Création

Votre toux devient sèche.
Le voisin, partenaire de paroi habituellement paisible, frappe trois coups.
Vous ignorez son nom
Et vous toussez toujours.

On a toujours dit que vous manquiez de civisme.

Bravache, il amplifie sa plainte.
Les coups, mais aussi une drôle de voix, rauque et pré-cafetal, vous invitent à présent à « fermer [votre] gueule ».
Tout de même
Ce ton inassimilable avec le « bonjour » occasionnel, croisé dans l’ascenseur…
Un désarroi inattendu vous prend sur les coups de trois heures du matin
Seriez-vous en train de vous tromper de voisin ?
Et vous toussez toujours.

Il vous faut vous lever à six heures-quarante-cinq.

Vous rallumez la lumière, et cherchez à tâtons les mouchoirs dans la salle de bain.
A tâtons, parce que vous êtes myope et que la lumière n’y peut rien.
Des mouchoirs, parce que malgré votre gorge en feu, c’est un filet de morve qui serpente sur le philtrum.
Tenu en échec par des emballages vides que vous ne jetterez jamais, vous considérez la sacristie de l’enrhumé, cette réserve toujours abondante de papier cul rose clair.
Ça gratouille un petit peu.
Ça ne coule plus du tout.
Et vous toussez toujours.

L’imbécile ne tape plus.

Et il oubliera vite. Demain, il vous dira « bonjour ».
Vous oublierez aussi.
Ressassant votre vie, sans même trop y penser, vous songerez aux voyages, aux amis, aux amours, à l’absence de cela.
Vous ne repenserez jamais à cette soirée
Juste au-dessus du banal
Aux jours de transition
Quand vous ne tousserez plus.

Bonjour, je ne commente jamais car je n'ai habituellement guère confiance en la pertinence de mon jugement, mais dans ce cas-ci, je dois dire que ce poème en vers libre m'a beaucoup plu.

Cette très juste manière d'impliquer le lecteur par ce "vous", ce présent, et par l'emploi occasionnel du futur, notamment, est très plaisante puisque justement, tu décris fort bien un petit ridicule de notre quotidien que l'on a tous plus ou moins connu.

Je ne vais pas m'étendre davantage mais je réitère, c'était un plaisir.

Le 05 novembre 2019 à 08:38:51 Julien-Gracq7 a écrit :
Bonjour, je ne commente jamais car je n'ai habituellement guère confiance en la pertinence de mon jugement, mais dans ce cas-ci, je dois dire que ce poème en vers libre m'a beaucoup plu.

Cette très juste manière d'impliquer le lecteur par ce "vous", ce présent, et par l'emploi occasionnel du futur, notamment, est très plaisante puisque justement, tu décris fort bien un petit ridicule de notre quotidien que l'on a tous plus ou moins connu.

Je ne vais pas m'étendre davantage mais je réitère, c'était un plaisir.

Merci pour ce retour, content que tu aies été sensible à ce petit texte