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Sujet : [NR#1] Devenir grand
1
[Pierromano]
Niveau 7
15 mars 2020 à 13:13:02

Devenir grand

Résumé: Angoissé par la perspective de rentrer bientôt dans le monde professionnel, Pierre un étudiant en école de commerce trouve refuge auprès de son cousin Gabriel âgé de 10 ans. Mais Pierre est-il assez fort pour jongler entre ses responsabilités de jeune adulte, ses sentiments, sa vie professionnelle et la pression constante qu'il s'impose envers Gabriel?
(9553)

  • Chapitre 1:

C'est drôle quand on y pense. Il y a quelque temps encore, on faisait partie de cette masse de bambin qui court après le ballon. L'instant d'une rêverie, on était Ronaldo et la finale de la coupe du monde se jouait là avec un ballon Adidas et deux vestes posées sur le bitume en guise de cage.
Les matchs s’enchaînent les uns après les autres entrecoupés de longues heures assis sur une chaise pour faire plaisir à Papa et Maman, car après tout ce n'est pas le foot qui nous fait vivre n'est-ce pas?
Et puis sans qu'on s'en rende compte, la rêverie s'estompe, Ronaldo a raccroché les crampons et le voilà plongé dans un monde des adultes qui à l'évidence ne tiendra pas ses promesses.

-Il faut que tu me boucles ça avant la fin de la semaine gamin, je suis désolé de te donner ça si tard mais c'est arrivé au dernier moment
-T'inquiètes, je ferais ça ce weekend

Ce très court dialogue résume plutôt bien ma vie actuelle. Après le lycée je suis entré en école de commerce et à côté je me suis mis à travailler à temps partiel pour une agence de marketing. Ce n'est pas très difficile mais ça prend du temps et c'est chiant à en crever...

Après ma journée de boulot, je suis passé voir maman. Elle était morte l'année dernière des suites d'un cancer. Personne ne l'avait vu venir. Un jour elle s'est plainte de maux de tête et quelques semaines plus tard on l'enterrait et je me suis retrouvé seul, c'était aussi simple que ça...

Quand je vais la voir, je lui raconte à quel point mes journées sont ennuyantes, même si les siennes doivent l'être encore plus j'imagine. Depuis qu'elle est partie, je loge chez ma tante Laura qui m'a gentiment accueilli sous son toit le temps que je finisse mes études. Elle aussi un fils qu'elle élève seule, il s’appelle Gabriel il a un peu plus de 10 ans et pour moi, c'est un peu le petit frère que je n'ai jamais eu.

C'est lui qui m'a permis de garder les pieds sur terre et de ne pas complètement péter un câble. Quand j'arrive à le faire rire, j'ai vraiment l'impression d'avoir une utilité sur cette planète.

J'ai enlevé quelques mauvaises herbes qui commençaient à pousser sur sa tombe, j'ai changé l'eau des fleurs et puis j'ai dû partir; il était déjà tard et je devais aller chercher Gabriel à son entrainement de foot.

J'ai bien pris le soin de refermer la grille du cimetière derrière moi, et je suis monté dans ma petite voiture. C'est une vieille bagnole toute cabossée et qui est encore plus vieille que Gabriel mais j'en suis extrêmement fier et il n'y a rien de plus jouissif que de laisser sur le carreau une grosse berline allemande sur le carreau au démarrage d'un feu avec ce genre de vieille torpédo. C'est surtout le cadeau de ma mère pour mes dix-huit ans.

Le stade où s’entraîne Gabriel est relativement éloigné de la maison. Techniquement il pourrait très bien rentrer en bus mais sa mère est plus rassurée et moi ça me permet de passer un petit moment privilégié avec mon cousin, donc j'imagine que c'est un peu donnant-donnant. C'est fou comme ça fait du bien de se sentir utile...
L'entrainement venait tout juste de se terminer quand je suis arrivé, j'ai attendu quelques minutes sur le parking jusqu'à ce qu'il sorte du vestiaire pour venir s'installer à côté de moi en lâchant un simple "Salut!".

Il a bouclé sa ceinture puis s'est tourné vers moi. Amusé j'ai haussé un sourcil et j'ai dit
-Depuis quand tu montes devant toi?
-Bah j'ai le droit j'ai presque 11 ans!
-Ah bon? Non parce qu'on ne dirait pas avec ta taille de nain de jardin!
-Pfff t'es lourd!

J'ai vu à son expression qu'il était vexé, j'ai mis le contact puis je lui ai ébouriffé les cheveux,il a tout de suite repoussé mon bras et m'a jeté un regard noir qui en dépit de son intention le rend atrocement mignon. J'ai fait semblant d'être étonné avant de marmonner un "susceptible" pour finalement démarrer

Il a fallu attendre la moitié du trajet pour qu'il se décide d'arrêter de bouder et de me parler:
- Pierre?
-Mouais...
-Je peux te poser une question?
-Tu viens de le faire...
-Roh t'es chiant!
-Je te taquine, et arrête avec les gros mots sinon ta mère va m'engueuler! Vas-y, poses ta question...
-C'est dur le collège?

La question me fait sourire, dans quelques mois ce serait les vacances d'été et il quittera enfin l'école primaire. Jusque-là il essayait de ne pas le montrer mais ça l'angoisse terriblement.

D'une certaine manière on était dans une situation similaire car pour moi aussi il n'était question que d'une petite année avant que je ne reçoive mon diplôme pour partir seul à l’assaut du fameux monde du travail qui jusque-là ne m'a dévoilé qu'une infime partie de sa monstruosité!

-Eh bien tu vois... Le collège... C'est juste différent... T'es un peu plus libre dans ta manière de travailler mais dans le même temps faut bien savoir s'organiser pour passer d'une matière à une autre. Une fois qu'on a compris comment travailler efficacement ça va tout seul tu verras!
-D'accord...

Il ne semblait pas entièrement rassuré alors j'ai rajouté:
-Tu sais, on est tous passé par là, on grandit tous et forcément on se pose des questi...PUTAIN!

Je freine brutalement! pour éviter une voiture qui nous coupe la route pour prendre la sortie. Il s'en est fallu d'un cheveu mais je m'arrête à quelques centimètres de son cul... Furieux je klaxonne un bon coup ce qui me vaudra un doigt d'honneur de la part du type. Oubliant la présence de Gabriel je me laisse aller à quelques injures.

-Et dire que tu me fais la morale sur les gros mots!
-Désolé Gabi, mais j'ai bien cru qu'on allait taper. C'est toujours pareil à cette sortie, les gens roulent comme des dingues et ils ne savent pas où ils vont, ils changent de file au dernier moment et c'est super dangereux!
-C'est plutôt toi qui ne sais pas conduire? dit-il en arborant un grand sourire qui monte jusqu'à ses oreilles.
Je le regarde brièvement pour lui dire
-Tu me déçois beaucoup!

Nous éclatons de rire! Pendant le reste du trajet, il m'explique tous les progrès qu'il a faits au foot et comment il gagnera la ligue des champions plus tard.

-Tu viendras me voir jouer ce week-end?
-Ce week-end? Ça va être compliqué, j'ai pas mal de boulot et...
-Mais ça fait déjà deux fois que tu dis ça
-Je sais mais j'ai des obligations grabotte! Je viendrais une autre fois...
-Tu parles! Du travail tu vas en avoir de plus en plus et quand t'auras ton diplôme tu vas partir et on te reverra plus!

Touché! Même si je refuse de me l'avouer ce qu'il vient de dire est probable et ça fait un moment que cette idée m'angoisse. Néanmoins je réponds tout de même

-Hé ho! Tu t'imagines quoi là? Ce n'est pas parce que je rentre dans la vie active que je vais te laisser tomber!
-C'est exactement ce que disait mon père!

Touché coulé! Son père l'avait abandonné lui et sa mère quelques années auparavant. Le mien, lui, n'avait même pas attendu ma naissance.
-Ne dis pas ça, je ne suis pas comme nos pères!
Il m'a regardé d'un air triste. On s'est tut, et nous sommes restés silencieux pendant le reste du trajet.

Pendant la soirée je n'ai pas pu m'empêcher de cogiter sur ce qu'il m'avait dIt. Et si finalement j'étais comme nos pères? Est-ce que s'éloigner de ceux qui nous aiment est inévitable lorsque l'on est adulte. Cette idée m'a fait frémir. Très certainement avait-il volontairement appuyé sur cette corde sensible pour me manipuler.

Eh bien ça a parfaitement fonctionné car je suis parti le voir dans sa chambre pour lui dire
-Hé Gabi? D'accord, je viendrai!
Emmitouflé dans ses couvertures il a affiché un large sourire que je lui ai rendu. J'ai délicatement fermé la porte.
-Bonne nuit grabotte!
Et je me suis mis au travail, tant pis pour ma nuit de sommeil!

[Pierromano]
Niveau 7
15 mars 2020 à 13:13:56
  • Chapitre 2

Après une journée rébarbative de cours magistraux je profitais quelques instants d'avoir la maison pour moi tout seul puisque Gabriel n'était pas encore rentré de l'école. Un petit moment de solitude n'est vraiment pas de trop quand on a des journées aussi remplies que les miennes.

J'avais promis à Laura d'obliger Gabi à travailler un petit peu ce soir. C'est-à-dire que ce petit saligaud a plutôt des facilités à l'école et du coup il a la fâcheuse tendance à ne se contenter que du minimum et à se reposer sur ses acquis sans jamais vraiment travailler.

Personnellement ça me fait plutôt rire car ça me rappelle un peu moi à son âge. C'est vrai qu'au niveau du caractère on se ressemble pas mal, même si je le trouve peut-être plus têtu et impulsif que moi. Mais comme toute bonne maman qui se respecte, Laura s'est décidé à le pousser à l'effort.

Je me suis toujours senti proche de ce gamin. Déjà, ma tante Laura et ma mère ont toujours été très proches elles aussi et on partait régulièrement en vacances tous ensemble donc forcément ça aide mais surtout je pense que le fait que moi comme Gabi soyons tous deux fils uniques nous a considérablement rapproché malgré nos 11 ans d'écart.

Je me souviens le jour de sa naissance, j'étais chez un copain et on avait joué à la console toute la journée et c'est ma mère qui était venue me chercher précipitamment pour m'emmener voir cette petite chose à l’hôpital .

C'est moi qui lui ai appris à jouer au foot, d'ailleurs sa première dent de lait est tombée suite à un fabuleux tir de ma part qui est venu se poser en plein dans sa tronche... Je lui ai appris à dire des gros mots car ça faisait énormément rire l'adolescent immature que j'étais. Je ne compte plus les heures que l'on a passées à faire des compétitions sur la console. Bref, on s'adore...

Pour tuer le temps j'ai étendu un peu de linge histoire d'aider un peu Laura puis je suis parti me faire couler un bain pour me détendre un peu. Il faut croire que le temps a passé bien plus vite que je l'avais prévu car lorsque je suis sorti de la salle de bain
bien évidemment nu comme un ver j'eus la surprise de me retrouver dans le couloir face à un Gabriel venant tout juste de rentrer.

Le regard qu'il m'a lancé n'avait pas de prix... Ses yeux ébahis naviguait entre mon regard et le dessous de mon bassin. Sans me laisser démonter et en essayant d'adopter l’attitude la plus alpha possible je suis passé devant lui pour lui ébouriffer les cheveux et lui faire un clin d'œil tout en disant:

-T'inquiète petit, ton tour viendra

Je suis alors rentré dans ma chambre en contenant un éclat de rire et en laissant mon Gabriel médusé dans le couloir...

Un peu plus tard, nous étions tous les deux sur la table du salon, penchés sur nos travaux respectifs, moi je terminais la constitution d'un dossier pour un litige entre ma boîte et un client, lui sur un exercice de division.

Après un énième soupir de sa part je finis par en prendre marre.

-Tu vas bientôt arrêter de souffler comme ça!
-Mais ça fait des heures qu'on y est!
-Ça fait à peine 3 quart d'heure, et jusque-là mis à part te plaindre tu n'as quasiment rien fait ! Ta mère veut que tu finisses tes devoirs aujourd'hui si tu veux aller au foot demain!
-Mais c'est bon de toute façon la maîtresse elle ne vérifie pas... Si tu dis rien à maman personne n'en saura rien! En plus je ne vois pas pourquoi elle m'oblige à travailler, j'ai toujours des bonnes notes! C'est pas juste!

Il me rappelle atrocement quelqu'un! Mais je dois absolument lutter contre mon sourire si je veux garder ma crédibilité

-Quand est-ce que tu vas te mettre dans le crâne que c'est pour toi que tu travailles? Si tu ne t'exerces jamais tu vas tout oublier et tu n'arriveras jamais à rien.

Il me dévisage comme si j'étais le dernier des traîtres

-Vous ne faites que toujours dire la même chose! T'es comme les autres adultes en fait!

Je sais que la remarque ne devrait pas m'atteindre mais elle me vexe malgré tout. Je n'en laisse rien transparaître et je reprends,

-Oui oui petit d'homme! En attendant je crois qu'il y a des divisions qui t'attendent! Quant à moi... je me lève et j'allume la console.
-Tu fais quoi?
-Eh bien, pendant que tu n'arrêtais pas de geindre, figures toi que moi j'ai bien avancé et même mieux, j'ai terminé et mon travail et mes révisions! Après plus vite tu auras fini et plus vite tu pourras venir me rejoindre. Mais en attendant...

La stratégie est implacable et comme je l'attendais au bout de vingt minutes à peine j'entends un timide

-Pierre? Tu peux venir voir?

Je me lève triomphant

-Tiens tiens tiens... bizarrement tu vas un peu plus vite... Fais-moi voir ça.ça...Hmmm... Tu es sûr que la virgule est à sa place ici? Corrige ça... HmmHmm Hmm... bien à part ça c'est parfait ! Tu vois quand tu veux?
-On peut jouer? demande-t-il plein d'espoir
-Si ça te fait plaisir... Tu ne pleureras pas quand t'auras perdu?
-Bien sûr que non puisque je vais te mettre une branlée!
-Qui t'as appris ce mot-là?
-Toi!
Ce qui est probablement vrai...

Laura travaillait tard du coup je me suis occupé de Gabriel pour le reste de la soirée alternant jeux vidéo et discussions autour du foot. On est même parti faire quelques passes dans le jardin. Le soir on a commandé une pizza pour deux et on a pratiqué mon activité préférée, c'est-à-dire ne rien faire, ce qui est quoi qu'on en pense vachement mieux à deux! Mais avec les gosses ce qui est bien c'est que lorsque le silence se fait pesant, il y a toujours une question qui permet de relancer la conversation

-Et Sinon l'école? Ça marche?

En général, Gabriel aime bien qu'on s'intéresse à lui et il sait se montrer assez bavard pour raconter ses journées mais cette fois sa réponse fut surprenante

-Et toi? Ce que tu fais, ça te plait?

Comment lui dire? Comment lui expliquer que non? Que l'économie c'est mettre des mots compliquer sur des phénomènes intuitifs dans l'espoir de les rationaliser et d'en tirer des règles générales? Que j'en ai strictement rien à foutre de la théorie quantitative de la monnaie? Que mes journées consistent à s'autopersuader du caractère productif de la pseudo stimulation que j'inflige à mon cerveau? Que je ne suis même plus capable de déterminer ce qui a vraiment de l'importance pour moi. Qu'au fond je n'ai véritablement aucun projet mais que j'ai tout simplement peur, peur de ce qui pourrait m'arriver, peur de décevoir, peur de la punition...

Mon pauvre Gabi,tu es là et tu me regardes et tu attends une réponse, car toi aussi à ton échelle tu ressens mon malaise mais sans le vouloir tu m'alourdis du fardeau de la responsabilité que j'ai envers toi.
Nous sommes dans le même bateau et nous recherchons tous deux la clef qui nous permettra de rentrer dans le monde des "Grands".

Mais si pour toi la démarche est volontaire, moi on me l'impose et l'on ne m'accorde aucun délai. Je suis censé déjà avoir cette foutue clef et pouvoir t'aider toi aussi à la trouver. Mais comment puis-je t'aider alors que suis incapable de m'aider moi-même? C'est simple, encore une fois je vais faire semblant car c'est ça rentrer dans l'âge adulte; c'est faire semblant d'aimer le café, c'est faire semblant d'être constamment confiant ,c'est faire semblant de ne plus aimer les dessins animés, c'est faire semblant d'aimer sa copine, c'est faire semblant de s’intéresser à la politique, c'est faire semblant de s'épanouir au travail... Et on espère qu'un jour on cessera de faire semblant tout en le maudissant car cela voudra dire qu'on est définitivement devenu vieux.

-C'est un peu rébarbatif mais ça a des bons côtés, je finis par répondre.

Son sourire maussade montre qu'il n'est pas dupe et à l'évidence il n'est pas satisfait de la réponse. Ça tombe bien, moi non plus!

-T'en fais pas pour moi grabotte! Tu sais on choisit pas forcément toujours ce qui nous arrive et du coup...

C'est alors que sans me prévenir il est monté sur mes genoux pour venir m'étreindre de toutes ses forces. D'abord surpris je lui rend son étreinte.

-Tu sais Pierre, c'est pas vrai que t'es comme les autres adultes!
- Il y a bien que toi qui me comprennes à peu près, grabotte! Tu grandis tellement vite!
-Et toi tu vieillis rétorque une petite voix dans ma tête

Quelques heures plus tard en rentrant, c'est endormis et toujours serrés l'un contre l'autre que Laura nous a trouvés.

[Pierromano]
Niveau 7
15 mars 2020 à 13:14:39
  • Chapitre 3

Le samedi, ce n'est pas la meilleure des journées. Déjà parce que le matin j'ai cours, et parce que généralement je dois aller au boulot l'après-midi si je veux terminer mes objectifs de la semaine.

Cependant cette fois-ci, avec toute l'avance que j'avais prise, j'avais prévu de passer en coup de vent pour déposer mes travaux puis de foncer au stade pour voir le match de Gabi comme je l'avais promis.

Une fois dans la boîte, je me suis rendu dans le bureau de mon chef qui travaillait sur son ordinateur.

-Bonjour Monsieur Chazier!
-Ah! Salut Pierre! Tu tombes bien je voulais te parler! Je t'en prie, installe-toi.

Un peu surpris je prends place tout en posant mes dossiers sur son bureau et ce fut donc à son tour d'être étonné.

-Ne me dis pas que tu as déjà tout fini? comme je hoche la tête il reprend, Bong sang! Comment as-tu fait avec tes cours à côté?
-Suffit d'être organisé, je réponds en haussant les épaules
-Hé ben dit donc... Chapeau! Et à ce propos, je voulais justement te dire qu'on était très content du travail que tu fais ici, personne n'a eu à se plaindre de toi, tu bosses bien et dans les délais.... Non franchement, tout est clean! Du coup j'en ai parlé au boss et il est d'accord avec moi, non seulement pour l'année prochaine ce sera avec plaisir qu'on renouvellera ton alternance, mais on envisageait aussi de te proposer un temps plein en tant que responsable de service dans notre siège à ta sortie d'école! Qu'est-ce que tu en penses?

La proposition était vraiment inattendue, je bégaye donc
-Merci beaucoup, mais... Je ne sais pas vraiment qu'en penser... Faudrait que j'y réfléchisse....
-Ne t'inquiète pas, il me coupe, Prends bien ton temps, ce n'est pas pressé de toute façon, t'as encore toute la vie devant toi gamin! Profite bien de ton après midi du coup tu l'as bien mérité!

Je quitte le bureau penaud tout en pensant à l'absurdité de la situation, on venait de me proposer à moi un poste de responsable de tout un service composé de gens du métier bien plus âge et expérimenté au siège même de la boîte. Le genre d'offre qui ne se refuse pas avec le bon salaire qui va avec. Et pourtant ça ne me faisait ni chaud ni froid.

En fait si ça me faisait quelque chose, ça me faisait chier! Le siège il est à 300 bornes au nord. Loin d'ici. Loin de Gabriel...

Je suis arrivé une bonne dizaine de minutes en avance. Gabi était déjà au vestiaire, mais sur le terrain il y avait un autre match, des ados un peu plus grands qui jouent déjà sur grand terrain. J'ai regardé les dernières minutes, revivant par procuration les années que j'avais moi aussi passées sur ce terrain quand j'étais môme.

Lorsque le coup de sifflet retenti j'observe l'équipe victorieuse célébrer le résultat dans une certaine euphorie. En les regardant je meurs d'envie de les rejoindre, mais je sais que ce n'est pas possible et même si ça l'était je savais pertinemment que ça n'aurait pas la même saveur qu'à leur âge...

C'est sur ce constat triste que je vis enfin Gabriel sortir avec son équipe, talonné par l'arbitre et ses adversaires. En me voyant il a fait un grand sourire puis il est tranquillement parti se mettre en place pour le coup d'envoi.

Pour être honnête, je n'ai pas été très attentif durant la première mi-temps, j'étais plongé dans mes pensées . M'enfin pour le peu que j'ai vu Gabi ne se débrouillait pas trop mal, réussissant quelques dribbles il est parvenu à mettre quelquefois la défense adverse en danger même si cela ne s'était pas concrétisé.

À la pause, le score demeurait nul et vierge et il est venu me parler.
-On domine mais on n'arrive pas à se mettre en bonne position pour frapper, t'en penses quoi?
-Je pense que vous devriez arrêter de toujours essayer de passer par les côtés. Si t'as l'occasion place-toi dans l'axe avec un crochet pour créer de l'espace entre les défenseurs et frappe direct, même si t'es pas dans la surface avec un peu de chance ça peut rentrer.
-Ok j'essayerai si je peux!
-C'est pas ultra costaud en face, ça va finir par craquer! Pour le moment c'est bien faut que vous restiez sur la même dynamique. Aller bonne chance grabotte!
-Check? il tend fièrement sa fringante petite main
-Check!

On se sourit mutuellement paume contre paume et il retourne sur le terrain pour la seconde période.

Cette fois, je suis à fond dedans et j'observe ma grabotte se démener pour récupérer les ballons au milieu du terrain, et je dois bien avouer qu'il se débrouille plutôt bien. Sincèrement, je pense qu'il est meilleur que moi à son âge, mais ça jamais je l'avouerai devant lui!

Quoi qu'il en soit, si son équipe est effectivement la meilleure des deux ils ne parviennent pas à conclure n'étant jamais réellement en bonne position pour inquiéter le gardien.

Quand soudain surgissant de nulle part, voilà-t-y pas mon Gabriel qui chipe le ballon à un milieu adverse qui prenait un peu trop son temps, il combine en une deux avec un coéquipier puis au lieu de servir l'appel qu'on lui fait sur la gauche, il s'avance se retrouve nez à nez avec le défenseur central, le crochète par la droite puis enchaîné avec une frappe du droit qui vient effleurer l'intérieur du montant gauche: le gardien plonge mais il est battu. But!

Gabriel se retourne dans ma direction, il a juste le tant de me faire un petit clin d’œil avant d'être recouvert par ses coéquipiers venus le féliciter!
Note à moi-même: devenir coach, il semblerait que j'aie de l'avenir!

Après ça l'équipe a tranquillement terminé le match en faisant tourner le ballon, ils ont même réussi à inscrire un deuxième but. J'ai attendu Gabriel sur le parking en écoutant la radio.

Quand cette espèce de grabotte est venue me rejoindre, elle souriait comme pas permis!
-Alors tu ne regrettes pas d'être venu? dit-il dans un excès de confiance.
-Je pense que c'est toi qui devrais être content, t'as juste à exécuter ce que je dis et hop c'est dans la poche!
-T'as vu cet enchaînement? Et ma frappe! Elle était belle ma frappe hein?
-Si c'était moi le gardien je l'arrête cent fois!
-Cette mauvaise foie!
-Affreux!

Je crois bien que je pourrais passer ma vie à le taquiner sans jamais m'ennuyer! Pendant toute la première moitié du trajet, j'ai eu le droit à une rétrospective détaillée de long en large du match que je venais de voir. Avec Gabriel, ce qui est bien c'est qu'on n'a pas besoin de ralenti!

-Dis, tu m'écoutes Pierre?
-De quoi? La maintenant tout de suite? Non!
-T'es vraiment un gros naze! Je t'ai demandé si tu croyais au fantôme!
-Moi? Absolument pas je suis doté d'un esprit scientifique!
-Tu ne crois pas du tout au surnaturel?
-Non, désolé pourtant ce n'est pas l'envie qui m'en manque!
-Pourquoi?
-Peut-être que ça pourrait pimenter un peu notre quotidien! Par contre je crois au karma!
-Ah ouais?
-Tout à fait! Et je me demande bien ce que j'ai pu faire pour mériter un petit cousin comme toi!

La boutade le fait souffler du nez!
-Je peux mettre la radio?
-Fais comme chez toi

Du coin de l’œil je le vois naviguer entre les chaines cherchant certainement une station bien précise! Mais soudain, sur ma gauche une voiture s'apercevant qu'elle est en train de louper sa sortie vient me couper la route. Je freine brutalement, mais c'est trop tard, je lui percute le flanc, tant bien que mal je tente de garder le contrôle du véhicule mais je ne peux l'empêcher de faire un tête-à-queue et de percuter la barrière à gauche.

Le choc n'a pas été ultra-violent et les airbags ne se sont pas déclenchés, je m'apprête à demander à Gabi si ça va, quand j'aperçois la voiture à pleine vitesse qui vient nous percuter en pleine face.

[Pierromano]
Niveau 7
15 mars 2020 à 13:15:25
  • Chapitre 4

Je ne me souviens même pas du choc. Je ne saurais vraiment décrire ce que j'ai ressenti quand j'ai aperçu cette voiture foncer sur nous. Je pense que je n'ai pas eu le temps d'avoir peur. De toute façon le temps n'a ici aucune importance.

Dans un accident, le pire ce n'est pas la douleur, l'odeur affreuse qui sort des carcasses ou la vision irréelle de l'intérieur complètement chaotique de notre voiture .Le pire c'est qu'on est brutalement confronté à l'immense poids de notre échec! À notre misérable condition.

L'on est plus qu'un pauvre petit esprit perdu dans un corps désarticulé en proie à la douleur qui est la seule chose qui nous caractérise comme un être toujours vivant.

Et en dépit de tout, ce pathétique petit esprit continue de lutter pour se raccrocher à la moindre étincelle de vie aussi vide de sens soit-elle! Quel tocard je suis!

-Pierre? Tu es là?

Le petit sanglot qui venait d'émerger à ma droite a fini de me briser le cœur. Jusque-là, je n'avais pas osé regarder de ce côté-là par peur de ce que je pourrai bien y voir...

Oubliant la douleur qui me traversait de haut en bas, je parvins à me tourner vers lui.
À première vue, du fait de l’absence d'hématome bien visible on pourrait croire que tout va bien mais l'expression de douleur intense sur son visage livide et sa posture si peu naturelle montre bien que quelque chose ne va pas!

-Oui je suis là Gabi, surtout ne bouge pas!
-Pierre, j'ai vraiment très mal!
-Je sais grabotte, je sais... Mais il faut que tu gardes ton énergie, on va venir nous aider, ça ira bien, tu verras!
-Pierre, je me sens fatigué... Je crois que... sa voix est tremblante
-Non non non! Gabi surtout pas! Il faut rester conscient! Gabi... Écoute moi! Surtout, tu ne t'endors pas, tu ne fermes pas les yeux, ok?
-Ok!
-Écoute, j'entends des sirènes, on va venir nous chercher!

Il ne m'a pas répondu... Au moment où les pompiers ont arraché les portières défoncées, je me suis évanoui à mon tour.

Dans la presse, ce fut titré "Un accident sur la rocade fait 1 mort, deux blessés sérieux et un blessé grave !"
Les blessés sérieux c'est moi et le connard qui m'a coupé la route, le mort c'est le conducteur qui nous a percutés, le blessé grave c'est Gabriel...Si je m'en suis tiré avec des fractures au niveau des jambes, lui ils ont dû le plonger dans un coma artificiel suite à un très violent traumatisme crânien!

Lorsque je me suis réveillé à l’hôpital, ils ont dû me donner des calmants et même m'attacher car je voulais absolument le voir, apparemment j'aurais même aggravé une de mes fractures. Mais je m'en moque! Au bout de quelques semaines j'ai pu aller le voir avec mes béquilles...

Je suis entré dans la chambre tout doucement comme si j'essayais de ne pas le réveiller. Et je l'ai vu. J'ai vu ma grabote, allongé dans un lit trop grand pour lui entouré d'un milliard de machines.

Son visage tout pâle était légèrement et ses lèvres faiblement entrouvertes. Ses cheveux blonds lui tombaient sur le front qui perlait de transpiration ce qui donnait l'illusion que sa peau brillait. Les draps et son débardeur immaculés faisaient ressortir son torse et ses petites épaules à tel point qu'on aurait pu le croire musclé. Sur sa poitrine était posé un petit crucifix qui se soulevait au rythme de sa très faible respiration.

Paradoxalement à l'horreur infâme de la situation, il ressemblait à un petit ange et dégageait une beauté incroyable. Si beau mais tellement vulnérable.

J'aurais voulu l'embrasser mais on me l'a interdit. Je me suis contenté de lui tenir la main. Elle était si petite par rapport à la mienne.

Quand ma mère était morte, j'avais étonné tout le monde par ma réaction. Il est vrai que je n'ai jamais été un grand sensible, du moins je n'ai jamais véritablement exprimé mes émotions au public. Du coup à l'enterrement je n'ai pas vraiment pleuré ce qui m'a valu une réputation d'insensible...

Cette fois je m'attendais à verser quelques larmes mais rien n'est venu. Lorsque je suis enfin sorti de la chambre, j'ai vomi...

Le retour à la maison quelques jours plus tard, a été un nouveau choc quand j'ai surpris Laura en train de pleurer sur la table de la cuisine. En à peine quelques jours elle avait pris plus de dix ans. Je n'ai pas pu soutenir son regard lorsque ses yeux cernés et imbibés de larmes se sont plongés dans les miens.

D'une voix tremblotante, elle m'a dit
-S'il te plait Pierre, va dans sa chambre. Tu as toujours été son modèle et son meilleur ami. Va là-bas, je t'en prie démarre la console, construit le circuit du train ou un truc en légos, caresses les peluches, et dis leurs qu'il va revenir...

Cette supplication m'a véritablement ôté toute joie de vivre... Je suis rentré dans la chambre de Gabriel à pas de loup, et je suis resté longuement sur le seuil...

Le silence de cette chambre où tout l'attend est beaucoup trop bruyant. Il a laissé là ses affaires d'écoles et ses maillots de foot. Même les posters de super-héros et de joueurs semblent le chercher.

Je suis déjà entré dans cette chambre des milliers de fois, pourtant j'ai l'impression d'être un intrus. J'avance doucement dans cet antre à l’atmosphère si étrange et chaque détail que j’aperçois semble être une agression à mon égard. Une photo des dernières vacances d'été, une écharpe du réal de Madrid, un livre scolaire de poésie.

J'arrive jusqu’à son piano électrique, sur le pupitre est posée la partition de "Vois sur ton chemin", je la déchiffre brièvement et je commence à la jouer. Dès que je me trompe je recommence depuis le début.

Je m'y reprends une fois, deux fois, trois fois je m'énerve dessus mais au bout de la quatrième fois je finis par la jouer parfaitement bien.

Quelques secondes après la note finale, j'éteins le piano, puis je sens une petite goutte d'eau salée descendre le long de ma joue pour se déposer sur une des touches du clavier. Et là, enfin, je me suis mis à pleurer...

Gabriel est mort dans la soirée...

[Pierromano]
Niveau 7
15 mars 2020 à 13:16:15
  • Chapitre 5

Lors de la mise en bière j'ai pu le voir une dernière fois. Toujours semblable au petit ange que j'avais vu à l'hôpital. On aurait dit qu'il n'avait pas bougé d'un pouce.

J'ai pu déposer un petit baiser sur ses lèvres et puis on a fermé le cercueil.

J'ai observé ce cercueil bien trop petit descendre lentement dans la tombe. Gabriel était dedans. Moi, celui qui conduisait, le responsable, le responsable, l'adulte, le grand, j'avais les pieds bien fixés à la terre...

Laura a assisté à la cérémonie jusqu'au bout puis s'est écroulée et ce fut à son tour d'aller à l’hôpital. J'ai voulu lui rendre visite, mais c'est au-dessus de mes forces... Quand j'essaye de la regarder c'est toute ma honte et ma tristesse qui m'est renvoyée en pleine gueule.

Selon les médecins, il n'y a absolument aucune raison qui explique son état. Son cœur s'est mis à ralentir sans motif apparent, comme si son organisme ne voulait plus fonctionner.

Je me retrouve donc seul dans cette grande maison déserte. Je déambule avec mes béquilles faisant des allers-retours dans le couloir!

Gabriel est mort, Laura se laisse mourir et moi, je tourne en rond... Et puisque la situation n'est pas assez absurde tout à l'heure j'irais bosser car de toute façon faut bien s'assurer un avenir, parce que la vie continue quoi qu'il arrive c'est ça? Il n'y a que ça qui compte quand on est adulte: le boulot. Et celui qui ne comprend pas ça qu'il crève!

Et me voilà parti pour le travail, à pied bien évidemment Trois kilomètres en béquilles, qu'est-ce que c'est après tout?

J'arrive au bureau tout transpirant! Sans même saluer qui que ce soit je vais m'installer à mon poste de travail . Tous les regards convergent dans ma direction. Eh bien quoi? Qu'est-ce qu'ils me veulent tous? À croire qu'ils n'ont jamais vu un meurtrier cette bande de tocards.

Je ne leur jette aucun regard, si ça les amuse de me fixer comme une bête de foire, grand bien leur fasse, j'en ai rien à foutre!
Ni une ni deux, je me mets au travail... Une demande de partenariat? Je monte le dossier en même pas une heure! Un rapport de bilan à faire? Fastoche!

Sans m'arrêter, j’enchaîne dossiers après dossiers, je trie les mails, j'épluche toutes les requêtes des clients dans tous les sens, je rédige plusieurs articles de projet, je vérifie et corrige des récapitulatifs quand soudain une main se pose sur mon épaule. Je me retourne subitement et je hurle

-QUOI ?!

Tout l'open space se fige. Je respire très bruyamment comme si je venais de terminer un gigantesque sprint! À part ça, le silence est tel qu'on peut entendre le bruit sec de la trotteuse de l'horloge murale. Tout transpirant, je suis nez à nez avec mon chef qui me regarde fixement et tout en restant impassible il me dit

- Un taxi t'attend en bas, tu rentres chez toi et cette semaine tu ne viens pas! C'est un ordre!

Je sens ma mâchoire se crisper si fortement que j'ai l'impression que mes dents vont se broyer entre elles. Je ne suis pas quelqu'un de belliqueux, et jusque-là je ne me suis jamais battu de ma vie, pourtant je sens monter tout au long de ma colonne vertébrale une véritable pulsion de violence extrême et une envie irrémédiable de le frapper encore et encore...

Bouillonnant de rage je lève mes yeux pour soutenir son regard. Et malgré la sévérité qui s'en dégage j'y aperçois au fond, une lueur de tristesse.

D'un seul coup, ma colère laisse la place au chagrin. Mes yeux se vident de leur haine pour se remplir de larmes qui menacent de déborder à tout instant.

Sans un mot je me lève, je ne prends même pas la peine de prendre mes affaires je m'en vais vers la sortie en manipulant mes béquilles avec peine.

Avant que je ne franchisse la porte, mon chef m'interpelle

-Pierre! je me retourne, Je suis désolé pour toi! Vraiment!

Silencieux et triste comme un menhir, je monte dans le taxi, qui me ramène jusqu'à la maison.

Une fois arrivé, le chauffeur m'explique que la course a déjà été payée, je le remercie et je le regarde partir depuis le bord du trottoir. En face une des voisines aide ses enfants à descendre de la voiture. Sans qu'ils me remarquent, je les observe rentrer dans leurs maisons à peu près semblable à celle qui se trouve dans mon dos.

Je sais exactement ce que je vais faire une fois à l'intérieur.

Je rentre donc, je pose ma veste sur le porte-manteau et je jette mes clefs sur le buffet. J'allume l'ordinateur pour mettre un peu de musique. Du classique... Je veux faire ça avec panache. Je m'enivre de la mélodie quelques instants, puis je m'en vais chercher de quoi m'enivrer dans un sens légèrement plus littéral.

Alors que je sortais des bouteilles du buffet, je crus voir un étrange reflet dans le miroir du salon ce qui me fit sursauter. J'aurais juré reconnaître Gabriel mais en regardant à nouveau je ne vis que mon auguste personne me rendre le regard...

Je me suis installé bien confortablement et tout en appréciant la musique qui continuait en fond, je me suis servi quelques verres. Peut-être était-ce du rhum, mais pour dire vrai je ne pris pas la peine de savourer ce que je buvais. L'important n'était pas dans le gout mais dans les mécanismes complexes qui fonctionnaient dans ma tête à ce moment là.

Après quelques verres, les effets de l'alcool commencèrent à se faire ressentir, je me sentais incroyablement bien et apaisé. Je laissais ce vicieux liquide se répandre chaleureusement dans mes veines.

Je sus alors qu'il était temps. De ma poche, je sortis la boîte d'aspirine qui s'y trouvait. Il y avait une dizaine de cachets. Ce serait largement suffisant.

Je les laisse se dissoudre dans des verres, et sans plus tardé, j'avale le tout comme si j'allais mourir de soif dans la seconde.

Il ne me reste plus qu'à patienter quelques instants. J'aimerais être capable de décrire ce moment d'attente, ou l'on sait que notre fin vient de débiter. Une seule certitude, le résultat. Et lors de ces derniers instants il n'y a qu'une seule chose à faire c'est-à-dire rien. Parce que de toute façon plus rien ne sert à rien.

J'ai commencé à sentir une grande boule de chaleur comme si l'on avait allumé un feu de cheminée dans ma poitrine et s'intensifier petit à petit. Puis j'ai ressenti comme des petites démangeaisons un peu partout sur le corps.

La musique jouait toujours, et je fermai les yeux pour mieux l'écouter quand j'entendis une petite voix familière

-T'es qu'un con tu sais!

Le sourire aux lèvres je me suis retourné

-Langage Grabotte!
-Je m'en fous maintenant, si même quand on est mort on ne peut pas parler comme on veut, alors ça ne vaut pas le coup!
-Vu comme ça... Qu'est ce que tu fais là?
-Je te retourne la question? Tu dois avoir sacrément mal à la tête pour prendre autant d'aspirines!
-Ce n'est pas la tête qui me fait mal grabotte! C'est mon cœur qui est cassé!
-Et alors? T'as pensé à ma maman?
-Écoutes grabotte... tout en me levant de la chaise, j'ai la drôle d'impression que quelque chose cloche dans les proportions de la pièce, comme si elle s'était agrandie.
-Non! C'est toi qui vas m'écouter maintenant! Il y a déjà suffisamment de malheur et il n'y a vraiment pas besoin que tu en rajoutes! Et si tu crois que je vais te laisser te tuer en te servant de ma mort à moi comme seule excuse tu te trompes!
-Mais c'est trop tard Gabi! ma voix part étrangement dans les aigus tandis que des fourmillements traversent mes jambes qui deviennent de plus en plus vacillantes
-Pour moi oui, mais pas pour toi! Et je ne suis pas venu tout seul pour te le dire

De la tête il me fait signe de me retourner. Je m’exécute et je reste complètement circonspect. D'une voix tremblotante et aiguë je bafouille

-Maman

C'est elle qui se tient devant moi toute souriante. Je m'aperçois bien qu'elle est bien plus grande qu'elle ne le devrait, mais je m'en moque. Tel un petit garçon je me jette dans ses bras et je me laisse aller à son étreinte, la tête posée sur son épaule.

-Mon chéri,je suis tellement contente de te revoir! Je sais à quel point ces derniers temps ont été difficile pour toi, et je suis vraiment désolé de ne pas avoir pu t'aider dans ces moments-là! Mais je veux que tu saches que tu n'as absolument rien à te reprocher et que je suis extrêmement fière de toi. Tu es le fils que toute maman rêverait d'avoir.

Quelques larmes se mettent à ruisseler le long de ma joue. Dans le même temps je suis pris de vertiges et je m’aperçois que désormais mes pieds ne touchent plus le sol. Je crois avoir compris ce qu'il est en train de se passer. Elle me caresse doucement la tête et je me rends compte que j'en suis très sensible. Je suis comme plongé dans une sorte d’extase incroyablement douce et rassurante.

- J'aimerais tellement que l'on puisse rester ensemble à nouveau, mais il ne faut pas, une autre maman a besoin de toi ici! Tu comprends?
-Oui!

Après ma réponse j'ai soudain ressenti une boule de froid traversé toute ma colonne vertébrale dans un grand frisson, puis plus rien. Ma mère m'a alors reposé sur le sol. La pièce me paraissait énorme...

Doucement je me suis mis devant le miroir. Et même si je savais ce que j'allais y voir, j'eus un choc lorsque je vis la figure de Gabriel me faire face tout en sachant que ce reflet était bien le mien. Mes vêtements s'étaient parfaitement ajusté à ma nouvelle forme. J'étais devenu la copie parfaite de Gabriel. En fait désormais j'étais Gabriel.

-Et là tu ne crois toujours pas au surnaturel grabotte?

C'était l'ancien Gabriel qui avait dit ça. Je me suis retourné pour le regarder lui et ma mère s'évaporer lentement sans laisser de trace. Le monde à commencer à vaciller sous mes pieds et ma tête se mit à tourner. Je perdis l'équilibre et tout devint noir.

Lorsque j'ai entrouvert les yeux, j'ai été légèrement ébloui par la lampe du plafond qui se répercutait sur tous les murs de la salle blanche.

J'ai voulu me lever mais j'ai subitement ressenti une intense douleur dans mon crâne qui m'a forcé à me recoucher.

La situation était simple à analyser, j'étais dans une salle de réveil et bientôt un médecin allait venir m'explique ce qu'il s'était passé. Pourtant je ne pus m'empêcher de ressentir une terrible angoisse qui se mêlait à ma frustration de ne pas réussir à me lever et qui m'affectait bien trop fortement. Tant et si bien que de petites larmes fines se sont délicatement mises à sortir de mes yeux, et d'une petite voix fluette de soprano j'ai timidement demandé

-Est ce qu'il y a quelqu'un? avant d'éclater en sanglots.

Une infirmière est alors accourue jusqu'à moi, et de sa main gigantesque s'est mise à me caresser tendrement la tête en me chuchotant

- Chut! Tout va bien bien mon lapin, ça va aller. Il faut que tu restes tranquille.

Sa présence avait quelque chose d'apaisant mais je ne parvenais pas malgré tout à stopper mon chagrin. J'avais l'air si vulnérable

-Ma...Maman...
-On va la prévenir, elle sera là en un rien de temps!

Elle a ensuite interpellé sa collègue.

-Tu veux bien prévenir le médecin? Le petit Gabriel vient de se réveiller.

[Pierromano]
Niveau 7
15 mars 2020 à 13:19:34
  • Chapitre 6

Pierre est mort, et pourtant je suis toujours là. Se tenir devant sa propre tombe, je dois bien être le seul être humain à l'avoir expérimenté. De l'homme que j'étais à l'enfant que je suis, une seule certitude: je suis en vie!

J'ai dû attendre de nombreuses semaines avant que je ne puisse enfin sortir de mon lit d’hôpital. Et là encore il a fallu que je commence ma rééducation car au début je n'arrivais pas à marcher du tout! C'était long et difficile mais les docteurs étaient tous super gentils et même si je ne peux pas encore courir ce n'est plus qu'une question de jours ils m'ont dit.

Et puis ça m'a permis de découvrir mon nouveau corps. Je redécouvre un monde bien plus grand qu'avant et qui je dois bien l'avouer m'effraie un peu.

Mon nouveau nom est Gabriel. Je préfère le dire ainsi car "je suis Gabriel" semble faux. D'autant plus que l'ancien Gabriel est revenu me voir pour me parler.

-Quitte à utiliser je ne sais quelle sorte de magie, pourquoi ne t'en es-tu pas servi simplement pour revenir à la vie?
-Ce n'est pas possible de faire revenir une âme déjà morte.
-Ah! Par contre transférer l'esprit de quelqu'un dans un autre corps pour le faire revivre tout en remontant le temps là il n'y a pas de problème? C'est tout à fait naturel!
-Disons que c'est plutôt une nouvelle réalité qui a été recréée à partir de l'ancienne. Une réalité parfaitement identique à l'exception près que c'est ton corps et non le mien qui est mort. Et à défaut de pouvoir me faire revenir c'est toi qui as pris ma place.
-Si ce n'est que ça...
-Après il y a toujours une autre possibilité...
-Ah oui? Laquelle?
-Tu as toujours été Gabriel et ce que tu penses avoir vécu en tant que Pierre n'est qu'une conséquence de ton traumatisme crânien. Et moi je ne suis qu'une illusion post traumatique! J'imagine que pour n'importe quel médecin ce sera cette thèse-là qui sera privilégiée.
-C'est fou à quel point tu me rassures! Mais tu m'excuseras je vais tout de même éviter de raconter ce qu'il m'est arrivé à qui que ce soit.
-Sage décision!
-C'est ça! Et arrête de sourire comme un imbécile tu m'énerves! Bon, et qu'est ce que je suis censé faire? Continuer à vivre comme si de rien n'était!
-T'as une meilleure idée?
-Non.
-Alors je ne vois pas vraiment ce que je pourrais te dire de plus...
-Moi non plus...
-Si en fait je sais! Merci!
-Merci? Pourquoi?
-Merci parce que tu as été le meilleur cousin que l'on puisse avoir! De mon vivant je t'aurais confié ma vie sans hésité, du coup pourquoi ce ne serait pas pareil une fois mort. Je te fais cadeau de ma vie, fais en bon usage et promet moi que tu prendra soin de ma mère!
-Je te le promets!
-Il faut que je m'en aille! On se reverra un jour de toute façon... Ce fut un honneur d'être ton cousin
-Pour moi aussi!

Nous nous sommes regardés dans les yeux face à face comme des jumeaux, lentement il a commencé à devenir transparent puis il a disparu définitivement.

Je suis retourné vivre chez Laura, mais cette fois je ne suis plus seulement un neveu. Même dans cette réalité-là, on voit bien qu'elle a pas mal vieilli, mais la grande différence c'est qu'ici il lui reste encore une raison de vivre. Moi. Je suis la différence qui change tout.

Le fait d'en avoir conscience me procure à la fois un sentiment de bien-être incroyable, mais dans le même temps je ne parviens pas complètement à éloigner une certaine forme de culpabilité vis-à-vis de Laura. Après tout je ne suis pas vraiment le Gabriel qu'elle a toujours connu et qui était son fils. J'ai en quelque sorte honte de la maintenir dans cet espèce de mensonge et j'ai quelquefois l'irrésistible envie de raconter toute ce qui m'est arrivé.

Mais qui pourrait croire une histoire pareil! Et quand bien même Laura me croit, est ce que ce serait réellement une bonne chose? Je crois en fait que cette vérité ferait bien plus de mal que de bien.
De toute façon on ne sort jamais indemne d'un accident comme celui-là, et quoiqu'il advienne même la meilleure des situations possibles a ses points d'ombres et ne sera jamais optimale. Même avec de la magie... C'est dire...

Au fil des jours que ce soit moi ou Laura, on reprend peu à peu l'habitude de vivre. On s'est mutuellement aidé à passer cette épreuve et l'on est bel et bien parvenu à créer une véritable relation filiale.

Peu après mon retour à la maison, j'ai fait de violents cauchemars très effrayants qui m'ont terriblement paniqués. Instinctivement et sans même y réfléchir, j'ai bondi hors de mon lit et j'ai couru me réfugier dans la chambre de ma maman pour me blottir contre elle.

Ce n'est qu'après de longues heures de câlins et de paroles rassurante que j'ai accepté de retourner dormir dans ma chambre non sans avoir bien évidemment vérifié que rien "d'anormal" ne s'y trouvait. Ce n'est que le lendemain en pensant à l'incident, que j'eus honte de la puérilité de mon comportement de la veille.

D'ailleurs, j'ai beau avoir gardé intact tous mes souvenirs en tant que Pierre, je me rends bien compte que je me comporte de plus en plus comme un enfant.
J'essayais au début de lutter contre cette tendance mais le fait est que l'angoisse que je ressens quand maman s'absente trop longtemps ou quand je dois aller chercher quelque chose dans le vieux grenier sombre et aux escaliers grinçants est bien réelle. J'ai peur de laisser dépasser mon pied de la couverture, je rigole devant la moindre blague lorsque je regarde un dessin animé et je suis très reconnaissant à Maman d'avoir fait semblant de ne pas remarquer le circuit de petit train que je cache sous mon lit.

Mais surtout, je dois bien avouer que la perspective de ma future rentrée au collège me provoque une certaine appréhension. Il faut que je me rende l'évidence, aussi bien mentalement que physiquement je suis un petit garçon de dix ans.

Et si dans mes souvenirs la vie d'un pré-ado était plutôt tranquille et insouciante, je me rends compte que j'avais oublié à quel point elle pouvait s'avérer éreintante... Je déborde d'énergie, c'est vrai, mais j'ai l'impression d'être constamment en mouvement dans tout ce que je fais.

Quand j'ai enfin retrouvé toute ma motricité j'ai repris l'école et le foot... J'ai parfois eu peur que les autres enfants remarquent quelque chose d'étrange ou une trop grosse différence de comportement de ma part par rapport à l'ancien Gabriel. Mais ces craintes était infondées et personne n'a jamais semblé soupçonner quoi que ce soit d'inhabituel et je commence à penser que j'adopte involontairement son attitude.

Tout doucement l'année scolaire s'est terminée laissant l'été pointé le bout de son nez. Maman a tenu à ce que je parte en colonie de vacances. J'ai d'abord rouspété mais seulement pour le principe car au fond l'idée me plaisait bien. Avec le recul c'était typiquement le genre de Gabriel d'agir comme cela. Non il n'y a pas de doutes possibles, je lui ressemble bel et bien de plus en plus.

Ainsi s'ouvrait à moi la perspective d'un merveilleux été avec au programme plein de construction de cabane, de partie de pêche, de campement à la belle étoile et d'exploration en tout genre avec de nouveaux copains... Bref tout ce qu'il faut pour rendre un petit garçon heureux.

Il n'empêche que très souvent je repense à ma vie d'avant lorsque l'on m'appelait encore Pierre et je la compare avec maintenant. Indéniablement je suis bien plus heureux maintenant, mais pourquoi? Quel est la petite chose qui fait que?

Je crois que je commence à avoir un début de réponse. Pourquoi quand on est petit l'on est impatient de devenir grand? C'est parce qu'en fait notre vie d'adulte n'est à ce moment là qu'une promesse. Une promesse ou toutes les portes menant à tous les avenirs possibles, même les plus merveilleux sont encore grandes ouvertes.

Quand on devient grand au gré de nos choix et des circonstances ces portes se ferment les unes après les autres, on se retrouve face à nos limites et notre médiocrité relative.

Devenir grand c'est accepter que les différentes portes se soient refermés, c'est accepter que l'on ait cessé de devenir et qu'on commence à être et où l'on se doit par conséquent d'accepter que plus rien ne nous est dû.

En vitrine le passage à l'âge adulte est censé être un commencement, mais en vérité c'est un deuil. C'est le deuil d'une période où n'importe quel espoir nous était permis. On se voit obligé de choisir une porte et de renoncer définitivement à toutes les autres.
Devenir grand c'est une maladie incurable qui inflige une leçon d'humilité à une jeunesse jusque-là trop sure d'elle-même.
Moi, j'ai triché. À cause de je ne sais quelle magie j'ai pu retrouver cet état de grâce mais comme punition je me condamne à revivre cette malédiction de devenir grand...

Mais cette fois je saurai à quoi m'attendre et pour l'instant je peux me permettre de reprendre espoir. Peut-être que cette fois-ci je travaille beaucoup je pourrai vraiment devenir footballeur et véritablement choisir ma vie. Je suis un gamin pour de bon et j'adore ça.
C'est drôle quand on y pense...

Barbebarde
Niveau 28
15 mars 2020 à 17:22:25

La conjugaison des temps qui m'a un peu gêné parfois, je suis plus habitué à lire le traditionnel imparfait/passé simple. Langage familier par moment, ce qui me donne plus l'impression d'écouter un pote que d'ouvrir un bouquin, mais ce n'est pas gênant car ça reste très agréable à lire.

C'est simple, encore une fois je vais faire semblant car c'est ça rentrer dans l'âge adulte; c'est faire semblant d'aimer le café, c'est faire semblant d'être constamment confiant ,c'est faire semblant de ne plus aimer les dessins animés, c'est faire semblant d'aimer sa copine, c'est faire semblant de s’intéresser à la politique, c'est faire semblant de s'épanouir au travail... Et on espère qu'un jour on cessera de faire semblant tout en le maudissant car cela voudra dire qu'on est définitivement devenu vieux.

Si cruel et si vrai. J'adore ce passage.

D'une voix tremblotante, elle m'a dit
-S'il te plait Pierre, va dans sa chambre. Tu as toujours été son modèle et son meilleur ami. Va là-bas, je t'en prie démarre la console, construit le circuit du train ou un truc en légos, caresses les peluches, et dis leurs qu'il va revenir...

Tu me fous les boules enfoiré :noel:

et je suis très reconnaissant à Maman d'avoir fait semblant de ne pas remarquer le circuit de petit train que je cache sous mon lit.

Belle rétrospective sur le "faire semblant" que tu avais amené au début d'histoire.

Je crois que je commence à avoir un début de réponse. Pourquoi quand on est petit l'on est impatient de devenir grand? C'est parce qu'en fait notre vie d'adulte n'est à ce moment là qu'une promesse. Une promesse ou toutes les portes menant à tous les avenirs possibles, même les plus merveilleux sont encore grandes ouvertes.

Quand on devient grand au gré de nos choix et des circonstances ces portes se ferment les unes après les autres, on se retrouve face à nos limites et notre médiocrité relative.

Devenir grand c'est accepter que les différentes portes se soient refermés, c'est accepter que l'on ait cessé de devenir et qu'on commence à être et où l'on se doit par conséquent d'accepter que plus rien ne nous est dû.

En vitrine le passage à l'âge adulte est censé être un commencement, mais en vérité c'est un deuil. C'est le deuil d'une période où n'importe quel espoir nous était permis. On se voit obligé de choisir une porte et de renoncer définitivement à toutes les autres.
Devenir grand c'est une maladie incurable qui inflige une leçon d'humilité à une jeunesse jusque-là trop sure d'elle-même.

J'aime bien ce passage aussi

J'ai bien aimé En fait même si cette histoire est complètement différente de la mienne je me suis surpris à imaginer toute l'intrigue se dérouler dans ma ville d'enfance en me mettant à la place du personnage principal. Avec le décor du stade de ma ville, l'attente de la fin de l'entraînement sur le parking de la piscine qui longe le stade, ma propre voiture, un peu cabossée mais que j'aime bien..Je pense que je ne serais pas le seul à dire qu'on se retrouve beaucoup dans ton texte,

La scène du match de foot m'a surpris car je ne suis pas footeux et les passages d'actions étaient bien écrit, ce qui m'a quand même permis de visualiser facilement la scène.
De la même manière l'accident de voiture est bien retranscrit, la violence du choc etc...

Concernant la fin et toute la partie sur le surnaturel j'aurais préféré un peu plus d'évocation du surnaturelle avant la discussion dans la voiture. Gabriel aurait pût demander à Pierre si il croyait aux fantômes le soir après avoir vu un film d'horreur ou entendu une histoire effrayante par exemple, sachant que c'est un des thèmes principal de ton histoire (au même titre que le foot par exemple) je pense qu'il aurait fallut le développer un peu plus.

J'ai eu un peu de mal également à deviner si c'était l'esprit de Pierre qui avait rejoint celui de Gabriel ou l'esprit de Gabriel qui avait rejoint celui de Pierre, ou si on était dans une réalité alternative... Et je t'avoue qu'après une seconde relecture ce n'est pas encore clair à mes yeux. Après ça vient peut-être de moi, je n'ai jamais rien compris aux intrigues d'Inception et Interstellar même après qu'on me l'ai expliqué. A voir ce qu'en disent les autres à ce sujet.

[Pierromano]
Niveau 7
15 mars 2020 à 18:11:36

Le 15 mars 2020 à 17:22:25 Barbebarde a écrit :
La conjugaison des temps qui m'a un peu gêné parfois, je suis plus habitué à lire le traditionnel imparfait/passé simple. Langage familier par moment, ce qui me donne plus l'impression d'écouter un pote que d'ouvrir un bouquin, mais ce n'est pas gênant car ça reste très agréable à lire.

C'est simple, encore une fois je vais faire semblant car c'est ça rentrer dans l'âge adulte; c'est faire semblant d'aimer le café, c'est faire semblant d'être constamment confiant ,c'est faire semblant de ne plus aimer les dessins animés, c'est faire semblant d'aimer sa copine, c'est faire semblant de s’intéresser à la politique, c'est faire semblant de s'épanouir au travail... Et on espère qu'un jour on cessera de faire semblant tout en le maudissant car cela voudra dire qu'on est définitivement devenu vieux.

Si cruel et si vrai. J'adore ce passage.

D'une voix tremblotante, elle m'a dit
-S'il te plait Pierre, va dans sa chambre. Tu as toujours été son modèle et son meilleur ami. Va là-bas, je t'en prie démarre la console, construit le circuit du train ou un truc en légos, caresses les peluches, et dis leurs qu'il va revenir...

Tu me fous les boules enfoiré :noel:

et je suis très reconnaissant à Maman d'avoir fait semblant de ne pas remarquer le circuit de petit train que je cache sous mon lit.

Belle rétrospective sur le "faire semblant" que tu avais amené au début d'histoire.

Je crois que je commence à avoir un début de réponse. Pourquoi quand on est petit l'on est impatient de devenir grand? C'est parce qu'en fait notre vie d'adulte n'est à ce moment là qu'une promesse. Une promesse ou toutes les portes menant à tous les avenirs possibles, même les plus merveilleux sont encore grandes ouvertes.

Quand on devient grand au gré de nos choix et des circonstances ces portes se ferment les unes après les autres, on se retrouve face à nos limites et notre médiocrité relative.

Devenir grand c'est accepter que les différentes portes se soient refermés, c'est accepter que l'on ait cessé de devenir et qu'on commence à être et où l'on se doit par conséquent d'accepter que plus rien ne nous est dû.

En vitrine le passage à l'âge adulte est censé être un commencement, mais en vérité c'est un deuil. C'est le deuil d'une période où n'importe quel espoir nous était permis. On se voit obligé de choisir une porte et de renoncer définitivement à toutes les autres.
Devenir grand c'est une maladie incurable qui inflige une leçon d'humilité à une jeunesse jusque-là trop sure d'elle-même.

J'aime bien ce passage aussi

J'ai bien aimé En fait même si cette histoire est complètement différente de la mienne je me suis surpris à imaginer toute l'intrigue se dérouler dans ma ville d'enfance en me mettant à la place du personnage principal. Avec le décor du stade de ma ville, l'attente de la fin de l'entraînement sur le parking de la piscine qui longe le stade, ma propre voiture, un peu cabossée mais que j'aime bien..Je pense que je ne serais pas le seul à dire qu'on se retrouve beaucoup dans ton texte,

La scène du match de foot m'a surpris car je ne suis pas footeux et les passages d'actions étaient bien écrit, ce qui m'a quand même permis de visualiser facilement la scène.
De la même manière l'accident de voiture est bien retranscrit, la violence du choc etc...

Concernant la fin et toute la partie sur le surnaturel j'aurais préféré un peu plus d'évocation du surnaturelle avant la discussion dans la voiture. Gabriel aurait pût demander à Pierre si il croyait aux fantômes le soir après avoir vu un film d'horreur ou entendu une histoire effrayante par exemple, sachant que c'est un des thèmes principal de ton histoire (au même titre que le foot par exemple) je pense qu'il aurait fallut le développer un peu plus.

J'ai eu un peu de mal également à deviner si c'était l'esprit de Pierre qui avait rejoint celui de Gabriel ou l'esprit de Gabriel qui avait rejoint celui de Pierre, ou si on était dans une réalité alternative... Et je t'avoue qu'après une seconde relecture ce n'est pas encore clair à mes yeux. Après ça vient peut-être de moi, je n'ai jamais rien compris aux intrigues d'Inception et Interstellar même après qu'on me l'ai expliqué. A voir ce qu'en disent les autres à ce sujet.

Merci de ton retour qui me fait extrêmement plaisir.

Je suis content que les passages que tu cites soient ceux là car ce sont des réflexions que je tire de mon journal intime et que je tenais à faire partager au travers de cette histoire! J'étais particulièrement fier de la scène de la chambre et donc là aussi tu viens toucher à mon orgueil. :fier:

Effectivement, j'espérais qu'on puisse se reconnaître à travers le cadre de vie et les objets quotidiens voire banals mais qui malgré tout nous amènent beaucoup de nostalgie. Donc là aussi ta remarque me fait bien plaisir

Après pour l'impression d'écouter un pote, disons que c'est à la fois voulu et non voulu... D'habitude les histoires j'aime beaucoup les raconter à l'oral et c'est la première fois que j'en invente une spécifiquement pour l'écrit. Du coup en effet et je pense que j'ai eu du mal à me sortir de l'effet paroles de comptoir que j'aime bien utiliser à l'oral. J'ai essayé de m'en détacher mais vu que je voulais aussi rester dans une optique ou Pierre se livre à cœur ouvert j'ai peut être été trop indécis.

Pour ce qui est du surnaturel, tu as complètement raison, j'aurais du essayer de greffer une scène plus tôt et m'y attarder plus longuement histoire de mieux l'amener. Je dois bien avouer que c'est par peur de faire une maladresse et de trop dévoiler la suite du récit que je ne l'ai pas fait... C'est un peu dommage c'est vrai...

Quant à la fin, c'était ma plus grande peur et j'avoue que tu ne me rassure pas trop :peur:
L'important c'est de comprendre que c'est Pierre qui se retrouve dans le corps de Gabriel. J'ai beaucoup tergiversé pour essayer d'être le plus clair possible et je pensais que ça l'était... J'espère que ça l'ai suffisamment pour ne pas gâcher l'histoire :peur:

En tout cas c'est vraiment gentil d'avoir pris le temps d’émettre ton avis! J'apprécie beaucoup mon khey! :oui:

Revoltin
Niveau 9
15 mars 2020 à 18:23:11

Scénario :
Une magnifique histoire fleure bon la tendresse et l'espoir que peut parfois nous apporter, dans une vie plate et bien établie, un brin de jeunesse. Une comédie dramatique à la française, mélancolique et spirituelle, qui personnellement m'a poussé aux bords des larmes. Le dénouement en revanche m'a semblé légèrement flou, je perçois la dimension spirituelle de cette espèce de... réincarnation, sans en saisir réellement tous les tenants et aboutissants.

Style :
Un style sobre et personnel, candide et authentique. Pas de fautes vraiment gênante, un rythme bien mesuré. Quand tu t'es mis à parler de piano à la fin de nouvelle j'ai eu l'air du morceau que Gabi jouait,.

Thème :
Ici le travail au sens propre est un peu passé à la trappe, c'est très secondaire dans l'histoire ces moments ou le narrateur se retrouve à son taf même si on sent que le destin de Gabi influe directement sur son avenir professionnel. Au sens plus large, oui, s'occuper de son cousin, l'éducation et le passage de flambeau est une forme de "travail"...

Ce que j'ai apprécié :
J'ai vécu ou ressenti une histoire similaire avec une amie, de dix ans ma cadette, qui est venue vivre chez moi à la suite de ma rupture amoureuse et qui est devenu, l'espace de quelques mois, une sorte de petite soeur. J'ai donc moi aussi été animé parle sentiment que tu décris, ce n'est pas quelque chose d'étranger pour moi, ce qui fait que je me suis immédiatement senti en osmose avec le narrateur.

Là ou ça pêche : La fin m'a semblé quand même un peu alambiqué. Je ne sais pas, peut-être que ça manque un peu de clarté. A mon sens ce que tu décris comme une sorte de... réincarnation est plutôt métaphorique, et reflète plutôt l'idée qu'en temps qu'aîné, nous avons aussi tout à apprendre des plus jeunes et que les éduquer, c'est progresser soi-même.

Bravo et merci pour ta participation, j'ai passé un excellent moment.

Tradis
Niveau 6
26 mars 2020 à 21:03:31

J'aime bien! :ok:

ARCOB91
Niveau 16
28 mars 2020 à 23:04:22

"Qui aurait pu nous le dire?
Qui aurait su nous l'écrire?
Qui avait la solution
pour ne jamais
DEVENIR GRAND ? "

https://www.youtube.com/watch?v=NL1dSARuqtg

Romanolefirst
Niveau 6
31 mars 2020 à 13:58:48

Le 28 mars 2020 à 23:04:22 arcob91 a écrit :
"Qui aurait pu nous le dire?
Qui aurait su nous l'écrire?
Qui avait la solution
pour ne jamais
DEVENIR GRAND ? "

https://www.youtube.com/watch?v=NL1dSARuqtg

Pour le coup je ne connaissais pas :rire:

Mandoulis
Niveau 25
02 avril 2020 à 12:20:08

Chapitre 1
Tu utilises les temps un peu dans tous les sens. Présent, passé, conditionnel, ça ne colle pas à chaque fois. J’ai pas relevé toutes les phrases, mais y’en a plusieurs qui m’ont parues étranges, de par l’utilisation d’un temps inadéquat.
Grabotte. Ou comment trahir à tes lecteurs tes origines Stéphanoises. :noel:

Un premier chapitre intéressant, ça pose bien la situation initiale, les doutes et difficultés du personnage, sa relation avec son cousin. C’est léger et familier, mais ça se lit bien, et ça passe. Les dialogues permettent d’aérer la chose également. :oui: Parfois c’est quand même trop familier/parlé, comme par exemple : Eh bien ça a parfaitement fonctionné car je suis parti le voir dans sa chambre pour lui dire

Chapitre 2
Sans me laisser démonter et en essayant d'adopter l’attitude la plus alpha possible je suis passé devant lui pour lui ébouriffer les cheveux et lui faire un clin d'œil tout en disant:
-T'inquiète petit, ton tour viendra

Mais :rire:

petit d'homme :rire:

Tes dialogues ne sont pas mis en page correctement, il faut utiliser des guillemets. Sinon on se retrouve avec des trucs du genre :
En attendant je crois qu'il y a des divisions qui t'attendent! Quant à moi... je me lève et j'allume la console.
Où l’on ne sait pas où se termine le dialogue et où commence la passage narratif.

Le passage « faire semblant » est trop lourd et répétitif, bien que tellement vrai.

Intéressant, tu développes la relation Pierre-Gabriel. Faut vraiment que tu fasses stylistiquement la différence entre dialogues et narration. Là les deux sont excessivement familiers. Pour le dialogue ça passe, mais les passages narratifs sont du coup plutôt fades, comme trop peu travaillés.

Chapitre 3
Pas de remarques supplémentaires par rapport à ce que j’ai déjà dit.
J’en aurais voulu un peu plus pour l’accident, j’ai un goût de trop peu là.

Chapitre 4
C’est malheureusement trop familier et trop rapide pour coller au dramatique de la situation.
La réaction de la mère ne semble pas naturelle, elle dit ça juste pour que tu aies une raison de placer Pierre dans la chambre.
La dernière phrase par contre, est parfaite, elle tombe comme un couperet.

Chapitre 5
Le passage par les différentes émotions pourrait être intéressant, mais c’est trop peu exploré je trouve.
Gabriel fantôme a subitement gagné en maturité dis-donc ! De gamin insouciant, il fait subitement la morale.
Wtf c’est quoi cette fin ?

Chapitre 6
Whaaat ? C’est complètement incompréhensible. Qu’est-ce dont que ce schmilblick ? :noel:

En bref, des problèmes de temps et des phrases non finies qui ne facilitent pas la lecture, un style bien trop familier et une histoire qui aurait pu s’arrêter au drame, sans le surnaturel derrière. Insister sur le ressenti de Pierre après la mort de son cousin, et ce qui l’a mené au suicide, en terminant l’histoire avec ça.

Revoltin
Niveau 9
06 mai 2020 à 11:35:51

Verdict ce soir à 18h30 sur le topic consacré. Tu peux mettre ton topic en résolu

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Sujet : [NR#1] Devenir grand
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