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Dans le film Les adieux à la Reine sur la Révolution Française, adaptation d'un roman de Chantal Thomas, les aristocrates à Versailles reçoivent épouvantés le 15 ou 16 juillet 1789 un pamphlet contenant le nom de 286 personnalités dont on réclame la tête. Figuraient au premier rang Marie-Antoinette, puis le duc d'Artois, la duchesse de Polignac et la princesse de Lamballe, ses deux favorites.

Liste des 286 têtes qu'il faut abattre pour opérer les grandes réformes nécessaires

J'ai une maitrise assez légère de la révolution mais le film prend beaucoup de largesse avec l'Histoire et je ne pense pas que ce pamphlet ait existé, a fortiori dès juillet 1789. Mais pensez-vous qu'il ait pu circuler ce genre de documents entre 1789 et 1793 ?

1789 n'est pas 1793 dans le sens où des événements précipitent la Révolution en quelques années. Cependant, certains pensent que la Terreur est déjà présente en 1789 avec la prise de la Bastille et par exemple les meurtres du gouverneur de cette prison ou celle du vieil surintendant des finances Foullon le 22 juillet. On parle vraiment de certaines morts incroyables comme des dépeçage de membres et des têtes mises au bout de pique, pas seulement de pendaison ou de heurts impulsifs. D'autres soutiennent la thèse que la Révolution a eu un début heureux puis une période de Terreur malheureuse alors que tout pouvait être évité et dont les Montagnards sont les responsables. Je n'ai donc pas vraiment de réponses.

Comte d'Artois plutôt que duc*, il doit être question du futur Charles X.

Oui, j'ai croisé récemment les noms de Foullon et Louis Bénigne François Bertier de Sauvigny, aussi massacré le 22 juillet 1789. Jacques de Flesselles maire de Paris fut, lui, abattu le 14 juillet. Aux premières heures de la Révolution, ces figures sont donc des exceptions pour l'époque ?

Je ne sais pas quoi lire sur l'évolution de la Révolution par le prisme des morts, des spoliations des châteaux, des émigrations de la noblesse, qui me permettrait de mieux distinguer les différentes phases. Si vous avez des suggestions.

Au-delà de ce que j'ai dis plus haut, il est indéniable qu'il y ait des phases qui chamboulent la Révolution. Voici quelques exemples :

- La fuite du roi à Varennes vécue comme une trahison pour une frange de l'Assemblée alors que pour l'autre qui voulait une monarchie constitutionnelle, l'espoir s'amenuise.

- La guerre contre les monarchies européennes attise la volonté de la République d'enrôler la nation dans un destin idéaliste et qui fait que les autorités, frénétiques car en guerre, utilisent d'avantage l'idée de faire prisonnier voir d'éliminer ceux qui refusent ses idées.

- Les guerres de Vendée ou encore la Constitution civile du clergé qui divisent les Français.

Il faut au départ partir des idées. La Révolution française est due à beaucoup de choses et je t'invite à lire des bouquins mais grossièrement :

Des problèmes économiques : Le prix du pain et les mauvaises récoltes rendent la vie insupportable ces années là mais il a déjà existé des crises frumentaires. Le commerce avec l'Angleterre et les problèmes de l'industrie textile. La dette de la monarchie amplifiée par la guerre américaine et à voir mais peut-être les vices de l'emprunts par l'office.

Des problèmes sociaux : Les offices justement et la volonté de la bourgeoisie de s'intégrer comme force politique ? : les Etats-Généraux, naissance de l'opinion publique à travers les péripéties du gouvernement : qui sera le prochain ministre ? Le livre blanc de Necker ou Turgot (je sais plus) montre que l'opinion commence, doucement évidemment, à s'investir dans les affaires.

Des idées nouvelles : Les idées des Lumières : Rousseau, Voltaire, Montesquieu, Grotius, Locke etc... qui remettent en question l'idée du droit coutumier, du droit divin, que la société peut être un contrat social établit non par Dieu et un roi mais par les hommes qui peuvent décider de s'adonner un projet politique. Les pouvoirs peuvent être séparés d'un seul monarque.

Les progrès de la science et l'idée sacrée de la monarchie mise à mal : depuis longtemps déjà la science bouleverse les idées reçues et petit à petit change les perceptions des contemporains : Descartes et le doute souvent mal interprété comme douter de l'existence de Dieu par ses disciples ? La théorie héliocentrique : la Terre n'est pas le centre du monde, elle tourne autour du Soleil...ah Dieu n'a pas fait la Terre des hommes comme centre du monde donc ? La maîtrise de la nature : le thermomètre de Toriccelli permet de dompter la nature, on peut la mesurer ! Les progrès de l'anatomie, on peut percer à jour la création de Dieu ! Bref, tout ca, à la longue du temps remet en cause la société monarchique de droit divin, pas la monarchie en soi, mais sa forme monolithique.

Pour ce qui est de la mort : le matérialisme s'inscrit dans une idée philosophique aussi qui prétend que l'homme est une machine égoïste à l'image de sa démystification divine. Du coup, tuer un homme par la guillotine devient (pour dire grossièrement) possible. Pour éduquer l'homme qui agît comme une machine : il voit, il entend, il ressent, il faut l'éduquer par les fêtes populaires, les chants, les rassemblements républicains et les dates calendaires. C'est aussi de ce côté qu'il faut rechercher le pourquoi autant de massacres.

Pour dire rapidement : Au XVe siècle, le pauvre est l'image du Christ, l'aumône est bienveillante et c'est une devoir.
Au XVIIIe, le pauvre est un fainéant qui est inutile. Son image se désacralise.

Merci pour ce développement. Après, je ne suis pas totalement ignare sur les causes de la révolution, tant la conjecture économique et environnementale que le tropisme idéologique des idées des Lumières et les velléités bourgeoises de goûter aux privilèges de la noblesse. C'est plus sur son déroulement que j'ai des lacunes, la mutation des institutions, et - l'objet du topic - le rapport des uns et des autres au sanguinaire. Ton propos sur la mort est intéressant !

Sinon ne sachant par quel bout m'y prendre, j'ai commencé Révolution française de Max Gallo. En juin 1789, il est raconté :

Des témoins, pourtant « patriotes », s’inquiètent de la violence des propos qui sont lancés. On réclame un « carcan sur le Pont-Neuf pour l’abbé Maury ». On compte sur ses doigts les ennemis de la nation : « deux altesses royales, trois altesses sérénissimes, une favorite… » Il s’agit des frères du roi, du prince de Condé, du duc de Bourbon, du prince de Conti, et de Madame de Polignac. Et naturellement, la reine est fustigée, couverte d’injures.

Je me faisais une idée assez floue de la période estivale de 1789, pensant les évènement révolutionnaires beaucoup plus "soudains" que ce qu'ils semblent être (on peut dire que ça commence sérieusement à dérailler dans le rejet du pouvoir vers 1786 avec Calonne, quand l'idée des États généraux se fait ressentir et ne cessera ne grandir).

A l'aune de ma citation, le pamphlet susmentionné ne semble en fait pas si décalé de la réalité. D'ailleurs, les pamphlets étaient devenus quotidiens, Gallo rapporte qu'en 1788 en paraissait une centaine chaque mois.

Tu peux essayer de lire histoire et dictionnaire de la révolution française. De Tulard
Ya mona ozouf et François furet
Philippe pichot bavard tappes la révolution française sur YouTube à note que ce prof est monarchiste mais ce qu'il dit est intéressant

J'avais prévu de lire Furet, je note le reste merci. Pour Bavard, j'ai des sympathies royalistes, ce n'est pas discriminant.

Fin juillet 1789

Louis lit ces journaux, ces pamphlets qui appellent au châtiment des « aristocrates ».

On y dresse des listes de proscription, sous le titre La Chasse aux bêtes puantes. On édite des estampes hideuses, Les Têtes coupées et à couper pour en finir avec l’hydre aux 19 têtes.
Certains de ces pamphlets retranscrivent les prêches de l’abbé Fauchet qui, en l’église Saint-Jacques de la Boucherie, a été jusqu’à dire : « C’est l’aristocratie qui a crucifié le fils de Dieu. » Et l’abbé a prononcé l’oraison funèbre des citoyens morts à la prise de la Bastille pour la défense de la patrie.

J'en conclus que la pièce du film est un anachronisme d'une quinzaine de jours tout au plus.

Je me suis perdu dans les méandres des archives. Pour compléter tout cela, si d'aventure ça en intéressait certains,

La Chasse aux bêtes puantes et féroces Qui après avoir inondé les bois, les plaines, etc. se sont répandues à la Cour et à la Capitale.

Suivie de la Liste des PROSCRITS de la Nation, et de la notice des peines qui leur sont infligées par contumace, en attendant le succès de poursuites qui sont faites de leur personnes, ou l’occasion.
https://archive.org/detaitails/lachasseauxbtesp00unse_0

C'est un court pamphlet de 26 pages qui est estimé dater de la période août octobre 1789, sans certitudes. Seuls deux exemplaires ont été retrouvés.

La première partie prescrit sous la forme de XVIII articles la chasse des personnages de la Cour désignés sous des noms d’animaux, avec à chaque fois une somme allant de 40 000 livres de récompense jusqu'à 20 francs.

La deuxième partie énonce une série de noms de personnalités condamnées par contumace. Les peines sont variées, écartèlement, pendaison, prison à perpétuité, années de galères, bannissement du territoire, réclusion en abbaye, etc. L'auteur est anonyme, et aucun des cas que j'ai vérifié n'a été correctement prophétisé. Beaucoup sont d'ailleurs morts naturellement au XIXe siècle.

Têtes à prix : suivi de la liste de toutes les personnes avec lesquelles la Reine a eu des liaisons de débauches

https://archive.org/details/tetesprixsuivide00unse

C'est un court pamphlet de 28 pages datant de 1792 qui classe alphabétiquement les personnalités dont la tête est mise à prix, selon qu'elles aient fait plus ou moins de mal, avec une récompense promise à quiconque rammènera les têtes à la municipalité.

Les récompenses oscillent la plupart du temps comprises entre 300 et 2000 livres, député, archevêque, journaliste, marquis, roi, tout y passe... On y trouve Turgot, Necker, Polignac. Le roi de Hongrie à 300 000 livres. Plusieurs Bourbons à 6000/8000 livres. Marie-Antoinette y est inscrite au motif de « Mauvaise fille, mauvaise épouse, mauvaise mère, mauvaise reine », sans prime. Louis XVI y est inscrit au motif de « Ou il gouverne avec imbécilité, ou il gouverne avec méchanceté. Est-il imbécile ? Il est incapable de régner ; alors qu'il aille apprendre à forger. Est-il méchant ? Alors nul respect pour un traître, un tyran, qui veut faire couler le sang », sans prime.

Une seconde partie recence une trentaine de noms avec qui Marie-Antoinette aurait eu des liaisons.

Les Têtes coupées et à couper pour en finir avec l’hydre aux 19 têtes.

Je n'ai rien trouvé à ce sujet. Seul Max Gallo l'évoque.