L'homme veut être reconnu. Il veut que les autres l'aiment et le respectent. Mais pour obtenir cette reconnaissance il doit lutter. Tout dans la vie oppose une résistance qu'il faut vaincre. Le désir de reconnaissance est une source de conflit. Fondamentalement, la sociabilité repose sur un désir égoïste. Dans cette lutte pour la reconnaissance, il y a des perdants et des gagnants, des inférieurs et des supérieurs. L'homme a du se différencier des autres hommes pour être reconnu par eux. Le désir de reconnaissance pousse ainsi les hommes à se différencier.
Mais l'homme ne veut pas seulement être reconnu par les autres, il veut aussi pouvoir se reconnaître en eux. Cette différence entre les hommes empêche l'homme de se reconnaître dans les autres. L'homme supérieur (que ce soit sur le plan intellectuel, physique ou en terme de richesses) est dégoûté par l'homme inférieur. Il voit en lui son contraire. Et, se projetant en lui, voit son humanité associée à une existence indigne. Cet autre, c'est lui, et en même temps ce n'est pas lui. Alors il veut le changer ou le détruire, comme dieu dans la bible, qui voit la perversion des hommes et tente de les détruire à plusieurs reprises. Ou encore il peut les pousser à la révolte, il veut voir les esclaves libres pour pouvoir se reconnaître en eux mais les esclaves qui ont accepté leur esclavage sont fondamentalement différents de l'homme libre. Entre eux, un fossé existe que rien ne peut combler. Cette volonté d'être libre, la majorité des esclaves ne la partage pas. Ils prétendent ne pas aimer leur condition mais détestent encore plus tous ceux qui veulent les libérer de cette exploitation. Car cette exploitation est désormais le sens de leur vie, et ils sont bien incapables d'en imaginer une autre.
De même l'homme inférieur est dégoûté par l'homme supérieur. Il le voit comme une insulte à sa propre existence, et la jalousie le dévore. Alors il s'empresse de vouloir le ramener à son niveau pour pouvoir enfin se reconnaître en lui.
Ainsi, l'égo a poussé les hommes à lutter pour la reconnaissances d'autrui, à se différencier. Dans cette lutte, il s'agissait de détruire la résistance de l'autre. L'égo déploie ainsi sa haine de l'autre pour le forcer à montrer du respect.
Mais cette différence fait que l'homme ne peut plus se reconnaître lui-même en l'autre. L'homme inférieur et l'homme supérieur sont des étrangers et à nouveau ils se haient, mais cette fois parce qu'ils n'arrivent plus à se reconnaître en l'autre.
Cette contradiction, c'est donc celle entre notre désir de reconnaissance (vouloir être respecté par l'autre) et notre désir de nous reconnaître en l'autre. La différence et l'identité alternent ainsi, et l'homme n'est satisfait ni de l'égalité ni de l'inégalité. Il veut obtenir le respect de l'autre et donc être au-dessus mais veut aussi voir l'autre à son niveau.
Cette lutte de l'égo avec lui-même est la source de toutes les haines et ne trouve sa solution que dans la fin de ce désir de reconnaissance.
Si l'homme a besoin d'être reconnu, c'est l'aveu que son égo est trop faible pour se reconnaître lui-même. S'il a besoin de reconnaître les autres en lui-même, c'est parce que son égo est blessé par l'image que les autres lui renvoient de lui-même.