Se connecter

Création

Ecriture

Sujet : [ Fantasy] Choisir la vie
1
Le_Dominateur
Niveau 13
16 août 2017 à 18:34:49

Salut à tous!

Second roman qui se passe dans le même univers que "Les Héritiers" https://m.jeuxvideo.com/forums/42-58-50933658-1-0-1-0-fantasy-les-heritiers.htm

Je ne sais pas encore si ce sera un spin off ou un préquel, mais j'espère que ça vous plaira. Pour ma part, je prend beaucoup de plaisir à écrire et développer cet univers.

Chapitre I : Un monde contre la vie est-il condamné ?

Les premiers flocons de la saison voltigeaient dans l’air frais de la nuit. L’atmosphère chaleureuse de vie fut brutalement coupée quand la porte se referma. Plus de bruit, plus de lumière, seules les ténèbres glaciales s’étendaient devant lui. Quelque part au-dessus pendait la pancarte en bois de l’établissement, « Aux deux lunes », avec l’emblème représentait d’une peinture craquelée par le temps. Sous l’écriture stylisée, deux cercles, l’un bleu, l’autre rose, se superposaient. La plupart des nuits, les deux astres éclairaient la place devant l’auberge. Ce soir cependant, un manteau de nuage laiteux les recouvrait à la vue. Réprimant un frisson de froid, le travailleur éreinté se dirigea vers son domicile, seul les bruits de ses pas sur les pavés durs et gelés troublaient la tranquillité de l’instant. L’arrivée de l’hiver sur la cité s’accompagnait souvent d’une désertion de ses rues par les badauds, et il ne croisa qu’une poignée de silhouette, des ombres comme lui. Fort heureusement, le jeune homme connaissait le chemin par cœur, car les lampes à huiles, déjà d’ordinaire vétustes, ne supportait pas ces changements de météo, et s’éteignaient couramment. Au bout d’un moment, il arriva devant son immeuble, que rien ne distinguait des autres sinon une plaque de cuivre ternis par le temps arborant le numéro quinze. Les petites cheminées du quartier crachotaient de la fumée grisâtre, qui se mêlait finalement aux nuages.
La chaleur et les couleurs chaudes qui ornaient son appartement décrièrent fortement avec l’atmosphère des rues au dehors, un soleil qui réchauffait de nouveau son corps et son cœur. Sa compagne, une grande brune à la peau constellée de tâches de tousseurs, dormait sur leur canapé rapiécé. En s’approchant, il constata les traits tirés de son visage d’habitude si doux. Elle dû sentir son arrivé, car elle se réveilla en sursaut, avant même qu’il ne la touche.
« Le’, l’informa-t-elle, il y a quelque chose d’important que je dois te dire.
Que se passe-t-il ? demanda son conjoint, tu as l’air agité.
- Leandre, mon amour, je suis enceinte.
- Enceinte, répéta-t-il incrédule, mais nous avons toujours fait attention.
- Je sais, mais il n’y a aucun doute, précisa sa compagne, voilà quelques jours que je me sens… différente, les symptômes ne me sont pas inconnus tu sais.
- Oui, mais ces herbes que tu prends à chaque nouvelle lune, elles sont là pour ça !
- Il y toujours un risque, expliqua-t-elle, je suis allé voir Eleanore, et elle me l’a confirmé aussi.
- Oliviah, cet enfant, nous ne pouvons nous le permettre, dit-il tristement, nous pouvons à peine manger à notre faim.
- Je le sais, répondit-elle résignée, certains préparent des mixtures de pierre de lune qui…
- N’y pense même pas, la coupa Leandre, j’ai entendu des histoires sur cette roche, et certaines femmes ne s’en sont jamais remises.
- A vrai dire, je ne suis pas très pour non plus, confessa Oliviah.
- Nous réfléchirons à des solutions plus tard, lui promit il en l’enlaçant, pour l’instant repose toi.
- La venue d’un enfant… dans une autre époque, cela aurait été une bénédiction, murmura-t-elle en s’assoupissant de nouveau. »

Après un sommeil agité, Leandre se leva tôt, et prit soin de se préparer pour une nouvelle journée à l’auberge sans réveiller sa compagne. Il lui jeta un regard, elle semblait bercée d’un sommeil plus serein que la veille. Rassuré, il sortit dans la ville, à présent recouvert d’un voile blanc, dissimulant la crasse des lieux et les pavés irréguliers.
Pour l’heure, la salle principale de l’auberge ne présentait aucuns clients. Nuls bâtiments du quartier ne rivalisaient en âge et en taille avec Les Deux Lunes. Leandre parcouru des yeux ce lieu qui comptait pour lui. Plusieurs grandes tablées dressées pour la clientèle occupaient la majeure partie de l’espace, entourées de bancs, dans une optique de convivialité. Les anciens murs de pierres, parfois recouverts de tapisseries, s’effaçaient régulièrement au profit de hautes fenêtres, qui laissaient la lumière du jour couler à flots. Les lueurs du jour se reflétaient sur le comptoir massif, qui gardait une armoire aux portes vitrées, remplie de bouteilles multicolores. Accolé au mur de droite, un foyer de pierre, décoré de bibelots en tout genre, chauffait la pièce lors des nuits froides. Il avait de nombreux souvenirs ici, quelques-uns désagréables, mais la plupart très heureux.
D’innombrables senteurs, accumulées au fil des siècles, émanaient de la cuisine. De la pénombre, il entendit un bruit faible, presque inaudible, vibrer en rythme depuis le fond de la pièce. Il alluma la lampe à huile la plus proche, s’attendant à un rongeur, mais eut la surprise de trouver son ami en train de ronfler sur l’un des tabourets. Dyn pouvait être la seule personne rousse à des lieux à la ronde pour ce qu’en savait Leandre, et très sûrement l’une des plus portée sur la boisson. Il s’avança s’avança silencieusement jusqu'à lui et, une fois collé à son visage, hurla à pleins poumons. Le malheureux tomba de son perchoir sous le coup de la peur, et s’empêtra dans ses vêtements en essayant de se relever, tandis que Leandre ria aux éclats. L’infortuné finit par se remettre sur pied, tout en clignant des yeux.
« Très drôle Leandre, clama Dyn, voilà comment tu remercies mon zèle d’être venu aussi tôt.
- Je suis à chaque fois impressionné, avoua Leandre, je remarque aussi que dans ta volonté pour venir aux aurores, tu as enfilé les mêmes habits que la veille.
- On ne peut rien te cacher, répondit l’homme roux en souriant, ma sœur est arrivée hier, et comme tu peux t’en douter, nous avons veillé jusqu’à tard.
- Comment va-t-elle ? s’enquit Leandre.
- Très bien, elle est venue d’Eratryk, avec toutes sortes de bocaux, remplis de purée de châtaignes et autre confitures de figues.
- J’en déduis qu’elle aura un stand à la fête. Tu vas l’aider ?
- Pour tout te dire j’aurais préféré passer la nuit au stand de vin chaud de ce vieux Bill, mais que veux-tu, elle me ferait un scandale si je faisais ça.
- Les liens familiaux c’est sacré par chez vous non ?
- Ne m’en parle pas. Mon grand-père ne m’a pas lâché tant que je ne connaissais pas tous les noms de ses frères et sœurs. - Toujours la même rengaine pour vous ?
- Exactement, ça avait assez bien marché l’an passé.
- À la bonne heure ! Mais et toi, comment vas-tu ? Tu m’as dit l’autre jour que Oliviah était souffrante. »
Leandre hésita un instant, quand bien même il connaissait cet homme depuis plusieurs années, il ne voulait pas que la nouvelle s’ébruite.
«  Oliviah est enceinte, lâcha-t-il d’un bloc.
- Je pense deviner à ta figure que je ne dois pas te féliciter non ?
- Écoute, ne te méprends pas, de manière général je serais très content d’avoir des enfants, d’autant plus avec celle que j’aime, mais tu sais combien un enfant coûte cher, ça plus la Taxe…
- Je comprends, et ce n’est pas avec ce boulot de misère que ça va aller mieux hein ? Je veux dire, pour un seul homme ça va, et puis l’ambiance est bonne mais bon, dit Dyn.
- Oui, du coup je ne sais pas quoi faire, j’y ai pensé toute la nuit, et j’ai le choix entre partir de Rehil ou trouver quelqu’un qui connaît quelqu’un qui sait faire telle ou telle potion miracle, déclara Leandre dubitatif.
- Il y a une autre voie : assumer cet enfant, proposa l’homme roux.
- Mais tu viens de le dire toi-même : ce job… repris Leandre.
- Je ne parlais pas forcément de plus d’heures de travail dans ce trou à rat, le coupa Dyn, j’ai peut-être un plan qui pourrait t’aider, seulement…
- C’est illégal n’est ce pas ?
- On peut voir les choses comme ça, avoua Dyn, je ne te dis pas de le faire ou de ne pas le faire, mais un de mes cousins connaît un homme qui touche un peu à tout, et il ne refuse jamais une bonne volonté. »

Le cuisinier honnête et travailleur aurait tout de suite refusé cette proposition, d’autant plus que la loi instaurée par les Élus ne pardonnait pas les écarts de conduite, mais le futur père qu’il était devenu y réfléchit à deux fois. Après quelques temps de réflexion, il demanda finalement à son collègue le nom et l’adresse de son cousin. Il connaissait la vérité, pour les gens du communs, d’autant plus ceux sans héritage familiaux à marchander : rassembler la somme suffisante pour la Taxe relevaient d’un travail s’étendant sur plusieurs années. Cet impôt sur les naissances était bien connu, car il touchait toutes les couches de la population depuis des générations. Dans les duchés les plus éloignés, les autorités ne demandaient pas systématiquement le paiement de la Taxe, notamment car certains vivaient carrément en autarcie, subsistant sur leurs acquis et produisant leurs propres denrées. Mais celui de Rehil représentait une densité d’habitants, et pour freiner la hausse démographique, il avait fallu instaurer un système d’impôt pour la ralentir. Le rouquin, après avoir mis quelques instants à se rappeler de l’adresse, lui écrivit sur un bout de parchemin qu’il lui tendit, en lui expliquant comment s’y rendre.
«  Voilà pour toi mon ami, dit Dyn, inutile de le préciser, mais à partir de maintenant je ne sais plus rien de tout ça d’accord ?
- Oui oui, répondit distraitement Leandre, merci, j’imagine…
- Remercie moi en faisant attention à toi, une vie ça n’a pas de prix. »
Leandre n’avait pas l’habitude d’entendre des paroles aussi sage de la part de Dyn, aussi il fut interloqué, il se promit cependant de se souvenir de ces paroles en temps utiles. Ils parlèrent de choses et d’autres durant la journée, puis il rentra chez lui.

Ce soir-là, il ne dit rien à Oliviah, moins mélancolique que la veille et le sujet resta en suspens dans l’atmosphère. De congé le lendemain, il attendit qu’elle parte travailler, puis se dirigea à l’adresse indiquée par Dyn. De mémoire, jamais il ne se trouva dans cette partie de la mégapole : des maisons encore plus délabrées composaient ce quartier, elles donnaient à l’endroit un aspect un peu lugubre, même en plein jour. Certaines paraissaient à l’abandon, se tassant sur elle-même. Au détour d’une ruelle, il arriva sur un promontoire situé entre deux habitations, donnant sur une colline à l’herbe recouverte de givre. Depuis les hauteurs, il apercevait une bonne partie de la ville, océan de coupoles couvertes de neiges, duquel s’élevait de nombreuses lignes de fumée grise. La baie que l’on devinait au-delà présentait un assemblement de voiles de toutes sortes. Tous les ans à cette époque, on venait des quatre coins de la mer pour participer à la fête de l’hiver. Dernier grand rassemblement populaire avant la rude saison des grandes neiges.
L’architecture particulière de son lieu de rendez vous l’interpella. Si le style rehilien se construisait tout en colonnes, dômes et coupoles, cette maison ci possédait une ligne tout en bloc. Les murs lisses et beiges avaient laissé place ici à un assemblage de grosses briques grises. La massive cheminée ne crachait aucuns veloutes de fumées. Sous la fraîche bise de l’hiver, il hésita une fraction de secondes, puis frappa à la lourde porte de bois.

Les minutes passèrent et il se mit à croire que Dyn lui avait encore joué une farce de son invention, lui ayant indiqué l’adresse d’une ruine, quand une voix retentit, étouffée par la porte.
«  C’est pour quoi ? dit-elle.
Je viens de la part de Dyn.
De Dyn, répéta la voix, qui es tu ?
Je travaille avec lui, Aux Deux Lunes, expliqua Leandre. »
L’homme qui lui ouvra ressemblait beaucoup à son cousin, mais en plus exagéré. Son visage arborait une broussaille plus abondante, qui flamboyait d’une couleur plus orangée. Au travers de cette jungle de poils, on pouvait deviner pourtant les mêmes yeux bruns et espiègles. Il semblait plus âgé que ce dernier de quelques années, plus mature aussi.
«  Ah ce vieux pirate, voilà longtemps que je ne l’ai pas vu, pesta-t-il, avec un certain accent du nord.
- Oui, il travaille beaucoup, mentit Leandre.
- Peu importe, nous ne sommes pas très compatibles, si tu veux mon avis. Je me nomme Argus, dit il en lui tendant la main.
- Leandre, répondit-il en la serrant, il m’a dit que vous pouviez peut-être m’aider.
- C’est possible, répondit Argus évasivement, quel est ton problème ?
- Une femme enceinte, dit Leandre simplement. »

De toute évidence, Argus semblait avoir l’habitude des futurs parents désespérés, car il l’invita à entrer. La maison sentait le renfermée, et la décoration intérieure allait de pair avec l’architecture : loin des clichés tout en couleurs chaudes et en tentures de la région, le maître des lieux avait laissé les pierres apparentes ainsi que les poutres qui soutenaient le toit. D’imposants meubles de bois sombres composaient le mobilier. Cela devait rappeler son pays natal à son hôte, et évoqua les Deux Lunes à Leandre. Ils s’assirent dans le salon, où Argus préféra allumer quelques chandelles plutôt que d’ouvrir les volets pour laisser entrer le soleil. Cette atmosphère mystique, couplait à la discussion probablement malhonnête qui allait s’en suivre, donna à Leandre l’impression de faire quelque chose de vraiment illégal. Peu à peu, l’appréhension laissa place à l’excitation, ce qui le surprit. Son hôte alla dans la pièce d’à côté quelques instants, et leur ramenèrent deux verres d’un liquide aux reflets pourpres. Ils trinquèrent selon la coutume locale, aspect qu’Argus avait l’air de maîtriser, et commencèrent à parler.

Le_Dominateur
Niveau 13
22 août 2017 à 18:39:56

Chapitre II - Prêt à tout?

«  Alors, concrètement, de combien à tu besoin, demanda Argus de but en blanc.
- Je ne suis pas aux abois dès maintenant, mais de quoi payer la Taxe serait bien, expliqua Leandre.
- C’est ton premier enfant ?
- Oui, du coup il me semble qu’elle s’élève à trois cristaux, ou à un rubis de très bonne qualité c’est selon.
- Pas facile de réunir une telle somme, pour nous autres des bas-fonds, avoua l’autre, heureusement, nous avons de la ressource, et nous nous reposons sur une économie parallèle dont les mages eux-mêmes ignorent pratiquement l’existence.
- Vraiment, vous n’avez jamais eu de problème ?
- De temps en temps, quelques-uns se font attraper par la garde d’or, mais en général c’est plutôt à cause d’une maladresse de leur part.
- Et quels sont les risques ? De quelle peine écopent-ils ? questionna le jeune homme avec appréhension.
- Quelques jours de cachots, parfois des coups de fouet, mais la bonne paye dans la bonne poche et ils sortent aussi rapidement qu’ils sont rentrés, dit le barbu.
- Idéalement, je préférerais éviter le châtiment corporel.
- Évidemment, à moins que tu possèdes des mœurs bien particulier, j’ai rencontré ce gars une fois, il ne payait pas de mine mais...
- Bref, alors ? le coupa Leandre.
- Pardon, donc, comme tu t’en doute, plus la mission est essentielle à ceux qui la demande, plus la paye est bonne.
- Plus le risque est important lui aussi.
- Et bien c’est ça le plus étonnant, les gardes d’or sont en réalité moins vigilant pour les plus grosses opérations, car il en revient souvent à défier les Élus eux-mêmes. L’existence même d’un crime un tant soit peu organisé les dépasse.
- Je ne pense pas avoir les épaules pour défier les Élus, avoua Leandre cyniquement.
- Bien sûr bien sûr, ajouta son hôte, et on ne te le demandera pas. L’avantage de mettre le nez dans leurs affaires est que les mages n’en parlent pas, car ils sont très suspicieux entre eux et pensent à toujours en priorité à l’œuvre d’un de leur confrère.
- Vraiment, ils ne mènent pas d’enquête ? dit Leandre surpris.
- Pas vraiment, mais nous ne jouons pas à ça trop souvent, répondit simplement Argus. »
-Ce dernier le scruta pendant que son invité ressassait tout ça. Si tout ce qu’il disait était exact, il ne risquait rien à prendre une petite journée à faire des affaires avec Argus et ses connaissances. Cela lui semblait pourtant trop beau pour être vrai. Son hôte eut l’air de lire dans ses pensées, car il déclara :
«  Tu te demandes peut-être pourquoi peu de monde se risque à mettre un pas dans ce milieu n’est-ce pas ? Et bien je vais te répondre simplement : car les mages l’ont interdit, lui expliqua l’homme trapu, et cela est plus que suffisant pour la plupart d’entre nous. »

Une fois être rentré chez lui , une nouvelle adresse en poche, il fit un rapide bilan de sa vie. Il devait se l’avouer, il avait toujours respecté la loi. Bien sûr, durant ses plus jeunes années à Kroll, il avait commis quelques impairs propres aux adolescents désœuvrés des villages, mais rien de vraiment illégal. Au maximum avait-il posé un doigt de pied au-delà de la limite, mais ici, c’était de banditisme dont il était question. Plus les années avait passé, et plus la réalité du monde l’avait rattrapé, l’enfant avait grandi, et ses rêves d’actes héroïques comme dans les légendes s’éteignirent peu à peu. Plus grand-chose ne le faisait vraiment rêver, mais cette opportunité de prendre des risques sembla rallumer une mèche au fond de son cœur. Peut-être était venu le temps d’utiliser son ingéniosité dans un autre but que celui de confectionner des ragoûts aux navets dans une auberge de quartier. Seul un élément lui manquait avant de prendre sa décision.
Perdu dans ses pensées, il sursauta quand la porte de son domicile claqua, il se retourna et vit sa douce, belle comme au premier jour, vêtue de couleurs chaudes. On aurait dit qu’une flamme se tenait devant lui. Sans un mot, il se jeta sur elle.
«  Je ne pensais pas que je t’avais manqué autant, dit-elle surprise.
- Cette journée loin de toi m’a paru être une éternité, confessa-t-il.
- Garde tes phrases de beau parleur pour toi, dit-elle, laissant poindre tout de même un sourire.
- Seulement quand je saurais que tu n’y sera plus sensible, rétorqua-t-il fièrement, comment s’est passé ta journée ?
- Plutôt chargée. Avec la venue de l’hiver, ils veulent tous des élixirs pour se fortifier, tu sais. Nous avons deux semaines de commandes en attente.
- Tu réalise un travail formidable là bas, peut-être serait-t-il temps à ce vieil apothicaire de te céder sa place, proposa Léandre.
- Cette boutique est l’œuvre de sa vie, il ne la lâchera pas de son vivant, et avec toutes ces mixture qu’il ingurgite à longueur de journée, cela risque de durer encore longtemps, dit-elle en riant. »
Pendant qu'elle parlait, elle avait allumé un brasero remplit d’un mélange d’herbes sur leur table basse. Cette fois, une odeur épicée se répandit dans le salon, et Leandre se sentit plus détendu. Sa compagne ne pipa pas mot du problème auquel ils avaient à faire face, mais il savait qu’elle y pensait constamment. Sa force de caractère était l’un des aspects de sa personnalité qui l’avait séduit il y a quelques années maintenant. Elle faisait preuve d'une forme de courage qui lui faisait défaut.
«  Oli', imagine que avions suffisamment de quoi élever cet enfant, lui dit il, souhaiterais tu le garder ?
- Je ne sais pas Le’, dans ce monde dans lequel on vit, je ne veux pas qu’il soit esclave comme nous le sommes.
- Tu avais déjà réfléchi à la question ?
- Bien sûr, c’est de mon corps dont il s’agit, cette somme, nous ne l'avons pas, ni aujourd'hui, ni demain, ni la semaine prochaine, la vente de l’appartement ne suffirait même pas à payer la Taxe.
- Écoute, j’ai parlé de notre problème de joyaux à l’auberge, et ils sont disposer à nous aider.
- Tu passe plus d'heures que de raison aux Deux Lunes Le'. Ne va te crever encore plus la santé là bas.. implora Oliviah.
- Je suis encore solide à mon âge, répondit Leandre évasivement, et ta boutique marche assez bien aussi, qui sait ce qu’il peut se passer dans l’avenir.
- J’imagine que l’on peut encore réfléchir à la question, et si cela ne marche pas, nous pourrions retourner à Kroll, histoire d’échapper à la Taxe, et laisser toute cette vie derrière nous. Qu’en dis tu ?
- Par exemple, oui.»
Après cette discussion, ils se câlinèrent tendrement, et elle parut s’endormir sereinement.
Un mensonge pour une bonne raison, est-ce vraiment une tromperie ?

Une fois encore, il se retrouva à errer dans des ruelles dont il ignorait jusqu’à présent l’existence. Cependant l’affaire de ce soir-là se révélait bien plus sérieuse que d’aller rendre visite à un cousin. Étant sur le qui-vive, il remarqua des éléments qui échapperaient aux yeux du voyageur pressé : malgré leur apparente pauvreté, les bâtisses ici possédaient des détails qui prouvaient le contraire. Ainsi, il lui semblait que l’or pur composait certains des chiffres indicateurs, et parfois, des arbres exotiques ornaient des jardins, et Leandre crut même apercevoir à un moment donné une partie d’une statue en marbre. Enfin, par deux fois, il sentit l’odeur de la viande qu'on grillait. Une senteur qu'il ne décelait que rarement, même en travaillant dans une auberge.
Le genre de personnes qu’il croisait ici, dans ces rues plus larges que dans la partie basse de la ville, portaient des vêtements bien épais, et leurs joues pour la plupart rebondies prouvaient à elles seules qu’il n’y avait pas seulement du chou dans leur assiette. Les denrées débordaient des échoppes, et plus de choix s’offraient à l’acheteur. Certains se payaient même le luxe de se mouvoir en carriole. La dernière fois qu’il avait vu des montures que personne ne chercher à manger, il ne vivait pas encore à Rehil. La populace ici ne remarquèrent même pas qu’un loqueteux arpentait les rues. Leurs vies paraissaient vraiment différentes de la sienne. Nous habitons tous la même ville pourtant, pensa-t-il tristement. Il se promit à lui-même qu’un jour viendra où il reviendra faire des emplettes dans ces rues.
Finalement, il se trouva devant une demeure à l’aspect rappelant une forteresse. Celle-ci se trouvait au bout d’une rue pavée qui s’éloignait de l’avenue principale en serpentant dans la colline. Des arbres la cachaient à la vue. Seule une barrière aux larges barreaux de fers noirs faisaient office d'ouverture entre de véritables murailles, et le chemin au-delà montait à découvert jusqu’à un manoir d’un autre âge. Une inscription signifiant Le Royaume trônait au-dessus du portail. À sa gauche, un corps de garde sortait du haut mur de pierre. Le type posté à l’intérieur, un chauve au regard déterminé, l’observait à travers une fine grille. À l’approche du visiteur, il leva le nez de la sculpture de bois qu'il taillait. La présence d’un garde impressionna Leandre, même si il aurait dû s'en douter, et il pensa un court instant à rentrer chez lui. Finalement, le chauve l’interpella, lui demandant s’il avait besoin d’un renseignement. D’une manière ou d’une autre, il devina que Leandre n’habitait pas le quartier. L’absence de lainages, peut-être.
Le jeune homme lui répondit qu’il venait de la part d’Argus, et le chauve, après l’avoir toisé quelques secondes derrière sa cage, sortit et le fouilla. Ne trouvant rien de hautement dangereux sur le jeune cuisinier maigrichon, il lui permit de passer le portail. Quelques coups portaient en rythme sur la porte du manoir permirent l'ouverture de la taille d’une main.
«  C’est pour quoi ? Demandèrent les yeux que l’on distinguait à travers.
- Ce gringalet demande à voir le patron, répondit le chauve, cette fouine d’Argus se porte garant de lui apparemment.
- Encore un bon à rien, hein ? déclarèrent les yeux, bon je vais le chercher, attendez là. »
- Des bruits de pas s’éloignèrent, tandis qu’ils attendirent quelques instants. Le garde ne quitta pas Leandre des yeux, ce qui le mit un peu mal à l’aise. Sorti de sa niche, le chien de garde n’avait pas une taille très impressionnante, mais il était évident qu’il ne fallait pas rire avec ce genre de bonhomme, fabriqué tout en muscle.

waynl
Niveau 1
25 août 2017 à 20:22:44

J'ai tout lu,mais il y a certaines choses qui m'ont échappé, faut-il avoir lu les héritier pour comprendre ce que sont les élus?

Impatient de lire la suite. [[sticker:p/1kki]]

Le_Dominateur
Niveau 13
31 août 2017 à 12:17:32

La neige commençait à tomber doucement quand la grande porte s’ouvrit finalement, sur la personne d’un étranger à la peau mate. D’une élégance rare, sa tenue comportait une chemise en lin immaculée, un pantalon de soie noire, et des chaussures faites de ce qui semblait être du cuir, pas ces bottines de bois et de fer que traînaient la plupart des gens. Une veste sombre le recouvrait, avec une grande plume blanche dans la petite poche du torse, qui frémissait au gré de la bise hivernale. Ses cheveux noirs, noués en une tresse, liée par un anneau d’argent, tombaient jusqu’à ses reins. Sa personne entière définissait le concept de sveltesse. Levant les mains, il déclara que les amis d’Argus étaient ses amis, et qu’il voulait entendre ce que ce nouveau venu avait à lui dire. Et bien, il sait jouer de la mise en scène celui là.
«  Bien le bonjour, Mr Padrino, je me nomme Leandre, se présenta celui-ci.
- Oui, Argus m’a parlé un peu de toi, répondit l’autre avec un léger accent chantonnant.
- Peut-être vous a-t-il dit alors que vous pourriez m’aider ?
- J’apprécie d’aider les autres, expliqua Padrino, mais malheureusement, nous vivons une époque troublée, et il faut savoir s’entraider.
Évidemment.
- Il m’a dit que tu étais cuisinier, est-ce exact ? repris l’élégant homme.
- Tout à fait, je travaille Aux Deux Lunes, une auberge située à La Mouche.
- Je sais combien la Taxe est affreusement injuste pour ceux qui sont nés du mauvais côté de la ville, moi-même, je viens des bas-fonds et je n’avais rien, expliqua Padrino dans un air qu'il voulait grandiloquent, aide-moi pour quelques petits ennuis qui me tracassent, et tu pourras manger à ta faim.
- C’est pour cela que je me présente à vous, pour pouvoir manger à ma faim, comme vous dites. »
L’autre lui répondit en souriant, il ne l’avait pas invité à rentrer, si bien la discussion se poursuivait dans le froid. Avant même qu’on ne lui explique sa mission, Leandre se sentit comme une marionnette, que l’on pouvait manipuler à sa guise. Il se garda la possibilité de refuser la proposition. Le garde le surveillait toujours, les muscles tendus prêt à bondir, son maître n’ayant apparemment pas de secrets pour lui.
«  Voilà l’affaire : dans trois jours, tu te présenteras à la caserne des gardes d’or de l’enceinte extérieure, tout près d’ici. Leur cuisinier va avoir un accident ce jour là, et tu te proposeras pour le remplacer, tu n’auras qu’à inventer une histoire. Dans une quinzaine de jours, une fois qu’ils se seront habitués à ta présence, des gars à moi feront irruption dans la cuisine. Le cellier de la cuisine est relié aux égouts. Tu suis jusque-là ? 
- Oui oui continuez, dit simplement Leandre.
- Bien, donc ils feront irruption dans ta cuisine. La porte de la caserne, est, comme tu dois t’en douter, gardée. Tout ce que tu auras à faire, c’est de t’arranger pour que la cuisine soit vide ce soir-là, et que toutes les portes entre les égouts et les couloirs de la caserne soient ouvertes. Ni plus ni moins, conclu Padrino l’air sérieux.
- Inutile de vous demander pourquoi toute cette opération n’est-ce pas ?
- Tout à fait, moins tu en sais, mieux c’est pour tout le monde, y compris pour toi. Mes gars repartiront par le même chemin, une fois qu’ils auront disparus, tu auras trois rubis, et tu pourras reprendre le cours tranquille de ta vie. Facile non ?
- À priori, mais j’ai appris qu’un plan qui a l’air trop beau pour être vrai est justement trop beau pour être vrai, philosopha le jeune homme.
- Ça mon ami, cela dépend de toi. »
Padrino inspirait tout sauf la confiance, arborant un sourire charmeur, ce genre de sourire qui endort la vigilance. Cela devait marcher chez ceux de la haute, cet univers de minauderies et de flatteries, mais Leandre était un survivant, et ne se laissa pas duper. Pourtant, il s’avoua que l’aristocrate n’avait absolument aucune raison de lui tendre un piège, et qu’au contraire, la venue d’un pauvre hère prêt à tout pour des clopinettes représentait une aubaine. Il accepta.

Un événement des plus heureux mit une pause dans la tension permanente qui l’habitait. Le jour du solstice d’hiver signifiait le début de la fête. Leur étal n’avait rien à envier à celui de leurs voisins, au contraire, l’explosion de couleurs des potions d'Oliviah détonnait avec la grisaille de la météo et attirait l’œil des badauds. Chaque couleur correspondait à des propriétés différentes, et il y en avait pour tous les goûts, celles aux vertus médicales se partageaient le vert, pour les maladies, et le rouge, pour les blessures. Les fioles bleues contenaient des mixtures diffusant bien-être corporel, les jaunes atténuer les déprimes. Les roses, celles que les clients achetaient en général « pour un copain », soignaient les tracas qui pouvaient nuire à une vie amoureuse épanouie. Il y en avait pour tous les besoins: des violettes, des noires, des blanches, des dorées, des brunes.. Certaines à la limite de la légalité, mais Leandre n’avait jamais osé demander à Oliviah de quoi il en retournait.
«  Et bien, il en a plus que l’année dernière, tu t’es surpassée, le félicita-t-elle.
- Oui, la dernière fois j’ai trouvé que le choix était un peu limite, alors j’ai décidé d’essayer de nouvelles recettes.
- Je suis impressionné, avoua-t-il plein d’entrain, grâce à toi nous possédons le stand le plus en vue du quartier.
- Je te remercie, répondit-elle en souriant, mais je n’ai pas à m’attribuer tout le mérite : l’ancien m’a beaucoup aidé. Je pense qu’il a enfin remarqué ma valeur. Il s’inquiète pour moi aussi, il ne me le dit pas, mais cela se sent.
- Et bien, il y a donc un cœur qui bat chez ce vieil homme. »
Leandre quant à lui, n’avait pas grand-chose à proposer de plus novateur que ce qu’exposait sa compagne. Aussi, il décida d’utiliser ses quelques talents pour soutenir l’effort de guerre. Quand il ne jouait pas du luth pour créer une ambiance musicale, il se proposait de faire des portraits. Moins affinés que durant ses plus jeunes années, ses talents de dessinateurs répondait pourtant toujours présent.
Toute la ville descendait dans la rue pour la fête de l’hiver, dernier grand moment festif et chaleureux avant le lointain printemps. Beaucoup avait du mal à circuler dans la cohue. Les clameurs des tenanciers de stand se mêlaient aux nombreuses conversations et éclats de rires. L'odeur du vin chaud et de nourriture grillée se mélangeait à la fumée des braseros et des encens. On venait ici en famille ou entre amis, pour toute une nuit de joie et d’émerveillement. Des lampions colorés veillaient entre les stands qui s’étalaient le long des rues.
Dire qu'Oliviah se trouvait comme un poisson dans l’eau lors de cet événement était un euphémisme. Elle réalisait des bonnes affaires comme personne et connaissait chacune des propriétés de ses produits sur le bout des doigts. Ce soir-là, pour plus de réalisme, elle avait accentué le côté mystique de son commerce : du noir entourés ses yeux verts, et sa chevelure sombre se dressait en une coiffure complexe composée de foulards et de clochettes. Il semblait qu’elle avait sorti tous ses bijoux clinquants pour l’occasion, et une mélodie suivait le moindre de ses gestes. Estimant qu’elle s’en sortait très bien toute seule, Leandre partit faire un tour. Nageant dans la marée humaine, il passa devant toute sortes d’étals : certaines vendaient des vêtements de saisons, composés de laine et de cuir, d’autres des bibelots autant tape à l’œil qu’inutiles. Il aperçut même un diseur de bonne aventure, qui prédisait l’avenir à un pigeon à l’aide de cartes de tarot. Au détour d’un croisement, il entendit qu’on l’appelait.
«  Quelle bonne surprise de te voir ici, mon ami ! éructa Dyn derrière son stand.
- Je pensais bien te croiser ce soir, avoua Leandre.
- Voilà ma sœur, Katrin, Katrin, voilà Leandre, mon collègue et chef Aux Deux Lunes.
- Enchanté, déclara Katrin, arborant des cheveux roux démesurément long.
- De même. Alors pas trop éreintant d’avoir un frère comme Dyn?
- Mon Dyno ? Non non il est adorable ! Clama-t-elle en riant.
- « Dyno » hein, répéta cyniquement Leandre à son ami, trop mignon.
- Très drôle, ajouta Dyn. Alors comment marche les affaires ?
- Du feu de la Déesse, je suis parti avant qu'Oliviah ne me vende par mégarde. Elle sait vraiment comment s’y prendre. Et vous ?
- Pas mal non plus, répondit Katrin. Les produits de l’arrière-pays trouvent facilement preneur. Le principal intérêt de la fête de l’hiver est de faire des provisions pour tenir toute la saison froide.
- Oui du coup les gens ne se privent pas, ajouta Dyn. Franchement, je ne pensais pas que quelque chose comme de la confiture de coing aurait autant de succès.
- C’est parce que tes compatriotes sont des gens de goût, lui dit sa sœur en lui donnant une tape à l’arrière du crâne.
- Tout à fait, d’ailleurs je prendrais bien un de ces bouquets garnis que vous avez là, proposa Leandre, Oliviah trouvera bien quelque chose à en faire.
- Quatre zircons, s’il te plaît, annonça Katrin. Et tiens, je t’offre en prime cette boîte de pâte d’amande. La spécialité de notre grand-mère.
- Elle est fameuse, avoua Dyn. Mais j’en ai tellement mangé enfant que je ne peux plus en avaler une seule bouchée sans avoir la nausée.
- La vie est dure parfois, avoua Leandre. Merci Katrin, et voilà tes zircons.
- Au fait, Leandre est allé rendre visite à notre cousin, peut être devrions nous y aller nous aussi, pendant que tu es en ville, avança Dyn.
- Argus ? Il traîne toujours dans ses magouilles, j’imagine. Grand-mère se fait un sang d’encre à chaque fois que le sujet est abordé.
- Il s’est beaucoup calmé ces derniers temps, tu peux demander à Leandre, n’est ce pas Leandre ? Questionna Dyn le regard appuyé.
- Et bien je ne le connaissais pas avant mais il me semble être… calme oui, hésita-t-il.
- Nous irons peut être alors, déclara Katrin qui semblait ne pas en croire un mot. »
Il fourra ses emplettes dans la poche de son pantalon de lin et prit congé de ses amis. Leur stand semblait sortir tout droit d’un garde-manger, croulant sous les victuailles du duché natal de Dyn, Bourg Basil, bien loin au nord. Cela l’amusa de le voir s’écraser devant sa sœur, lui qui ne ratait jamais une occasion de fanfaronner.

Le_Dominateur
Niveau 13
31 août 2017 à 12:19:03

Le 25 août 2017 à 20:22:44 waynl a écrit :
J'ai tout lu,mais il y a certaines choses qui m'ont échappé, faut-il avoir lu les héritier pour comprendre ce que sont les élus?

Impatient de lire la suite. [[sticker:p/1kki]]

En gros les Élus sont des mages, que la Magie a choisit dès le plus jeune âge. C'est un privilège de naissance si tu veux, et du coup la plupart se sentent supérieur au commun des mortels. Ils sont une classe à part de la société.

Merci de ta lecture en tout cas!

1
Sujet : [ Fantasy] Choisir la vie
   Retour haut de page
Consulter la version web de cette page