La voix rauque de Malthor me fit reprendre contact avec la réalité.
- Eh, faites attention !
Je repris mes esprit et rattrapai le verre juste avant qu’il ne touche le sol, et m’excusai auprès de Groelandril de ma perte d’attention alors qu’elle était en train de me parler d’elle.
Valens se pencha pour voir si le verre en cristal avait été cassé, mais il fut rassuré de voir que j’avais de bons réflexes. Il termina son verre et recommença à me parler.
- Je me demande à quoi vous pouviez bien penser ? Enfin bref, assez parlé de nous, parlez nous de vous, que pouvez vous nous dire sur vous ? Comment vous appelez vous ? Quel âge avez vous ? D’ou venez vous ?
Je leur répondis que je tenais pas tellement à leur dire mon nom. Groelandril me regarda avec air choquée lorsqu’elle entendit ça et voulut dire quelque chose, mais je levai la main pour lui faire comprendre que c’était mon dernier mot. Pour ce que étais de mes origines, elles étaient hybrides elles aussi. C’était à peu prêt tout ce que je pouvais dire qui restait tolérable de mon point de vue.
Quand elle remarqua que j’avais finis de parler, Groelandril m’adressa la parole.
- Quel âge avez vous ?
Je lui demandai pardon car je peinais à comprendre l’intérêt de cette question que m’avais déjà posé son chef.
- Eh bien, euh… Moi j’ai dix huit ans, Loup en a seize, Valens Vingt sept et Malthor trente deux. Vous, quel âge avez vous ? Pour avoir un ordre d’idée, vous voyez ce que je veux dire ?
En vérité, c’était une très bonne question, et je n’avais que peu d’idées de la réponse précise. J’avais tendance à oublier très rapidement ou à ranger dans de sombres recoins de ma tête les informations qui ne m’intéressaient pas, et cela faisait un très grand nombre de choses. Je n’avais toujours fait que d’évaluer mon âge en comparant mon aspect à celui des autres et en prenant comme base la seule date dont je me souvenais à peu prêt, le massacre de ma famille adoptive à ma majorité. Il me semblait que ça c’était passé à Anvil si mes souvenirs étaient bons. Je devais certainement avoir quelque chose comme dix neuf ou vingt ans dans ce cas. Ou pas, mais ce n’était guère important et je m’en moquais complètement. La vérité sur mon âge n’existait pas vraiment et elle changeait selon mes besoins, chacun interpréterait ce qu’il voudrait à ce sujet là.
Je répondis dix neuf à Groelandril car dans l’immédiat c’est ce qu’elle voulait le plus entendre.
- Ah ! J’en étais certaine, je te l’avais dis Valens !
- Etrange, je vous aurais vu plus âgé, à votre manière de parler… Armand Christophe m’a prévenu que vous étiez une personne assez… inhabituelle. Enfin bref, il est temps de passer aux choses sérieuses. Parlons de la banque impériale, si vous le voulez bien, mon ami.
Je n’attendais que ça.
Je pris une grande bouffée d’air et racontai à mes compagnons de fortune tout ce que j’avais vu dans la banque impériale, que ce soit dans son bâtiment principal, son système de portail, de garde, des drémoras, du seigneur drémora et de la salle des coffres se trouvant dans un pan d’Oblivion. Je parlai bien pendant une demi heure et mes camarades m’écoutaient avec attention et respect sans en perdre en seul mot. Je sentais qu’il tentaient d’évaluer le niveau de difficulté de la mission que nous allions effectuer dans un futur très proche. De temps en temps, je marquais un temps d’arrêt et ils m’expliquaient ce que eux avaient à expliquer que j’avais omis de dire ou que je ne savais tout simplement pas.
Je conclu enfin en déclarant que j’avais très certainement la possibilité de faire de l’employée qui m’avait accueillie une alliée potentielle et que j’avais déjà quelques idées.
Personne ne dit rien du tout, mais pendant toute la durée de mes paroles, Loup était en train de noter quelque chose sur une feuille de papier, je croyais au début qu’il faisait des petits dessins pour passer le temps et je ne faisais plus attention à lui. Après que j’aie fini de parler, il continua à écrire pendant quelques secondes, puis ponctua en donnant un coup particulièrement fort et audible sur sa feuille, dont la moindre petite parcelle était couverte d’encre noire.
Il fit passer la feuille à Valens. Il la lut intégralement, et fit un sourire satisfait au jeune Loup, avant de me la faire passer. Je me dis que cela devait être un de ces plans aléatoires et jugés trop dangereux par le Renard gris. Je me voyais déjà y apporter quelques modifications bien senties pour que ce ne soit pas un échec total, mais là, encore une fois, je prenais mes compagnons pour de simples voleurs stupidement ordinaires.
Il n’y avait qu’un seul terme pour qualifier ce qu’avait préparé. Extraordinaire. Le plan était trop raffiné et complexe pour être expliqué, mais j’y reviendrais bien assez tôt. Il considérait la moindre des capacités de chacun d’entre nous et il avait réussi à m’y incorporer à la perfection sans rien savoir de mes facultés excepté que j’avais le droit de tuer et que je venais de la confrérie noire. Nous avions tous un rôle bien précis à jouer dans ce qui allait être un véritable spectacle.
C’était indéniable à présent, le voleur et le tueur devraient agir ensemble pour une même cause.
Groelandril et Mathor lurent aussi le plan et parurent aussi satisfaits que Valens et moi de la tournure qu’avaient l’air de prendre les choses. Nous prîmes tous nos verre et trinquâmes si fort qu’ils se brisèrent tous. Des fragments de cristal et des gouttelettes de vin jaillirent dans tous les sens tels une pluie de sang et de bijoux.
Les acteurs étaient en place, le spectacle pouvait reprendre et sa conclusion s’approchait.
- Demain matin, messieurs dames. Demain matin c’est le grand jour.
9. Une question de technique.
J’avais demandé à Valens une tenue élégante, il était temps pour moi de redevenir Vincent Valteri et d’améliorer le niveau de ma relation avec Clémentine Farag dans le but de nous en faire une alliée pouvant ouvrir la première porte.
D’après Loup, la porte invoquée pouvait ressentir les émotions de manière assez basique, certes, mais tout de même. Sous la contrainte, rien ne bougerait, il fallait qu’elle veuille ouvrir la porte volontiers car seules les paumes des employés avaient le capacité de le faire. C’était ce que le plan indiquait. Loup m’avait donné cette tâche en tenant compte de mon appartenance à la confrérie, réputée pour son hypocrisie et sa capacité à simuler les émotions. Mes compagnons avaient eux aussi des tâches bien précises mais je les retrouverais le lendemain quand nous passerions à l’action.
Je me rendis directement à la banque impériale qui jouissait toujours de la même sécurité, du moins dans son hall principal et à l’extérieur. Les huit femmes argoniennes fixèrent du regard mes moindres mouvements une fois que je fus entrée et des gardes impériaux faisaient des rondes régulières dans le quartier du sanctuaire.
Quand Clémentine Farag me vit, elle me fit de grand signes et me fit signe d’aller la voir elle plutôt qu’une de ses collègues. La banque était plutôt vide et je n’eus à faire la queue que quelques minutes avant de me retrouver devant la charmante employée.
- Mais c’est monsieur Valteri, comment allez-vous ? Vous êtes là pour un retrait ?
Je lui demandai de ne pas être si formelle avec moi, car j’étais encore bien trop jeune pour qu’on m’appelle par mon nom, elle pouvait m’appeler Vincent si elle voulait. Celait lui arracha un sourire radieux.
- J’en serais ravie mons… je veux dire Vincent ! Belle journée non ? Qu’est ce qui vous amène ici ?
Je lui répondis d’abord que oui, le temps était superbe. Je fis ensuite semblant de céder à une très vive gêne et timidité avant de lui demander si, par le grand des hasards, elle n’était pas libre ce soir même pour bavarder un peu ou manger quelque chose, si cela ne la dérangeait pas.
Ravie par ma demande et par le fait que fait que j’étais apparemment sous son charme, Clémentine se recoiffa et eut subitement l’air bien plus confiant quand à ses capacités de séductrice.
- Vraiment ? Enfin je veux dire, euh… ça me ferait très plaisir Vincent, oui ! Venez donc chez moi ce soir aux alentours de six heures. Je serais heureuse de partager un repas avec vous et faire plus ample connaissance. Je vous dis à ce soir, Vincent ?
Je me grattai la tête avec gêne, lui rendis son salut et tournai les talons pour me rendre vers le quartier de la place du marché. Je l’entendais se vanter auprès de ses collègues qui étaient, apparemment, très jalouses et m’avaient remarquées.
J’avais du temps libre avant mon rendez-vous avec la naïve employée, il était temps que j’en profite pour enfin mettre à jour mon équipement. Six à huit couteaux de lancer en métal, une dague en acier elfe, ma lame de malheur, un arc dwemer. C’était mes armes depuis un très long moment déjà et j’étais très à l’aise avec elles, mais il était temps que je passe à la vitesse supérieure. L’or que m’avait laissé Vincente allait me permettre d’améliorer mon matériel, et ce ne serait certainement pas du luxe à la vue du plan de Loup et des événements à venir.