Bonjour, bonsoir, bonne nuit !
Je viens très rarement par ici, parfois en tant que lecteur passif, je me perds un peu sur ce forum, mais puisque je venais de terminer le premier chapitre d'une expérience qu'il me tente bien de continuer, pourquoi pas tout simplement la poster ? Et obtenir certains de vos avis éclairés ? Vous me pardonnerez pour les fautes un peu évidentes, mais ceux à qui je fais lire mes petits écrits sont aussi nuls que moi en orthographe/syntaxe et tout ce qui suit ... (mais je me suis relu au maximum, promis !)
I/ Si vis pacem, para bellum.
Je ne peux que raconter aujourd'hui, ce qui se déroula alors, dans le Palatinat tout entier, du Haut, comme du Bas. La mort du roi annoncée, et la rumeur amplifiée de part sa traversée d'un pays tout entier, l'on ne pût que réagir à cette nouvelle, d'une façon que nous-même, nous n'avions pas prévue. Nous ne nous pensions pas capable de tels actes, de faire preuve de tels sentiments et pourtant ! Théodoric de Revana était mort, et avec lui, l'unification d'un royaume qu'il avait mit plus d'une décennie à rassembler. Sitôt le pays au courant, que déjà, dans le Haut, les complots prenaient formes, les ambitions se révélaient ; et les alliés, garants d'une couronne forte, disparaissaient, un à un. Dans le Bas, l'on ne tonnait plus qu'un mot, martelant sans cesse aux oreilles de qui voulait bien l'entendre : révolution ! et ce, si bien, que l'envie de s'affranchir gagna tout le pauvre peuple, qui pourtant, aimait profondément les actions passées, d'un homme déjà oublié. Sans héritier au trône, la reine n'ayant réussie qu'à mettre au monde des filles, l'on quémanda la venue des électeurs palatins : princes et ducs se bousculaient à la capitale, rêvant d'une part de gâteau juste assez grande pour satisfaire une gourmandise alors inédite. Sa papauté, lui aussi bien alléché par cette douce odeur que seul un royaume en danger peut dégager, s'attela à se porter garant de ces élections, auxquelles, malencontreusement, la reine n'était pas conviée. Seulement, l'Histoire aurait pu en être autrement si elle n'avait pas, justement, composée avec cette dame là. Ferae de Revana n'était après tout pas disposée à laisser vacant un trône qui, à ses yeux, lui convenait si bien. Sa tristesse dura toute une semaine, et puis, elle mît au courant le monde qu'il ne fallait plus composer avec un roi, mais bien une reine Palatine. On la railla ; on la rallia ; et puis, s'ensuivît l'histoire que je m'apprêtes à vous raconter, par laquelle je réussis à entrer, par une porte dérobée.
J'étais alors au cimetière du monastère de Bourroches et je taillais mes rosiers blancs, qui n'étaient plus aussi merveilleux qu'à l'époque à laquelle je les avais plantés. L'ordre des Chartreux, auquel j'appartenais, y avait été institué par sa Papauté, avant même que Théodoric n'unifie le Palatinat tout entier. Le monastère, de part sa situation frontalière entre Haut et Bas, avait été l'une des grandes victoires du Saint-Père ; l'aboutissement de nombreuses négociations qu'il avait entretenues avec l'ancien roi, Ulrick de Revana. Préférant y investir des missionnaires plutôt que de simples prêtres, je faisais partis de cet arrivage de prêcheurs, et ce à ma grande surprise, car le monde m'était alors inconnu. Seulement, si je n'étais pas vraiment bon à grands choses, il est vrai que mes qualités de jardiner étaient souvent louées par mes frères. Ce qui avait valu, à mon sens, le droit de quitter cette bulle dans laquelle j'avais vécu jusqu'à la fin de mon enfance.
Je découvris alors, en même temps que le Palatinat, des étendues verdoyantes auxquelles je ne trouvai aucune fins. Des montagnes si hautes, qu'il fallût au vieux père Morbi me convaincre, que, si elles perçaient les nuages, elles n'étaient pas pour autant un point d'accès au paradis. Des fleuves, si profonds, que je cru, toujours le père Morbi, fou à lier, lorsqu'il voulut y faire passer les caravanes, se justifiant de je ne sais quel gué. Et des châteaux, si gigantesques, que je les imaginai seulement capables d'y loger des géants.
Lorsque l'on nous accueillîmes, mes frères et moi, à Bourroches, quelle fût ma surprise en voyant, sortir de l'une de ces places fortes qui m'avaient tant impressionner, un homme bien plus petit que moi, d'au moins une tête et demie. L'on me dit qu'il était, en quelques sortes, le propriétaire des terres, sur lesquelles nous allions construire notre nouveau chez nous et qu'il fallait le prévenir en personne de notre arrivée. Je ne pus rien entendre des paroles qu'ils s'échangèrent, le père Morbi et lui, mais l'on pouvait bien les deviner, ne serait-ce que par la tête que tirait le seigneur, à chaque mot que notre abbé lui adressait.
Passée cette entrevue, nous arrivions donc à notre monastère. Ou en tout cas, au lieu qui devait devenir, notre monastère. Il s'agissait alors d'une vaste clairière encore vierge de toutes activités humaines, délimitée à l'ouest et au sud par une épaisse forêt, au nord par un large fleuve, et plus loin, à l'est par le petit village duquel dépendait le seigneur, qui devenait alors notre voisin le plus direct. Dès lors que de mes yeux, je voyais de quelle magnificence était le lieu, inondé par un soleil que je trouvais de plus en plus chaleureux, j'imaginais déjà quelle belle vie j'allais pouvoir mener ici. Mes frères disaient toujours que nous étions au centre ici, et que cela allait nous attirer bien des problèmes, même à nous, qui ne dépendions seulement que de Dieu. Que si, l'envie prenait, aux hommes du Haut d'attaquer le Bas, ou vice-versa, il fallait passer par la Rivissima, ce long fleuve que l'on pouvait apercevoir depuis notre si belle clairière. Située au centre du pays, la Rivissima coupait presque le Palatinat en deux, et nous, nous étions en plein centre de celle-ci. Il me fallût bien du temps pour comprendre qu'en fait, cette clairière à laquelle je m'étais trop vite attachée, se présentant à moi comme un havre de paix, était une source de danger encore invisible à l'œil nu
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Seulement, et alors que nous attaquions le chantier du monastère durant les premières années, l'on nous fîmes parvenir des informations qui avaient réussis à rendre heureux le père Morbi, déjà bien atteint par la maladie. Toussant et crachant une bile jaune qui inquiétait nombre de mes frères, il annonçait fièrement que le Palatinat était unifié, loué soit Théodoric ! Le Conquérant ! et qu'il avait reçu la nouvelle de la main de notre petit voisin, que l'on voyait comme un acteur majeur, quant à la réalisation de cette prouesse. Le danger qui nous effrayait, alors même que nous n'en avions pas aperçus ne serait-ce que la couleur, disparaissait, en même temps que les fondations de notre foyer s'édifiaient ! Le lendemain, le père Morbi décédait.
On l'enterrât dans le Haut, par-delà la Rivissima, car après tout, c'était sur cette terre qu'il était né. Mon père inaugurait ainsi ce bien triste cimetière, que l'on avait édifié là, entre de grands cyprès qui cachaient presque l'endroit. Malgré l'envergure des arbres, certains rayons du soleil illuminaient la tombe d'une agréable lueur dorée. Les seules choses que l'on gardait de lui, c'étaient de nombreux souvenirs et l'abbatiale que l'on avait presque terminé sous ses directives. L'unique joie que je retirai de ces évènements, fut celle qui me traversai au retour de frère Gràtia. Il rentrait de longs mois de prêches, et, connaissant ma passion pour les plantes, me rapportait ces majestueux rosiers blancs, auxquels je gratifiai de suite une place de choix, au cimetière.
C'est tout naturellement, ainsi, que je m'accordai à dire, avec beaucoup de mes frères, que la seule relève possible quant à la direction du monastère, ne devait échoir qu'à Gràtia, et personne d'autres. Nous connûmes alors des temps troublés, qui ne s'estompèrent qu'avec l'achèvement de notre chez nous. Certains n'écoutaient plus notre père avec la même sagesse, et ne réalisaient leurs tâches qu'avec une ferveur diminuée. . Les années suivantes passèrent lentement. Ce temps de paix que nous avions tant attendu, une fois arrivé, nous semblait traître. Le cimetière n'avait cessé de s'agrandir, et avec lui, mes corvées, quant à l'entretien des nombreuses plantes que me ramenait toujours plus souvent mon père.
Parfois, lors de mes entretiens avec lui, dans le confessionnal qui nous avait été rendu obligatoire une fois par jour, je lui partageai mes peines. M'occuper des sépultures qui fleurissaient dans le Haut me rendaient fragile. Et puis, si eux disparaissaient, je le lui demandais quelquefois, pourquoi ce sort ne pourrait m'arriver aussi ? Il me répondait toujours, qu'il ne voulait pas entendre de questions égoïstes comme celles-là, et s'énervait pendant de longues minutes. Il terminait de cette façon, en m'appelant par mon vrai nom :
<< — Alaric, le sort que connaissent tes frères, est de toutes manières celui qui nous est réservé à tous ! A toi, tout comme à moi. Nous ne pouvons que retarder au mieux, notre entretien avec Dieu. >>
Malgré ses excès qui m'effrayaient, je ne pouvais que croire les dires du père.
Si les disparitions se succédaient, il y avait toujours foule au chantier du monastère. Des nouveaux frères venaient presque tout les mois, et si certains étaient missionnés, d'autres ne faisaient que passer chercher un peu de réconfort bienveillant, avant de repartir prêcher. Enfin, l'on termina les constructions, après plus d'une décennie de travaux.
L'abbatiale, quoique plutôt petite, selon les dires de père Gràtia, n'en étais pas moins superbe d'extérieure. Elle était haute d'au moins vingt mètres et d'une roche rouge si particulière, provenant des carrières mêmes de Bourroches ! que le seigneur, notre voisin, nous rapportait avec joie. L'on avait sculpté sur la façade des fresques élaborées, géométriques, enfermant un frère en pleine prière, à la droite de la porte de chêne massif, et Jésus, notre seigneur, regardant le ciel debout sur un piédestal, à la gauche de celle-ci. Une croix d'or faisait office de point le plus haut de la chapelle, et elle se trouvait surplombée par le clocher, construit juste en retrait. A l'est de cette imposante structure avait été édifié tout un ensemble de bâtiments, servant à la vie du monastère : La salle capitulaire, le scriptorium, le réfectoire et les cuisines encadraient le cloître, qui lui même, encadrait la cour intérieure. Tout autour du monastère, l'on avait aménagé des vignes dans lesquelles père Gràtia voyait l'avenir de notre ordre. L'on avait confié des tâches à tout mes frères, et moi, au milieu de cette institution, je devais m'occuper des jardins intérieurs, situés dans la cour. La beauté de ceux-ci ne me confortait que trop peu : en plein centre du monastère, je me sentais isolé, enfermé, cloisonné entre, non pas quatre murs, mais quatre bâtiments.
Le surlendemain de la fin des chantiers, en pleine matinée, le seigneur, notre voisin, galopa en toute hâte en notre direction. Malgré le peu de distance séparant son village de notre propriété, lorsqu'il descendit de sa monture pour être accueillit par l'abbé, elle s'affala au sol, haletante et tremblotante. Frère Equis, celui qui s'occupait de nos chevaux, croyait bien que la pauvre bête allait crever.
Ils discutèrent un peu, puis, l'on entendit gueuler l'abbé de tout son souc. Il appelait son second, le prieur, et le priait de venir me chercher. Je m'occupais alors des Buglosses bleues et des Lycoris Radiata blanches que le père avait soutenu à planter dans la cour, et auxquelles je ne trouvais rien, sinon une harmonie glaçante. Le prieur accouru vers moi, dépassa le cloître et se tint à mes côtés un moment, avant de mettre sa main sur mon épaule, et de me chuchoter amèrement :
<< — Il faut que tu viennes avec moi. >>
Je lui emboîtai le pas, sans comprendre. Il me fit passer par les cuisines, où il prit une outre de vin, une autre d'eau, quelques miches de pains, des fruits secs et du fromage jauni qu'il disposa soigneusement dans un sac de toile. Puis il me fit sortir du monastère et m'amena vers l'abbé Gràtia. Je sentis ses yeux gris. Ils suivirent avec une attention particulière chacun de mes mouvements. Lorsque j'arrivai à ses côtés, je me rendis comte de la présence du petit seigneur, que je connaissais depuis peu sous le nom de Lupi Saevi, seigneur de Bourroches et de ses environs. Il avait l'air anxieux, et je m'étonnai à pouvoir lire aussi facilement sur son visage. Je le vis, qui empoignait fermement la poignée de son épée, accrochée à sa ceinture.
*
< — Tu vas pouvoir partir pour ta première prêche, mon fils, dit-il tout d'abord d'un ton presque joyeux, ses sourcils bruns se froncèrent alors. Et tu es bien chanceux ! C'est pour Revana que tu pars, et ce, dès maintenant ! Mon prieur s'assurera de ta réussite en te guidant jusqu'à la capitale, continua l'abbé en lançant un signe de tête à son second. Mais, le seigneur Saevi va tout d'abord t'accompagner jusqu'à son château, où il vous donnera quelques affaires qui vous seront nécessaires ! Les routes sont dangereuses après tout, conclu-t-il en regardant le petit homme. Hortus, je te souhaites de ramener sur le bon chemin, le plus grand nombre d'âmes en déroute et de revenir au monastère, sain et sauf.
— Mais, vous savez que je ne suis pas très bon pour cela ... poursuivais-je, la mine abattue.
— La vie est un éternel commencement mon fils ! Tu vas apprendre, ne t'inquiètes pas, fît-il comme pour clore la discussion. Je ne pouvais pas partir de cette façon.
— Puis-je passer par le cimetière, avant d'arpenter les routes ? tentais-je d'un regard implorant pitié.
— Tu peux, termina-t-il. >>
Il rentrait ensuite à la chapelle, ses pas suivant une lente cadence, et je le vis s'éloigner, de dos, de plus en plus. Alors le seigneur Saevi s'approcha de moi :
<< — On va t'accompagner au cimetière, dit-il en me regardant d'en bas. >>
J'acceptai, même si je pus comprendre que je n'avais pas le choix. Sur le chemin, serpentant entre les vignes jusqu'à la Riverra, j'appris que le prieur s'appelait comme moi, Alaric. Cela me surprit un peu et lorsque, joyeux comme j'étais quand je lui dis que cela nous faisait un point commun, il me répondit qu'il le savait déjà. Ne sachant quelle attitude adopter , car personne n'était au courant, à part l'abbé, je me murai dans un silence qui convenait à mes gardiens.