Après plusieurs heures passées dans la cave infâme du phare servant de repaire a l´annonceur Mathieux Bellamont à subir diverses formes de tortures, il me semblait légitime de penser que j´avais été un peu trop prompt à affirmer que j´allais perdre la vie aussi rapidement: monsieur Bellamont ne paraissait en effet pas disposé à m´envoyer en Oblivion de manière expéditive, et faisant durer au maximum la scéance de torture sur moi.
Naturellement, j´avais quelques occasions de le provoquer et le narguer sur le sujet de sa mère, ce qui le faisait à chaque fois hurler de colère et m´amusait énormément.
Le traître n´était pas aussi bon en matière de sadisme que je m´y attendais, il savait certes se servir correctement de clous, de lames et de divers objets coupants, mais il était triste de constater une fois encore que j´aurais pu provoquer une douleur similaire simplement avec une brosse à dents ou une fourchette.
- Alors, misérable insecte! Ressens tu la douleur que maman a ressentie lorsque ce chien de Lachance l´a... l´a... TUEE?!
Je répondis à la question dramatique de Bellamont par un long bâillement exagéré, ce qui l´énerva d´avantage pour mon plus grand bonheur.
Rappelons tout de même que j´étais enchaîné à une chaise, et que mes bras avaient étés cloués contre le dossier, j´avais en outre et logiquement diverses blessures plus ou moins abominables sur tout le corps, mais rien de suffisamment dramatique pour me tuer ou me faire hurler, tout cela pour dire que seul, je n´avais pas la moindre possibilité ou chance de faire quoi que ce soit.
L´odeur de la cave était particulièrement infecte et me faisait mal au cœur.
Après un bâillement de trop, Mathieux Bellamont s´énerva d´avantage et sortit une épée longue d´une de ses nombreuses armoires.
Cette fois, il me semblait que ma dernière heure était vraiment venue, et ce après plusieurs fausses alertes ou coups de bluff pathétiques de l´annonceur hystérique.
- Bien! J´ai assez perdu de temps avec toi, lorsque la main noire retrouvera ton corps en pièces, Lachance sera...
Mathieux Bellamont s´arrêta net dans son élan d´éloquence, quelqu´un frappait à la porte de la cave du phare.
Mon bourreau hésita un instant, la manière dont la personne toquait à la porte impliquait une visite de courtoisie, et non pas une envie d´exploser la petite paroi de bois comme l´aurait fait Gro Bolmog.
L´individu ne semblait pas renoncer, ce qui parût déconcerter Bellamont, il posa son épée, retira sa robe de la main noire et me jeta un regard noir pour me faire comprendre que je ne devais pas bouger ou parler pendant qu´il allait ouvrir la porte.
J´aurais difficilement pus bouger avec des bras cloués au dossier de ma chaise, l´ironie de la situation me fit sourire, ce qui fit fulminer Bellamont alors qu´il quittait la pièce et montait l´escalier, il ouvrit la porte brutalement et s´éfforça de parler d´un ton normal et calme.
- Oui, bon, d´accord, bonjour madame, que voulez vous?
- Bonjour monsieur... Montbellant, je m´appelle Clémence Trisitaz, j´ai été envoyée par la compagnie impériale de ressenssement des loyers et des logements.
En entendant la voix de la dénomée "Clémence Trisitaz", j´eus une furieuse de hurler à Ocheeva à quel point je trouvais superbe sa voix douce et reptilienne, j´avais rarement été aussi heureux de l´entendre, sauf peut etre le jour même de mon adhésion à la confrérie.
Bien que je n´eût pas été en face de lui, je pouvais sentir dans sa voix qu´a l´annonce des mots "compagnie impériale", Bellamont était inquiet de quelque chose.
- Un simple contrôle de rourine, monsieur Montbellant, je dois juste inspecter la cave de ce phare, et établir une liste de vos possessions, cela ne prendre que quelques...
- Non, je regrette, mais c´est impossible, il doit y avoir un moyen de régler ça autrement.
A ce stade, je m´inquietais pour ma soeur argonienne, si elle dépassait la limite de tolérance de L´annonceur en civil, il n´hésiterait pas à la supprimer, mais ce uniquement en cas de nécéssité.
- Oui, bien sur que c´est possible, mais vous devrez juste signer quelques papiers, donnez moi une seconde... voilà, lisez et signez ici, ici et ici.
- Après vous me laisserez tranquille?
- Non, vous devrez juste signer un reçu, et quelques autres papiers... non monsieur, pas ici, signez là!
Alors que j’écoutais le dialogue hilarant entre Ocheeva et Bellamont, je remarquai a ma droite une flaque d’eau noire en train de se former progressivement mais sûrement.
- Oh, navrée mais vous devez utiliser une plume à encre, je devrais avoir ça dans ma sacoche, donnez moi une minute supplémentaire, et je la trouverais, hmm… il me semblait en avoir une dans mon sac…
La flaque se solidifia et se dressa subitement avant de prendre une forme humaine, celle de Vincente Valerai.
Une fois entièrement reconstitué, mon vampire favori me gratifia d’un sourire vaguement moqueur en voyant ma posture désavantageuse, je soupirai un bref instant pour lui faire comprendre que ce n’était guère le moment pour du sarcasme.
Sans paroles inutiles, il se glissa dans mon dos et arracha les clous et les chaînes qui me retenaient prisonnier. Le bruit aurait pu attirer Bellamont mais il était trop occupé à marchander avec l’insupportable employée de la compagnie impériale de recensement.
- Combien de papiers devrais-je signer avant que vous partiez d’ici ?!
- Il reste encore le formulaire cinquante deux A, cela vous évitera des contrôles dans un futur proche, oh, et aussi le trente quatre B, s’il vous plait, signez ici monsieur Montbellant.
Le vampire m’attrapa par l’épaule, je crus pendant quelques instants à geste amical, mais je sentis rapidement mon corps fondre et se changer en l’espèce de liquide noir que Vincente devenait lorsqu’il apparaissait de nulle part, ce n’était pas une sensation fondamentalement désagréable, mais il y avait mieux bien sur.
La fatigue et la douleur accumulée ne laissèrent guère de chance à mon esprit dejà affaibli, je perdis conscience alors qu’environ la moitié de mon corps avait disparu.
Lorsque je rouvris les yeux, j’étais dans un lit, à regarder autour de moi, je pouvais déduire que je me trouvais dans un chalet se trouvant à Bruma.
Les deux maîtres de la confrérie noire de Cheydinhal se trouvaient dans la même pièce que moi, Ocheeva était à mon chevet et Vincente s’appuyait simplement contre un mur.
Je pouvais sentir que mes blessures étaient cicatrisées et que mes doigts avaient repoussés, de même que mes dents, je mis ça sur le coup de la magie vampirique de Vincente.
- Ah, vous êtes revenu à vous, comment vous sentez vous ?
Je répondis à Ocheeva que j’avais eu des meilleurs jours, et demandai immédiatement ce qui leur avait pris de venir me sauver alors que je n’avais plus rien à voir avec la confrérie, que c’était un annonceur qui avait décidé de me tuer, et si ils avaient la moindre idée de la portée de ce qu’ils venaient de faire en empêchant Mathieux Bellamont de me tuer.
L’argonienne esquissa un léger sourire.
- Je suis moi aussi heureuse de vous voir, mon frère, et je pense que je ne serais pas la s...
- Vous êtes lucide, ravi de voir que ce que vous a fait subir Mathieux Bellamont ne vous a pas perturbé d’avantage, mon ami… Non, vous avez parfaitement raison, mais ne vous avancez pas à croire que nous vous avons sauvé seulement pour vos… beaux yeux rouges ou par amitié, il s’est avéré après mûre réflexion entre sœur Ocheeva et moi même, que nous avions encore besoin de vous, mais d’une manière un peu différente, d’ou le fait que nous vous avons suivis ce jour là, à Anvil...
La conversation prenait une tournure plus interessante et je demandai à Vincente de poursuivre, tout en ajoutant qu’après Intriguant Fattel, la torture de Bellamont me semblait bien insipide.
- Ha ha ! Je ne nie pas un certain plaisir à vous entendre à nouveau, mon ami... Très bien, comme vous l’avez constaté, nous avons nous aussi déduit que l’annonceur Mathieux Bellamont était un traître à la main noire, et il n’y a rien que nous puissions y faire dans l’immédiat, l’accuser ouvertement nous exposerait à une sanction mortelle de la part de l’écoutant Ungolim, et le pire est que tous les autres annonceurs sont certains de son innocence, et pour tout vous dire, d’après mes sources, ils sont persuadés que le traître est Lucien Lachance, et les tensions à son égard croissent de jour en jour... je m’égare, vous savez tout cela, mais revenons en à la raison de votre survie aujourd’hui, la confrérie noire à besoin d’un agent travaillant pour elle sans vraiment en faire partie, quelqu’un qui n’obéirait plus aux règles de la main noire et qui ignorerait les cinq lois, quelqu’un qui… resterait dans l’ombre et qui nous permettrait de mener une guerre officieuse contre Mathieux Bellamont, et peut être d’assurer notre survie à tous.
- Je crains que pour prouver son innocence aux autres membres de la main noire, Lucien Lachance ne soit forcé, tôt ou tard, de purifier notre sanctuaire.
Il s’écoula plusieurs longues secondes de silence pendant lesquelles je pus réfléchir calmement et à tête reposée à tout ce que je venais d’entendre.
- Qu’en dites vous, ami, êtes vous avec nous ?
Je pris un air exaspéré et demandai au vampire comment il pouvait ne pas connaître ma réponse après m’avoir fréquenté pendant si longtemps, cela le fit sourire ce qui me révéla une fois encore sa dentition vampirique.
- Excellent, mon ami, excellent… mais comme vous devez vous en douter, ce n’est pas pour une raison aussi insignifiante que nous avons décidé de vous sauver aujourd’hui... non, en vérité, c’est à cause d’un contrat tout à fait particulier que nous avons reçu peu de temps après votre départ. Lisez le, vous devriez le trouver... instructif.
Ocheeva me tendit un parchemin portant le sceau de la main noire, je le déroulai et commençai à le lire, sans m’attendre à quelque chose de vraiment particulièrement exceptionnel.
Mais là, j’eus un tel choc que je failli lâcher le contrat.
Je le relis plusieurs fois de suite de plus en plus rapidement, et mon vampire favori semblait prendre du plaisir à me voir aussi troublé.
Enfin, je posai le parchemin devant moi, et demandait à Vincente si c’était vrai.
Le vampire, qui souriait comme toujours, fit un geste galant pour donner la parole à Ocheeva.
- Cela fait depuis plusieurs mois que l’aube mythique… il me semble inutile de vous expliquer ce dont il s’agit, frère Vincente m’a dit que vous possédiez un savoir inexplicable et incroyable au sujet de l’empereur, de l’Oblivion et de l’aube mythique.
Je fus rassuré de savoir qu’Antonetta avait tenu sa langue, elle était apparemment vraiment une personne de confiance..
- Mais bref, l’aube mythique tente de tuer l’empereur Uriel Septim, mais ce ne sont que des attaques mal organisées par des fanatiques surexcités et mal entraînés, et leur raids sont voués à l’échec, sauf si ils recevaient un peu d’aide extérieure…
La tension dans la pièce devenait de plus en plus palpable alors qu’Ocheeva poursuivait.
- Le commanditaire de ce contrat, auquel vous avez déjà eu à faire lors du contrat à Kwatch à manifesté le désir que ce soit vous qui vous vous en occupiez, et il a payé plus que milles fois le prix du sang requis, pour que vous vous infiltriez dans l’aube mythique, rejoigniez leur rangs, participiez à une attaque du palais impérial, et que vous tuiez l’empereur Uriel Septim.
Mes mains tremblaient d’excitation alors que les derniers mots d’Ocheeva se repetaient dans mon esprit. Je devais tellement sourire que je ressemblait à un dément.
Jamais plus que la veille, lors de ma douloureuse explosion de souvenirs, je n’avais eu l’envie d’exterminer mon horrible géniteur, Uriel Septim, et Sithis avait répondu à mes prières en fin de compte. Je n’écoutais plus qu’a moitié Ocheeva.
- … et donc, vous serez livré entièrement à vous même pour trouver un moyen de rejoindre l’aube mythique, je vous suggère la première édition, à la cité impériale, ou quelque d’autre, le commanditaire de ce contrat veut que le travail soit terminé d’ici deux semaine. Je vous laisse seul maître de ce contrat, à condition bien sur que vous l’acceptiez ? Navrée, la plaisanterie était trop facile... enfin, vous constaterez que nous vous avons fournis une nouvelle lame de malheur, un arc, une dague, que votre armure a été réparée et ré équipée de chaînes, vous êtes entièrement paré, mon frère, avez vous des questions ou… quelque chose à ajouter ?
Je hochai la tête négativement, tout avait été clair et j’avais hâte de me remettre en chasse, après ce contretemps fâcheux, dans ou hors la confrérie, tout ce qui m’importait était d’éliminer des gens pour calmer ma folie encore un peu plus longtemps.
- Parfait, eh bien mon ami, je vous souhaite bonne chance, il serait fâcheux que vous mourriez après les risques que nous avons pris pour vous. Cela semble évident, mais vous avez interdiction formelle de communiquer avec tout autre membre de la confrérie ou de la main noire, vous êtes mort, ou pour d’autres vous êtes le silencieux de Lucien Lachance... Oh, et reposez quelques jours, j’ai soigné vos blessures, mais ça reste superficiel, n’allez pas tenter de vous battre pour le moment. Que Sithis vous abreuve de sa démence, mon frère.
Sitôt qu’il eût finit de parler, Vincente se changea en chauve souris et quitta la maison par la fenêtre en un éclair.
- Euh, mon frère, je…
Ocheeva n’avait pas quitté la pièce, elle restait là, à essayer de me dire quelque chose, mais avait l’air incapable de le dire ou de l’exprimer, peut être que des années de folies et de meurtres avaient diminué à elle aussi son habilité à ressentir.
Elle begaya quelques instants en cherchant ses mots, puis parla très doucement, presque comme un chuchotement.
- Si vous, mon frère... enfin... avez un message, ou quelque chose à dire à, euh… quelqu’un dans le sanctuaire, je pourrais la... enfin... le lui transmettre et... euh…
Mon regard croisa celui de l’argonienne , pour la première fois, elle n’était pas la sérieuse, omnipotente et inflexible maîtresse du sanctuaire, elle était juste une femme, s’inquiétant des sentiments d’autrui, en étant elle même incapable de les comprendre ou de les exprimer.
C’était malheureusement aussi mon cas, je n’étais qu’une ombre, et j’étais incapable de répondre correctement aux sentiments des autres, tout au plus de le simuler comme je le faisais en permanence.
Après de très longues minutes, je dis à Ocheeva que je n’avais aucun message à transmettre à qui que ce soit, et que ça valait bien mieux ainsi.
Toujours plongée dans mon regard, Ocheeva semblait lire en moi, elle haussa les épaules et tourna les talons en direction de la sortie de la pièce.
- Je m’y attendais mon frère, vous êtes ici comme chez vous, cette maison à Bruma vous servira de quartier général, nous passerons peut-être de temps en temps pour vous fournir matériel et consignes, sur ce... à bientôt, mon ami, portez vous bien.
Je remerciai encore une fois Ocheeva, pour tout, puis elle me laissa seul avec moi même.
Dehors, une tempête de neige faisait rage et le bruit du blizzard était comme une berceuse.
Une ombre, une guerre officieuse contre Mathieux Bellamont, des tensions contre Lucien Lachance, une purification future de mon sanctuaire bien aimé et des frères et sœurs noirs, un meurtre imminent de l’empereur Uriel Septim, mon père, et peut-être la destruction de Tamriel par Merhunes Dagon, mon plus fidèle employeur.
L’avenir s’annonçait radieux.