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Histoire

Sujet : Y avait-il une conscience "Italienne" chez les Romains ??
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AlexanderNevsky
Niveau 9
05 octobre 2018 à 22:41:09

Je veux dire par là, est ce que les Romains considéraient la péninsule italique plus que les autres provinces ?

Car je viens de voir un débat sur le 18-25 comme quoi les italiens ne sont pas les descendants des romains ect, pas plus que les autres latins (français, espagnols, portugais ect), mais certains arguent que il y avait bien une conscience "italique" chez les romains, la péninsule italique était bien plus riche que les autres provinces https://nephist.files.wordpress.com/2014/01/2014_01_per-capita-gdp-in-roman-times-according-to-maddison-1990-ppp-dollars1.jpg , que la grande majorité des empereurs venaient d'Italie et que les Romains ont accordé la possibilité d'avoir la nationalité à toutes les cités italiques bien avant les autres ( En -89, la citoyenneté est étendu à tous les hommes libres d'Italie après la guerre sociale, via la "Lex Plautia Papiria" alors que les romains ont déjà des provinces de l'orient à la peninsule ibérique, mais rien pour eux jusqu'en 212, que les citoyens de la peninsule italique)

Qu'en pensez vous ? :(

SavoiaMarchetti
Niveau 10
06 octobre 2018 à 00:48:08

Baser des critères ethniques sur ce qui est romain ou non, sachant que l'Italie est déjà multi ethnique à l'antiquité (celtes et germaniques au nord, italiques au centre, grecs et phéniciens au Sud) c'est totalement débile. Il n'y a pas de gènes "romains", en revanche les cartes d'ADN d'aujourd'hui montrent une ressemblance avec l'emplacement des anciens peuples de la botte, les italiens sont dans une continuité logique du peuple romain.

Pour le sentiment d'appartenance à la province italienne il existe mais rien à voir avec les nationalismes du XIXe hein, on est surtout fier du village ou de la ville d'où on provient. Après il y a un sentiment d'appartenance à un peuple évidemment mais ça il faut le définir aussi. Déjà avant qu'on donne la nationalité romaine à toutes les peuplades d'Italie, ils étaient surtout des peuples soumis à Rome. Quand les italiens obtiennent la citoyenneté romaine ils se sentent romains, pas italiens. En revanche on va considérer très rapidement les italiens comme des romains au Ier siècle (Vespasien est le meilleur exemple), le reste c'est la province. Ils ne se considèrent pas comme italiens car étant en Italie mais comme romains car en Italie. Après au IIIème siècle ça change.

Dreadead
Niveau 19
06 octobre 2018 à 01:00:06

Il existe bien une province romaine qui portait ce nom(Italia) et qui correspond grossièrement à l'Italie actuelle et qui était formé de Rome et des cités qui était les plus anciennement affilés à cette dernière. C'était le centre politique, économique et culturel au début l'empire. Il y avait des traits qui étaient partagés par la plupart des membres de cette Italia. De là à parler d'une conscience italique commune, le mot est un peu fort(et pas très approprié pour l'époque). Il serait plus juste de parler d'une aire culturelle.
Quelques précisions, utilisé cela pour dire que les Italiens seraient plus descendants des romains que les autres latins, est relativement fallacieux. Entre la province d'Italia et l'Italie actuelle il y a plus d'un millénaire, entre temps, il s'est épanoui autan d'entités politiques que de cultures différentes au sein de l'ancienne province d'Italia. Je ne pense pas qu'on puisse parler d'une aire culturelle commune italienne durant le Moyen Âge.
De manière générale, tenté de catégoriser les cultures en des arbres généalogiques, pour dire que T1 culture actuelle descend T0 culture antérieur, posent pas mal de problème en termes d’épistémologie. Une culture c'est quelque chose d'instable, dont des pans entier peuvent évoluer très rapidement, et qui subit de manière quasi-permanente l'influence des cultures voisines et dominantes. Comment sérieusement catégoriser exhaustivement une telle chose dans un arbre phylogénétique ? Si on veut être plus sérieux, on peut dire que la culture romaine à une influence sur notre culture française. Comme elle en a sur la culture italienne, la culture portugaise.

Dark_Bisou
Niveau 8
06 octobre 2018 à 17:01:43

Je te conseil de lire l'ouvrage de Jean-Michel David, La romanisation de l'Italie au éditions du Seuil, collection Point.

Romanisation comme processus d'acculturation culturel et politique qui donne un sentiment d'appartenance à une même culture, avoir conscience de faire parti d'un peuple unique et participer aux affaires politiques. Encore que comme mentionner plus haut, le sentiment national tel que nous le connaissons est certainement anachronique à cette période de l'histoire .

Grossièrement, la romanisation de l'Italie comme tu le mentionnes passe par le sentiment d'appartenance à l'identité romaine à travers l'espace, le territoire. Rome étant le centre de l'empire pour bien des raisons politiques, culturelles, historiques, religieuses, elle influence évidemment plus son entourage proche : la péninsule, que son entourage lointain, le reste de ce qui deviendra l'empire.
L'Italie est donc un espace particulier parce qu'elle s'ouvre au monde méditerranéen, la géographie rejoint ici l'histoire selon JM David. Plaque tournante entre l'ouest et l'est de la méditerranée, elle est aussi propice a capter les transferts culturels de la région. Les côtes méridionales et beaucoup d'îles sont de cultures grecques ce qui favorise le relais de la culture grecque en Italie. En fait, deux facteurs interviennent dans le processus de romanisation : la domination de Rome proche et l'héritage grec qui font que les peuples de l'Italie, aussi différents soient-ils, partagent des traits communs à travers la culture grecque.
La domination de Rome impose des brassages de populations par la confiscation des terres des vaincus.

L'épisode de la Deuxième guerre Punique est essentiel puisque Rome punie les cités passées à l'ennemi. C'est aussi l'époque où l'aristocratie romaine se sent très confortée dans son union face à Carthage....et sa victoire, une certaine conscience en son statut dans la société s'accentue, elle est certaine d'être exceptionnelle. Ce qui signifie qu'elle s'impose d'avantage dans la société romaine et dans la région...Sans oublié que si Rome a vaincu, ben c'est grâce aux dieux naturellement. David parle de la guerre comme l'accélérateur de l'histoire et de l'unification de l'Italie culturelle. L'aristocratie, c'est elle qui imprègne les cités d'Italie de ses organes politiques et culturel. Le patronage et le clientélisme aristocratique imprègnes les cités italiennes au point que chaque municipalités entre dans l'orbite d'un aristocrate romain. C'est elle qui organise le commerce à travers toute la péninsule. L'invasion d'Hannibal a brasser les populations à cause des déplacements. A permis une homogénéisation culturelle de la culture romaine avec des rapports de domination plus forts.

De la guerre punique jusqu'aux grandes expansions romaines, les conquêtes nécessites des hommes, et l'Italie ne suffit pas à fournir les légions. On recrute en province, on brasse les identités au sein de l'armée, on désagrège le tissu social traditionnel. Les marchands et l'économies sont aussi responsables du processus si tôt les provinces conquises.

Toutes ces raisons font effacer, peu à peu, les différences entre les peuples de la péninsule. Du IIe au Ier siècle, on passe alors de peuples italiens qui ne veulent pas partager la citoyenneté romaine à une revendication identitaire d'y appartenir.

Abaque20
Niveau 10
06 octobre 2018 à 18:52:51

La lex plautia papiria n'est pas exactement le résultat d'un sentiment identitaire, les alliés ont fait la guerre à Rome surtout pour lui extorquer en bloc le droit civil (= droit des citoyens) beaucoup plus avantageux que le droit des pérégrins (= étrangers), sachant que certaines cités l'avaient déjà obtenu pour services rendus à la ville de Rome. Cependant avoir la citoyenneté romaine n'implique rien au niveau identitaire.

La romanisation culturelle de la péninsule est un processus plutôt long qui n'a pas vraiment de bornes claires. Si on restreint à l'adoption de la langue latine ça dépend des endroits. Dans tous les cas ce n'est pas un processus d'assimilation piloté, le prestige de Rome fait que les villes adoptent la langue latine puis elle se transmet ensuite dans les campagnes avec plus ou moins de latence, comme ce qui s'est passé en Gaule. Parfois ce sont des colonies militaires qui jouent ce rôle.
En Etrurie ça paraît fini au Ier siècle ap JC, en Grande Grèce et en Sicile pratiquement au haut moyen-âge (voire pas tout à fait si on admet que le griko parlé dans quelques poches du Salentino descend bien du grec des colonies). Pour les Latins voire les Italiques comme les Marses et les Samnites la question paraît délicate à trancher puisque leur langue (et leur culture) sont proches à très proches de celle des Romains.

Cependant tout ça n'influe pas exactement l'identité dans la mesure où la romanité a fini par devenir une notion civique exclusive de l'identité ethno-culturelle cf les Byzantins qui s'appellent eux-même les Romains ... en grec, voire une notion religieuse quand chrétienté et romanité ont été liées par la christianisation de l'empire.

Bref, ça mène à savoir quand des gens de la botte ont pris conscience de leur existence culturelle, et c'est en gros au moyen-âge quelque part avec le guelfisme ambiant et l'apparition de la littérature en langue italienne. On en trouve une expression aboutie dans les poésies de Pétrarque ou dans l'action politique de Cola di Rienzo.

Dark_Bisou
Niveau 8
08 octobre 2018 à 09:26:20

Tu aurais des livres à proposer sur le processus de romanisation ? A ce que j'avais noté, bien que cela dépend des endroits, la langue, les institutions politiques du système municipal, les institutions et le modèle urbanistique poussaient les cités à adopter la citoyenneté romaine. Qu'est-ce qu'être citoyen romain ? Normalement cela dépend évidemment des époques, grossièrement, c'est parler le latin ?, partager les mythes de Rome, participer aux cultes civiques, voter lors de l'Assemblée du peuple, être disposer à servir dans l'armée, être jugé selon la loi romaine, voué un culte à l'empereur et la famille impériale (mais les provinciaux le peuvent aussi). Plus largement, le sentiment pourrait être étendu à bien d'autres aspects : aller au forum, aux temples, au cirque, au théâtre, avoir une certaine idée du mariage, de la sexualité etc...
Qu'en est-il des Italiens au Ier siècle de tout cela ?

Abaque20
Niveau 10
09 octobre 2018 à 13:55:49

Pas de monographie que je connaisse désolé.

Être citoyen romain restrictivement c'est jouir du droit civil, qui inclut des droits privés et des droits politiques - sauf s'il est sine suffragio. Les deux grandes extensions de la citoyenneté ont des raisons très matérielles, la lex Papiria Plauta comme dit plus tôt a été extorquée aux Romains par les alliés italiens, et l'édit de Caracalla ne vise à rien d'autre qu'à élargir la base fiscale de l'empire. A ce moment tout homme libre de l'empire devient citoyen, qu'il soit de langue grecque, latine ou autre. Après on peut quand même dire que les Italiens l'ont globalement obtenue avant les autres, quelles qu'aient pu être les raisons.

Si on parle de romanisation culturelle au sens large, en toute honnêteté je sais pas sous quel critère et à quel degré elle aurait pu être plus avancée en Italie qu'en Gaule et en Hispanie.

TheJanissary
Niveau 9
09 octobre 2018 à 17:55:17

https://en.m.wikipedia.org/wiki/Colonia_(Roman)#/media/File%3ARomancoloniae.jpg

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Sujet : Y avait-il une conscience "Italienne" chez les Romains ??
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