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Ecriture

Sujet : L'Oraison du Conquérant
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Arduilanar
Niveau 10
25 mars 2020 à 12:57:34

Salut les potes,
En ces longs temps d'ennui et de confinement, je me dis que je n'ai pas grand-chose d'autre à faire que de partager ma production littéraire. Je ne m'attends pas spécialement à des retours, vue la longueur - dans ma grande mansuétude je ne poste qu'un chapitre pour l'instant, mais j'en ai quatre autres dans les cartons et un dernier en cours d'écriture - cela dit une bonne surprise n'est jamais exclue, et je tomberai peut-être sur un courageux ou tout simplement quelqu'un qui s'emmerde autant que moi. :rire:

Arduilanar
Niveau 10
25 mars 2020 à 12:57:53

La Sagesse d’Iribat fendait les eaux de la mer d’Abamat avec célérité. Malgré sa coque large et rebondie, le navire marchand voguait à belle allure, et faisait fièrement voler dans le ciel printanier le pavillon bleu et vert de la cité de Karredisht.

A son bord, l’envoyé royal Belraïm mar Zaqti prenait ses aises, savourant l’ombre bienvenue dispensée par la grand-voile. Grand et de belle mise, la mâchoire carrée, il arborait ses près de trente printemps avec grâce et sans paraître marqué par le passage des années. Il profitait de l’instant de répit que constituait le trajet, sa charge d’émissaire spécial du roi lui laissant rarement le loisir de flâner, aussi s’était-il nonchalamment accoudé au bastingage. Il goûtait le plaisir simple des embruns sur son visage, et laissait errer sur les flots céruléens ses yeux gris, héritage de sa mère qui avait été princesse de Medahr.

Son comparse, Iltushumna, opérait pour la première fois depuis sa nomination en tant que messager du roi. Si le seigneur Belraïm était tout juste inférieur en dignité à la position d’ambassadeur, lui se trouvait encore au point de départ de l’échelle hiérarchique. Malgré la fraîcheur de sa prime jeunesse, il n’avait pas l’heur de profiter du charme naturel de son aîné, la nature l’ayant ingratement pourvu d’oreilles décollées, d’un menton fuyant et d’un front haut qui commençait déjà à se dégarnir. Accroupi sur le pont comme un scribe, sa lourde tête penchée avec application au-dessus de travaux d’écriture, on eût pu le prendre pour un petit clerc ou un commis alors qu’il avait pour père l’un des plus nobles et éminents ministres du roi de Karredisht. Par-dessus son épaule veillait le mercenaire engagé pour les protéger au long de leur voyage, un barbare des monts Dippash au cuir épais et à la barbe hirsute. Si sa présence menaçante dissuadait les marins de la Sagesse d’Iribat de s’approcher, Iltushumna, lui, y était complètement indifférent.

L’émissaire spécial Belraïm joua un moment à scruter les autres navires qui parcouraient ces eaux. Il observa ainsi un boutre habbatéen aux lignes effilées, peut-être un vendeur d’esclaves, sa voile triangulaire gonflée par le vent. Deux petits bateaux pêchaient à la senne, cherchant à encercler les bancs de poissons dans leurs filets, tandis qu’au loin une étroite galère de guerre, probablement issue de l’île toute proche de Hettim, effectuait sa patrouille. Quand il se lassa finalement de sa distraction, le diplomate reporta son attention sur son adjoint Iltushumna, toujours sous la garde du molosse. A la vitesse à laquelle son calame glissait sur le papyrus, on reconnaissait qu’il était fraîchement émoulu de l’Ecole Royale de Karredisht, et encore accoutumé aux longs exercices de rédaction. Il traçait d’une main leste les petits signes anguleux de l’alphabet qareshite et en avait déjà noirci plusieurs longueurs de rouleau. Il repliait ensuite soigneusement celui-ci au fur et à mesure que l’encre avait séché.

« Tu te donnes bien de la peine, finit par lui dire Belraïm après l’avoir observé quelques instants.
— Merci, se rengorgea Iltushumna en levant les yeux de son travail, croyant à un compliment.
— Une peine inutile, voulais-je dire. Je t’ai déjà expliqué cent fois qu’il valait s’abstenir de laisser des traces écrites de notre mission.
— Mes maîtres de l’Ecole Royale m’ont appris les choses différemment, se renfrogna le jeunot.
— Parce que ce sont des sots, soupira Belraïm, et qu’ils ne sont bons qu’à gratter le papier. Crois-moi, s’ils avaient quelque talent en tant que diplomates, on les missionnerait dans des ambassades ou des légations, et l’on ne gâcherait pas leur valeur en leur faisant apprendre les lettres aux aspirants bureaucrates. Il est plus sûr de te servir de ta tête, n’importe qui pourrait voler tes notes et en divulguer le contenu. Pose donc ton calame, et profite avec moi de l’air du large.
— J’entends bien votre argumentaire, émissaire Belraïm. Sans doute la rigueur de l’enseignement n’était-elle pas la même, à votre époque, mais si vous le permettez, je vais m’en tenir au travail pour lequel j’ai été mandaté et terminer de rédiger mon rapport. Ne vous privez pas cependant d’admirer le paysage, si tel est votre bon plaisir. »

Iltushumna se remit ensuite à écrire comme si de rien n’était. Belraïm se demanda si le barbare avait saisi quoi que ce soit à leur échange et si lui aussi trouvait difficile de supporter le jeune blanc-bec, mais le mufle grossier du montagnard n’affichait aucune expression perceptible. L’émissaire royal renonça à faire valoir sa sagesse, habitué à l’arrogance du jouvenceau, et il laissa ce dernier à sa besogne pour aller se dégourdir les jambes sur le pont.

Son acolyte n’était pas un si mauvais bougre, mais sa compagnie finissait par irriter. C’était évidemment grâce à la position de son père à la cour qu’il avait été, si jeune, envoyé pour une si sérieuse expédition, mais cela Belraïm pouvait le lui pardonner : comme tous les autres membres de ce milieu, lui-même devait le lancement de sa carrière à son rang et à ses relations. Ce qui l’agaçait en revanche était que, nonobstant son inexpérience, Iltushumna faisait montre d’un esprit plus obstiné que celui d’une bourrique, aussi bien que d’une assurance juvénile qui frisait bien souvent l’insolence. Ce caractère n’avait pas été sans leur valoir quelques déboires. Malgré une volonté certaine de bien faire, sa fougue mal employée et son entêtement avaient causé plus d’un impair au cours du voyage, couvrant à chaque fois son compagnon de honte.

La tâche qui leur avait été confiée, pourtant, ne pouvait souffrir de telles bévues. Officiellement, les deux diplomates avaient été envoyés dans l’archipel de Biru pour y renégocier les anciens accords de taxes, douanes et monopoles conclus en faveur des marchands de Karredisht. Dans les faits, il s’agissait avant tout de prendre la mesure de l’état d’anarchie qui régnait sur les îles, et de déterminer quel parti était le plus à même de sortir vainqueur de la guerre civile imminente, afin d’en profiter pour servir au mieux les intérêts karredishtis. Biru, par sa position stratégique, permettait aux navires l’accès le plus rapide vers Sippar, le Sarumshatra et les richesses infinies du Nord. Mais des années de tension entre les grandes familles des îles avaient fini par déboucher sur le délitement total de l’autorité du roi de Biru, provoquant par suite une recrudescence de la piraterie dans l’archipel, et une grave perturbation du commerce vers les terres septentrionales.

Si les différentes cités côtières avaient chacune tiré leur jeu des dissensions entre les factions birites, usant de leur influence comme levier pour obtenir avantages commerciaux et traitements de faveur, la rébellion ouverte ne pouvait par contre que leur nuire. Et le constat que Belraïm avait dressé sur place était accablant : plusieurs des îles de l’archipel avaient complètement échappé au pouvoir du roi Bimilki, et servaient maintenant de repaires à des forbans. Les actions menées par le roi contre les pirates étaient le plus souvent entravées par les familles nobles en sédition, laissant le champ libre aux écumeurs des mers pour mener leurs pillages, et les marchands de Sippar s’étaient plaints qu’ils cesseraient d’employer la route de l’archipel si les attaques se poursuivaient de la sorte. Les envoyés de Karredisht revenaient donc vers leur cité porteurs de graves nouvelles.

Belraïm avisa le capitaine de la Sagesse d’Iribat, un Qareshite à la carrure de bœuf et à la barbe piquée de gris. De ses années passées à hisser les voiles ou à batailler avec les rames de gouverne, l’homme avait gardé un cou massif, des épaules de lutteur et des mains larges comme des battoirs ; mais le vin de Sippar dont il faisait commerce depuis des années lui avait rougi le nez, et sa panse distendue promettait de devenir plus ronde que la carène de son bateau. Belraïm s’approcha de lui pour engager la conversation.

« Est-ce déjà la côte qareshite que nous distinguons au loin, capitaine ? Les dieux semblent nous gratifier d’un vent favorable, nous qui n’avons quitté Biru qu’hier.
— C’est bien la pointe de Qaresh, monseigneur, et ce caillou à bâbord est l’île de Hettim. Si on continue à cette allure, on atteindra Karredisht dans deux ou trois jours.
— Puissent les esprits marins continuer à se montrer complaisants, dit Belraïm avec affabilité. Les affaires ont-elles été bonnes ?
— Avec ces foutus pirates qui écument l’archipel ? grogna le capitaine. Ces trouillards de Sipparites n’osent plus se montrer, j’ai eu de la peine à trouver de quoi remplir ma cale. Je reviens chargé de piquette, mais, hé, quand les beaux seigneurs de Qaresh auront épuisé leurs crus raffinés, ils seront contents de pouvoir se rabattre sur ma vinasse plutôt que de rester le gosier sec.
— Quitte à boire du mauvais vin, ils pourraient acheter à meilleur prix celui produit sur la côte. »
Le capitaine éclata d’un rire sonore.
« Ah, monseigneur, sauf le respect que je vous dois, ce n’est pas à vous que j’apprendrai que ces farauds préfèrent mille fois crever leur bourse pour la dernière des bibines de Sippar, plutôt que pour le meilleur des crus de Qaresh. Pissez dans une amphore et vendez-la comme un blanc sipparite, et tous les seigneurs-marchands en vanteront la robe et le bouquet ! »

Belraïm se mit à rire à son tour, jusqu’à ce qu’un marin fît irruption pour prévenir le capitaine qu’un navire de guerre avançait à pleine vitesse dans leur direction. Celui-ci pesta, et abrita ses yeux de sa main pour mieux voir ce que son matelot lui désignait. L’émissaire spécial reconnut la galère qu’il avait vue patrouiller plus tôt, et dont la voile carrée portait les couleurs d’Aqram. Cela n’avait rien d’étonnant de croiser un tel vaisseau : l’île de Hettim, sise à l’extrémité de la péninsule de Qaresh, dépendait de la couronne aqramite et abritait une garnison chargée de surveiller le passage dans ces eaux fréquentées. Mais le navire qui, tantôt, semblait arpenter la zone sans but défini, donnait maintenant bel et bien l’impression de chercher à les rattraper.

« Nous n’avons rien à craindre d’eux, fit valoir Belraïm au capitaine. Non seulement vous bénéficiez de la protection du roi de Karredisht, en tant que son sujet, mais vous transportez deux de ses envoyés. Autant ralentir un peu et voir ce qu’ils nous veulent. »

L’homme paraissait rien moins qu’enchanté à l’idée de voir s’approcher de trop près des soldats aqramites, mais il donna tout de même l’ordre à son équipage de réduire l’allure. Belraïm, lui, s’en retourna auprès de son jeune comparse, toujours attelé à la rédaction de son compte-rendu, et lui intima sèchement de faire disparaître au plus vite ses notes et son matériel d’écriture. Iltushumna voulut d’abord protester que son travail n’était toujours pas terminé, mais à l’annonce que des forces armées peut-être hostiles étaient à l’approche, un peu de bon sens finit par traverser l’épaisseur de son crâne et il rangea sa palette et ses papyrus de mauvaise grâce. Le mercenaire resta coi, mais il avait dû comprendre la situation car il vint se ranger près de son maître, sa grande lame en forme de faucille à son côté.

Pendant que les marins s’occupaient de mettre en panne, leur capitaine maugréant toujours dans sa barbe, Belraïm observa l’arrivée du navire aqramite. Celui progressait rapidement, propulsé par ses rangées de rames qui battaient l’eau en cadence, et révéla peu à peu ses formes élancées, tandis que le grand taureau qui ornait sa voile se faisait plus net. D’une longueur similaire à la Sagesse d’Iribat avec ses quarante coudées, il était aussi beaucoup plus étroit et moins haut sur l’eau. Ces dimensions modestes étaient caractéristiques des bateaux de reconnaissance : les lourdes galères de combat, elles, pouvaient s’étaler sur plus de soixante-dix coudées depuis le rostre jusqu’à la poupe.

Arduilanar
Niveau 10
25 mars 2020 à 12:59:00

Le navire de commerce fut vite rattrapé par la petite galère, qui se plaça sous le vent et vint se positionner sur son flanc après avoir rangé ses rames. Les marins karredishtis s’étaient alignés devant le bastingage, guère rassurés, et le capitaine attendit que les Aqramites fussent à portée de voix pour les interpeller.

« Qu’est-ce que vous voulez ? demanda le gros homme de toute la force de ses poumons.
— Nous cherchons la Sagesse d’Iribat, de Karredisht, lui répondit-on en face.
— Eh bien, vous l’avez trouvée !
— Préparez-vous donc, nous allons nous amarrer. »

L’équipage, qui n’était pas en mesure de refuser, se saisit des aussières que leur jetèrent les Aqramites. Les deux navires furent rapprochés jusqu’à n’être plus distants que de quelques pieds, puis trois soldats grimpèrent pour mettre pied sur la Sagesse d’Iribat. Deux portaient des arcs et étaient vêtus de tuniques légères, protégés seulement par des plaques pectorales de bronze. Le troisième, armé d’une courte épée à lame incurvée, se distinguait par une broigne de plaquettes cousues et un casque à cimier pourpre qui le désignaient comme officier.

Le capitaine karredishti les accueillit sans chaleur, et leur demanda ce qui les amenait à son bord. L’officier salua et se présenta comme le lieutenant Shamiqaran, de la division des éclaireurs du corps d’armée de Hettim ; il expliqua qu’il avait affaire avec un des passagers. Tournant son regard vers l’aîné des diplomates, il l’interpella :

« Je gage que vous devez être le seigneur Belraïm mar Zaqti ?
— Lui-même, répondit l’intéressé en tâchant de masquer son étonnement. Que me vaut le plaisir ?
— Le gouverneur Annash vous salue, seigneur Belraïm. Il souhaite vous recevoir en sa citadelle de Hettim, et nous sommes chargés de vous escorter jusqu’à lui. »

La surprise était de taille. L’émissaire savait bien entendu que son cousin Annash avait été nommé gouverneur de Hettim des années plus tôt, l’accession à ce poste prestigieux couronnant une carrière glorieuse dans l’armée d’Aqram. Mais qu’après dix ans passés sans le voir, il fût soudain pris de l’envie de le retrouver, et qu’il sût sur quel bateau et quel jour il passerait à proximité de son île, cela Belraïm ne se l’expliquait pas, et comme tout ce sur quoi il ne pouvait lever le mystère, cela ne le rassurait aucunement. Le capitaine karredishti était perplexe, lui aussi. Quant à Iltushumna, qui s’était avancé aux premiers rangs pour mieux voir les soldats, il affichait un air renfrogné de vexation contenue.

Les mines des hommes d’Aqram étaient, ainsi qu’il se devait, patibulaires au possible. Le Montagnard, lui, avait ostensiblement mis la main sur la poignée de son arme : les tribus de Dippash étaient bien connues pour leur bellicisme, et le barbare n’avait certainement pas peur d’affronter un ennemi supérieur en nombre. Pour autant, il n’avait pas l’ombre d’une chance seul face à un équipage entier d’archers. Belraïm, le regard capté par l’éclat du soleil sur les armures de métal, dut bien admettre que l’étalage de force déployée ne lui laissait guère d’alternatives. Priant les dieux pour que son cadet s’abstînt d’une intervention malencontreuse, il se hâta donc de répondre au lieutenant.

« Mais bien entendu, officier. Comment décliner une si gracieuse invitation ? J’ai la plus grande hâte de venir présenter mes salutations à mon bien-aimé cousin. Capitaine, transmettez à votre équipage que nous faisons voile vers Hettim ! »

Le lieutenant s’inclina respectueusement, puis donna ses instructions au capitaine quelque peu décontenancé, l’assurant que la galère le suivrait de près. A l’arrivée au port de Hettim, ils n’auraient qu’à se présenter à l’arsenal : ils étaient attendus et on leur indiquerait où s’amarrer. Après un nouveau salut en direction des diplomates karredishtis, les trois Aqramites retournèrent à leur bord et les aussières furent lâchées.

Lorsque la galère fut suffisamment éloignée et les marins retournés à leurs postes, Iltushumna osa enfin se plaindre de cet insultant accostage.

« Quel toupet ! Cette irruption était parfaitement contraire à toutes les conventions élémentaires de la diplomatie entre cités. Si mon père l’apprenait, il serait assurément fou de rage. Savoir que nous avons ainsi plié l’échine devant les exigences de ces brutes…
— Allons, allons, le tempéra Belraïm. Je ne fais que rendre visite à un parent que je n’ai pas vu depuis des années. Les méthodes de ces soldats sont ce qu’elles sont, mais aucun mal n’a été commis.
— Tout de même, se renfrogna l’apprenti diplomate. Et d’ailleurs, j’ignorais que vous étiez cousin avec le gouverneur Annash. J’avais toujours ouï que votre famille était medahrite.
— Par ma mère uniquement, fut obligé d’expliquer l’émissaire. Mon père et celui d’Annash étaient issus de la même fratrie, ce qui fait de nous des cousins.
— Mais ce seigneur Annash, n’est-il pas lié au roi Kassem d’Aqram ?
— Si fait, puisqu’ils sont eux-mêmes frères. »

Le gros capitaine fut le plus vif à comprendre, et il siffla entre ses dents jaunes.
« Par les mamelles de la Déesse ! Vous êtes le cousin du tout-puissant souverain d’Aqram ? Et vous êtes là à jouer l’estafette pour le roi de Karredisht, alors que vous pourriez avoir le cul posé sur des coussins de brocart dans un palais de marbre !... Sauf votre respect, votre seigneurie.
— La fonction d’émissaire de son Éminente Majesté est hautement enviée et mérite la plus grande déférence, dit froidement Iltushumna.
— J’ai eu quelques différends avec mon royal cousin, se justifia Belraïm. Vous connaissez les monarques, ils sont souvent prompts à s’emporter et je gage qu’ils regrettent bien souvent les ordres d’exil qu’ils émettent dans un moment de colère… Mais mes talents ont été bienvenus à la cour de Karredisht, et j’en sais gré à son illustre souverain. »

Il préférait éviter d’avoir à trop s’étendre sur le sujet. Ce n’était pas qu’il fût si honteux de sa disgrâce à Aqram, encore que le sujet ne le mît pas particulièrement à son aise ; mais il souhaitait surtout ne pas trop inquiéter ses comparses sur l’état de ses relations avec ses cousins. Lui-même n’était guère confiant concernant l’accueil qui l’attendait à Hettim, mais cela, eux n’avaient nul besoin de le savoir.

Pour clore au plus vite le chapitre de ses querelles familiales, Belraïm déclara au capitaine que ce détour et le délai subséquent feraient bien entendu l’objet d’un dédommagement approprié. Le gros homme, heureux et étonné de ne pas avoir à aborder la question lui-même, se lança dans un marchandage de pure forme et en oublia de s’interroger sur la sagesse de s’engager ainsi vers la place forte d’une nation étrangère. Iltushumna, quant à lui, s’en retourna à son compte-rendu en clamant que les Aqramites n’avaient pas intérêt à y mettre le nez.

*

Arduilanar
Niveau 10
25 mars 2020 à 13:06:39

L’après-midi avait avancé quand la Sagesse d’Iribat atteignit enfin la rade de Hettim. Ses eaux d’un bleu lapis étaient baignées de l’ombre de la citadelle, monument écrasant sis sur son promontoire rocheux tel un monstrueux béhémoth de pierre. Le navire marchand, toujours sous la garde attentive de la galère, s’engouffra entre les deux bras de la jetée et pénétra dans le port.

Sur le quai oriental se pressaient les embarcations de pêche, les petits caboteurs venus approvisionner l’île, et quelques bâtiments de commerce en escale. Les deux bateaux, eux, prirent la direction du bassin occidental, réservé à l’arsenal. Les hangars à galère, plus d’une centaine, se déployaient sur tout le pourtour. Si la nécessité venait à s’en faire sentir, il y avait là de quoi héberger toute la flotte d’Aqram, l’une des plus puissantes de la côte de Qaresh. Pour l’heure cependant, seule une petite moitié d’entre eux paraissaient occupés.

Le navire karredishti était bel et bien attendu, ainsi que les en avait assurés plus tôt l’officier aqramite. Les matelots sortirent les rames pour les manœuvres délicates de l’accostage, et la Sagesse d’Iribat vint se positionner à l’emplacement que les sentinelles du port lui désignèrent. L’équipage vit avec inquiétude les soldats venir s’aligner sur le débarcadère, et le capitaine lui-même n’en menait pas large devant la rangée de lances. Finalement le lieutenant Shamiqaran vint les rejoindre dès que le patrouilleur eût fini son propre amarrage, et il invita les passagers à descendre.

Iltushumna s’avança aussitôt, et déclara qu’il entendait bien lui aussi rencontrer le fameux gouverneur Annash. Belraïm l’en remercia intérieurement. Certes, il allait avoir à composer avec les maladresses de son compagnon, mais au moins les Aqramites n’oseraient pas s’en prendre à lui : dans l’éventualité où, aux dieux ne plût, il devait lui arriver quelque malheur, au moins le jeune diplomate pourrait-il en être le témoin et en faire le récit à la cour de Karredisht. L’émissaire spécial voulut aussi convaincre le capitaine de se joindre à eux.

« Mon seigneur, répondit celui-ci avec embarras, ce n’est pas que je ne fais pas confiance aux plantons, mais je ne peux pas laisser sans surveillance toute ma cargaison comme ça. C’est l’investissement de toute la saison que j’ai dans mes cales ! Et puis je ne ferais que vous gêner, je ne suis pas fait pour frayer avec les nobles et puissantes gens, je ne vous causerais que des embarrassements. »

Belraïm fronça les sourcils. Le gros homme était en train de se débiner, et il n’avait qu’une crainte, c’était qu’il leur fît faux bond et quittât l’île sans eux, les laissant à la merci des Aqramites. L’officier les pressait de se mettre en route cependant, aussi Belraïm ne put-il contraindre le capitaine à les accompagner. Il allait falloir faire confiance aux sentinelles du port pour l’empêcher de filer, bien que cela ne lui plût aucunement. La troupe se mit donc en marche, accompagnée par les deux diplomates et leur servant armé, et traversa l’arsenal noyé dans le vacarme des ouvriers. Les hommes s’affairaient comme autant de fourmis dans la chaleur de l’après-midi : charpentiers, cordiers et goudronneurs, fileurs et espadeurs, occupés à peigner la filasse, recoudre les voiles, radouber les coques, réparer les espars. L’agitation avait de quoi faire croire que la flotte était apprêtée pour la bataille. Était-il possible que les Aqramites planifiassent d’intervenir à Biru ? Belraïm prit mentalement note d’éclaircir la chose.

Les Karedishtis et leur escorte prirent ensuite le chemin de la citadelle, qui grimpait en pente raide sur les flancs d’une colline. Belraïm avait évidemment déjà eu plus d’une occasion d’accoster à Hettim, car une grande partie de sa jeunesse avait été passée à voyager entre Aqram et Medahr ; et même si la voie maritime obligeait à contourner la péninsule qareshite, à la bonne saison elle permettait un voyage plus rapide et confortable que le lent trajet à travers les reliefs qui séparaient les deux cités. C’était cependant la première fois qu’il avait l’occasion de contempler d’aussi près les fortifications de l’île, et il devait bien reconnaître qu’elles étaient impressionnantes. La sente abrupte qui grimpait vers la forteresse était gardée sur toute sa longueur par plusieurs rangs de tours crénelées et de barbacanes, autant d’extensions meurtrières de la redoutable place forte. Les murailles massives toisaient le spectateur de toute leur hauteur, s’élançant à plus de cent coudées de hauteur : impénétrables, ce n’était qu’à leur sommet, juste sous la couronne des créneaux, qu’elles se perçaient d’archères et de meurtrières.

Belraïm remarqua bien le regard captivé de son jeune acolyte, qui marchait le nez en l’air. Cependant, quand il lui demanda ce qu’il pensait de l’aspect saisissant des remparts, Iltushumna répondit avec une bien mauvaise foi que les fortifications du bastion de Karredisht n’avaient rien à envier à celles-ci. Devant une telle hypocrisie, Belraïm cessa tout à fait d’adresser la parole à son compagnon et se rapprocha plutôt de l’officier qui menait la marche.

Au terme de leur ascension, il fut ainsi l’un des premiers à passer la porte colossale de la citadelle, traversant les vantaux bardés de fer et épais de plus de cinq doigts. Les défenses ne s’arrêtaient pas là : il fallait encore traverser un long espace cerné de murs jusqu’à une deuxième porte de dimensions plus réduites, avant de pouvoir pénétrer dans la cour principale du complexe. L’agitation y était bien plus dense encore que dans l’arsenal, et la soldatesque y grouillait littéralement. Il n’était pas une portion de rempart, pas un porche qui ne fût gardée par des sentinelles ; sur les champs d’entraînement, les recrues à l’exercice suaient dans leurs tuniques de lin, et se croisaient en tous sens les escouades partant en manœuvre, celles revenant prendre du repos, les convois de mules chargées de matériel et de provisions, sans compter les esclaves affairés au service de cette horde…

Le cœur de Belraïm se serra un instant, car il était à présent tout à fait dans la gueule du loup. Faisant fi de ses appréhensions toutefois, il sauva les apparences ainsi qu’un diplomate digne de ce nom se devait de le faire, et marchant toujours fièrement il avança aux côtés du lieutenant Shamiqaran vers le corps principal, grand bâtiment carré dressé du côté nord de la citadelle.

« Le gouverneur va bientôt vous recevoir, commença à expliquer celui-ci. Je vais vous mener vers le réfectoire des officiers, où vous pourrez vous désaltérer en attendant que…
— Cousin Belraïm ! l’interrompit une voix puissante. Par les Cornes, te voilà donc enfin ! »

L’émissaire vit fondre sur lui un grand guerrier vêtu d’une cuirasse de cuir, qui déboula hors du bâtiment et se jeta sur lui pour l’étreindre dans une accolade virile.

« Cousin bien-aimé, répondit-il avec un sourire un peu crispé, à demi étouffé qu’il était. Les dieux me comblent d’une grâce inattendue en permettant nos retrouvailles ce jour. »

Les soldats s’étaient tous inclinés, à titre de salut pour leur commandant. Belraïm, lui, se dégagea poliment de l’étreinte. Annash n’avait guère changé depuis la dernière fois qu’il avait eu l’occasion de le voir. Sans doute avait-il quelque peu forci ; s’ils étaient tous deux de même taille, le militaire avait toujours été plus large et solidement bâti que le diplomate, et avec les années sa carrure paraissait s’être encore développée. A part cela, c’était toujours le même. Il avait toujours la même mâchoire affirmée que son cousin, les mêmes cheveux bouclés, et ses yeux bruns brillaient toujours du même regard honnête et sincère. Mais à quel point était-il sage de se fier à cette impression ? Qu’il fût devenu gouverneur n’avait en tout cas pas altéré le dédain d’Annash pour les fioritures de l’habillement. Sa tunique et son pagne étaient fort simples, sans aucun des ornements d’or, d’argent ou de perles que les généraux qareshites avaient coutume d’affectionner. Son armure elle-même, de la plus grande sobriété, avait tout l’air d’un modèle d’exercice et portait d’ailleurs les marques révélatrices d’un emploi quotidien. Belraïm savait cependant bien que son cousin n’avait pas besoin d’atours flamboyants pour imposer naturellement le respect, à ses hommes aussi bien qu’à ses adversaires.

« Tu as toujours la langue enduite de miel, dit Annash en riant. Ce qui ne peut qu’être utile dans la voie que tu as suivie, je suppose. Lieutenant, vous pouvez disposer. Je prends en charge notre hôte à partir de maintenant. »

Iltushumna choisit ce moment pour enfin s’avancer - peut-être avait-il douté qu’un homme vêtu d’une façon aussi commune pût occuper une telle dignité dans la hiérarchie militaire ? Il ne comptait cependant pas subir plus longtemps la vexation d’être ignoré de la sorte.

« Seigneur Annash, si vous le permettez j’aimerais me présenter. Je suis Iltushumna, fils du seigneur Ahuni de la gent des mar Arsi, et tout comme le seigneur Belraïm j’ai l’insigne honneur de servir son Eminente Majesté le roi Ilitnaram de Karredisht en tant que messager.
— Me voilà donc doublement comblé ! lui répondit le gouverneur jovialement. Deux émissaires de Karredisht pour le prix d’un seul, les dieux sont d’humeur généreuse aujourd’hui. Les services diplomatiques d’Ilitnaram ont l’air promis au plus grand avenir, avec de si jeunes et si brillantes recrues dans leurs rangs. »

Iltushumna rougit jusqu’à l’extrémité de ses oreilles décollées.

« Et voilà un sacré chaperon pour vous accompagner, continua Annash en désignant le Montagnard. Il ne mord pas, j’espère ?
— Tu n’as rien à craindre, répondit Belraïm en souriant, tant qu’il a eu sa portion de viande crue du matin. »

Après cela, Shamiqaran et sa troupe présentèrent leurs respects, puis rompirent les rangs. Annash se retrouva donc seul avec les deux envoyés karredishtis et leur gardien barbare, et il proposa fièrement de leur faire visiter la citadelle, d’où ils auraient le loisir de contempler la vue plongeante sur le restant de l’île. Belraïm accepta avec entrain. Son cousin paraissait décidé à dissimuler son véritable dessein pour le moment et à faire étalage de cordialité, aussi était-il préférable d’entrer pleinement dans son jeu.

« J’ai eu de la chance de vous mettre la main dessus, devisait Annash tout en menant ses invités vers les escaliers permettant d’accéder au chemin de ronde. Dire, Belraïm, que tu allais passer près de mon domaine sans même venir te fendre d’un salut !
— Ah, mon cousin, les impératifs des affaires d’Etat, soupira le diplomate en feignant d’oublier que son invitation avait été quelque peu forcée. Nous avons beau en servir deux différents, tu sais comme moi que la patience n’est pas la première vertu cultivée par les monarques.
— Voilà qui est bien dit ! rit le gouverneur. Mais maintenant que je vous tiens à ma merci, je ne vais plus vous lâcher. Grimpez donc avec moi ! Ma demeure vous paraîtra certes un peu fruste, vous qui êtes habitués au luxe des palais, mais le paysage qui s’offre depuis là-haut vaut absolument le détour. Allons, citadins, encore un petit effort ! »

Arduilanar
Niveau 10
25 mars 2020 à 13:08:08

Annash avait beau jeu de les tancer : lui n’avait pas eu à monter jusqu’à la place forte, et même si Belraïm se vantait de veiller à sa forme physique, les jambes commençaient à lui tirer lors de cette nouvelle ascension. Iltushumna paraissait davantage à la peine, malgré son plus jeune âge, et il arriva au sommet des marches soufflant comme un bœuf, bien après le barbare de Dippash qui n’avait même pas transpiré. Quand tous furent réunis en haut des murailles, ils purent apprécier par eux-mêmes ce qui avait valu les éloges du gouverneur. Ils avaient accédé au côté sud-est de l’enceinte, et profitaient donc du spectacle offert par le port et le bourg étendu au pied de la citadelle. Dans le lointain jaillissait la pointe de la péninsule de Qaresh, et les derniers bateaux quittaient la rade pour atteindre les côtes avant la tombée de la nuit. Vus des hauteurs, ces derniers avaient presque l’air de jouets de bois que des enfants auraient tiré dans une flaque avec des ficelles. Mais le tapage qui montait toujours de la cour ne laissait pas Belraïm oublier la présence menaçante des soldats en contrebas : le surplomb ne suffisait pas à les faire confondre, eux, avec d’inoffensives figurines.

Annash tint ensuite à faire faire à ses hôtes le tour de l’enceinte jusqu’à l’extrémité nord, où s’élevaient la cour haute et sa propre résidence. Les genoux des diplomates fatiguaient et l’excursion sous le soleil, même printanier, faisait poindre la soif dans leurs gosiers, mais ils suivirent néanmoins le gouverneur. Celui-ci continua à discourir tandis qu’ils arpentaient le chemin de ronde, assez large pour laisser passer six hommes de front. Il conta gaiement à son cousin les travaux qu’il avait entrepris depuis sa nomination à Hettim. Il avait fait restaurer les murs les plus anciens, laissés à leur décrépitude par son prédécesseur, et avait complété les défenses de la citadelle en érigeant trois nouvelles tours. C’était également à lui qu’on devait le renforcement des digues du port : les bassins avaient été dragués, les quais remis en état, et le système de feux destiné à guider les navires avait été entièrement reconçu.

« Et moi qui allais te demander si tu ne trouvais pas le temps long sur cette île perdue au milieu du néant, dit Belraïm en souriant.
— Allons, cousin, tu me connais mieux que ça ! lui répondit Annash. Je ne supporte pas l’inaction, c’est vrai, mais j’ai ici tout ce qu’il faut pour m’occuper. Je n’ai pas besoin des distractions de la vie citadine. Je n’ai jamais été à mon aise dans les soirées mondaines, le faste des grandes cérémonies m’a toujours assommé, et je survis très bien même sans faire refaire ma garde-robe tous les trois mois. Je sais que je prêche un irréductible, mais vraiment, la simplicité de la vie de Hettim me convient tout à fait ! Je vis loin des mesquines petites cabales qui ont lieu à Aqram : ici une seule loi règne, et c’est la mienne. Kassem lui-même n’est pas aussi chanceux que moi, lui qui doit supporter chaque jour le nid de vipères qu’est sa cité… Ah, nous y voilà ! Contemplez donc ce paysage, humez ce parfum. Ni Aqram ni Karredisht ne peuvent vous en offrir de tels ! »

Les quatre hommes étaient parvenus à une saillie sur la portion septentrionale de l’enceinte, surplombant le maquis encore vierge de l’île. Le soleil qui entamait sa lente course vers l’horizon venait teinter d’ombres bleues les reliefs des criques et des coteaux, tandis que les falaises de calcaire prenaient une couleur blonde. Des pinèdes et des fourrés de cistes et genévriers s’exhalaient de douces odeurs de garrigue, que les brises marines venaient porter jusqu’aux murs de la citadelle. Partout en dehors de cette enclave de roche et de végétation, le regard se noyait dans l’immensité des eaux d’Abamat, dont l’azur commençait de foncer avec le déclin de la lumière.

« Quand mes obligations m’en laissent le loisir, reprit Annash, j’aime venir ici profiter de la quiétude de cette étendue sauvage. Je préfère encore, cela dit, la muraille occidentale, qui surplombe directement les flots et d’où l’on peut observer les plus beaux des couchers de soleil. » Il eut un petit rire. « Allons, ne me faites pas cette mine déconfite ! dit-il en riant. J’ai bien vu la façon dont vous traîniez les pieds, je vous épargne donc la suite de la visite. Je vais vous faire apporter quelques rafraîchissements, vous n’aurez qu’à en profiter ici pendant que je vais m’assurer des préparatifs du repas de ce soir. Il ne devrait pas tarder à être servi, du moins si mes fainéants de cuistots ont un peu accéléré la cadence ! »

Le gouverneur donna quelques ordres à une vigie en les quittant, et très vite des serviteurs apparurent pour apporter des tabourets pliants et tendre un dais au-dessus de leurs têtes. Les deux diplomates goûtèrent avec gratitude au confort des sièges, tandis que le Montagnard imperturbable préférait bien entendu rester debout. On leur porta ensuite un cruchon de bière, tout juste tirée dans la cave de la forteresse et bien fraîche. Belraïm, cependant, ne trempa pas immédiatement ses lèvres dans son gobelet, qu’il considérait avec méfiance. Tous ses soupçons ne l’avaient pas quitté, et il ne pouvait pas s’empêcher de se demander si cette longue promenade n’avait justement pas eu pour but de les assoiffer, afin de les rendre plus enclins à se jeter sur la première boisson servie. Et si la bière avait été droguée ?

« J’ai trouvé que votre parent était fort civil, déclara Iltushumna en tirant son aîné de ses ruminations. Il ne ressemble peut-être pas à l’idée que je m’en faisais, mais une chose est certaine, son accueil a été on ne peut plus chaleureux et vient presque excuser la façon dont ses soldats nous ont abordés tantôt. Étiez-vous donc proche de votre cousin, seigneur Belraïm ?
— Très, répondit l’intéressé d’un air quelque peu absent. Quand j’avais huit ans et que mon père est allé à son destin, c’est mon oncle qui m’a recueilli dans sa demeure. Annash est devenu pour moi l’égal d’un frère.
— Oh, fit le jouvenceau. Je comprends mieux pourquoi vous étiez si confiant concernant ses intentions. Il semble que j’ai jugé un peu hâtivement le seigneur Annash, mais peut-être est-ce la manière des militaires de se montrer brusques même dans leurs invites. »

Belraïm voulut lui répondre qu’au contraire, la défiance était toujours la bonne réaction, et que ceux qui étaient le plus à craindre étaient justement ceux avec lesquels l’on était le plus intime. Mais quel avantage eût-il tiré à s’attaquer ainsi aux illusions du jeune homme, qui avait de toute façon le crâne plus dur qu’un caillou ? Finalement, comme son cadet lampait sa bière sans paraître s’en trouver mal, Belraïm finit par se dire qu’il en faisait peut-être un peu trop, et il prit le risque de se désaltérer à son tour.

*

Arduilanar
Niveau 10
25 mars 2020 à 13:10:57

Le soleil avait à présent disparu derrière les épaisses murailles de la citadelle, et la réception battait son plein dans la résidence du gouverneur. La douceur de la soirée avait permis d’installer les convives à l’extérieur, aussi était-ce dans la cour haute, éclairée de dizaines de flambeaux, qu’avaient été dressés tables et bancs. Tous les officiers du corps d’armée de Hettim étaient bien entendu présents, et l’on avait aussi mandé, pour faire bonne figure, ceux que l’on pouvait considérer comme faisant partie de la bonne société de l’île : fonctionnaires civils, boutiquiers nantis, et un vieux prêtre à demi grabataire qui faute de mieux tenait lieu d’officiant lors des célébrations.

Annash présidait cette auguste assemblée, et s’était vêtu pour l’occasion de sa meilleure tunique. Il avait installé ses hôtes aux places d’honneur, et veilla à ce que chaque plat leur fut présenté en premier. La cuisine militaire ne s’encombrait pas de raffinements excessifs, mais Belraïm trouva néanmoins la chère bonne, et surtout particulièrement abondante. Dans de grands pots de terre fumait un copieux ragoût de mouton, cuit dans la bière avec des oignons, des poireaux et parsemé d’olives vertes, et les plats de cuivre débordaient d’orge, de fèves et de pois chiches citronnés. A l’autre bout de la cour, les mitrons faisaient rôtir des quartiers de chevreau, frottés au sumac et enduits de miel, qui répandaient une divine odeur de viande grillée jusqu’aux places des convives. Tandis que des esclaves disposaient sur les tables les corbeilles de galettes de pain au cumin juste sorties du four, d’autres s’assuraient que le vin ne manquât à personne ; Annash s’était d’ailleurs montré généreux avec sa réserve personnelle, car le rouge sipparite coulait à flot.

« J’espère que tu me pardonneras, glissa le gouverneur à son cousin, s’il n’y a ni danseuses ni musiciennes. Ce n’est pas que l’île soit tout à fait dépourvue de ces agréments, mais j’ai douté que les fortes femmes de Hettim satisfassent tes goûts sophistiqués. Et puis, quel souvenir aurais-tu gardé de nos retrouvailles si une fille à soldat t’avait laissé repartir avec des cloques en guise cadeau d’adieu ?
— Ta prévenance t’honore, répondit Belraïm en riant. Je peux effectivement me passer de ce genre de désagrément : ma chère épouse n’aurait pas tardé à joindre l’irritation de ses reproches aux démangeaisons des pustules, et c’est plus qu’aucun homme n’est en mesure de supporter, je te prie de le croire. Mais ne t’inquiète pas, j’ai trouvé à faire avec les filles de Biru. Les insulaires sont quelque peu sauvages, mais justement, j’ai toujours apprécié de trouver de l’exotisme dans mes fréquentations, et je n’ai assurément pas été déçu du voyage. »

L’aîné des diplomates avait été installé à la droite du gouverneur, lui-même assis en bout de table. A sa gauche était placé Iltushumna, entouré de deux jeunes gens de son âge qui devaient être les fils d’un des lieutenants de la forteresse, et devisaient avec lui à voix forte ; le jeune homme, passé le moment de méfiance envers ces étrangers d’un rang manifestement inférieur au sien, paraissait plutôt goûter la compagnie de ces joyeux voisins. Le reste de la tablée était composée des officiers les plus hauts gradés de l’île, parmi lesquels Shumiqaran. Ceux-ci discutaient entre eux en veillant à ne point s’immiscer dans la conversation de leur supérieur à l’extrémité de la table.

« Justement, comment se porte ton épouse ? voulut s’enquérir Annash. Si j’ai bon souvenir, il s’agissait d’une des filles du conseiller Semhanir ?
— Tout juste, dit Belraïm soudainement moins guilleret. J’ai entendu dire que mon beau-père avait été disgracié, et ma tendre moitié m’en fait porter la responsabilité. Comme celle d’à peu près tout, à commencer par notre vie loin d’Aqram. Et toi, cousin, t’es-tu marié ? Que les dieux t’en gardent donc ! Chaque jour de ma vie est passé à endurer ses remontrances. Elle m’en veut même de passer du temps avec des courtisanes. Mais vraiment, je te le demande, qui ne chercherait pas un peu de quiétude hors de son foyer, quand on le partage avec une harpie ? »

Il fut interrompu par un éclat de rire aigu. Les deux garçons qui entouraient Iltushumna avaient maintenant tout à fait sympathisé avec lui, et s’évertuaient à faire boire le jeune diplomate plus que de raison. Celui-ci s’était manifestement laissé prendre au jeu, car il avait l’air d’avoir peine à cesser de pouffer. Ses yeux étaient baignés de larmes et son gros front trempé de sueur, mais ses comparses continuaient à faire signe à l’échanson de venir remplir sa coupe.

« Sais-tu que j’ai eu l’idée incongrue d’emmener ce vilain drôle se faire déniaiser quand nous étions sur les îles ? reprit Belraïm quand il fut assuré que son compagnon n’était plus en mesure de l’entendre. J’avais trouvé un bel établissement, propre et de bonne réputation, mais cet imbécile a d’abord voulu boire pour se donner du courage. En fin de compte, il était tellement saoul qu’il n’a non seulement pas été en mesure d’accomplir sa besogne, mais qu’il a même causé un scandale qui lui a valu d’être chassé du lupanar. Depuis, il feint que rien n’est arrivé, mais je soupçonne son amnésie d’être simulée.
— Et toi qui ne cherchais qu’à bien faire ! rit Annash à pleine gorge. Tu as été bien remercié pour ta peine. Je dirais que ton petit acolyte a bientôt son compte, d’ailleurs. Je gage qu’il ne va pas tarder à finir le nez dans son ragoût. »

La prévision du gouverneur ne se révéla qu’en partie exacte. Le jouvenceau, soudain devenu blême, tenta maladroitement de se lever du banc mais n’y parvint pas et, s’emmêlant les jambes, se retrouva sur le sol dallé qu’il arrosa copieusement de vomi. Ses deux voisins s’esclaffèrent et le reste de l’assemblée, occupée à ripailler et à boissonner, parut ne rien remarquer. Poussant un soupir, Belraïm héla le grand Montagnard pour qu’il vînt le chercher et le menât dans un endroit calme.

« Le rustre m’a ôté l’appétit, grimaça l’émissaire en repoussant son assiette. Ce qui me peine le plus, c’est que tu aies gaspillé du bon vin de Sippar pour ce cuistre. Tu dois savoir qu’il va bientôt devenir difficile de s’approvisionner, avec ce qui se passe dans l’archipel.
— Ne parle donc pas de malheur ! s’exclama Annash. Je devrais peut-être confisquer la cargaison du marchand qui te convoie, d’ailleurs… Allons, allons, ne prends pas cet air effaré, je plaisante évidemment ! Quant à cet énergumène qui t’accompagne, ne te chagrine pas trop. L’investissement en valait la peine, et nous allons maintenant pouvoir discuter plus à notre aise. »

Belraïm, tout grisé qu’il était par sa propre consommation de vin, se sentit aussitôt à l’affût, tous les sens en éveil. L’instant qu’il attendait arrivait enfin. Ils se retrouvaient d’un coup à l’écart du reste des convives : les deux jeunes gens s’étaient opportunément écartés une fois leur mission accomplie, les officiers restaient volontairement à bonne distance de leur commandant, et le brouhaha des militaires et de leurs invités toujours attablés suffisait pour couvrir le bruit d’une discussion.

« Tu vas donc me dire, à la fin, ce qui m’a valu d’être arraisonné par tes hommes ? demanda sans détour l’émissaire de Karredisht. Je ne puis nier que la question m’a longuement travaillé. Tu n’avais certainement pas besoin de cela pour savoir ce qu’il se passe à Biru, les espions de ton frère paraissent suffisamment bien renseignés, puisqu’ils connaissaient la date de mon voyage et le bateau sur lequel je voyagerais. Tu dois bien te douter que je ne révélerai aucune information d’importance concernant ma cité d’adoption, et quand bien même tu aurais voulu m’arracher les secrets d’état de Karredisht, tu t’y serais pris plus subtilement. Quoi donc, alors ?
— Vraiment, mon cousin, tu m’emplis de peine, feignit de s’émouvoir Annash. M’imputer des arrière-pensées de la sorte, moi qui me faisais simplement une joie de revoir mon parent bien-aimé perdu de vue.
— Par tous les dieux, soupira Belraïm, ne fais donc pas traîner les choses en longueur. Tu n’as pas idée à quel point cela est éreintant que de pratiquer ce jeu à chaque heure, chaque jour de ma vie. Aie pitié de ton cousin, au nom de notre vieille amitié, et accorde-moi la grâce d’une discussion sans ambages.
— Fort bien, fort bien. Tes désirs sont des ordres, mon cher cousin. Je pensais plutôt te faire plaisir en affectant les manières des diplomates, mais soit. Eh bien, j’ai évidemment reçu mes ordres d’Aqram. J’aurais sans doute fait les choses différemment s’il ne tenait qu’à moi, mais les grands pontes avaient l’air de penser qu’il fallait absolument te mettre la main dessus lorsque tu passerais près de nos possessions, faute de quoi tu t’esquiverais. Kassem souhaite te revoir. »

L’émissaire laissa les mots flotter dans l’air, l’espace de quelques battements de cœur.

« Je craignais cet instant, répondit-il finalement, mais j’avais osé douter que tu te saisisses de moi alors que je suis sous la protection du roi Ilitnaram. J’avais tort, manifestement. Me laisseras-tu au moins te demander ce qui motive ton royal frère à exercer seulement maintenant sa vengeance ?
— Il n’est pas question de vengeance ! s’emporta Annash devenu rouge. Kassem souhaite te réhabiliter et te voir revenir à Aqram. Il a… besoin de tes services.
— Me réhabiliter ? demanda Belraïm, interdit. Ah ! Que le vieux sournois soit saisi par les démons, s’il croit que je le connais assez mal pour tomber dans un piège aussi grossier. Comme s’il était capable de pardon ! Je sais qu’il grave chaque sujet de rancune au burin dans son cœur de granit.
— Vas-tu donc cesser de te comporter en enfant ? gronda le gouverneur. Le sujet est sérieux, et il incombe à la famille de faire front commun. Les liens du sang devraient prévaloir sur les stupides querelles qui datent d’il y a plus de dix ans.
— L’heure doit être bien grave en vérité, fit remarquer l’émissaire d’un ton acide, pour que ce soit de moi que Son Impérieuse Majesté Kassem d’Aqram ait besoin. Eh bien, dis-moi ! Quels soucis affligent donc mon cousin ? Ses sujets ont-ils fini par se lasser de son despotisme ? A-t-il froissé le clan qu’il ne fallait pas en exilant la personne de trop ?
— Je ne pensais pas que ma tâche serait aisée, mais je m’attendais au moins à te voir mûri après ces années, pas à te retrouver plus têtu encore que lorsque nous jouions ensemble à la marmite et à la mouche de bronze.
— Pardonne-moi donc, mon cousin, s’excusa Belraïm. Fais-moi resservir du vin et expose ton propos, tu as mon attention. »

D’un geste légèrement agacé, Annash fit signe à un domestique de venir remplir les coupes. Belraïm aspira de longues gorgées du liquide rubis, prenant le temps d’en savourer les arômes capiteux, et le bouquet complexe aux notes de cerise noire, de cannelle et de cèdre.

« Kassem a une mission à te confier, expliqua le gouverneur à voix basse. Une mission que toi seul est en mesure de mener à bien.
— Vraiment ? demanda Belraïm d’un air narquois. Voilà qui est intéressant. Je suis donc censé rentrer à Aqram dès que Kassem me hèle, comme un chien repentant et obéissant ?
— Tu retrouverais la place qui t’est due, tous les biens qui t’ont été confisqués pendant ton exil, continua Annash sans se départir de son calme. Et tu serais gratifié du titre d’ambassadeur extraordinaire du roi. Tu sais bien que tu ne peux pas espérer une meilleure place que celle d’émissaire à Karredisht, tes origines étrangères t’empêcheront de gravir plus d’échelons. A Aqram, tes talents seront reconnus à leur juste valeur. »

Arduilanar
Niveau 10
25 mars 2020 à 13:13:21

Belraïm continuait à siroter son vin.

« Kassem a donc vraiment besoin d’aller me chercher pour accomplir ses basses besognes ? finit-il par demander. Mais que se passe-t-il à Aqram, pour que le roi soit obligé de se fier à son cousin le plus haï ? Cela a-t-il un rapport avec la façon que tu as de préparer la flottille de Hettim au combat ? »

A la façon dont Annash s’empourpra, Belraïm sut qu’il avait touché un point sensible.

« Je te l’ai dit, toi seul peut t’acquitter de cette tâche, tenta-t-il de se justifier. Je ne puis t’en dire plus, mais tu comprendras dès que tu en connaîtras la teneur. Quant à ce qui se passe à Aqram… ah, peste, tu t’en rendras vite compte toi-même. Il y a eu quelques motifs de discorde entre le roi et certains de ses sujets, c’est vrai. Tu devras te méfier des conseillers de l’Emporie, y compris de ton beau-père Semhanir. A dire vrai, c’est même à lui que tu devras le plus prendre gare. Il n’a toujours pas digéré d’avoir échoué à devenir Emporiarque, et il en tient le roi responsable. »

Ce qui n’était sans doute pas très éloigné de la vérité, songea Belraïm. Cependant, les querelles entre Kassem et les conseillers ne suffisaient pas à expliquer que la flotte d’Annash se tînt sur le pied de guerre. Quelque chose se tramait, qui inquiétait suffisamment le gouverneur pour qu’il se mît sur ses gardes.

« Quand la guerre civile faisait rage, déclara Belraïm, j’ai aidé Kassem à monter sur le trône, et pour toute récompense j’ai fini proscrit et ai été chassé de la ville. Quel fou serais-je de retourner aujourd’hui me mettre à son service ? Je n’ai pas besoin de me faire des ennemis supplémentaires, si c’est pour être payé par l’ingratitude du roi.
— Si tu es incapable d’effacer tes griefs à son égard, ne le fais pas pour lui, fais-le pour toi-même. Je vois l’amertume dont l’exil t’a empli. Saisis donc la chance de laver ton nom et de retrouver la place d’honneur qui t’est due dans ta cité natale, trouve la paix avec ton épouse en la ramenant chez elle. Ne feins pas le désintérêt : je te connais trop bien, mon cousin, je sais que tu ne t’es jamais senti chez toi ailleurs qu’à Aqram ou, peut-être, à Medahr. Ne me fais pas croire que tu te satisfais de ta vie à Karredisht, qui n’a aucun des éclats de ta cité natale, tu aimes trop ce qui est beau et brillant. Rentre donc à la maison. »

Belraïm finit sa coupe avant de la reposer sur la table.

« Quel émouvant discours. Je ne souhaite pas te faire de peine, mon cousin, mais tu me crois plus sentimental que je ne le suis. J’ai quitté Aqram il y a une décennie et comme tu le vois, j’ai survécu à la séparation. Rien ne m’attend plus là-bas. Ceux qui j’y ai connus seront morts ou m’auront oublié, et je ne tiens pas à me sentir étranger sur le sol qui m’a vu naître. La vie à Karredisht ne manque pas d’attrait, je te pensais en mesure de le comprendre, toi qui apprécies même le charme de cet îlot stérile.
— Tu te trompes, Belraïm. Dix ans ne sont rien pour l’ami sincère, et tu seras étonné de voir combien nombreux sont ceux qui ont conservé ton souvenir. Vois, les années n’ont rien changé à l’affection fraternelle que je te porte, et je puis t’assurer que la reine non plus n’aura pas oublié son ami d’enfance, et celui qui aura été son plus fidèle soutien quand elle s’est retrouvée étrangère dans notre cité. »

Belraïm encaissa le coup en essayant de ne pas avoir l’air touché, mais l’attaque lui semblait d’une traîtrise sans nom. La même franchise que d’habitude se lisait pourtant sur le visage honnête de son cousin, son regard droit paraissait n’exprimer aucune malice. Mais comment croire que l’évocation de la reine n’avait pas été soigneusement calculée à l’avance ? Était-il seulement possible qu’Annash pût ignorer tout à fait la vérité à ce sujet ? Belraïm se retrouva pourtant désarmé. Il se maudit lui-même à l’instant où il prononça les mots qui signaient sa capitulation :

« Comment donc pourrais-je me désengager du service du roi de Karredisht ? Tu dois comprendre que j’ai maintenant des obligations envers lui, et que je ne puis si facilement le quitter, quand bien même j’aurais envie de retrouver Aqram…
— Ilitnaram se remettra de la perte d’un diplomate, fût-il aussi talentueux que toi, répondit Annash en balayant le semblant d’objection de son cousin. Kassem comprendra bien sûr que tu doives d’abord aller rendre compte de ta mission à Biru, mais après cela il t’implore de te rendre au plus vite auprès de lui, car son besoin est urgent.
— Ma tendre épouse, essaya encore Belraïm faiblement, ne sera peut-être pas non plus aisée à convaincre. Elle se plaint d’avoir à vivre en terre étrangère, mais tu connais les femmes, il suffirait que je lui dise que nous rentrons pour qu’elle soulève cent raisons pour lesquelles elle ne souhaite plus revenir.
— Certainement, mais j’ai peine à croire que tu te laisseras arrêter par un obstacle aussi insignifiant, répondit Annash en clignant de l’œil. Fort bien. Puis-je donc faire parvenir à Kassem la nouvelle que tu arriveras bientôt ? »

Belraïm considéra d’un œil morne le fond de sa coupe vide.

« Je suppose que oui. »

--crazymarty--
Niveau 10
26 mars 2020 à 12:52:48

Et tout ça constitue un seul chapitre ?
Bon, j'essaye de lire quand j'ai du temps, ce weekend, si l’hôpital ne m'a pas tué d'ici là :hap:...

Arduilanar
Niveau 10
26 mars 2020 à 14:36:04

Oui monsieur, et les autres sont tous du même acabit :peur: Au moins il y en a assez peu, au total c’est toujours moins long qu’AE ! :hap:

naturalemo
Niveau 8
26 mars 2020 à 19:22:48

Quelle verve ! J'adore !

Arduilanar
Niveau 10
10 avril 2020 à 10:51:32

Issou j’ai rencontré exactement le succès escompté :rire:
Je vous épargne la suite donc, cependant si un jour quelqu’un venait à être pris d’une envie subite de s’infliger mes pavés j’enverrais plutôt les docs Word. :hap:

Barbebarde
Niveau 28
17 avril 2020 à 15:45:31

Je me lance :noel: (17/04/2020)

Bon déjà c est très bien écrit alors je vais faire le chippoteur. :hap:

et laissait errer sur les flots céruléens ses yeux gris, héritage de sa mère qui avait été princesse de Medahr.

Je le relève pour ceux qui écrivent de la Fantasy, ça c est une introduction intelligente du lore. Ponctuer une description avec un élément lié à l univers ou au personnage.

Bon j avance dans ma lecture et je ne trouve rien à redire sur le style. C est très bien écrit, le vocabulaire est riche, ça se laisse lire, les mots se visualise sans problème dans ma tête... J imagine que tu veux plutôt un retour sur l'histoire.

Alors me concernant tu tapes fort puisque je sens l'ombre de l'antiquité planer sur ton histoire, et c est une période que j aime beaucoup.

Les personnages princioaix sont attachants. Le héros dont on devine un lourd passé, le jeune diplomate têtu, le cousin à l air honnête mais dont le héros se méfie, le barbare qui ne bronche pas mais qui n est jamais oublié dans les descriptions.

Le suspens est bien gérer entres chaques post sur le fofo :hap: l arrivée dans la forteresse, la bière but...

Bon je viens de finir et rien à redire. Je suis captivé. Honnêtement c est le genre du truc que je pourrais acheter pour lire sans problème. Ça m'a même fait penser à du Jaworski (bon en moins soutenu). Y a certaines tournures de style que j ai beaucoup accroché, celle du cœur en granit par exemple. C est génial !

À toi de nous dire quel est ta méthode pour pondre de pareils écrits :noel:

Arduilanar
Niveau 10
17 avril 2020 à 16:22:43

Je salue ton courage de t’être attaqué au pavé ! :rire: Et ton commentaire me fait extrêmement plaisir. :coeur:

Effectivement il y a un parfum d’Antiquité sur cet univers, avec de fortes influences méditerranéennes et mésopotamiennes comme tu as dû le voir.

Une méthode ? C’est difficile à dire :hap: J’écris très, très lentement et je reviens beaucoup sur ce que j’ai déjà fait pour le peaufiner. Ce chapitre a peut-être déjà deux ans, et depuis je n’en ai écrit que quatre autres, pour te donner une idée du rythme. Et l’univers lui-même est en gestation depuis bien plus longtemps que cela, j’ai commencé à y réfléchir il y a déjà plus de huit ans :rire:

Je suis vraiment ravi que ça t’ait plu comme ça ! Si la suite t’intéresse je pourrai poster le chapitre 2 ici, voire t’envoyer un Word pour que la lecture soit plus confortable. Encore merci d’avoir pris le temps de lire et de donner ton avis ! :coeur:

Barbebarde
Niveau 28
17 avril 2020 à 18:59:14

Pourquoi pas, envoi moi un MP du Word ou un pdf

Peil
Niveau 49
09 juillet 2020 à 19:39:37

Vraiment très bon, les avis détaillés c'est pas mon truc mais tu as une plume incroyable. J'ai lu deux-trois trucs de toi sur ce forum et j'adore vraiment ton univers aux accents orientaux. Je trouve que c'est une atmosphère sous-exploitée en fantasy. La simili europe féodale avec ses chevaliers, ses seigneurs, ses dragons et ses princesses, ça fait pas mal de temps que ça sent le déjà-vu et qu'on y ressasse un peu toujours les mêmes choses :ok:

Arduilanar
Niveau 10
09 juillet 2020 à 20:53:32

Merci beaucoup pour ta lecture ! :coeur:

Peil
Niveau 49
09 juillet 2020 à 21:21:20

Tu travailles sur un projet sérieux que tu comptes faire publier ou tu écris juste comme ça pour le fun ?

Arduilanar
Niveau 10
09 juillet 2020 à 23:18:41

Disons que je le fais sérieusement de mon propre point de vue, vu le temps depuis lequel je suis dessus, mais ça n’a pas vocation à être publiable. Pour ça il faudrait déjà que je termine de rédiger un jour, donc c’est assez mal barré :rire: Mais je poursuis petit à petit, si je me bouge un peu j’arriverai peut-être à écrire le septième chapitre pendant l’été, je gagne toujours un peu en productivité pendant les vacances

Peil
Niveau 49
10 juillet 2020 à 08:27:34

Force à toi dans ce cas :ok:

Arduilanar
Niveau 10
10 juillet 2020 à 16:25:54

Merci khey :coeur:

Puisque vous êtes deux braves à avoir osé affronter le pavé César je posterai le chapitre 2 d’ici quelques jours, pour voir si certains sont prêts à retenter l’expérience :rire:

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Sujet : L'Oraison du Conquérant
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