Se connecter

Création

Ecriture

Sujet : [Un sens à ma vie] Première partie
1
knor_knor_knor
Niveau 23
07 mars 2018 à 15:12:06

Il n’y a pas de réelles explications à donner quant aux pulsions que cette catégorie de gens, à laquelle j’appartiens, ressent lorsqu’une fille passe sur un parking ou dans un café. Peut-être qu’il y en a, des explications, mais elles ne sont pas rationnelles…rien ne peut expliquer l’envie de mettre fin aux jours d’une autre personne. Nous n’avons pas été conçus pour cela, du moins, je crois.
Ce que je crois par-dessus tout, c’est en l’imminence de ces fameuses pulsions desquelles nous sommes esclaves. Dès lors, nous devenons des espèces de robots dont le but est extrêmement précis. C’est à l’image d’une addiction, quand on trempe le doigt une seule fois, il est fort probable que nous voulions y mettre la main par la suite. C’est un jeu dangereux, en fait. Néanmoins, quel plaisir. Ces événements constituent la césure parfaite, dans une vie quelque peu monotone, une vie à laquelle nous ne croyions pourtant pas.
Bien que l’esprit particulièrement ouvert - vous vous en doutez déjà après ces quelques lignes – exprimer l’être que j’étais dans toutes ses couleurs s’est avéré difficile. C’est vrai… moi, le jeune garçon timide, provenant d’une famille relativement aisée, chouchouté comme pas un, éloigné de toutes substances nocives ; comment ai-je pu en arriver à ce stade ? Le cerveau est le plus grand des rouages, bien avant la politique. La science ne pourra expliquer la totalité de son énigme qu’après une paire d’années. Malgré toute cette agitation cérébrale, les confidences que je vous fais volontiers ne font pas de moi un mauvais bougre. Je suis respectueux des personnes âgées, je salue chaque passant que j’aperçois dans la rue, je souris avec enthousiasme à la boulangerie, j’aide les autres, je ne connais pas le jugement hâtif… bref, ma vie n’est pas un mystère total.

Je ne pense pas être fou, c’est un terme que je trouve galvaudé, surtout ces derniers temps. Nombreux sont les films ou les séries portant sujet sur les tueurs en série. Elles affluent anormalement et la plus part ne respectent pas la précision ainsi que la réflexion dont font preuve une majorité de ces personnes. Elles ne devraient céder et malgré toutes les barrières qui se dressent face à ces personnes, elles finissent par céder. Faute aux pulsions. Des médicaments prescrits par « Monsieur et Madame blouse blanche ? » je réfute cette idée. Les médicaments abrutissent le peuple, c’est une drogue légale, ni plus, ni moins. Je l’ai vu avec ma mère, c’était une femme ravissante et toujours heureuse. Elle pensait à chaque petit détail, elle ne dérivait jamais du droit chemin, elle savait rire et puis, elle avait cette facilité à aborder les inconnus… un rayon de soleil dans toute sa splendeur. Quand notre médecin de famille lui a attribué des antidépresseurs, car ma mère était sujette à des angoisses persistantes, son cerveau et sa lucidité se sont vus amoindris. Elle a commencé par oublier les clés de la maison, celles de la voiture, éteindre le gaz apparaissait sur l’emploi du temps qu’une dame lui avait dessiné.
Elle est morte dans l’ignorance, seul point positif. Si c’en est vraiment un. J’aurai voulu qu’elle me reconnaisse, au moins une fois. Voici l’expérience que j’ai entretenue avec les médicaments que prescrivent à tout-va les blouses blanches.

Je menais ma vie comme je l’entendais. Pas comme un taureau qui fonçait tête baissée, mais presque. Il y avait cette notion de lâcher prise qui s’était immiscée dans ma façon d’entreprendre ma vie. Je voulais pouvoir souffler. Cela me donnait une assurance, assurance en plastique, certes. L’assurance est importante, elle l’a toujours été, peu importe l’époque. Les capacités oratoires aident au bon fonctionnement d’un homme. Elles lui permettent de remplir ses objectifs, tout en prenant des chemins que les autres ne peuvent pas prendre. J’ai pour conviction grandissante de faire partie de ces hommes. Etant gamin, je pensais que je resterai puceau un temps bien plus long que celui de la moyenne. Pourquoi ? Parce que les filles ne s’intéressaient pas à moi et à vrai dire, je ne m’intéressais pas non plus à elles. Je ne savais pas ce qu’elles représentaient. Pour être franc, je percevais quelques unes comme d’affreuses petites pestes. Elles étaient fourbes, quand le professeur arrivait, elle se tenait droite, alors qu’absent, elles en profitaient pour ricaner bêtement des autres élèves légèrement paumés comme moi.
C’est en accumulant les années et les quelques poils sur le menton que mon côté dragueur a vu le jour. Au début, je mentais aux filles que je rencontrai. C’est-à-dire que mes propos étaient souvent exagérés. Par chance, ou plutôt par talent je l’ignore encore, elles buvaient mes paroles. Il faut dire que je savais y faire. La technique était – est toujours d’ailleurs – simplement basée sur une formule tout à fait compréhensible : gros mensonge + petites vérités = assurance de ne pas se faire choper. Bon, il fallait un peu de pratique et la manière avec le verbe.
Ensuite, j’ai diminué les fabulations, jusqu’à les supprimer de ma tactique. J’étais devenu franc avec ces filles que je fréquentais aux abords de bars, dans des restaurants chics, au moment de remettre le caddie… un regard et c’était parti.
J’adorais les étrangères, en principal pour leur accent. En plus de cela, elles étaient naïves. J’étais donc près de me faire rattraper par mes vieux démons.
Ce que j’appelais « vieux démons » étaient en fait de vulgaires fantômes au déguisement troué et acheté dans une épicerie en plein redressement fiscal.

Les vrais démons sont plus coriaces, ils prennent place définitivement et s’installent en vous. Plus encore, ils deviennent vous. Il suffit d’une tristesse passagère, d’une maladresse, de mauvais souvenirs qui refont surface. Tout est prétexte à remettre les couverts. Il est vrai à dire que nous sommes prédisposés à partir en vrille. Notre intellect est souvent supérieur à la normale, nos émotions sont exacerbées, notre conscience est telle qu’elle éclate comme un ballon d’eau trop rempli. Nous pensons tout le temps, il n’y a pas une seule seconde où nous ne pensons pas à tout et à rien. Quelque chose qui n’a parfois aucun rapport avec la tâche effectuée sur le moment présent, une envie soudaine nous prend au cou et le reste peut aller se faire voir.
Pour ne pas arranger les choses, je suis capricieux. Un lien avec mon enfance bordée par les innombrables cadeaux que l’on me voyait enlacer gaiment sur les innombrables photos prises lors d’innombrables soirées prévues spécialement pour moi ? C’est plausible. Toujours est-il que mes pulsions avaient raison de moi.

La première fut de taille moyenne, un carré brun, un sac qu’elle arborait fièrement mais dont elle se cachait quand il fallait passer les rues plus sombres. Elle sortait du magasin, sans se soucier ce que sa vie était sur le point de prendre une autre direction. Peut-être rejoignait-elle son mari, son amant ? Peut-être allait-elle chercher son ou ses enfants ? J’y avais pensé mais les démons étaient plus féroces que cette pauvre culpabilité, elle ne payait pas mine dans ces instants d’excitation.
Je l’ai poursuivie, le cœur battant comme jamais, elle est montée dans sa voiture et j’ai pris place à côté d’elle, sur le siège passager.
Quelle peur dans ses yeux marron noisette… elle a poussé un premier cri, léger. Prévenant, je lui ai mis une claque. Ce geste a changé le reste de notre relation.

ghost_ulug
Niveau 6
22 avril 2018 à 18:27:34

Et la deuxième partie ?

I-Am-Paradoxal
Niveau 7
22 avril 2018 à 22:40:54

Putain c'est très bon :ouch:
C'est entrainant et on arrive très bien à se representer les scènes :hap:
Et je parle même pas de ton style d'écriture qui fait très professionnel, sérieux tu devrais penser à le faire lire par un éditeur :oui:

Pseudo supprimé
Niveau 10
01 mai 2018 à 12:18:19

J'adore ces récits qui donnent la parole aux "monstres".

Sweet ?

knor_knor_knor
Niveau 23
02 mai 2018 à 18:28:05

Bien le bonjour,

Quelle a été ma surprise quand j'ai vu ces trois réponses. Longtemps, j'ai pensé que cet écrit tomberait dans les oubliettes.

Merci pour votre lecture, merci pour vos commentaires !

Voici la suite :

Le soleil se couchait, le magasin fermait ses portes, les derniers clients actionnèrent leurs clignotants pour rentrer chez eux. Nous n’étions plus que deux dans cette immense espace, qui était une simple voiture, mais perçu à mes yeux comme un long et large terrain de jeu. Je n’étais pas encore maître de tous les éléments. Je me ressaisis, je pris son visage et le cogna violemment contre le volant.
Un coup de klaxonne retentit, plus de peur que de mal… enfin, pour moi.
Assommée, j’ai attendu une bonne minute pour sortir de la voiture. Déjà pour m’assurer de son évanouissement et aussi pour observer les éventuels curieux du coin.
Après avoir fourni le plus gros des efforts, c’est-à-dire, alterner nos deux places, nous nous envolions vers un paradis imaginaire : le mien.
Je jouissais intérieurement, tout en prenant garde à la route et aux possibles radars. Ce serait si bête de me faire piéger à ce stade. Cette femme, que j’avais soigneusement attachée, saignait à l’arcade. Je m’arrêtai dans un angle peu fréquenté pour enlever le sang dégoulinant, les précautions sont primordiales.
Une minute à la fois très courte et très longue tant je pouvais la contempler en la nettoyant, tant les risques encourus pouvaient être cause à ma perte. Cette femme n’avait, temporairement, plus aucune notion du temps et mon visage refléterait le seul repère qu’elle ait, jusqu’au moment fatidique où son cerveau déclenchera l’alarme rouge pourpre.
Remonté dans la voiture, écoutant la radio dans un but de détente – un peu comme si je partais en vacances – j’arrivai enfin au lieu dont j’avais ausculté minutieusement les moindres issues, les moindres fissures ; dont j’avais mesuré la résonnance amplifiée due à l’écho que provoquait cette sorte de jardin secret.
Rien de très esthétique, je vous l’accorde. Pratique, ça, oui. C’était un garage que j’avais loué trois mois auparavant pour une somme dérisoire. Dérisoire au vu et au su d’un quartier nègre, malfamé et sillonné par des gangsters en tout genre.
La pluie tombante, je me dépêchai avec force et conviction de déplacer le corps partiellement endormi. La belle tremblotait des mains, comme un chat qui rêve paisiblement. Une réaction que je n’avais pas prévue, soit dit en passant.
Installée sur une couette que j’ai déposée délicatement, la femme somnolait.

Dans la vie de tous les jours, j’ai adopté un comportement analytique à la progression surprenante. Au début, je savais dire si ce mec avait acheté ces fleurs pour sa femme en raison de son bas prix. Par la suite, je devinais si les fleurs avaient été achetées pour se donner bonne conscience, ou non. Nous sommes tous des livres ouverts, certains sont juste écrits de façon plus subliminale.
Pour en revenir à cette femme, que je considérai dès lors comme ma proie, la mienne, je l’avais comprise. Ce, en quelques regards. Ces fameux regards… ils en disent long et rapportent beaucoup d’indications quand on prête attention aux détails. Je suis un fervent défenseur de l’expression « le diable se cache dans les détails ».
Cette expression est un condensé de vérités irrémédiables. Les détails d’une personne sont simples à remarquer si on s’intéresse au genre humain. Par exemple, pour cette femme, j’ai remarqué qu’elle jetait systématiquement un coup d’œil sur le derrière d’une boîte de pâtes et qu’à ce moment quasi-crucial entre la seconde où elle va lire les informations et déposer la boîte de pâtes dans son caddie, elle se gratte le nez. Elle se gratte le nez, oui. Vous trouverez ça futile mais par déduction comportementale, cette femme n’a pas confiance en elle. Ou alors, elle se méfie des hommes. Quel est le pire des sentiments ? A vous de juger.
Revenons dans ce garage. La pluie tombait, elle ne s’empêcher pas de couler, c’était une nuit particulièrement torride. La vétusté qu’inspirait le garage m’avait alors fait penser à un film d’horreur pour adolescents. Le Frankenstein des temps modernes effectue sa première expérience, tout ça, dans son laboratoire écrasé par la foudre. Pour ne pas transformer la réalité, il me faut vous dire que j’avais énormément peur. Mon cœur a failli percer ma poitrine quand elle a ouvert ses yeux. Un bébé qui sortait du ventre de sa mère. Innocemment, elle s’étira et ses yeux parcoururent à légère allure l’ensemble de la pièce.

Son premier mot fut : « Qu’est-ce que je fais là ? » Miséricorde, encore un blasphème envers l’acte méticuleux que je préparais depuis un bout de temps. Elle s’est demandée ce qu’elle faisait là. Est-ce normal de se poser cette première question ? Les films auraient-ils eu raison de notre instinct de survie ? Ce dernier, se serait-il métamorphosé en une pâle copie sur laquelle sont inscrits les films « horrifiants » ? Nous les visionnons juste pour le sang, l’action, l’adrénaline ; nous savons que cette fille va mourir, mais nous voulons voir comment pour donner satisfaction à notre subconscient. Pendant ce temps là, ce malin ou plutôt, cette éponge ! Il absorbe l’entièreté des événements passés à l’écran. On se met soudainement à la place du protagoniste en danger.
« Que ferais-je dans cette situation critique ? » Vous vous en iriez d’un coup, pendant que le tueur prépare sa machette ? Non, tout simplement, non. Croyez-moi, cette femme aurait pu s’en aller pendant que je pissais. Elle n’a pas bronché. Savez-vous pourquoi ? Au fond, vous le savez pertinemment. La majorité tient fermement à sa vie. Nous ne sommes pas assez évolués pour penser à l’après, alors, nous nous raccrochons au présent. A cette vie, dont on ne mesure pas l’intérêt quand tout va bien, mais dont l’importance se fait ressentir quand un proche est sur le point de mourir.
Cette femme, du haut de son mètre soixante avait assimilé les règles, parce que j’avais été franc dès le début. Elle s’est sûrement rappelée de la claque. L’humain a besoin de règles, c’est une notion que je verrai avec vous un peu plus tard.
Je me suis attardé sur son corps vêtu d’un pull noir, noir pour tromper les regards. Il était de qualité, je le sentais quand j’y ai posé mes mains. Elle sanglotait. Je ne pouvais apprécier totalement cette béatitude, le vent cognait contre la porte du garage.
Mes mains ont remonté sur son cou. Il était doux, il sentait la vanille abricot. Des senteurs qui ont accru mon plaisir. J’étais le seul vivant ici, dans ce garage. Elle, elle était déjà morte. Chaque seconde qui s’écoulait dans cette pesanteur surprenante signifiait un peu plus que son souffle s’éteindrait. Ses doutes devenaient des certitudes. Ses certitudes devenaient des prières. J’ai attrapé violement ses deux joues, avec mes deux mains. Son iris était comme dépigmenté. Ensuite, je suis revenu au cou et après avoir enfilé des gants, je l’ai étranglée de toutes mes forces.
J’ai pensé au chat qui miaulait à l’extérieur, à mon jean sale, à mes cheveux trempés et au rhume que j’étais susceptible d’attraper. Pendant cette strangulation, je pensais à cela mais pas à elle.
Je l’ai bousculée vers le côté pour lui soutirer la couette. Son cadavre frais gisait sur le sol sale.
La dernière partie, tout comme la première, était fastidieuse. Je devais la foutre dans la voiture. Je la pris par les pieds, et une fois mise dans son carrosse, Madamoiselle s’apprêtait à vivre en harmonie avec la nature.
Je connaissais un espace retranché, un petit bois jonché par un champ de merdes.
Sous une pluie toujours aussi forte, après une heure de recherche, j’ai déposé la femme auprès d’un paquet de feuilles.

Le lendemain, je vivais dans une dimension parallèle. Si je ne m’étais pas souvenu de la veille, j’aurai cru avoir été drogué. Une sensation envoûtante. Je me suis dirigé habituellement vers le lavabo. Je me suis rasé, lentement. Je repensais à elle, à son parfum vanille abricot. Il me narguait. Mince, je me suis coupé.
Habillé, distingué par mon parfum bien à moi, dans l’espoir d’oublier le sien. Le petit déjeuné, une tartine beurrée, un bol de chocolat chaud, un jus d’orange pour apporter frissons à mes papilles et c’est parti.
Oups… j’ai oublié le bisou à ma petite Juliette. Je pars pour une journée ennuyante, on appelle ça plus communément, le travail.

Reptilovitch
Niveau 10
03 mai 2018 à 10:57:26

Franchement, sympa.

Le style est pas mal, avec des phrases courtes, et quelques envolées, malgré quelques lourdeurs et maladresse qu'une relecture orale pourrait rapidement gommer. (rythme, ponctuation, certains mots un peu mal choisis), mais tout ça, grâce à la magie de la première personne, ça devient superflu et donc acceptable.

Bon le coup du tueur avec un complexe de toute-puissance qui pense vite comprendre et analyser les gens à un côté peu série américaine, mais ce n'est pas déplaisant.

J'ai quand même remarqué un écart entre le premier et le deuxieme chapitre.
J'ai trouvé le premier plus incisif (grâce aux courtes phrases) et moins laborieux que le second, qui patauge un peu avec ces fameuses phrases un peu mal tournée qui ont ralenti ma lecture.

J'attends de voir ce que tu vas faire de ce serial-killer. :)

1
Sujet : [Un sens à ma vie] Première partie
   Retour haut de page
Consulter la version web de cette page