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Sujet : Héritabilité de l'intelligence et méritocratie
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toto_au_bistro
Niveau 10
27 mars 2020 à 17:30:11

(1) L’héritabilité de l’intelligence

Une étude de 2018 https://research.vu.nl/ws/portalfiles/portal/83594851/Gene_discovery_and_polygenic_prediction_from_a_genome_wide_association_study_of_educational_attainment_in_1.1_million_individuals.pdf évalue le poids de la génétique dans l’intelligence. On appelle “score polygénique” un indicateur qui calcule l’héritabilité d’un trait. L’étude calcule ainsi le score polygénique pour l’intelligence.

Dans l’étude le score polygénique explique 11 % des différences individuelles de réussite scolaire. C’est plus que le critère du revenu du foyer (7%), mais ça reste moins que d’autres critères tels que l’éducation des parents comme on peut le voir sur ce graphique :
https://www.noelshack.com/2020-13-5-1585325580-intelligence1.jpg

Mais on voit assez clairement qu’il y a une relation entre le score polygénique et l’obtention d’un diplôme d’étude supérieure :
https://www.noelshack.com/2020-13-5-1585325580-intelligence2.jpg

Ceux qui dans le premier quintile (les 20 % qui ont le score polygénique le plus faible) sont 10 % à avoir un diplôme universitaire.
Ceux qui dans le dernier quintile (les 20 % qui ont le score polygénique le plus élevé) sont 50 % pratiquement à avoir un diplôme universitaire.

(2) Quelle conséquence de l’héritabilité de l’intelligence sur notre modèle méritocratique ?

Au fond, quel mérite y a-t-il à avoir un diplôme universitaire si c’est déterminé par ses gènes et par l’éducation de ses parents (parents qui ont eux même le bon capital génétique) ? Pourtant, la méritocratie a beaucoup de conséquences. Ceux qui sont intelligents, vont faire des études et vont accéder à des postes plus rémunérateurs et moins fatiguants. Est-ce vraiment juste de répartir les richesses et le capital de cette manière ?

Si on reprend l’expérience de pensée de Rawls avec le voile d’ignorance et qu’on regarde le deuxième tableau. Imaginez que vous avez un dé à 5 faces et que vous allez lancer le dé. Si vous avez un 1, alors vous serez dans le premier quintile et vous aurez statistiquement 10 % de chance d’avoir un diplôme universitaire. Si vous faites un 5, alors vous aurez statistiquement 50 % de chance d’avoir un diplôme universitaire.

Dans la situation où vous ne savez pas quel sera le nombre que vous allez tirer, quelle est pour vous la meilleure règle sur laquelle la société doit se fonder ? Est-ce qu’il ne faut pas prévoir avant de lancer le dé que les gens qui tirent un “1” ne doivent pas être trop pénalisés par ce tirage au sort ? Peut-être qu’il faudrait prévoir un enseignement encore plus intensif pour ceux qui tirent un 1 afin de réduire l’écart avec ceux qui tirent un 5. Peut-être qu’il faudrait plafonner les salaires.

Mais peut-être que c'est le modèle méritocratique même qu'il faudrait contester. D'un côté, on aurait des égalitaristes qui égaliseraient en faisant abstraction des capacités de chacun. La justice ce serait alors de donner un peu la même chose à tout le monde. Et à l'inverse on a ceux qui laisseraient faire la "nature". Pour eux, la justice ce serait de ne pas intervenir et de laisser les gens faire ce qu'ils veulent.

Personnellement, je ne suis dans aucun des extrêmes. Comme Rawls, je pense qu'on doit toujours faire en sorte que les règles qu'on se fixe soient aux bénéfices des plus faibles (maximin). Mais pour le faire, il faut avoir la vue scientifique la plus complète et donc s'il y a du déterminisme génétique il faut le prendre en compte dans nos politiques éducatives.

toto_au_bistro
Niveau 10
27 mars 2020 à 17:37:58

Addendum : j'ai parlé de manière très générale de l'intelligence, mais il s'agit plus particulièrement de réussite scolaire. Ce qui n'est pas la même chose et j'ai pas spécialement envie de me lancer ici dans un débat sur la définition de l'intelligence.

VeyIox
Niveau 10
27 mars 2020 à 17:38:31

Tout le monde jette initialement le même dé à cinq faces, aucun problème donc
Tout ça c'est un peu de la branlette qui se résume à "mais si on part d'un principe déterministe personne ne mérite rien", et la réponse est simple ; on s'en fout, le seul moyen d'organiser la société reste le postulat du libre-arbitre et la méritocratie qui en découle

Il y a certainement moins de problèmes moraux et sociaux à récompenser quelqu'un qui réussit qu'à punir quelqu'un qui réussit (ce que reviennent à faire les postures les plus égalitaires)

Jooord
Niveau 10
27 mars 2020 à 17:43:20

On est d'accord que l'étude part du principe que réussite scolaire = obtenir le diplôme de fin d'étude?

Déjà ce postulat ne me semble pas des plus pertinents, aujourd'hui, pour tenter de repenser l'éducation.

toto_au_bistro
Niveau 10
27 mars 2020 à 17:45:42

Primary GWAS of educational attainment. In our primary GWAS, we study educational attainment, which is measured as the number of years of schooling that individuals completed (EduYears).

Le nombre d'années d'études si j'ai bien compris

toto_au_bistro
Niveau 10
27 mars 2020 à 17:47:02

0. The EduYears phenotype was constructed by mapping each major educational qualification that can be identified from the survey measure of the cohort to an International Standard Classification of Education (ISCED) category and imputing a years-of-education equivalent for each ISCED category. Details on cohort-level phenotype measures, genotyping, imputation, association analyses and quality-control filters are described in Supplementary Tables 16–19.

Jooord
Niveau 10
27 mars 2020 à 17:50:00

C'est pas forcément mieux... ceux qui passent d'un niveau sont pas toujours ceux dont on a envie de dire qu'ils ont réussi leur année, les conseils de classe du 3ème trimestre sont souvent bourrés d'exemples.

Pour moi, c'est pas avec ce genre d'étude qu'on va progresser sur la question de l'éducation. D'ailleurs tu parles de notre modèle méritocratique, j'ai pas franchement l'impression qu'on soit véritablement dans ce genre de modèle.

toto_au_bistro
Niveau 10
27 mars 2020 à 17:54:06

Quand bien même tu fais passer plein de brêles au lycée, ils vont se crasher au lycée. Donc globalement, tu retrouves toujours une hiérarchie, non ? On peut distinguer des bons et des moins bons.

Sur la méritocratie, je dis pas qu'aujourd'hui on est dans une méritocratie pure et parfaite. Ce que j'essaie de dire c'est qu'on ne peut pas utiliser un modèle purement méritocratique car l'éducation des parents ou les gènes ont de fortes influences. C'est pas qu'une question d'être riche ou pauvre, on voit que les gènes sont des meilleurs indicateurs que le revenu du foyer.

Ca semble injuste, à mon avis, de se dire que ceux qui sont bons doivent gagner plein de thunes et ceux qui sont pauvres doivent être manutentionnaires et se casser le dos pour un salaire de misère. Il faut trouver un équilibre qui satisfasse tout le monde. Mais pour ça il faut avoir une vue claire sur ce qui est réellement du ressort des individus (du réel mérite). Et il ne faut pas se bercer d'illusion sur le self made man ou sur le fait que quand on veut on peut.

matrisK
Niveau 10
27 mars 2020 à 17:57:07

Ceux qui dans le premier quintile (les 20 % qui ont le score polygénique le plus faible) sont 10 % à avoir un diplôme universitaire.

Ceux qui dans le dernier quintile (les 20 % qui ont le score polygénique le plus élevé) sont 50 % pratiquement à avoir un diplôme universitaire.

L'échantillon c'est que des gens qui ont fait des études supérieures ou pas ? Parce que sinon ça s'explique peut-être juste par le fait que ceux du premier quintile s'engagent moins dans des études supérieures que ceux du dernier, car moins intéressés

Pseudo supprimé
Niveau 10
27 mars 2020 à 17:59:24

D'ailleurs tu parles de notre modèle méritocratique j'ai pas franchement l'impression qu'on soit véritablement dans ce genre de modèle.

ah bon ? j'ai grandi en entendant ça tout le temps moi : fais des études supérieurs et tu auras un super boulot mieux payé etc....
bon après faut reconnaître que la crise financière et de l'emploie fausse un peu le truc depuis qques décennies...
ou alors ça n'a pas de rapport...

Jooord
Niveau 10
27 mars 2020 à 17:59:46

@ Toto > Oui mais ce que je dis c'est que ton étude montre que l'éducation des parents ou les gènes ont de fortes influences sur la réussite des individus selon le concept de réussite qu'on a aujourd'hui.

Mais comme ce concept est très mauvais, et que si on remanie l'éducation ce serait une des premières choses à changer, à quoi bon sert l'étude quand il s'agit de repenser l'éducation si ce n'est simplement constater qu'on fait mal les choses aujourd'hui (relativement à nos idéaux d'éducation).

Les facteurs génétiques sont déterminants dans l'apprentissage, oui, moi ce que j'en déduis c'est que la notion de réussite doit du coup être repensée pour ne plus être absolue, de la même façon qu'on considère aujourd'hui que pour quelqu'un de paralysé des jambes en rééducation, c'est une réussite de marcher, et ça ne choque personne de dire que ce n'est pas une réussite pour ceux qui ont de base toutes les dispositions pour marcher.

Jooord
Niveau 10
27 mars 2020 à 18:01:15

Le 27 mars 2020 à 17:59:24 M-Le-Mot-Dit a écrit :

D'ailleurs tu parles de notre modèle méritocratique j'ai pas franchement l'impression qu'on soit véritablement dans ce genre de modèle.

ah bon ? j'ai grandi en entendant ça tout le temps moi : fais des études supérieurs et tu auras un super boulot mieux payé etc....
bon après faut reconnaître que la crise financière et de l'emploie fausse un peu le truc depuis qques décennies...
ou alors ça n'a pas de rapport...

Je ne dis pas qu'on n'a pas l'impression d'être dans une méritocratie, je dis qu'on n'est pas vraiment dedans. Par contre, on essaie de nous faire croire que oui et c'est facile d'accepter cette croyance, ça oui.

toto_au_bistro
Niveau 10
27 mars 2020 à 18:02:22

Le 27 mars 2020 à 17:57:07 matrisK a écrit :

Ceux qui dans le premier quintile (les 20 % qui ont le score polygénique le plus faible) sont 10 % à avoir un diplôme universitaire.

Ceux qui dans le dernier quintile (les 20 % qui ont le score polygénique le plus élevé) sont 50 % pratiquement à avoir un diplôme universitaire.

L'échantillon c'est que des gens qui ont fait des études supérieures ou pas ? Parce que sinon ça s'explique peut-être juste par le fait que ceux du premier quintile s'engagent moins dans des études supérieures que ceux du dernier, car moins intéressés

Ca comprend tous les profils dont ceux qui se sont arrêtés au collège ou au lycée.

Je pense pas que ton objection fonctionne. Si les gènes n'avaient aucune influence, alors on devrait pas avoir des quintiles comme ça. On ne devrait retrouver aucune relation. A moins de supposer que ce ne seraient pas des gènes sur "l'intelligence", mais des gènes sur "la volonté de poursuivre des études supérieures". Ce qui serait assez étrange !

toto_au_bistro
Niveau 10
27 mars 2020 à 18:04:56

@ Jooord : Peut-être que la notion même de réussite éducative doit être totalement repensée. Mais inscrivons-nous dans le présent : aujourd'hui cette réussite éducative a des conséquences concrètes sur la carrière des gens, leur salaire etc. Il y a des conséquences concrètes immédiates et la société va pas changer du jour au lendemain là-dessus.

Pseudo supprimé
Niveau 10
27 mars 2020 à 18:05:48

Le 27 mars 2020 à 18:01:15 Jooord a écrit :

Le 27 mars 2020 à 17:59:24 M-Le-Mot-Dit a écrit :

D'ailleurs tu parles de notre modèle méritocratique j'ai pas franchement l'impression qu'on soit véritablement dans ce genre de modèle.

ah bon ? j'ai grandi en entendant ça tout le temps moi : fais des études supérieurs et tu auras un super boulot mieux payé etc....
bon après faut reconnaître que la crise financière et de l'emploie fausse un peu le truc depuis qques décennies...
ou alors ça n'a pas de rapport...

Je ne dis pas qu'on n'a pas l'impression d'être dans une méritocratie, je dis qu'on n'est pas vraiment dedans. Par contre, on essaie de nous faire croire que oui et c'est facile d'accepter cette croyance, ça oui.

je pense que tu es mieux placé que moi pour en parler, je continue de suivre...

BALAVO33333
Niveau 6
27 mars 2020 à 18:05:52

les plus grands génies sont tous en échec scolaire

Jooord
Niveau 10
27 mars 2020 à 18:06:25

Le 27 mars 2020 à 17:57:07 matrisK a écrit :

Ceux qui dans le premier quintile (les 20 % qui ont le score polygénique le plus faible) sont 10 % à avoir un diplôme universitaire.

Ceux qui dans le dernier quintile (les 20 % qui ont le score polygénique le plus élevé) sont 50 % pratiquement à avoir un diplôme universitaire.

L'échantillon c'est que des gens qui ont fait des études supérieures ou pas ? Parce que sinon ça s'explique peut-être juste par le fait que ceux du premier quintile s'engagent moins dans des études supérieures que ceux du dernier, car moins intéressés

Oui, il y a un paradoxe de Simpson là dedans.On évalue la réussite des gens par rapport à leur gène et leur environnement social mais l'environnement social est un facteur de confusion puisqu'il est aussi déterminant pour évaluer la réussite des gens.

toto_au_bistro
Niveau 10
27 mars 2020 à 18:07:15

Le 27 mars 2020 à 18:05:52 BALAVO33333 a écrit :
les plus grands génies sont tous en échec scolaire

Le fameux mythe d'Einstein qui était en échec scolaire

matrisK
Niveau 10
27 mars 2020 à 18:08:10

Le 27 mars 2020 à 18:02:22 toto_au_bistro a écrit :

Le 27 mars 2020 à 17:57:07 matrisK a écrit :

Ceux qui dans le premier quintile (les 20 % qui ont le score polygénique le plus faible) sont 10 % à avoir un diplôme universitaire.

Ceux qui dans le dernier quintile (les 20 % qui ont le score polygénique le plus élevé) sont 50 % pratiquement à avoir un diplôme universitaire.

L'échantillon c'est que des gens qui ont fait des études supérieures ou pas ? Parce que sinon ça s'explique peut-être juste par le fait que ceux du premier quintile s'engagent moins dans des études supérieures que ceux du dernier, car moins intéressés

Ca comprend tous les profils dont ceux qui se sont arrêtés au collège ou au lycée.

Je pense pas que ton objection fonctionne. Si les gènes n'avaient aucune influence, alors on devrait pas avoir des quintiles comme ça. On ne devrait retrouver aucune relation. A moins de supposer que ce ne seraient pas des gènes sur "l'intelligence", mais des gènes sur "la volonté de poursuivre des études supérieures". Ce qui serait assez étrange !

Bah non mais les gens intelligents s'intéressent "naturellement" aux activités intellectuelles alors que les gens moins intelligents se tournent plutôt vers les métiers manuels ou autres, ce qui ne nécessite pas d'études supérieures

toto_au_bistro
Niveau 10
27 mars 2020 à 18:08:30

Le 27 mars 2020 à 18:06:25 Jooord a écrit :

Le 27 mars 2020 à 17:57:07 matrisK a écrit :

Ceux qui dans le premier quintile (les 20 % qui ont le score polygénique le plus faible) sont 10 % à avoir un diplôme universitaire.

Ceux qui dans le dernier quintile (les 20 % qui ont le score polygénique le plus élevé) sont 50 % pratiquement à avoir un diplôme universitaire.

L'échantillon c'est que des gens qui ont fait des études supérieures ou pas ? Parce que sinon ça s'explique peut-être juste par le fait que ceux du premier quintile s'engagent moins dans des études supérieures que ceux du dernier, car moins intéressés

Oui, il y a un paradoxe de Simpson là dedans.On évalue la réussite des gens par rapport à leur gène et leur environnement social mais l'environnement social est un facteur de confusion puisqu'il est aussi déterminant pour évaluer la réussite des gens.

Je n'ai pas vérifié, mais je pense que le papier n'est pas tombé dans ce biais là. En tout cas, ils ont cherché à isoler ces différents facteurs. En tout cas, j'ai pas vu de critiques sur ce papier à ce sujet.

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Sujet : Héritabilité de l'intelligence et méritocratie
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