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Sujet : Hector :une petite nouvelle, saisie dans le coeur de la rêverie
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Piroz77
Niveau 2
30 août 2019 à 14:29:53

HECTOR

L'enfant de lumière descendit du soleil, en rappel. A genoux sur le sable blond, sa crinière blanche se dressa. Un vent tiède, timide, osait à peine lui effleurer la peau. Il était une fois un jeune garçon qui descendait du ciel, comme par une césarienne introduit, pour noyer le sol de ses pas. A chaque pas, oui, l'herbe se colorait de mille couleurs psychédéliques, pour lui faire grâce de son passage.

Cet enfant s'appelait Hector. Il était doux comme une tranche de beurre. Il était sans famille, si ce n'est la famille de la vie. Frère de quiconque lui tint un sourire... Mais aux abords de cette plage, seule une jungle l'accueillait. Il s'allongea sur le sable, et écouta le bruit des vagues. Les vas et viens, de ces milliers de vagues... Ce n'est jamais un rien de le dire, que l'on est né près de la mer. C'est une véritable noblesse.

Ses yeux bleus perçaient le ciel, tout nu. Un dernier regard vers l'astre solaire, et il se plongea dans la végétation. Il se nourrissait uniquement de cueillette, et les lianes et épines semblaient comme se courber devant lui. Il leur rendait un respect tout à fait égal, et ne brisa rien de ses mains. Il était le plus attentionné des hôtes. A quelque lueur du soir, il croisa sur son chemin une longue panthère dans la pénombre. Ils se regardaient, sans bouger, jusqu'à ce que le félin finalement s'en aille, cérémonieusement.

Il atteint enfin les abords et les ruines d'un ancien village historique. De vieilles maisons en pierre, toutes égales aux autres, s'imposaient dans le silence. C'est au bord d'une rue qu'il put voir le temple surmonter la communauté. Une pyramide de vieille roche, avec un escalier vers le monde céleste. Au sommet, un sanctuaire brûlait encore d'une torche... Hector n'était pas seul. Il se mit en garde, et franchit les dernières marches.

Dans un coin de la pièce, bercée par le vide, une jeune enfant sanglotait. Du sang, de ses propres veines, inondait le sol de ce temple du soleil. Elle murmurait encore une prière, si sacrée que seuls les anges peuvent l'entendre. Hector entendit, et il s'approcha. Surprise, la fille sursauta, puis elle comprit rapidement, en voyant la crinière blonde et la démarche féline de Hector, que sa prière avait été entendue par quelque force, pour un quelque destin. Elle pleura enfin, et se laissa blottir dans ses bras.

Ils parlèrent... Elle s'appelait Esther, et était née dans ce même village. Elle connaissait la moindre de ses pierres, et toute l'histoire de sa chute. Comme les autres, sa famille avait été fauchée. Des esprits sanguinolants rôdaient chaque soir, pour dévorer une part de sacrifices. Les prêtres étaient désemparés, et même les sacrifices de nouveaux-nés ne semblaient dissiper leur ardeur. Alors l'un après l'autre, d'une manière ou d'une autre, ils se perdirent dans la jungle...

Hector comprit tout cela, et décida d'emmener Esther sur son dos, hors de la forêt, vers un immense arbre millénaire nommé Yemethzi. Large de plusieurs kilomètres, il est de source divine, et habite un bestiaire tout aussi divin, et à l'écoute des sphères supérieures. Les principaux habitants sont comme de petits elfes, mais au visage écrasé comme une pastèque trop mure.

Déjà sortis de la jungle, une vaste plaine ocre et plate dominait le paysage, tout aux pourtours et alentours. Il laissa Esther marcher d'elle-même, et ils s'en allèrent tranquillement. Ils causaient, tout aussi vivacement qu'il put le susciter, de mille et une choses qui puissent ravir la curiosité de Esther. Jeune femme encore timide, une longue natte se tressait dans son dos, et semblait n'en jamais finir.

Au bas de l'Arbre Yemethzi, une patrouille armée tenait la garde... Mais plus on s'approchait, plus on était attendri de cette chaleur, de cette convivialité, de ces sourires qui peu à peu se dessinaient sur leurs visages étranges. Eux-mêmes semblaient tout aussi surpris de cette arrivée, car l'Arbre a ses moyens de détourner les curieux de son chemin. La Jungle même, la Labyrinthique, est une de ces diversions... L'Arbre respecte la violence qu'elle juge comme nécessaire, mais elle le bannit de son sanctuaire.

Les autochtones, de sang sacré, comprirent tout de suite la nature céleste de Hector, alors ils le saluèrent avec grand respect, et laissèrent la cohorte rentrer. Gravées dans le bois, des marches d'un bel escalier s'en allaient, faisant le tour avec amour, de tous les détours de cet arbre roux. Comme emprunts de tant de volupté, ils crapahutèrent, encensés de l'ivresse du vertige.

Ils arrivèrent à ce qui semblait être un foyer de méditation, ou alors un centre éducatif pour penseur invétéré, comme une université, mais aux portes ouvertes à quiconque le souhaite. Assis sur un fauteuil, un autochtone aux cheveux aussi longs que son corps, feuilletait un livre aussi large que sa barbe.

Hector l'approcha. L'individu ruminait, occupé, mais Hector interrompit sa pensée. Il lui présenta Esther, et lui raconta ses malheurs. Le professeur lui jeta des regards songeurs, et remplis de compassion, et disons-même d'humanité. Ses yeux brillaient, quand il lui expliqua sa tragédie...

Les esprits de la Jungle sont néfastes, mais tout aussi sacrés qu'eux, et une fois qu'ils ont jeté leur cruauté sur un peuple, ils s'acharnent à travers les obstacles, les distances et les protecteurs, pour venir à bout de leur cible. Il n'y a pas lieu de pouvoir les protéger, car les êtres humains sont mortels et inférieurs, et la puissance divine souhaite que les démons soient là pour le rappeler.

Il refusa finalement d'héberger Esther, car alors, c'est son propre peuple qui tomberait dans la tourmente. Il conseilla à Hector de se résoudre à la nature des choses, et de repartir dans les étoiles... Hector, lui, regarda Esther et sa longue natte, et n'avait qu'une envie, c'est de briser l'univers en deux, de défaire le destin, et tous ses maîtres, jusqu'à trouver une place à son bonheur.

Esther lui fit de grands yeux, et semblait perdue. Tout l'univers semblait être contre elle, et elle ne trouvait de rédemption que dans l'espoir et la force féroce de Hector. Arriverait-il à l'arracher à son destin ? Il est tombé comme une larme du soleil, devant cette tragédie en devenir...

Au sommet du grand Arbre étaient disposées d'immense feuilles rousses comme des parachutes pour descendre à travers les airs. Avant qu'il parte, on lui avait donné une piste, un espoir: au-delà de la Terre Cendrée, vers le soleil couchant, tu trouveras l'immense puits du vide, où l'on peut quéter l'oubli.

Ils sautèrent avec leurs parachutes, et arrivèrent au-delà de l'horizon, en plein dans la Terre Cendrée... Un royaume de carbone, où les arbres sont secs, et penchés sur de l'herbe toute aussi morte. Le ciel nuageux semblait demander une pluie qui ne viendra jamais, sur ces terres brûlées. Pas une âme n'osait poser pied dans cette contrée, car elle est le repère de dragons.

A travers les troncs gris, ils ne voyaient pas bien loin, mais ils pouvaient entendre, oui entendre, surtout à cet aurore approchant, le bruit de leurs ailes se battre, et se déployer. L'horreur nous prenait le visage, quand on entendait leur rugissement, qui a remplacé le piaillement des oiseaux, dans ce paysage infernal.

Ils avancèrent à petits pas, et attendirent même la pénombre de la nuit, pour se déplacer. Hector illumminait de son aura, de la lumière que seule Esther pouvait percevoir... Ensemble, ils marchaient, avec l'espoir faible au coeur, mais persistant, qu'ils vivraient pour voir le Soleil, un autre jour.

L'herbe sur le sol, avec la même prudence que leurs lentes inspirations, semblait se faire de plus verdoyant au plus verdoyant. Quelques éclaircies se faisaient voir à travers les cumulus, et Hector regagna de l'assurance dans sa démarche. Esther elle, était grisée de toutes ces folies, et marchait comme marche un condamné... Seul le bleu des yeux d'Hector la ravivait, car cela lui rappelait le bleu de la mer, et toutes ses douceurs.

Enfin, ils virent une noirceur se projeter dans le ciel, comme un grand vide qui absorbe la clarté même de l'azur. Comme guidés par une étoile, ils allèrent à son encontre, en savant pertinemment qu'ils s'approchaient du Puits du vide. C'est un large trou dans le sol, qui plonge dans des abysses qu'on ne peut sonder, et qui est inhabité par des elfes noirs, des êtres calculateurs et aigris, aux esprits toujours fatalistes.

Deux tâches de la même noirceur que ce ciel, s'en venaient. Ils ne souriaient pas, et leurs lances posaient des questions. Ils avaient d'évidence le coeur gelé, et Hector ne testa pas leur compassion. Il se déclara un simple voyageur, et justifia de sa divinité pour oser prétendre à l'abri de leur civilisation. Ils acceptèrent, et Esther ne dit pas mot.

Tout autour d'un immense trou béant, des logements et commerces étaient creusés dans la roche, au bord du vide, et tous longeant une immense spirale qui s'en allait de plus en plus bas, jusqu'à plus profond que les yeux ne peuvent voir. Les habitants portaient le voile, et un grand silence régnait, car les gens ne faisaient pas plus que chuchoter, pour se parler.

Hector était comme une braise, à porter sa lumière dans cette noirceur. Tous le regardait avec curiosité, mais ils ne voyaient pas plus qu'un égal en lui... Ils aimaient leur noirceur, car c'était la forme de leur sagesse. Ils le laissèrent passer et s'en aller, vers les plus convoitées profondeurs.

Au plus profond, il s'avère, est cultivée ce qu'on appelle de l'Essence de vide. Sur la roche même, est sécrétée comme un gel au pouvoir mystique. Les elfes raclent et raclent, et approvisionnent les chimistes du monde, de cette étrange essence. Hector en prit un bocal, après qu'un marchand lui en ait vanté la vertu. Il semblerait que l'essence ait le pouvoir de dissimuler.

Il en répartit sur Esther comme de la crème solaire, et bien qu'elle était glaciale au toucher, Esther se laissa faire. Elle se sentait enfin protégée, et un poids se souleva de sa poitrine. Même au fond de l'abysse, elle voyait clair dans le visage de Hector, et son destin semblait le plus rayonnant.

De retour à la surface, elle riait. Elle prenait la main de Hector, et lui faisait de grands sourires. Hector, tout aux anges, se sentait à l'apogée de sa force, de son être. Son propre destin à lui était comblé, et il était maintenant libre de partir ou de rester. Il était né pour Esther, et il décida qu'il renierait sa divinité, et qu'il mourrait pour elle... Comme un humain.

Il ne le dit pas à Esther, mais gracieusement il les dirigeait vers le Manoir aux Registres, une grande batisse sobre et surplombant une falaise, au bord de la mer. Toute la papasserie de la région s'y fait, mais c'est également un lieu sacré où l'on s'occupe à recenser les divinités, et à leur rendre service.

C'est un manoir immense, aux tuiles violettes, et à la pierre sombre. Quelques gargouilles se montrent, funestes. Une grande porte double, en bois, forme l'entrée. On toque, et on rentre. A l'intérieur, il y a l'odeur de la vieille soie, et de vieux livres aux reliures pourpres. On marche solennellement, et des tableaux s'affichent au mur, divinement peints.

Finalement, on arrive à l'accueil. Une vieille femme interrompt sa lecture, et interroge du regard. Elle a déjà vu passer toutes les requètes, et rien ne peut la surprendre. Elle avait même prédit que cela adviendrait. Elle présente une feuille à Hector, qu'il lit et qu'il signe... Il est maintenant un homme, et la vieille femme sourit.

Esther ne se sent pas à sa place ici, mais elle tient la main de Hector, et cela lui réchauffe le coeur. Elle irait jusqu'au bout de l'enfer, tant qu'elle tient la main de Hector. Il le sait, alors il retiendra toujours une parcelle du soleil, au plus profond de son coeur.

FIN

:merci:

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