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Savoir & Culture

Philosophie

Sujet : J'aimerais savoir
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Pseudo supprimé
Niveau 10
17 novembre 2018 à 20:00:08

Bonsoir.

Récemment, il m'est venu une réflexion. J'aime beaucoup la philosophie, depuis le lycée. J'ai découvert ses grands représentants, ses idées fondatrices, révolutionnaires, parfois les deux en même temps. Puis, à l'âge où le parcours étudiant est un chaos sans fin pour certains, j'ai passé une année en licence de philosophie, sans but précis de carrière mais pour, au moins, apprendre et réfléchir pendant une année.

Et quelle déception. Ce qui m'avait le plus déçu, à l'époque, c'était l'incapacité des professeurs et autres étudiants à sortir de la citation apprise à la fac. Au lycée, mon professeur ne nous citait pas toujours des auteurs ; non, il nous amenait à discuter entre nous, afin de débattre sur des sujets philosophiques. Ou du moins, des sujets rationnels qui impliquaient un débat emprunt de réflexion sur l'essence des choses.

J'ai assisté à tout le contraire à l'université. Dès qu'un étudiant posait une question, ça nous citait du Platon, du Marx, du Bergson, en passant par Freud ou Epicure. J'ai aguisé ma culture en termes d'auteurs et d'oeuvres, c'est certain. Mais jamais, dans le cadre "professionnel", je n'ai aussi peu réfléchi et échangé avec les autres.

Ce qui m'amène à cette réflexion : pourquoi est-ce souvent le cas ? Pourquoi la philosophie devrait-elle être définie, sans arrêt, par ses têtes pensantes ? "L'amour du savoir", certes, nécessite des bases solides, qui trouvent leur nature dans des textes. Mais la réflexion partant de soi est-elle à l'agonie, voire morte ?

SyeTen
Niveau 9
17 novembre 2018 à 20:18:03

Si on transpose ce que tu dis pour la philo aux autres matières on se rend vite compte de l'absurdité de ta proposition. Entendrais-tu parler avec autant d'autorité sur l'économie en tant qu'amateur que les économistes eux-mêmes ? Pourquoi ce serait différent avec la philo ? Il est normal que la citation de références soit importante et encore, en philo on te laisse pas mal de champ libre

Philocuck
Niveau 7
17 novembre 2018 à 20:31:02

Ce qui m'amène à cette réflexion : pourquoi est-ce souvent le cas ? Pourquoi la philosophie devrait-elle être définie, sans arrêt, par ses têtes pensantes ? "L'amour du savoir", certes, nécessite des bases solides, qui trouvent leur nature dans des textes. Mais la réflexion partant de soi est-elle à l'agonie, voire morte ?

Parce que faut bien idolâtrer tes maîtres ?

Cizal
Niveau 7
17 novembre 2018 à 20:34:41

Parce que le rôle de l'éducation est de te mettre les gens à la page
On croit à tort, en arrivant au lycée, qu'on va philosopher ; c'est faux. On va apprendre la philosophie, de la même manière qu'on n'écrit pas de livres en français, on les lit.

NigerMan
Niveau 5
17 novembre 2018 à 20:43:22

Tu poses des questions intéressantes. Je pense que cela s'étend au milieu universitaire en général. Là-bas, on s'appuie conventionnellement sur les arguments des autres, en utilisant la plupart du temps des citations et des références, annonçant les allégeances et déclarant les adversaires. La pensée originale peut se révéler dangereuse. Les interprétations originales sont acceptables, mais elles gagnent en acceptabilité du fait d'être plantées dans un sol de références à d'autres académiciens (afin de pouvoir être comprises comme appartenant à une ou plusieurs écoles de pensée). Et souvent, il y a peu ou pas d'évaluation de la qualité de l’érudition.

En tant que penseur amateur, je suis moins impressionné par la citation pour le plaisir de citer que par la logique et les preuves solides. J'ai sûrement un problème avec l'autorité, mais je trouve surtout la logique et les preuves plus fiables que l'autorité. D'après mon expérience, les universitaires préfèrent souvent l'autorité aux preuves et à la logique. Elle fait partie de la dynamique tribale du monde universitaire, particulièrement dans les domaines qui ne s'appuient pas beaucoup sur des arguments fondés sur des données probantes (comme les sciences humaines).

Cizal
Niveau 7
18 novembre 2018 à 01:31:58

(comme les sciences humaines).

C'est ce que j'allais dire, la mode récente c'est de détourner le système universitaire de réseau de citations en produisant des papiers-poubelle dans les sciences humaines et les faisant valider par des chercheurs-poubelle

Jusque-là le système par l'autorité était plutôt solide, mais cette faille va faire beaucoup de dégâts parce que si le système marchait, c'est parce qu'il restait des gens intelligents pour valider le travail, alors que maintenant, on peut (et on tend à) complètement dégager les gens intelligents, vu qu'ils gênent quand il s'agit de produire du mensonge, et les abrutis et les idéologues politiques suffisent à faire tourner la machine de validation des thèses

Ce qui fait qu'on va vers des changements profonds, soit de la société (pour le pire), soit des universités (et de l'éducation en général) pour éviter que ça n'arrive

NigerMan
Niveau 5
18 novembre 2018 à 02:29:23

on peut (et on tend à) complètement dégager les gens intelligents, vu qu'ils gênent quand il s'agit de produire du mensonge, et les abrutis et les idéologues politiques suffisent à faire tourner la machine de validation des thèses

Dans mes années académiques, je me sentais également lassé de l'utilisation des "mots de pouvoir" néologistes dans la philosophie postmoderne et la théorie littéraire. En tant qu'écrivain, je me suis offusqué de la façon dont des termes abstraits compliqués étaient inutilement substitués à des termes plus concrets et descriptifs. Et en tant que psychologue amateur, j'ai noté et trouvé problématique l'effet psychosociologique que l'utilisation de ces mots de pouvoir avait. À savoir, ils avaient tendance à créer des suiveurs sectaires d'acolytes qui méprisaient tous ceux qui n'utilisaient pas et n'admiraient pas leurs mots de pouvoir. Mais, lorsqu'ils étaient sollicités, ces acolytes ne pouvaient souvent pas donner une définition claire des termes et des théories qui les sous-tendent. Même les acolytes les plus haut placés (sans parler des philosophes eux-mêmes, qui ont été jugés au-dessus d'une telle révélation) ne pouvaient pas expliquer clairement leurs théories en vogue et termes préférés à un non-croyant bien éduqué.

Je me souviens de Noam Chomsky qui, un jour, a critiqué de la même façon les théoriciens postmodernes universitaires. Il a essentiellement dit, soit qu'ils sont tellement plus intelligents que moi que je suis incapable de les comprendre, soit qu'ils racontent de la merde ... et comme je suis une personne relativement intelligente et très instruite, les chances sont plus élevées que la deuxième affirmation soit vraie et non la première.

Dyck
Niveau 10
18 novembre 2018 à 02:52:09

Décidément y'a que des écrivains ici https://image.noelshack.com/fichiers/2018/29/6/1532128784-risitas33.png

SergentPoivre
Niveau 10
18 novembre 2018 à 11:20:55

Je comprend cette frustration et ce n'est pas pour moi la meilleure méthode.

Il y a ce paradigme avec les pures théoriciens d'un coté ("il faut apprendre toute la théorie avant de pratiquer"), les pures praticiens de l'autre ("ça ne sert à rien d'apprendre la théorie, on va directement dans le tas, on apprend de ses erreurs, on pratique l'essentiel, on est directement plus performant, pas besoin de grande connaissance pour pratiquer") et des gens entre les deux.

matrisK
Niveau 10
18 novembre 2018 à 12:07:18

Homme du Niger, la philosophie n'est pas une science, la logique ne résout pas tout (je pourrais même aller jusqu'à dire qu'elle est l'ennemie de la pensée originale, voire de la pensée tout court, mais je n'en ferai rien), surtout en ce qui concerne les questions fondamentales, c'est-à-dire métaphysiques, où les preuves sont liquides, mais peut-être entre-t-on là davantage dans le domaine de l'art

NigerMan
Niveau 5
19 novembre 2018 à 00:23:59

Neo dyslexique, pourquoi toute cette aversion pour un outil aussi utile que la recherche scientifique ?

Pour nous, la science est devenue un être incarné qui se comporte un peu comme notre ombre collective. Elle nous exaspère. Nous méprisons son étroitesse d'esprit. Elle est névrosée, rabougrie, elle vénère le mauvais dieu. Elle manque de lumière et de transcendance. Mais la science n'est pas plus un état d'esprit que la religion, les affaires, la politique ou l'activisme ne le sont. En outre, la science est essentiellement une méthode d'observation et non une doctrine religieuse de croyance. L'un des principes fondamentaux de la méthode scientifique est de rechercher une perspective détachée de celle qui est observée, de ne pas être en participation avec elle, de connaître l'objet de l'observateur.

Le détachement scientifique ne signifie pas nécessairement ne pas se soucier de ce que l'on observe ou ne pas s'investir dans la recherche ou la création. Cela signifie simplement que tu essayes de reconnaître tes propres contributions égoïques (y compris ton ombre, autant que possible) et que tu essaies d'ajuster ton observation pour tenir compte de tes propres empreintes égoïques. Un meilleur mot pour l'observation scientifique que le terme détachement serait conscience de soi. Et l'implication de cette conscience de soi est celle d'un fardeau éthique. Nous nous détachons pour ne pas transgresser ou contaminer ce que nous observons.

matrisKK
Niveau 10
19 novembre 2018 à 09:08:12

Oui mais tu réponds à côté de la plaque, on parle de philosophie là

Jooord
Niveau 10
19 novembre 2018 à 10:18:18

Comme dit SergentPoivre, il faudrait un juste milieu et certainement qu'on va s'en approcher mais il faut laisser le temps. On a tendance à critiquer les méthodes d'éducation comme si c'était un truc qui datait de plusieurs siècles et que, depuis le temps, on aurait dû apprendre de nos erreurs pédagogiques. Mais non, l'enseignement de la philo ça a quelques dizaines d'années, ce n'est certainement pas suffisant pour en être à un stade ou cet enseignement est parfait.

Ce qui est vieux et date de plusieurs millénaires par contre, c'est le savoir qu'on enseigne, et c'est à ce titre qu'il faut trouver un juste milieu, entre le fait d'avoir à acquérir ces 3000 ans de savoir en quelques années - ce qui est nécessaire car on ne peut pas avancer sans savoir ce qu'ont déjà fait les autres derrières - et le fait d'être capable de produire quelque chose de personnel en s'appuyant sur ces 3000 ans de savoir - ce qui est nécessaire car on ne peut pas avancer en se contentant de reproduire ce que les autres ont fait.

Je trouve que les programmes de philosophie, au moins ceux du lycée, cherchent ce juste milieu en tout cas dans les lignes du Bulletin Officiel, maintenant on sait aussi qu'on a toujours un écart plus ou moins prononcé entre ce qui est faisable avec les programmes et ce qui est réellement fait. Il est clair qu'un prof qui se contenterait de balancer des citations auraient une très mauvaise interprétation du programme d'un point de vue pédagogique, mais ça en resterait une interprétation. A ce titre on voit bien que les programmes sont autant à remettre en question que leur interprétation par les enseignants, et il me semble que c'est ce deuxième point qui est à travailler en priorité quand notre gouvernement semble plutôt vouloir à tout prix travailler sur le premier et laisser le deuxième évoluer de lui-même.

Pseudo supprimé
Niveau 10
19 novembre 2018 à 17:48:55

Toutes vos réponses sont intéressantes, je ne savais que ce forum était à ce point actif ! Pas grand chose à ajouter pour ma part si ce n'est ce que j'ai exposé en début de topic. C'est bien de voir les différents points de vue tout cas (et c'est plus intéressant que les cours, du coup ! :noel:)

NigerMan
Niveau 5
19 novembre 2018 à 20:35:46

Oui mais tu réponds à côté de la plaque, on parle de philosophie là

Qu'est-ce qu'elle a, la philosophie ? :sarcastic:

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Sujet : J'aimerais savoir
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