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Histoire

Sujet : Les raisons de la chute de Sparte (IV°s)
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SNES-Man
Niveau 6
12 novembre 2019 à 15:31:32

Dans le sujet sur les 300 des Thermopyles https://m.jeuxvideo.com/forums/42-59-61145314-1-0-1-0-pourquoi-leonidas-n-a-pris-que-300-hommes-pour-aller-combattre-aux-thermopyles.htm, j'essaye d'expliquer en quoi l"hippeis" devaient correspondre sûrement à la classe haute des homoioi, que cette appellation devait dater d'avant les réformes de Lycurgue et que le nom est resté, preuve que malgré les réformes une haute classe dominait toujours la cité.
J'essaye d'expliquer aussi en quoi ces hippeis devaient former les 100 gardes du coprs du "bataillon du roi" qui entouraient le roi de Sparte à chaque bataille.
On le sait : tous les auteurs antiques avaient une admiration sans bornes pour Lycurgue et ses réformes qui soit-disant avait établi un système égalitaire entre citoyens, le seul de toute la Grèce. Ils l'admiraient car il avait établi un régime communiste en fait où aucun citoyen n'était censé être supérieur à un autre, où la fortune devait être égale entre citoyens afin que l'harmonie règne.
Mais, en réalité ce qu'admiraient par-dessus tout les auteurs antiques était la puissance militaire de Sparte jamais égalé pendant plus de 500 ans disent-ils jusqu'à Leucrtes (371), donc en 871 et 371.
Lycrugue en effet en plus d'instaurer un système communiste égalitaire, avait instauré un système austère et anticapitaliste : les monnaies étrangères étaient interdites, la monnaie de Sparte n'était pas frappée en argent ou en or, ni même en bronze, mais en fer, et pour lui ôter toute valeur marchande on le tremper dans le vinaigre.
Ainsi, pendant des années nous explique Plutarque, aucune aristocratie marchande n'a pu se développer à Sparte. Les homoioi n'étaient que des paysans dont la richesse étaient le rendement de leurs champs de blé.
Mais alors, comment expliquer les troubles de Sparte au début du IV° s., avant Leuctres ?

En effet, dès 397, l'année de la prise de pouvoir d'Agésilas, Sparte doit contrer une tentative de coup d'Etat communiste, la fameuse révolte de Cinadon. Les auteurs anciens ont été nombreux à essayer de nous expliquer les raisons de cette affaire. Xénophon explique qu' "il ne voulait être au-dessous de personne à Lacédémone" et qu'il ne faisait pas partie de la classe des homoioi, autrement dit il faisait partie des classes inférieures, sans préciser laquelle. Sans doute était-il un homoioi déclassé ou issu d'une famille d'homoioi déclassée, qui voulait revenir au temps de Lycurgue et refaire une réforme des terres comme l'avait fait Lycurgue, remettre les compteurs à zéro en fait.

Plutarque nous dit que Lycurgue distribue les terres équitablement entre 9.000 Spartiates et que ces lots doivent être légué au fils. Ainsi, si un homoioi avait plusieurs fils, indubitablement, un seul lui succdéait comme homoioi et ses frères étaient déclassés et passaient dans les classes inférieures. C'était déjà un système égalitaire qui créait des inégalités et donc de la rancoeur au sein des homoioi et au sein de leurs propres famille en fait...
Lycurgue avait fait de son mieux, mais le système n'était pas parfait. Tout du moins pouvait-on espérer qu'en maintenant le chiffre de 9.0000 homoioi, il y aurait de quoi tenir tête aux centaines de milliers d'autres habitants de la Laconie et de la Messénie voisines.

Xénophon lui nous dit que dans les années 370 les homoioi ne sont plus que 1.200. On se rend compte du phénomène de concentration des terres à Sparte entre Lycurgue et la bataille de Leuctres. Le corps des homoioi ets passé de 9.000 à 1.200 personnes... quasiment 10 fois moins... Comment s'étonner alors des tentatives de révolution de Cinadon et des autres ? Même un nationaliste spartiate pouvait difficilement ne pas soutenir une telle révolte... d'où le sentiment d'effroi de la classe dirigeante uand on leur apprend le complot de Cinadon. Il eut suffi que quelques milliers de déclassés se soient unis pour pouvoir facilement renverser le pouvoir établi. Il fallait donc être prudent et éliminer discrètement les leaders de la révolte. C'est ce que firent les éphores et Agésilias en faisant disparaitre Cinadon et les autres.

Mais qui était cette classe dirigeante ? Les éphores, bien entendu, les rois bien entendu, mais aussi les hippeis. Cette classe dont le nom avait subsisté après les réformes de Lycurgue, qui avait été censé être éliminé par la réforme de Lycurgue, mais dont on voit bien que non seulement elle a subsisté mais qu'elle a aussi réussi à reprendre de plus en plus de pouvoir au fil des ans à Sparte.
Sans doute sont-ils ceux qui ont concentrer les terres au début du IV° s.

Mais comment sont-ils arrivés à concentrer les terres alors que Lycurgue avait expressément interdit une telle pratique ?! Lycurgue avait ordonné que chaque homoioi lègue à son fils sa terre. Ainsi, on aurait du trouver 9.000 homioi à Sparte dans les années 370 et non 1.200 comme nous le dit Xénophon.

C'est Plutarque qui nous donne la réponse. Il nous explique, dans sa vie d'Agis, qu'après la victoire sur les Athéniens en 404, il s'est produit quelque chose de terrible à Sparte. Un citoyen certainement issu de la classe des hippeis, de la classe supérieure de Sparte, a instigué une réforme alors qu'il était éphore, une réforme aussi inique qu'injuste et qui allait marquer la fin de la domination de Sparte tout comme la fin du système égalitarien inspiré de Lycurgue.

Laissons la parole au Béotien :

La première cause de la corruption et de l'état de langueur où était tombée la république de Sparte remontait au temps où, après avoir détruit le gouvernement d'Athènes, elle apporta dans ses murs l'or et l'argent qu'elle avait trouvés dans cette ville; cependant comme on avait conservé le nombre des héritages dont Lycurgue avait réglé la division, et que chaque père transmettait sa part à son fils, le maintien de cet ordre et de cette égalité avait rendu moins funestes les atteintes portées à l'ancien gouvernement.

Mais un Spartiate puissant, nommé Épitadée, homme fier et opiniâtre, qui avait eu un différend avec son fils, ayant été nominé éphore, fit une loi qui permettait à tout citoyen de laisser sa maison et son héritage à qui il voudrait, soit par testament, soit par donation entre-vifs. Épitadée ne publia cette loi que pour satisfaire son ressentiment particulier : mais les autres l'acceptèrent; et en lui donnant leur sanction par des motifs d'avarice, ils renversèrent la plus sage de leurs institutions. Les riches acquirent tous les jours sans bornes, en dépouillant de leurs successions les véritables héritiers; et les richesses étant devenues le partage d'un petit nombre de citoyens, la pauvreté s'établit dans Sparte, en chassa les arts honnêtes, qu'elle remplaça par des arts mercenaires, et y fit entrer avec elle la haine et l'envie contre les possesseurs des héritages d'autrui. Il ne se trouvait pas dans la ville plus de sept cents Spartiates naturels, dont cent à peine avaient conservé leurs héritages : tout le reste n'était qu'une multitude indigente, qui, languissant à Sparte dans l'opprobre, et se défendant au dehors avec mollesse contre les ennemis qu'elle avait à combattre, épiait sans cesse l'occasion d'un changement qui la tirât d'un état si méprisable.

Voici donc comment la plus grande puissance de Grèce s'effondra en quelques années seulement... sous le couvert d'une réforme anodine parce qu'un éphore ne s'entendait pas avec son fils et que les riches voulaient être toujours plus riches.
C'est une leçon que toute grande puissance devrait méditer. On ne fait pas sa grandeur en enrichissant les plus riches et en appauvrissant le plus grand nombre.

Ce qui peut être intéressant de faire, c'est de comparer les raisons effectives de la chute de Sparte (qu'on vient de voir) et les oracles spartiates qui prédisaient la chute de la ville.
C'est là que le règne d'Agésilas est central.
En effet, peu avant la conspiration de Cinadon, le roi Agésilas monta sur le trône. Or, Agésilas n'était pas le fils du précédent roi, mais son frère. Il y eut donc un débat à l'assemblée de Sparte : devait-on choisir comme successeur Agséilas le frère ou Léotychidas le fils du précédent roi ?
Plutarque et Xénophonn nous ont laissé trace des débats. Léotychidas réclamait la couronne en tant que fils du roi ; mais Agésilas répondait que Léotychas n'était pas le véritable fils d'Agis, qu'il était le fils d'Alcibiade l'Athénien. En effet, Léotychidas avait été renié par son père Agis tout au long de sa vie. Seulement sur son lit de mort il avait décidé de le reconnaître.
Celui qui allait faire la différence était l'oracle qui prévenait Sparte qu'un roi boiiteux ferait perdre l'hégémonie à sa cité.
Les débats continuèrent, car les partisans d'Agésilas prétendaient que le biteux était Léotychidas puisqu'il n'avait du sang royal que par sa mère et que donc il lui manquait "une jambe royale" par son père. Léotychidas rappelait que le boiteux était Agésilas qui était effectivement boiteux... il avait une jambe plus courte que l'autre et qui le faisait boiter.

L'assemblée a finalement tranché en faveur d'Agésilas, le roi boiteux.
La prophétie pouvait se réaliser. C'est sous le règne d'Agésilas que Sparte allait chuter. Les Spartiates s'étaient trompés. Quant à savoir si Léotychidas était véritablement le fils d'Agis ou d'Alcibiade on ne le sait toujours pas. Toujours est-il que son père l'avait reconnu avant sa mort, que sa mère Témaia a toujours prétendu qu'il était le fils d'Agis. Mais, la rumeur disait qu'il était né 10 mois après que Agis se soit éloigné de Témaia, et 9 mois après le passage d'Alcibiade à Sparte... Alors ?

tigresauvage
Niveau 9
12 novembre 2019 à 19:04:14

Thème très intéressant.

Sparte réussit à repousser Pyrrhos mais elle n'était que l'ombre d'elle-même à ce moment-là. Les règnes d'Agis et de Cléomène redonnèrent de l'éclat à la cité. Malheureusement pour l'Hellade, la situation avait évolué vers une oligarchisation de la société. La ligue achéenne très aristocrate se fit écraser par Sparte et de peur de voir une contagion de l'idée de redistribuer les terres, elle appela son ancien ennemi la Macédoine à qui elle promit Corinthe. Antigone Doson sauta sur l'occasion.

SNES-Man
Niveau 6
13 novembre 2019 à 03:20:03

J'aime bien explorer le champ des mentalités et des représentations des événements chez les contemporains.
Si on suit Plutarque et Xénophon, tout Spartiate pourra mettre sur Agésilas le boiteux la raison de la perte de l'empire.

Mais si on lit Diodore, il a une remarque intéressante dans son 15ème livre pour l'année 372 :

Les signes du ciel annoncèrent cette année aux Lacédémoniens la perte de l'empire de la Grèce qu'ils avaient possédé pendant cinquante ans. On vit plusieurs nuits de suite une lumière ardente qu'on appela la poutre enflammée. Et en effet dans peu de temps les Spartiates seront vaincus, malgré toutes les apparences contraires, dans-un combat où ils perdront sans retour le commandement et la supériorité dont ils avaient joui jusqu'alors. [3] Quelques physiciens rapportaient ce phénomène à des causes naturelles ; ils prétendaient que ces apparitions avaient des retours réglés et que les Chaldéens de Babylone et d'autres astrologues en faisaient des prédictions immanquables. Qu'ainsi, au lieu de s'étonner de ces sortes de spectacles, ils seraient extrêmement surpris que la période éternelle et constante de tout ce qui se passe dans la nature ne les ramenât pas dans les temps déterminés. Au reste ce phénomène était d'une si grande clarté que pendant la nuit il formait des ombres à peu près semblables à celles de la lune.

Diodore parle d'une hégémonie "de 50 ans", quand Xénophon et Plutarque parlent de 500 ans ! Simple erreur d'un zéro... Soit il a fourché, soit il a vraiment pensé que l'hégémonie spartiate commence en 421, la paix de Nicias. Or, on sait que c'est Sparte qui dominait la Grèce au V° siècle, et déjà avant 421. Que seuls les Athéniens par leur force maritime sont arrivés à les défier, avant de perdre après une guerre de quasiment 50 ans....Passons.

Il parle ensuite d'une comète qui traverse le ciel et l'illumine la nuit pendant plusieurs jours. C'est là nous dit-il le signe envoyé par les dieux pour signifier qu'un événement grave et funeste va se produire : Sparte va chuter. Diodore fait ce lien, mais les contemporains l'ont-ils fait ? Xénophon était un contemporain, il n'en parle pas. Mais Xénophon était sans doute peu pressé d'indiquer que la chute de Sparte avait été voulu par les dieux, lui qui était si pieux et qui accordait tant d'importance aux augures.

Ce qui m'étonne également c'est le fait que Diodore ou un autre n'ait pas mis en relation la pire catastrophe naturelle que la Grèce ait connu, dixit Diodore : la submersion de Hélika et Buté, des villes côtières du nord du Péloponnèse :

Dans cette année tout le Péloponnèse fut désolé par des inondations prodigieuses et d'effroyables tremblements de terre qui détruisirent et les villes et les campagnes. Les histoires ne faisaient point mention d'un si terrible fléau à l'égard de la Grèce. Des villes entières furent abîmées avec tous leurs habitants et la colère des dieux semblait annoncer la perte du genre humain. [2] Le temps même où les tremblements de terre se faisaient sentir les rendait encore plus affreux. Ils n'arrivaient jamais pendant le jour, où les citoyens des villes auraient pu se prêter quelques secours les uns aux autres. Ce désastre était toujours réservé pour la nuit où les maisons se renversaient en grand nombre et où les hommes toujours surpris dans les ténèbres, ne savaient par où se sauver eux-mêmes. [3] La plupart demeuraient ensevelis sous les pierres et quelques-uns que le hasard avait sauvés jusqu'au jour, en voulant se jeter alors hors de leurs portes tombaient dans un inconvénient qui n'était pas moins terrible : car la mer s'élevant prodigieusement venait les engloutir dans leurs maisons mêmes. Cet accident particulier aux villes maritimes, arriva en effet dans deux villes de l'Achaïe, Hélicè et Buta, dont la première avait eu avant ce malheur une très grande réputation dans cette province du Péloponnèse. [4] Quelques physiciens ont mieux aimé chercher la cause nécessaire et naturelle de ce phénomène, que de le regarder comme un effet particulier de la colère des dieux. Mais les hommes religieux ont présente aux impies dans cet exemple des preuves très vraisemblables de la vengeance céleste : nous tâcherons de les rapporter exactement.

Diodore e donne la raison suivante : les habitants d'Héliké et Buta avaient refusé l'accès de leur sanctuaire à Poséidon aux envoyés des Ioniens. Neptune/Poséidon les punit donc en provoquant un raz de marée engloutissant les deux villes.

Ceux d'Hélicè, irrités d'une pareille condescendance, se jetèrent sur les hardes et sur tout le bagage des députés ; mettant dans les fers leurs personnes mêmes quoique revêtues d'un titre sacré, ils offensèrent grièvement la divinité dans ses ministres. [4] C'est pour cela, dit-on, que Neptune irrité châtia les deux villes coupables par des tremblements de terre et par des inondations extraordinaires. Or que cette punition vienne immédiatement de Neptune, on en allègue pour preuve que ce dieu est particulièrement arbitre de ces deux fléaux et que d'ailleurs le Péloponnèse a toujours été regardé comme son habitation propre : que ce pays lui est singulièrement consacré et que la plupart de ses villes lui rendent plus d'honneurs qu'aux autres dieux.

Diodore nous dit bien qu'il s'agit de la plus grande catastrophe naturelle jamais connue en Grèce. Il ne connaissait pas la catastrophe du Santorin ou Théra, bien entendu.
Mais ce qui est étonnant c'est qu'il ne voit pas là un avertissement à la puissance dominante du Péloponnèse (Sparte) quant à son comportement inique envers les autres Grecs. Or, la divinité du Péloponnèse était Poséidon. Et tous les auteurs antiques blâment Sparte d'avoir maltraité les cités soumises.
Pourquoi Diodore ne fait pas le lien ? On le remercie en tout cas de parler de la catastrophe, car là encore Xénophon n'en touche mot. Plutarque non plus n'en touche mot. Chose plus étrange car si on comprend que Xénophon n'est pas pressé de décrire ses amis spartiates châtiés par les dieux, on comprend moins que le Béotien Plutarque ait des scrupules à ce sujet.
Seul Diodore nous en parle, et avec lui Pausanias.

Ce fut par un tremblement de terre de cette espèce qu'Hélice fut détruite de fond en comble : à ce malheur s'en joignit, à ce qu'on dit, un autre qui survint dans l'hiver ; la mer couvrit la plus grande partie du pays, entoura Hélice tout entière, et s'éleva tellement qu'on ne voit plus que le sommet des arbres du bois consacré à Neptune. La terre s'étant mise à trembler de nouveau, et la mer joignant à cela ses ravages, Hélice avec tous ses habitants fut ensevelie sous les flots.

Pausanias nous décrit plus en détail ce qu'il s'est passé et décrit 3 étapes :
-1er séisme en été
-2ème séisme avec inondation en hiver
-3ème séisme avec raz de marée en hiver

Il décrit ensuite le désastre survenu à Bura :

Lorsque les dieux firent disparaître la ville d'Hélice, Bura éprouva des secousses de tremblement de terre si violentes, que même les anciennes statues des dieux ne restèrent pas dans les temples. 9. Quant aux habitants, il ne survécut que ceux qui étaient absents, soit à cause de la guerre, soit par quelque autre raison, et ils fondèrent Bura une seconde fois.

Bura ne fut donc touché que par les séismes, pas les raz de marée.

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