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Sujet : [récit] Thug Gendarme
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Reptilovitch
Niveau 10
30 avril 2018 à 20:22:25

Bonjour à tous.

Voici une série que j'ai commencé il y a un ou deux ans. C'est l'histoire d'un gendarme instable et névrosé, coincé dans un trou paumé de l'Avesnois.

https://image.noelshack.com/fichiers/2018/18/1/1525112339-thuggendarmefull.jpg

PARTIE I

Je me réveille la gueule en biais, dans les vapes.

Cadavres de bouteilles de rhum. Tranches de citron vert collées par terre et sur la table.

Avec Frank et Tony, en général, ça loupe pas, on se la colle sévère. Faut dire, il n’y a pas grand-chose à faire dans ce trou à rat, sinon se murger la tête en écoutant du son. Les boîtes, les bars, il faut rouler pour les trouver et connaissant Frank, qui est bagarreur à mort, c'est pas le bon plan de fréquenter des lieux publics, surtout quand on connaît les responsabilités qui nous incombe. On est mieux chez moi, au chaud… quand on voit ce temps pourri. Il fait tellement gris que j’ai l’impression de vivre dans Charlot. Ça va, les voisins gueulent pas trop. En même temps les voisins, c’est nous.

Vie de caserne.

Le pire, c'est qu'ils écoutent pas les mêmes trucs que moi, les deux zozos. Sans caricaturer, c'est deux bons gros beaufs qui se cartonnent aux musiques de radio...avec un litre cinq de JB dans le cornet, autant dire que ça passe beaucoup mieux. Elle me manque, ma bonne vieille house des familles. Et mon rap. Avec eux, pas question d'écouter du rap. C'est pas très gendarme, le rap. Enfin, je suis pas peu fier d’avoir tiré un trait sur ma vie d’avant. Un trait, ouais.

Sniff.

J’ai l’impression que je ne vis pas ma vie, mais la vie que je dois vivre. J'ai encore des morceaux de poulets broyés coincés entre les canines. Je titube vers la salle de bain, sur le sol qui colle. Frank et Tony, sont des types sales, on dirait qu’ils n’ont rien appris à l’école. On ne choisit pas ses collègues. Quant à l'esprit de corps, eh ben, c’est du vent !

J'aurais pu avoir de la chance et tomber dans un coin champêtre au calme. C'est pour ça que j'ai passé le concours, au départ. Je m'imaginai dans le sud-ouest, sous le soleil. Quitter le nord, c'était une priorité... on ne fait pas toujours ce qu'on veut, tu vas me dire, mais merde, quoi, l'Avesnois !

Qu'est-ce que j'ai fai pour mériter ça ?

Bref. Loin de moins l’idée de me lamenter. Ma vie n’est pas si sombre ; je gagne beaucoup de pognon et je suis toujours en vacance. Je regrette juste de ne pas avoir sélectionna la mobile.

Je me débarbouille et me motive pour remettre l'appart en ordre…avant de me raviser. Tiens, un cul de clope dans le cendrier. Tony fume beaucoup. Je rallume ce satané mégot et laisse remonter cette nausée affreuse. Grosse barre sur le crâne. J'ai vingt-huit ans aujourd'hui, j'encaisse moins bien.

C'est dans ces moments que j'ai besoin d'un calin. Non, j'ai pas le courage d’aller m’encanailler dans un taudis en Belgique, je parle de vrais câlins. Merde… c’ets tellement dur, d’aimer. En caserne, on apprend à ressentir le moins possible. Ils ont fait de moi une machine et c’est tant mieux ; j'étais trop fragile. En fait, ils ont fait de moi un homme bien. Un type sérieux. J'ai su poser mes couilles sur la table, contrairement à Pablo.

D'ailleurs, qu'est-ce qu'il devient, celui-là ?

J'attrape mon mac et me connecte sur Facebook. Notre dernière conversation remonte à plusieurs mois. Il est entrain de rater sa vie, le con. Il ne fait plus partie de ma vie et c'est pas plus mal. On a évolué. Enfin… j'ai évolué.

Lui, il a raté ses concours, il a tout arrêté, sa nana l'a largué et il m'a jugé coupable de ses échecs. Il n’a jamais été capable de s'assumer. Ses parents lui ont toujours torché le cul et ça, forcément, ça n’aide pas. Bon, de mon côté, c'est pareil, j'ai vécu aux frais des miens pendant des années, pendant que je me remplissais les naseaux de poudres et que j’arpentai tinder de jour comme de nuit. On a tous nos casseroles, mais moi, contrairement à Pablo, j'estime que j’ai eu de la chance.

Comme quoi la roue tourne.

Si je vous disais dans quelle merde j'étais il y a de ça, quoi, deux ou trois ans, vous auriez du mal à y croire. Le passé appartient au passé... putain, je me fais mal au crâne, à parler comme ça. Je gobe un aspro et j'ouvre la boîte de discussion. Je pourrai lui parler, lui faire un petit coucou...

Non, vaut mieux pas.

C'est dangereux la nostalgie ; ça vous pousse à considérer des gens qui n'en valent pas la peine. Je suis comme ça, moi. J'ai l'air rugueux, parce que je pousse la fonte, alors qu'en vrai, je suis comme les autres, je suis sensible et anxieux.

Tout ce que je sais, c'est que malgré mes faiblesses, j'ai pris mon destin en main. Quand je vois tous ces types qui ont partagé ma jeunesse, toutes ces ombres qui planent sur des années mortes et enterrées, ça me fout les boules.

Je gobe un Maalox. Et un p'tit tour sur WSHH, histoire de voir les derniers clips. Tous ces mecs se ressemblent. De la fabrication en série. Le gangstérisme à l'échelle industrielle. J'aurai très bien pu leur ressembler, moi aussi. Leurs idéaux, je les ai partagé. Ce style de vie, je l'ai vécu, je l'ai performé. Le quartier, je l'ai connu. Un lotissement moyen-aisé avec un court de tennis au fond, certes, mais un quartier quand même.

Ouais, ça c'est sûr, j'aurai pu faire comme eux. Arme, blanche et filles faciles. J'aurai pu. Mais je suis rentré dans le droit chemin, du bon côté de la barrière... et tout le monde peut pas en dire autant.

Merci papa.

Merci pour tous ces coups de pieds au cul !

A-San
Niveau 10
01 mai 2018 à 14:58:11

Alors attention ceci n'est que mon avis.

Alors pour commencer le choix du sujet est très original (enfin pour moi) et tu l'exploite bien (langage grossier, mise en situation) en temps que première partie le ton est tout de suite donné et l'ambiance commence à prendre ses racines.
Le texte est assez rapide se qui est un bon point car ça permet une forme de dynamisme est d'éviter les longueurs MAIS vieux de la vielle que je suis j'ai cette légère impression que ça va un petit peu trop vite, j'ai cette impression que tu veux tout exposer dans le moins de temps possible, après est-ce un défaut ou pas je n'en sais rien mais ça peut déranger.

Sinon c'est bon, mais il me manque se petit truc qui fait que je vais m'accrocher, se qui peut étre normal vu qu'on est au début. Mais c'est bon.

TintinSousCoke
Niveau 9
01 mai 2018 à 15:36:49

La bonne ambiance des hauts de france magnifiquement retranscrite gg :ok:

Reptilovitch
Niveau 10
01 mai 2018 à 22:47:19

PARTIE 2

On est dans la voiture, un soir où il flotte, avec Samira. Elle est belle, la Samira. D’origine algérienne. Fine, des longs cheveux frisés et des yeux noirs. Des gros seins quand même, je les vois parce qu’elle a ouvert sa veste.

Elles sont sexy, nos gendarmettes. Il y en a si peu que même les plus laides sont sujettes aux fantasmes des camarades. Moi-même, quand j’étais à l'école, j'ai tiré quelques gros lots. On était dans une compagnie de cent-vingt élèves et il y avait en tout et pour tout une petite vingtaine de nanas. Dix-neuf, si je me souviens bien, dont une qui a démissionné parce qu’elle se faisait constamment tripoter le croupion.

Sur les dix-huit restantes, j'ai dû en tirer une bonne moitié, sans vouloir me la raconter. Les métisses ont plutôt la côte, en ce moment. Les gens qui m’en tiennent rigueur sont ceux qui n’ont pas été fichu de saisir les opportunités qui se présentent à eux.

Et puis, les métisses ont la côte, en ce moment. Le sens du rythme, la grosse bite, tout ça... les femmes ressentent ce genre de sensations au plus profond d'elles-mêmes. C’est leur instinct reproducteur qui les guide inéluctablement vers les hommes solides et fertiles, avec un fort potentiel éjaculatoire.

Surtout qu’à l’école de gendarmerie, il y a le confinement et la promiscuité, ça a tendance à faire bouillir les hormones. Sans parler des nombreuses épreuves qu’on traverse et de la discipline militaire qui nous pousse tous à bout ... on est plus chaud quand on a les nerfs à vifs. Sans douleur, pas de plaisir. Bon, ce n’était pas non plus l’orgie, on n’avait pas le temps pour ça, avec nos emplois du temps.

Mais pour les gagneurs sur le plan sexuel – et autant vous dire qu’on était très peu du même pedigree- il y a clairement un créneau à prendre, à l’école de gendarmerie. Perso, j’ai réussi à me hisser en haut de la pyramide des mâles alphas. Et je n’ai pas chômé. C'était moi le chouchou de ces dames et mes rivaux détestaient salement ! Je n’avais pas d’ami, à Montluçon. Seulement des concurrents. L’esprit de corps » tu parles, ça c'est du charabia. Quand il s'agit de fourrer, y a plus rien qui compte, et ça vaut pas que pour moi.

Avant d'être gendarme je vivais d'amour, de bières fraîches, de musique et de cocaïne, dans une petite garçonnière en centre-ville. Eh ben je peux vous dire que les nanas, elles prenaient un ticket et elles faisaient la queue.

Annabelle, Cécile… les deux plus belles. Sylviane, la plus âgée, mais aussi la plus expérimentée. Trente-huit ans, une motarde mariée du sud-ouest, deux enfants… Ce n’est pas un bon plan d’envoyer sa femme à l’école de gendarmerie. Un vrai pétard, cette gonzesse. Elle m’a initié sans peine au doigt dans le cul et à l’anulingus. Il y en a même dont j’ai oublié le nom.

Ah, ça ouais, j'en ai connu des gonzesses. De toutes les couleurs, de tous les âges, de toutes les formes... par contre, dans l’Avesnois, faut avouer que ça manque un peu de chattes. C'est trop différent, ici, c’est la caserne, la routine… et puis j’en ai marre de la séduction, c’est trop facile, trop cliché. Ça me donne envie d’aller voir des prostituées.

Samira est de ces meufs qu'on doit séduire. Il faut la courtiser, tout ça tout ça. C’est une meuf à l'ancienne, qui ne se laisse pas aller. Je regarde ses doigts. Ils sont fins et longs, elle porte un vernis saumon ! Pas de bagues, c’est plutôt bon signe.

Je remonte mon regard sur sa poitrine. Elle doit faire un bon 90B. Je ne me cache pas. Certaines femmes aiment qu’on les regarde. Est-ce que Samira aime ça ? Si on ne tente pas, on ne sait pas. En tout cas, l’uniforme de la gendarmerie lui va à ravir.

Des trombes d'eau se fracassent si bruyamment contre le pare-brise qu’on n’entend pas la musique. Les essuie-glaces couinent et battent une mesure hystérique qui contraste avec le calme de notre soirée.

Ce soir, on surveille une portion de route de campagne, pas trop loin de la frontière. Les gens picolent, dans le nord. Tous les jours de la semaine, mais plus précisément le samedi soir. On fait des bons chiffres en général. Quoique, ce soir, ça me semble assez désert… la faute à toutes ces pages Facebook qui nous géolocalisent.

J'ai un peu chaud. Baisse vite fait le chauffage. Elle est frileuse, la gendarmette ! Les gouttes sur la vitre sont autant de gommettes qu'on n’a jamais collé sur mon cahier de liaison, du temps des petites sections. J’inspecte mon visage dans la glace du pare-soleil. Pas fameux. Grosses cernes, on dirait que j'ai dormi sur mon nez. Je me sens pas très en forme et pourtant, ma vitalité transperce bien mon froc. Samira porte un parfum qui m'excite, ou c'est de la fleur d'oranger, ou un truc dans le genre, je ne sais pas.

Enfin, elle finit par briser la glace :

– En tout cas, c'est vraiment une région de merde...
– Ouais, j'avoue.

Je n’ai pas mieux. Je la baiserai bien, mais je n’ai pas envie de lui parler. Quand je suis anxieux comme ça, j’ai besoin de fumer une clope. Si je m’y suis remis, c'est à cause du gros Tony. Faut que j’arrête de me mettre des caisses en pleine semaine. Ça ne va pas du tout, ça.

D’ailleurs, je me demande comment il a fait pour obtenir le concours, le Tonio. Il fume je ne sais pas combien de tubes par jours, il bouffe des tas de sucrerie et il est gras comme un jambon… Bon, j'en rajoute peut-être un peu, mais comprenez-moi : je suis quand même un mec super healthy. Sport tous les jours, alimentation équilibrée... on compense comme on peut, hein. Par rapport à avant, c'est une promenade de santé. Si vous saviez comment je reviens de loin !

Samira en remet une couche :

– Moi, c'est sûr que je ne me marierai jamais avec un gendarme.

Pourquoi elle dit ça, celle-là, alors que je ne lui ai rien demandé ? Est-ce qu'elle a vu la bosse entre mes jambes ?

– Et baiser avec un gendarme, tu pourrais ?
– Euh, c'est chelou ta question, t'es sérieux là ?

Elle fronce ses sourcils tatoués. Elle doit faire des trucs de fou au pieu, celle-là. Je l'ai vexé, on dirait. J'ai merdé, bordel, je la connais pas... c'est mieux de patrouiller avec les zozos, au moins on peut boire un coup et parler de cul tranquillement. Il y a trop de tension, dans cette voiture, et trop de bruits. On n’entendrait même pas la radio si elle se mettait à crépiter !

Comme j’ai un peu merdé, j’essaie de me rattraper :

– Bah ouais, c'est sérieux, tranquille, détends-toi.
– Eh, j'me détends pas, c'est toi qui te calme...

Des phares, juste devant. Ouf, sauvé ! Je vais contrôler cette bagnole, histoire de faire diversion. J'espère que le bonhomme en face n’aura pas picolé, sinon il va payer le tribut de ma maladresse.

Je ne l'aurai pas contrôlé, si Samira n’était pas aussi coincée.

à suivre.

knor_knor_knor
Niveau 23
02 mai 2018 à 18:40:16

Saluuuut ! C'est pas mal. La première partie est sympa, assez dynamique, effectivement. J'ai bien aimé cette phrase "Ça va, les voisins gueulent pas trop. En même temps les voisins, c’est nous. J'ai esquissé un sourire et puis, on repère bien la misère.

J'ai trouvé la deuxième partie meilleure. C'est cru, parfois, mais on cela nous aide à donner un caractère au personnage. La fin a attisé ma curiosité. Attention, j'espère pour toi que ce sera bon. C'est un tremplin que tu ne peux te permettre de louper.

Reptilovitch
Niveau 10
05 mai 2018 à 15:20:33

PARTIE 3

Je ferme la porte sans la claquer, mais pas trop mollement non plus. Je veux qu’elle voit que je suis en colère, pas qu’elle pense que je suis mal à l’aise. Faut que j’assure, après ça !

Selon la législation en vigueur, je me place en travers de la route et j’invite le conducteur de la vieille Renault à se rabattre. Si ce bonhomme prend cher, ce sera la faute de Samira. D’ailleurs, entre elle et moi, la guerre est déclarée. Désormais, tous les prétextes sont bons pour la faire tomber. Là, elle boude. Certes, mais elle ne fait pas son travail. C’est un manque de professionnalisme que je n’hésiterai pas à faire remonter.

La Renault est accotée sur le trottoir cabossée, la roue avant-gauche dans un nid-de-poule rempli d’eau croupie.

Le bonhomme regarde droit devant lui, les deux mains sur son volant. Dégarni, environ quarante ans, barbe de trois semaines et léger surpoids. Son moteur tourne encore, je vais devoir dire cette fameuse phrase. A mon avis, à ce moment, les mecs en général se disent : je n’ai qu’à mettre un coup d’accélérateur pour disparaître à toute allure.

Quand je passe à côté du véhicule, j’ai cette petite montée d’adrénaline en me disant qu’il n’aurait qu’à mettre pied au plancher pour m’écrabouiller. Voilà, il me voit et il ne bouge pas. Il est tétanisé…attitude de coupable tout ce qu’il y a de plus basique.

Je tambourine son carreau avec ma chevalière, pour qu’enfin il réagisse.

- Oui, monsieur l’agent, j’ai fait quelque chose de mal ?
- Ça, je ne sais pas encore, dis-je en lui adressant un sourire désolé.

Il n’a pas bonne mine, lui non plus. Décidément, le Nord se lit sur les visages. Vivre sur ces terres désolées et abandonnés, c’est comme prendre un coup de poing tous les jours. Ça abîme, ça cabosse. Ça rend rouge et dépressif.

En me penchant pour lui demander de couper le contact, je remarque que son haleine empeste l’alcool.

- C'est une vraie distillerie ici !

Le type reste calme.

- Papier du véhicule, s’il vous plaît.

Il tremble comme une feuille, mais il est plutôt docile. Il doit se dire qu’en coopérant, il va peut-être avoir un coup de bol. Mais non, coco, je ne te laisserai pas partir. Pas avec ce qu’il vient de se passer dans ma vie privée. Les gendarmes sont aussi des êtres humains.

Le bonhomme s’appelle Cyril Dufour. Un bon gars bien de chez nous. Ça me fend le cœur de l’aligner, mais la procédure, c’est la procédure.

- Monsieur Dufour, vous avez bu combien de verres, ce soir ?
- Pas grand-chose, un ou deux, peut-être.

Sa sueur perle sur ses temps et sous son nez. Il a l’air triste, il fait une moue de bébé. On dirait presque qu'il voudrait que je le prenne dans mes bras. Je contiens un fou rire. Il va réussir à m’attendrir, ce con ! Allons, allons, je peux être une vraie teigne, si on joue avec mes roupettes, mais je ne suis pas un monstre. Il n’a pas à payer pour mes allusions déplacées durant le service. Après, rien ne m’empêche de m’amuser un peu avec lui.

- Un ou deux verres, ce n’est pas beaucoup.
- Non, j’ai fait attention.
- Il me semble pourtant que vous conduisiez dangereusement.

En réalité, il conduisait tout à fait normalement. Je ne fais que le cuisiner avec bienveillance, comme le ferait un père s’il prenait son gosse la main dans le sac.

- Je faisais attention, pourtant, monsieur l’agent.
- Vous avez passé une bonne soirée ?

Il est surpris par cette question et c’est bien normal : elle sort du cadre formel d’un contrôle de routine. Je lui souris, l’air de lui dire que je ne lui veux pas de mal et qu’il a de la chance d’être tombé sur un type aussi conciliant que moi.

- Oui, une très bonne.

Je hausse les sourcils, l’air curieux, pour l’inciter à rentrer dans le détail.

- On a regardés Lens, à la télé.
- Alors, ils ont gagnés, cette fois-ci ?
- Non pas encore.
- Ils sont reléguables, cette année, non ?

A vrai dire, je m’en contrefous, du football, et de Lens, encore plus !

- Non, je ne crois pas, enfin, peut-être.
Mignon tout plein, il n’ose pas me contredire.

- Et, de ce fait, vous avez arrosés la défaite avec vos amis. Je reprends d’un ton plus sérieux. C’est normal, c’est la tradition.
- Oui, c’est un peu ça.

Il rit, gêné, plus rouge que la normale.

- Qu’est-ce que vous avez bu, alors ?
- Du Ricard.
- Combien de verres ?
- Trois ou quatre. Avoue-t-il.
- Trois ou quatre ? je répète. Vous m’avez dit un ou deux, tout à l’heure, monsieur Dufour.

Monté de pression. Ascenseur émotionnel. Je joue le gentil et le méchant flic en même temps, si bien que notre poivrot national ne sait plus sur quel pied danser.

- Je ne sais plus très bien, je n’ai pas compté.
- Dans ce cas, je vais vous faire souffler dans le ballon et on aura une idée précise de votre quantité d’alcool par millilitres de sang, monsieur Dufour.
- Attendez.

Je me retourne, sourcils froncés, taciturnes. Cyril Dufour marche sur des braises et ça s’entend à sa respiration, très haletante. J’aime pousser le contribuable dans ses derniers retranchements. J’abuse parfois un peu de mon pouvoir, parce que j’adore voir ce qu’il y a réellement au fond des hommes. Et on est souvent déçu.

Je reviens vers lui, m’appuie contre la portière.

- Je vous écoute.
- Ma mère est malade, elle a...
- Je ne suis pas assistant social, monsieur. Moi, je suis chargé de faire respecter la loi et visiblement vous y contrevenez.

Je tourne à nouveau les talons, sourire jusqu’aux oreilles.

- Monsieur ?

Cette fois, je lui montre très clairement que j’ai perdu patience. Je soupire en me penchant vers lui encore une fois. Il rapproche son visage, je recule le mien ; s’il parle trop près de moi, il va me bourrer la gueule, ce poivrot ! C’est sa dernière chance.Allez, joue carte sur table, mon con, parce que je vais finir par attraper froid, moi avec toute cette flotte qui me tombe sur la nuque.

- J’ai un peu d’argent, si vous voulez.
- Vous tentez de me corrompre, monsieur ?

Là, il va faire une attaque. Je le calme tout de suite, parce que je ne cracherai pas sur un petit bifton.

- Vous avez combien sur vous, monsieur Dufour ?
- J’ai…

Il sort son porte-monnaie. Un billet de vingt balles et quelques pièces de mitrailles. Pas de quoi fouetter un chat, mais ça me paiera mon apéro. Je prends un air contrit, histoire de faire monter un peu les enchères.

- Vous voulez une cigarette, monsieur l’agent ?
- Pourquoi pas.

Il me tend un tube remplit à moitié, tout écrasé dans son paquet souple. Je me le cale au bec.

- Du feu ?

Je rapproche ma tête, il allume.

J’expire le goudron et je me recule en lui faisant signe de circuler.

- Bonne soirée, monsieur l’agent, et merci ! me dit-il, sincèrement reconnaissant.
- Que je ne vous y reprenne plus, surtout. Je réponds d’un ton strict.

Il remonte son carreau et redémarre dans la brume, tandis que je pompe son tube à une vitesse fulgurante. En prenant le rond-point, sa roue avant-droite percute le terre-plein. L’émotion sans doute…

Ou alors, il est vraiment plein comme un baril.

A-San
Niveau 10
07 mai 2018 à 19:25:12

Avis sur la partie 2 :

Je préfère cette partie à la première, car tu ne pars pas trop dans tout les sens et reste focaliser sur un truc, L'ambiance est toujours là, même si j'ai la légère impression que tu la renforces plus dans cette seconde partie (se n'est pas un reproche sois en rassurer).
Pour l'instant ton personnage principal n'est pas détestable, je ne dis pas que je me suis attaché à lui mais je suis pas là en mode "crève vite", ce qui vu son comportement peut étre assez difficile mais tu le gères bien pour l'instant.
Et surtout cette partie a mis en place se petit truc qui fait que je peux m'accrocher à l'histoire, mais je préfère en lire encore un peu plus pour dire que tu m'as embarqué, c'est à voir comment tu organiseras la suite.

A-San
Niveau 10
07 mai 2018 à 20:08:55

Avis sur la partie 3 :

Le passage est cool dans son ensemble, la manière dont tu décris le contrôle est assez réaliste et bien écrits.
La fais de montrer le personnage dans son métier change des deux autres parties où on avait plus de l'exposition.
Cependant l'ambiance est toujours là mais elle est moins visibles, cela est du au très peu de mot grossier ou cru de cette partie, essaye d'en rajouter un peu car quand on sort de la deuxième partie on prend un petit coup au niveau de l'ambiance mais d'un côté on ne peut pas tellement t'en vouloir car le contexte de la scène ne le permet pas forcément.
Après je trouve que la relation entre le personnage principal et Samira change assez brutalement, on passe d'un "je veux la baisser" à un "je veux lui pourrir la vie" trop rapidement, par rapport à se que tu disais dans la deuxième partie où le personnage à conscience de devoir la séduire mais je trouve qu'il abandonne rapidement, peut étre que cela est voulu mais j'aurais préféré une autre scène où il tente de l'approcher et que elle le rejette complétement.
Sinon hâte de lire la suite.

Supervielle
Niveau 10
07 mai 2018 à 22:07:39

L'avesnois, douces plaines, ou les octogénaires grillent les stops et mordent la ligne,

Les deux premiers chapitres sont un peu longs mais construisent la caricature du personnage, les quelques punchs distillées par ci par là nous rappellent le titre Thug Gendarme et l'on attend avec impatience le moment ou ça va péter, ou tout part en vrille.

J'irai encore plus loin dans certains évocations du passé du personnage ( quitte à en faire moins), chercher le détail qui tue, donner un vrai avant goût - la coco, le yes-life, ok, mais ça me parait encore assez vague pour l'originalité que l'on attend.
Et justement, le chapitre 3 nous montre les possibilités et l'envergure que peut prendre l'intrigue, on y voit clairement ta singularité et sans trop m'avancer, je pense que d'entre les trois c'est la partie que tu as préféré écrire.

J'attends vivement la suite, en espérant en voir un peu plus sur cette histoire aux allures de Pulp nordiste

CaramelSolide
Niveau 6
13 mai 2018 à 20:43:30

C'est cool, ça annonce du lourd
J'avais lu Père Furax que j'avais bien kiffé, et là on reconnaît ta patte et effectivement le haut potentiel de partage en couille, comme le dit védédé.
Par contre dans celui-là, je trouve le ton plus sincère et touchant que dans PF, ça doit être dû à la première personne. ça rend l'ironie moins cinglante et plus incarnée, c'est vraiment pas dégueu

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Sujet : [récit] Thug Gendarme
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