Je ne suis pas un spécialiste du féminisme et de toutes ses subtilités, mais je me considère féministe d’une manière très générale. Je me sens proche de personnes comme Elisabeth Badinter (féminisme universaliste). Mon propos va consister à contextualiser le féminisme, ses différents courants et les avancées qu’il a permises (I), puis à identifier certains obstacles restants pour l'égalité des sexes et les pistes de solution (II).
(I) Le féminisme a permis de progresser vers l’égalité des sexes, mais ce mouvement est aujourd’hui divisé sur les objectifs et les moyens pour progresser dans cette égalité
(I.A) Le féminisme et les féminismes
Le but du féminisme est d’instaurer l’égalité entre les hommes et les femmes. Cette égalité se conçoit de différentes manières (politique, économique, culturelle, personnelle, sociale et juridique). Être féministe, c’est revendiquer les mêmes droits et devoirs pour les hommes et les femmes (féminisme libéral), mais aussi revendiquer une égalité sociale. Par exemple, le système électoral peut très bien avoir les mêmes règles pour les hommes comme pour les femmes, mais le système existant peut avoir un tel poids en faveur des hommes que l’égalité juridique ne se traduit pas dans les faits. À ses débuts, le féminisme s’est concentré sur la conquête des mêmes droits que ceux des hommes, ce qui faisait consensus au sein du mouvement.
Cependant, le féminisme n’est pas un bloc homogène. Les féministes divergent entre eux sur la définition même de l’égalité et les moyens de l’atteindre. Certains féministes voient par exemple l’égalité des hommes et des femmes dans la reconnaissance de leurs différences, alors que d’autres plus universalistes voient l’égalité dans l’abstraction de ces différences. Aujourd’hui, il n’y a donc pas un féminisme, mais des féminismes.
Plusieurs antagonismes traversent aujourd’hui le féminisme, notamment :
- l’essentialisme ou non : les femmes seraient par essence différentes des hommes
- le différentialisme ou non : l’égalité des droits devrait se traduire par des droits équivalents et non une stricte égalité du fait de différences entre les sexes
- le séparatisme ou non : les femmes devraient s’isoler des hommes
- l’abolition de la prostitution ou non : il faut contraindre ou non la sexualité des hommes
(I.B) Les progrès réalisés par le féminisme
Sans être exhaustif, le féminisme libéral l’a largement emporté en France avec la conquête pour les femmes des différents droits qu’avaient les hommes (éducation comme les hommes, droit de vote, compte en banque, divorce…) et la conquête de leur propre corps (contraception, IVG...).
Sous l’influence des féministes américains, le viol et certaines violences ont été reconsidérées. Le viol n’est plus un simple « attentat à la pudeur », mais une « agression sexuelle » dans le code pénal de 1992 qui reconnaît aussi le harcèlement sexuel.
Au 20ème siècle, les progrès ont été considérables. Depuis les années 90, il semble y avoir eu très peu d’avancées spectaculaires en dépit de gesticulations médiatiques de tel ou tel mouvement féministe. Je ne souhaite pas rentrer ici dans des querelles de chapelles. Je vais donc me focaliser sur les inégalités qui peuvent à mon sens faire consensus aujourd’hui et sur les moyens dont elles peuvent être traitées.
(II) Pour les féministes universalistes, la persistance de certaines inégalités nécessitent d’aller plus loin
(II.A) Les inégalités encore présentes
Certains pourraient penser que le féminisme est devenu sans objet aujourd’hui. Je vais présenter ici différentes inégalités qui sont toujours présentes dans notre société. Elles ne couvrent pas tout le spectre des inégalités, d’autres exemples sont documentés ici https://antisexisme.net/articles-par-categorie/ D’ailleurs, certaines inégalités concernent plus particulièrement les hommes (alcoolisme, SDF...).
(II.A.1) Les inégalités au travail
Selon la DARES http://dares.travail-emploi.gouv.fr/IMG/pdf/2015-082.pdf une fois qu’on met de côté les différents biais (les métiers exercés majoritairement par les femmes, le temps partiel…) la discrimination pure se traduirait par une différence de salaire de 10 % entre les hommes et les femmes. À cela s’ajoutent le fait que les métiers « féminins » sont moins bien rémunérés que les autres et le fait que les femmes sont plus souvent en bas de l’échelle des salaires alors même qu’elles sont d’une manière générale plus diplômées https://www.inegalites.fr/Femmes-hommes-a-diplomes-egaux-salaires-inegaux?id_theme=22
(II.A.2) Les inégalités à l’école
La répartition entre les filières reste très sexuée http://cache.media.education.gouv.fr/file/2017/23/5/depp-filles-et-garcons-2017_727235.pdf À niveau de réussite égal ou même supérieur, les filles choisissent moins souvent des filières sélectives. Il y a beaucoup moins de filles qui deviennent ingénieures, alrs que les filles ont plus de mention TB au bac que les garçons.
Ces différences peuvent s’expliquer socialement par un sexisme inconscient des enseignants et des parents https://antisexisme.net/2011/03/26/le-sexisme-inconscient-des-enseignants-detournent-les-filles-des-filieres-scientifiques-partie-1-teachers%E2%80%99-unconscious-sexism-makes-girls-to-turn-away-from-scientific-subjects-part-1/#more-120 et par une intériorisation des stéréotypes par les élèves elles-mêmes https://antisexisme.net/2011/04/07/effet-pygmalion-les-dangers-des-stereotypes-et-des-preconcus-pygmalion-effect-the-dangers-of-stereotypes/
(II.A.3) Les inégalités à la maison
En 2010, les femmes consacrent 3 heures et demi pour les tâches domestiques contre 2 heures pour les hommes. Entre 1999 et 2010, le temps consacré par les hommes n’a pas bougé. Pour les femmes, celui-ci a été diminué de 22 minutes
https://www.inegalites.fr/L-inegale-repartition-des-taches-domestiques-entre-les-femmes-et-les-hommes?id_theme=22
(II.B) Les pistes pour réduire les inégalités
Alors que le droit a été corrigé, ces inégalités perdurent dans notre société. Accorder les mêmes droits juridiques ne suffit pas.
(II.B.1) Mesurer les politiques publiques à la lumière des différences hommes/femmes
Une première chose à prendre en compte pourrait être de mesurer l’effet de certaines politiques publiques vis-à-vis du sexe des bénéficiaires. L’espace public est par exemple dominé par les hommes et les budgets publics dans ce domaine leur sont majoritairement destinés http://www.parite-38.org/wp-content/uploads/2014/11/femmes-espace-public.pdf C’est très bien de construire des skateparks et terrains de pétanque, mais il faut aussi construire des équipements qui servent aux autres. Le raisonnement n’est pas différent de certaines interrogations qui se font dans le domaine de la culture (pourquoi construire des équipements culturels qui ne bénéficient qu’aux classes supérieures ?).
(II.B.2) Pour une répartition égalitaire pour le congé parental et la garde du jeune enfant
L’arrivée d’un enfant semble être un moment charnière. Les hommes prennent trop peu de congé parental et celui-ci est trop court. Ce qui peut en partie s’expliquer par les différences salariales entre les hommes et les femmes… Une solution qui a un coût, serait de mieux prendre en compte le salaire de la personne pour la rémunération du congé parental afin d’inciter les hommes à utiliser leur congé parental. À cela, on peut ajouter un découpage du congé parental en alternant des périodes de garde (3 mois pour la femme, puis 3 mois pour l’homme…).
(II.B.3) Les inégalités salariales
Pénicaud préconise la concertation pour réduire les inégalités dans ce domaine à l’horizon 2022. Je ne fétichise pas une méthode particulière, mais si besoin on peut aussi contraindre les entreprises par la loi comme en Islande https://www.la-croix.com/Economie/Monde/Legalite-salariale-desormais-obligatoire-Islande-2018-01-03-1200903366
Références
Badinter, Elisabeth. Fausse route : Réflexions sur 30 années de féminisme, 2003 (ISBN 2-253-11264-X)
Renard, Noémie http://antisexisme.net ISSN 2430-5812