’enfoncèrent si profondément dans le cuir usé du bras qu’il crut qu’ils allaient se détacher de ses doigts. Dans un râle il se redressa, tituba sur quelques mètres, puis retrouvant l’équilibre se dirigea vers la salle de bain. Ses pieds semblaient peser une tonne et chaque pas qu’il effectuait sur le vieux parquet jauni par le temps lui semblait incertain. Il s’approcha de la baignoire vétuste, tourna le robinet à fond, s’assit en tailleur et se posta ainsi, surveillant le niveau d’eau.
Il repensait au geste de son père. Il en avait l’habitude depuis le temps. Ce n’était pas le premier tout comme ce ne serais pas le dernier. Pas de raison particulière cette fois. Il lui reprochait simplement d’exister. Bon nombre de fois la solution de la fugue avait germé dans son esprit. Mais ce n’était qu’une mauvaise graine : à 18 ans, déscolarisé, sans emploi, il n’avait aucune perspective de survie dans le monde impitoyable de la rue. Il passait ses journées à jouer à la console dans l’appartement qu’il partageait avec celui qu’il aimait à appeler « Le Diable » ou dans les ruelles du 13ème arrondissement de Marseille, à trainer avec des gamins du quartier. Aucun d’entre eux n’étaient réellement amis, la plupart passaient leurs journées à sécher les cours et ne se rejoignaient que dans l’optique de passer le temps. Certains se vantaient même d’être des « gamins de la rue » (Comprendre : sans domicile fixe), et Ronan savait de source sure qu’ils vivaient de vols et autres petits larcins.
Le Diable quant à lui passait ses journées à l’Irish Bar, un pub situé à quelques pâtés de maison de leur domicile. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, Le Diable n’était pas l’un de ces piliers de bar à la bedaine proéminente empestant le tord-boyaux mais bel et bien le tenancier du pub. L’Irish bar avait jadis appartenu au grand-père paternel de Ronan. Quand il était plus jeune, il pouvait passer des heures entières dans cette endroit à l’ambiance folklorique. Avec sa déco insolite, le pub était un petit coin de paradis autant pour les habitués que pour le jeune garçon. Les choppes de bière géante transformées en tabourets, le vieux juke box qui avalait une fois sur deux les pièces que lui tendaient les clients, le flipper à l’ambiance sonore futuriste dont le tableau représentait un vaisseau spatial en proie à d’innombrables menaces extraterrestres. Puis Le Diable reprit l’établissement à la mort du grand père de Ronan et lorsqu’il sombra dans l’alcool, l’Irish bar ne fut plus qu’un lointain souvenir pour le jeune garçon. Cela faisait presque trois mois qu’il n’y avait pas mis les pieds. Le Diable en revanche pouvait parfois y passer plusieurs journées sans même rentrer à l’appartement. Pas une grande perte.
L’eau approchait dangereusement du rebord de la baignoire. Le jeune garçon coupa le robinet et s’y allongea sans même prendre la peine d’enlever ses vêtements. Retenant sa respiration, il laissa sa tête glisser lentement contre le rebord glacial, jusqu’à disparaitre complètement sous le volume d’eau. Les yeux grands ouverts il fixait le luminaire du plafond qui diffusait de faibles rayons de lumière qui peinaient à traverser l’onde. Sous l’eau il ne distinguait plus que de vagues formes flous flottants au-dessus de lui, des spectres qui semblaient s’éloigner de plus en plus à mesure que les secondes passaient. Sa poitrine se contractait sous l’effet du manque d’oxygène. C’est alors qu’il écarta ses mâchoires et hurla. Un hurlement assourdit par le liquide, que lui seul pouvait entendre. Une sorte de cri intérieur, un rugissement vomissant un torrent de bulles qui venaient s’écraser à la surface de l’eau. Il savait que c’était inutile mais il en avait besoin. C’était sa façon à lui d’extérioriser.
Une fois sec, il mit ses vêtements à sécher sur l’étendage qui traversait de part en part la pièce principale. Il attrapa sur ce dernier un t-shirt uni, qu’il s’empressa d’enfiler : la vue de l’hématome violacée naissant au bas de son torse le répugnait. Une énième marque du Diable, à ajouter aux nombreux stigmates que son corps portait. Au moins celle-ci devrait disparaître d’ici quelques jours.
Caleçon. Pantalon. Chaussettes. Chaussures. Un rapide coup de peigne. Il essaya tant bien que mal de faire retrouver à ces yeux une teinte plus naturelle. Mais malgré ses efforts, ces derniers s’obstinaient à rester rouges et gonflés semblables à deux grosses tomates. Il réussit finalement après plusieurs longues minutes à leur rendre une apparence à peu près correcte. À travers les rideaux le soleil commençait à pointer son nez, et même s’il n’avait rien de prévu Ronan n’avait nulle envie de s’éterniser dans l’appartement. Il sortit sur le palier, referma la porte derrière lui, fourra ses clés dans sa poche et se dirigea vers la sortie de secours. Il n’avait aucune idée de l’heure à laquelle rentrerait son père, c’est pourquoi il se garda bien d’emprunter l’escalier principal, de peur de tomber sur lui. L’issue de secours donnait sur un échafaudage extérieur, composé d’un escalier en colimaçon cerclé d’une cage de fer. Les marches métalliques semblaient tellement instables que Ronan les voyait déjà se dérober sous ses pieds. Après une brève descente il déboula finalement dans la rue.
Malgré l’apparition progressive de quelques rayons de soleil, les lampadaires diffusaient encore leur faible lumière. En cause, une épaisse brume qui se déversait dans la ville en cette matinée d’octobre. Semblable à un serpent de fumée, elle léchait les bâtiments et enveloppait de son corps gazal les luminaires qui ressemblaient à des phares en pleine tempête, seuls points d’ancrage auxquels se raccrocher. Mais même au cœur de ce brouillard, Ronan n’eut aucun mal à se diriger car il savait exactement où il allait : Le Mont, une vieille décharge qui se trouvait en périphérie de la ville, à moins d’un kilomètre, à l’Est de l’Irish Bar. Bien sûr toujours dans un souci de discrétion, il contourna l’établissement. L’enseigne représentant un Leprechaun (Un petit lutin, célèbre figure du folklore irlandais) brillait d’une multitude d’ampoules vertes. Le Leprechaun portait dans la main une pinte de bière qu’il levait dans un geste mécanique, comme une invitation à entrer. Entrez. Entrez. Venez rejoindre le paradis sur terre, vous ne serez pas déçus. Mais attention à ne pas vous y perdre, car même le paradis cache souvent ses propres démons.
Là, au sein de la brume, l’établissement ressemblait à une oasis au milieu du désert. Irréel. Ronan ne s’attarda pas et contourna le pub.