Dans le chapitre précédent...
On posa beaucoup de questions à Harry et Ginny quand ils revinrent de Ste Mangouste. Ils démentirent, indignés, la rumeur selon laquelle ils s’étaient rendus à l’enterrement de Ron, Hermione et Neville, mais ils confirmèrent en revanche qu’ils étaient sortis du coma et qu’ils pourraient très bientôt revenir à Poudlard. Les Gryffondor se réjouirent de cette nouvelle. Mais ils n’étaient pas les seuls.
Notamment, Anthony Goldstein faillit sauter de joie quand il sut qu’Hermione paraissait en bonne forme. Remarquant sans doute le regard intrigué de Harry, il s’empressa de dire :
- C’est très dur d’assumer seul le rôle des deux préfets-en-chefs.
Harry avait une autre théorie à ce sujet, mais il se dit qu’il était préférable que Ron n’en sache rien.
Il fut un peu déçu quand il ne vit ni son meilleur ami ni les deux autres à la réunion de l’Ordre du Phénix. Mrs Weasley lui avait dit que les guérisseurs les gardaient par précaution mais qu’ils devaient être rentrés le lendemain. Harry s’aperçut que les Weasley n’avaient plus la même froideur à son égard. Il en était soulagé mais il espérait surtout que ce n’était pas un effet de son imagination – mais il envisageait également que leur froidure avait pu être imaginaire.
Il manquait un autre membre de l’Ordre à la réunion : Maugrey Fol Œil. Cette absence les inquiéta beaucoup.
Maugrey était chargé de surveiller les affaires de l’Allée des Embrumes, car il était probable que cette rue regorgeant de magie noire devienne un point de départ pour une éventuelle prise du Chemin de Traverse. C’était ce que le ministère craignait plus que tout depuis « l’épisode Pré-au-Lard » et l’œil magique de Maugrey pouvait beaucoup appuyer ceux des Aurors en patrouille. Mais leur ancien collègue n’avait plus donner de signe de vie depuis près d’une semaine.
- Ne paniquons pas, dit McGonagall. Alastor a peut-être découvert quelque chose et il est dans l’incapacité de nous contacter pour le moment. Ou peut-être risque-t-il de se faire repérer, auquel cas il ne peut évidement pas prendre le risque de nous envoyer un message.
- Ou peut-être qu’il s’est fait repérer, suggéra sombrement Tonks.
- Auquel cas Alastor ramènera sans aucun doute de quoi remplir les cellules d’Azkaban, assura McGonagall. N’oublions pas que c’est un excellent sorcier.
Ils discutèrent donc des problèmes habituels, des missions de reconnaissance ou de surveillance. L’Ordre et le ministère de la magie tentaient de comprendre comment les Mangemorts pouvaient entrer ou sortir de Pré-au-Lard malgré la barrière magique dressée par le ministère et sans le moindre signe visible de l’extérieur.
En tout cas, jamais les forces du ministère n’avaient autant été mobilisées. Mais cela ne suffisait pas : la guerre redoublait d’intensité, et les Moldus le sentaient. Il était très difficile aux Oubliators et au Comité des inventions d’excuses à l’usage des Moldus de leur cacher tout ce qui se passait. De plus en plus de Moldus étaient tués, la plupart du temps sans raison précise. Mais parfois, il s’agissait des membres d’institutions importantes.
Il semblait que Voldemort voulait détruire leur monde. Comme il était très difficile d’attaquer les très hauts représentants politiques, que Rufus Scrimgeour faisait surveiller de très près, il s’en prenait à leur économie.
- Il semblerait que plusieurs bancs de Sharaks aient été introduits près de nos côtes, déclara Mr Weasley. Les pêcheurs Moldus vont faire faillite et ils risquent d’avoir du mal à se nourrir correctement, dit-il tristement.
- Des Sharaks ? répéta Harry sans comprendre.
- Ce sont des poissons recouverts d’épines, expliqua Bill. Quand les Moldus essayent de pêcher dans des eaux remplies de Sharaks, ils ne ramènent pas grand-chose…
La concentration des forces du Mal au Royaume-Uni se précisait. De nombreuses espèces de créatures de tous les coins du monde se déplaçaient vers le Nord, et des accidents malheureux les accompagnaient.
- J’ai appris jeudi soir que plusieurs personnes – Moldus et sorciers – disparaissaient la nuit en France, déclara Kingsley Shacklebolt. Si on retrace sur une carte les lieux de ces disparitions, on peut se rendre compte qu’elles se déplacent vers notre pays. Certains pensent qu’il s’agit de Moremplis, mais nous n’en sommes pas certains.
- Les Moremplis… marmonna Harry. Ce sont bien ces créatures plates qui ressemblent à des ombres sur le sol ?
- Oui, répondit Kingsley. Ils attaquent les gens la nuit dans leur lit, s’enroulent autour de leur victime, l’étouffent et la dévorent. Il est pratiquement impossible de se défendre une fois qu’on se réveille prisonnier de cette créature, mais quand on a la chance de pouvoir utiliser sa baguette, il faut jeter le sortilège du Patronus, ce qui n’est pas à la portée de tout le monde. Mais je suis certain que toi, tu y arriverais très bien, rajouta-t-il avec un sourire.
- En tout cas, toutes ces créatures disparaissent en arrivant ici, dit Sturgis Podmore. Il n’y a pas que des animaux, d’ailleurs, mais aussi des humains. Sûrement de nouveaux Mangemorts, parce que ce ne sont pas des alliés, d’après Kingsley et Tonks. C’est vraiment rageant… Ils sont sûrement, là, sous notre nez, à Pré-au-Lard, mais on ne peut pas savoir ce qu’ils font…
- A mon avis, intervint Abel, Voldemort prépare une armée.
- Il en a déjà une et elle fait bien trop de dégâts, répliqua sèchement Fred.
- Vous ne m’avez pas bien compris, dit Abel. A mon avis, si les choses vont plus mal qu’il y a seize ans, c’est tout simplement parce que ses alliés étaient déjà là quand il est revenu.
« La première fois qu’il a voulu prendre le pouvoir, tout allait beaucoup plus lentement, la situation était de loin moins terrible que ce que peut inspirer aujourd’hui le nom de Lord Voldemort. Il n’était pas encore connu, à cette époque, et n’avait que peu de partisans.
« Il s’est donc mis à chercher des sorciers et des sorcières pour les rallier à son camp, et il tuait ceux qui refusaient pour inspirer la crainte. Au départ, les meurtres étaient beaucoup plus rares, occasionnels, mais au fur et à mesure que ses rangs grossissaient, il pouvait tuer ou faire tuer de plus en plus de gens qui s’opposaient à lui. Sa réputation et la terreur qu’il inspirait se sont forgées pendant ces onze ans.
« Il a fini par infiltrer le ministère, ses manœuvres sont devenues plus complexes, plus brutales, plus abouties, il a fait usage de créatures démoniaques.
En fin de compte, il n’est devenu le plus grand mage noir de tous les temps que dans les dernières années. Quand Harry l’a fait disparaître, il allait devenir ce qu’il est aujourd’hui. Il était sur le point d’inaugurer son armée, en quelques sortes. Quand il est revenu, il n’a fait que réunifier l’armée qui existait déjà, et rappeler ce qu’il était au monde des sorciers. Et quand le ministère a enfin pris conscience de son retour et qu’il a reparu au grand jour, il n’a fait que redevenir Voldemort, il a rattrapé le niveau qu’il avait perdu, et maintenant, il est reparti de là où il s’était arrêté il y a seize ans. Notre situation n’a rien de si étonnant. Il est en train de rallier les derniers éléments qui lui manquent pour les derniers assauts du genre Pré-au-Lard qui lui donneront le pouvoir absolu. »
- Je suis d’accord avec Abel, dit McGonagall. Une fois que Vous-Savez-Qui aura conquis le Chemin de Traverse, l’Allée des Embrumes, le ministère, Ste Mangouste, Londumor et Poudlard, il n’aura plus d’adversaire. Et si nous continuons à nous laisser dépasser par les évènements, il n’aura aucun mal à remplir ces objectifs.
- Nous aurons beaucoup de mal à ne pas nous laisser dépasser par les évènements, fit remarquer Hestia Jones.
- C’est vrai que nous ne sommes pas suffisamment nombreux pour lutter contre son armada de Détraqueurs, d’Inferi, de Moremplis, ou de je ne sais quoi d’autre… dit Dedalus Diggle, désespéré.
- Je vous ai connu plus optimiste, Dedalus, répliqua McGonagall. Nous pourrions êtres suffisamment nombreux si les autres pays nous envoyaient des sorciers pour nous aider. Et nous devons agir de façon plus efficace. Le ministère étant trop occupé à chasser les doxys et les lutins qui ont été introduits là-bas, nous devrons nous occuper nous-mêmes de recruter de nouveaux membres à l’étranger. Charlie ne suffit plus, à présent. Mais nous nous occuperons de tout cela dans la semaine. Pour l’instant, j’aimerais que Harry nous dise quand il compte passer à l’action.
Cette annonce déconcerta la plupart des membres de l’Ordre. Mrs Weasley était complètement hébétée.
- Comment ça, passer à l’action ? questionna-t-elle avec une légère panique dans la voix.
- Ils nous disent qu’ils comptent agir plus tard depuis quelques semaines mais je voulais savoir quand auront lieu et en quoi consisteront leurs missions, répondit simplement la présidente de l’Ordre.
Un peu surpris, Harry trouva tout de même que la question tombait à point nommé.
- Justement, je pensais « passer à l’action » le week-end prochain, répondit-il.
Mrs Weasley le regarda, bouche bée. McGonagall haussa les sourcils.
- Je dois rendre une petite visite chez Barjow et Beurk. Et également trouver la maison et les traces de la descendance d’une certaine Hepzibah Smith.
- Mais il vaut mieux commencer par poser des questions à Barjow et Beurk, n’est-ce pas ? dit Abel.
- Oui, approuva Harry.
- Et pourquoi cette visite et ces recherches ? interrogea poliment McGonagall.
- Barjow et Beurk contient peut-être un objet qui pourrait m’intéresser. D’un autre côté, je ne suis pas certain qu’il ne soit pas resté chez son ancienne propriétaire – Hepzibah Smith – ou qu’il n’ait pas finalement été transmis à sa famille.
- Et en quoi un objet qui regorge sûrement de magie noire pourrait-il nous intéresser ? demanda Elphias Doge.
- Ce n’est pas pour m’en servir que je veux le retrouver, répliqua Harry. Disons qu’il sera indispensable si l’on veut que tout ça s’arrête un jour – et croyez-moi, je sais de quoi je parle. J’en ai impérativement besoin.
Il lui paraissait étrange de parler sur ce ton si sérieux, si professionnel. Mais il avait produit un meilleur résultat que lorsqu’il bafouillait timidement : ce n’était peut-être qu’un effet de son imagination, mais il lui semblait que les membres de l’Ordre avaient l’air de le prendre plus au sérieux.
- Je viendrai avec vous, déclara Abel. Et je suppose que Ron, Hermione et Neville se joindront également à nous.
- Mais… balbutia Mrs Weasley.
Harry se sentit mal à l’aise : il ne voulait pas que les Weasley lui en veuillent de nouveau juste après qu’ils lui aient visiblement pardonné d’avoir entraîné Ron au cimetière.
Mais Mr Weasley prit la parole :
- Molly, nous savions qu’en rentrant dans l’Ordre, Ron prendrait des risques. Nous ne pouvons pas le couver éternellement.
Son épouse parut se dégonfler comme un vieux pneu.
- Oui…, dit-elle, tu as raison.
- En attendant le week-end prochain, reprit Harry, vaguement soulagé, il faudrait que je recherche l’endroit où habitait Hepzibah Smith, et aussi des membres de sa famille.
- Nous chercherons chacun de notre côté si nous trouvons le temps, assura McGonagall. En attendant, je vous suggère de chercher dans les vieilles coupures de la Gazette du Sorcier de la bibliothèque.
A la fin de la réunion, Arthur, Molly, Bill, Fleur, Fred et George Weasley retinrent Harry.
- Harry, nous souhaiterions te dire un mot, annonça Mrs Weasley.
Plein d’appréhension, il afficha un étonnement tendu.
- Au nom de toute notre famille…
- Sauf Percy, rectifia sombrement Fred.
- … je te demande de nous pardonner pour nous être montrés tellement distants ces derniers temps, acheva sa mère après avoir jeté un regard sévère aux jumeaux.
- Harry, nous avons cherché un responsable à l’attaque de Ron, déclara Mr Weasley, mais la vérité, c’est qu’il n’y a pas de responsable – en tout cas, on ne peut pas rejeter entièrement la faute sur toi, ce serait totalement injuste.
- Notre première réaction ça a été de t’en vouloir, dit Bill, mais au fond, nous savions que tu n’y étais pour rien. On est désolés.
- On est toujours amis, hein, mon vieux ? demanda George.
Harry hésita un instant puis…
- Bien sûr ! s’exclama-t-il, plus heureux que jamais. Et puis… je suis en partie responsable. Mais les vrais coupables, ce sont Voldemort et Queudver, ajouta-t-il plus sérieusement.
- Même ce rat s’est échappé, dit Fred, énervé. Tu-Sais-Qui c’est compréhensible mais lui…
Un peu ému par ces étranges retrouvailles, Harry ne répondit rien, mais jeta quand même un regard furtif à la seule personne qui n’avait rien dit…
- Ne me regarde pas comme ça, Arry ! s’offusqua Fleur. Je ne t’ai jamais rien reproché, je te jure !