Chapitre VI
Partie 1: L'oiseau de mort.
-Hou!
Shibe étouffa un juron, et leva les yeux vers la forme sombre qui, du haut de sa branche, le regardait fixement depuis une bonne dizaine de minutes.
-La ferme, le hibou!" marmonna-t-il.
Allongé parmi les ronces et les fougères, protégé par la nuit, il était totalement invisible -cela dit, ce satané hibou ne semblait pas l'avoir compris-, et pouvait voir sans être vu. Et comme voir sans être vu ne sert à rien quand il n'y a rien à voir et personne qui risque de vous voir vous, il est logique de déduire qu'il voyait quelque choses sans qu'on le voit lui -vous me suivez?-, et ce quelque chose était... Une clairière. Ou plutôt ce qui s'y passait. Car, oui, observer une clairière où il ne se passe rien est aussi futile que d'ôter le couvercle d'une casserole vide pour en remuer le contenu -houlà, assez atypique, comme comparaison-.
-Hou!
-Silence!" murmura Shibe.
Au centre de la dite clairière -un espace quasi-circulaire d'une trentaine de mètres de diamètre-, un feu de camp. Et autour de ce feu de camp -je traîne, hein?-, des hommes, des tentes, des chariots, et des herbivores... Un campement, quoi.
-Hou?
Shibe lança un regard meurtrier au hibou, qui ne s'en formalisa pas le moins du monde.
Trois heures. Trois heures qu'il était couché ici, observant en silence. Avant d'en arriver là, il avait du traverser la Mer Intérieure, passer la foret qui bordait son rivage Nord-Ouest au peigne fin, et tout cela, en un minimum de temps, et sans être sûr de trouver ce qu'il cherchait. Une étape de plus dans la poursuite de la petite tablette de pierre contenant les plus vieux écrits de Gardemine.
Tout avait commencé lorsque Raoul et Nakaëriel étaient arrivés à la ville du Nord, porteurs d'une excellente nouvelle: la position des propriétaires supposés de la tablette, autrement dit, les trafiquants d'antiquités qui l'avaient dérobé au musé de Dondruma. Malheureusement, une fois arrivés au lieu dit, mauvaise surprise: ils avaient plié bagage, continué leur route, et -probablement- embarqué pour franchir la Mer Intérieur. Ne sachant ni le "où?", ni le "quand?" -entendant par là leur itinéraire- il avait fallu se séparer. Raoul et Heinrich étaient restés à la Ville du Nord, dans le cas, peu probable, où le convoi tant convoité -hem...- n'y serait en fait pas encore parvenu; Shibe et Nakarkassiel étaient censés surveiller le rivage Nord-Ouest de la Mer Intérieure -lieu de passage le plus probable-; et quand à Firior et moi-même, nous étions partis pour la Cité Royale, en espérant arriver les premiers.
Inutile, rendu à ce point, de vous dire qui les avait trouvé...
-Hou?
-Tu tiens à tout prix à m'faire repérer, ou quoi?
Shibe plissa son unique oeil. Les gardes semblaient nerveux. Visiblement, ils savaient qu'ils étaient suivis. Prudence, donc. Pour l'instant, ils en comptait une trentaine, sans compter ceux qui devaient dormir dans leur tente et ceux qui patrouillaient dans la forêt aux alentours. Son plan était simple: s'approcher discrètement des chariots, les fouiller tout aussi discrètement, s'emparer de la tablette, et disparaître. Avec tout ces gardes, cela allait sûrement relever de l'art plus que de la discrétion, mais...
-Hou...
-Toi, j'te conseille vivement de t'taire!
Il se redressa délicatement, et se prépara à...
-HOU!!!
-LA FEEEEERMEUH!!!
Shibe plaqua sa main sur sa bouche. En une seconde, il venait de se condamner. Avant même qu'il ait eu le temps de dire "maudit hibou!", il se retrouva encerclé par une soixantaine d'hommes armés, et prêts à en découdre.
Plusieurs d'entre-eux portaient des fusarbalètes. Mauvais pour lui.
-Je serais toi, je me rendrais...
Il examina son interlocuteur. Un grand homme vêtu d'une armure de mailles, et portant une paire de lames à sa ceinture. Sa bouche, barrée d'une cicatrice, s'ouvrait d'une façon bizarre lorsqu'il parlait.
-...à moins que tu ne préfères mourir tout de suite!" compléta-t-il.
Shibe examina rapidement ses environs proches; quarante deux... Non, quarante six hommes armés de lames diverses, cela allant du poignard à la lance, en passant par l'épée de duel. Et... Treize ayant un fusarbalète, dont onze à une distance suffisante pour avoir le temps de le tuer plusieurs fois si il lui venait l'envie de courir vers eux. Et il y en avait d'autres, positionnés dans les arbres entourant la clairière, qu'il n'avait pu apercevoir de sa cachette.
Avec un deuxième oeil et trente ans de moins dans les jambes, il se serait tiré sans problème de cette situation. Mais là, impasse.
Il sentit le contact désagréable que procure le canon d'une arme quand on vous le pointe dans le dos. Tant pis!
Inspirant profondément, il choisit les huit personnes les plus proches parmi celles qui l'entouraient. Le destin de ces huit-là était maintenant scellé. Ils allaient quitter le monde des vivants avant qu'il ne s'effondre lui-même, criblé par les projectiles de ces maudits fusarbalètriers. Au moins, il ne mourrait pas seul.
-Je me rends." affirma-t-il en tranchant la tête de l'homme qui lui pointait son arme dans le dos.
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-Échec!
J'examinai pensivement le plateau de jeu, tentant d'élaborer une stratégie imparable pour éliminer le sournois petit pion qui s'était glissé jusqu'à mon roi sans dégarnir ma défense. Il faut dire que ce jeu était plus complexe qu'il n'y paraissait à première vue. Car quand ce cher Florentamenos m'avait dit que le but était d'utiliser son armée pour se débarrasser du roi adverse, j'avais imaginé quelque chose de plus... Guerrier?
Mais il fallait se rendre à l'évidence: non, le cavalier ne pouvait traverser le plateau dans une charge héroïque et renverser toute une colonne de pièces en une fois; au contraire, la tour, elle, ne se gênait pas pour aller fricoter avec l'autre extrémité de l'échiquier, au mépris de toutes les lois de la logique -vous vous êtes déjà fait poursuivre par une tour? Quoique, cela me rappelait quelque chose...- ; le roi, pas grand chose de surprenant à cela, n'était pas bon à grand chose; la reine, par contre, était contre tout attente la grande faucheuse en personne -imaginez l'épouse d'un roi traversant le champ de bataille à toute vitesse, armée de sa broche à cheveux, et étripant tout sur son passage-; les dernières curiosités venaient du fou, qui, en plus de participer activement à l'affrontement était plus mobile que le cavalier -à quoi sert-il d'avoir une monture si elle se déplace plus lentement qu'un fou à pied?-, et du pion, pauvre soldat de base, chaire à canon à qui on avait enlevé son droit le plus fondamental: attaquer son ennemi de front. Obligé de se déplacer en diagonale pour se débarrasser d'une pièce, après avoir traversé tout ce maudit plateau en ligne droite, case par case... Comme si, arrivé à quelques mètres de l'armée ennemie, ce brave soldat se rendait compte de la bêtise de la guerre et tentait de faire demi-tour; mais, emporté par son élan, n'avait pas la place suffisante pour arriver à ses fins et piétinait un belligérant au passage. Ah, et pour ne rien lui épargner, si il arrive au bout de l'échiquier... Il devient la reine officielle, si cette dernière est tombée... J'imagine cet incapable de roi, écroulé de chagrin après la perte de son assassine de femme -quand on préfère massacrer des bataillons entiers plutôt que de broder au coin du feu, il faut pas s'attendre à atteindre un âge avancé...-, en train d'annoncer "j'épouserai le premier soldat qui atteindra l'extrémité du champ de bataille indemne!". Après ça, on s'étonne que les pions tentent de faire demi-tour...
-Échec!
Je venais de prendre le pion importun grâce à mon fidèle fou, mettant par là même son roi en danger.
-Échec!" répondit-il en se débarrassant de mon fou à l'aide de sa reine.
-Échec!" répliquai-je à mon tour en utilisant ma propre reine pour éliminer la sienne.
-Échec!" rétorqua-t-il en amenant son fou et en mettant fin aux jours de ma royale dame.
-Ben échec." Conclus-je en me débarrassant de son fou grâce à mon roi -qui avait donc fini par servir à quelque chose- "Ah, tiens, non!
Je venais de me rendre compte du fait qu'il ne restait plus que nos deux rois sur le plateau. Zut.
Flo se gratta pensivement la tête.
-Heu... Échec et pat. Égalité, quoi." s'étonna-t-il.
Peu de gens peuvent prétendre avoir disputé une partie d'échecs avec le Responsable Suprême de la Guilde des Chasseurs. Quand à moi, je peux prétendre sans risque de me tromper qu'il y est aussi mauvais que moi.
-Hmpf.." soupira-t-il en s'étirant. "Une heure de perdue.
-C'était ton idée..." repondis-je en quittant ma chaise. "Mais j'avoue que ce jeu est assez amusant.
-Oui, il est assez populaire, dans les régions du Désert, mais ici, il n'est connu que depuis peu...
Il prit deux bouteilles parmi celles posées sur la cheminée de marbre faisant face à son bureau.
-Tu ne pourras pas dire que je ne suis pas prévoyant..." Fit-il en posant la seconde bouteille en face de moi, accompagnée d'un verre.
-C'est...
Je fixai la bouteille un instant avant de la déboucher et de remplir le verre. Pas possible. Ca faisait bien vingt ans que... Je vidai le verre d'un trait. Un goût à la fois froid, un peu piquant, et tellement amer... J'en aurais presque eu la larme à l'oeil.
-Si j'avais su que tu avais de la Limonade-Amerinsecte, je t'aurais rendu visite plus tôt!" plaisantais-je.
-C'est justement dans l'éventualité où tu me rendrais visite que je gardais une bouteille de coté. Car, en fait, il n'y a pas grand monde qui boit ce truc..." dit-il en se versant un minuscule verre du contenu de sa propre bouteille. "Mais...
Il me toisa du regard, et un léger sourire apparut au coin de ses lèvres.
-...Je suppose que tu n'es pas venu juste pour le plaisir de boire un verre avec ton cher frangin tout en jouant aux échecs.
-Certes non..." répondis-je. "A vrai dire, j'aurais un service à te demander.
-Voyez-vous cela...
-Il se trouve que je me suis lancé dans une certaine expédition, organisée par une certaine personne, et, pour la mener à terme, j'aurais besoin de consulter un certain... Hum, document qui est gardé ici même.
-Si je te suis bien, tu as décidé de t'allier à un bandit de grand chemin pour cambrioler le Grand Comptoir de la Guilde, afin de mettre la main sur les objets précieux qui y sont entreposés!
-Gné?!? Mais j'ai jamais dit ça!
-Une certaine expédition, une certaine personne... Pour moi, cela ne veut absolument rien dire. Alors sois clair ou oublie ce que tu es venu chercher, car je ne vais pas te confier n'importe quoi sans savoir ce que tu comptes faire avec...
-Si tu y tiens tant que ça... On va dire qu'un coursier travaillant pour la Guilde, un certain Firior -je ne sais pas si ça te dit quelque chose-, s'est mis en tête de découvrir la Chevauchée du Dragon, rien que ça. Et comme il a pensé à moi pour faire partie de l'expédition... Enfin, bref, à ce qu'il paraît, la Guilde détient le plus ancien document écrit de Gardemine, et j'aimerais au moins le consulter, car il pourrait être d'une grande utilité...
Tout au long de mon explication, l'expression de Flo avait changé. Ce qu'il faut savoir, avec les Wyveriens -car mon "frérot" en était un de pure souche-, c'est que, et cela étant dû à leur longévité, leur personnalité finit par s'imprimer sur leurs traits. Flo était redevenu le Grand Responsable de la Guilde. Froid, attentif à la moindre information, calculateur, sûr de lui.
-Oui, je pense connaître ce "Firior". Quand à ce fameux document, je suis au regret de te dire que je ne peux pas te le fournir, pour certaines raisons qui...
-Firior a massacré toute ta famille quand tu étais petit, et tu as donc besoin de ce document car il est indispensable à ta vengeance et à ton plan de conquête de Gardemine.
-Quoi?!? Mais je n'ai pas dit...
-Je pense connaître... Certaines raisons... Pour moi, cela ne veut absolument rien dire!" le narguai-je. "Alors sois plus précis, je te prie...
-Oui, je vois tout à fait qui est le coursier nommé Firior, et je suis au courant de son entreprise, mais... C'est assez étrange que tu me parles de ce document... Normalement, j'aurais appelé ça une coïncidence... Mais avec quelqu'un comme toi, il faut s'attendre à tout." Affirma-t-il en me fixant froidement.
-Je n'en ai pas compris beaucoup plus...
-Sache juste que ce document est dans les coffres de la Guilde, et qu'il y restera. Je suis désolé.
-Dans les... Alors c'est quoi le truc posé sur ta cheminée?" demandai-je en désignant la petite tablette de pierre posée de façon décorative à coté des bouteilles.
Étouffant un juron, il me barra le chemin.
-Réfléchis bien..." affirma-t-il. "Si je te dis que j'ai des raisons de ne pas te le donner, c'est qu'elles sont bonnes. Alors ne fais pas l'idiot, s'il-te-plait... Ou je serais obligé de te faire mettre aux arrêts.
-Je veux juste recopier les inscriptions la recouvrant!" Expliquai-je, tentant de le contourner.
-Tant pis..." soupira-t-il. "Excuse moi, mais c'est pour ton bien. A LA GA...
-PISTACHE!!!" m'exclamai-je en lui fourrant un mouchoir brodé -pris sur son bureau- dans la bouche sans lui laisser le temps de finir sa phrase.
Je me jetai sur la tablette, le fourrai dans ma sacoche, et fonçai vars la fenêtre. Flo, quand à lui, décrocha une épée fixée au mur, et tenta de me retenir.
-Ca été un plaisir de te revoir, et, désolé pour la pierre, j'en ai vraiment bes...
-NCHECHBLOUCHEPLUCH!" s'exclama-t-il en balançant l'épée vers moi.
Je sentis la lame passer à quelques centimètres de ma tête, tandis que je sautai par la fenêtre précédemment citée.
...
Troisième étage. Merde.
Les gardes jaillirent dans le bureau du Grand Responsable, qu'ils trouvèrent en train de crier des mots incompréhensibles par la fenêtre. Les entendant arriver, il se retourna et leu hurla:
-CHOURCHUIVECH LCHOMCH CHQUI...
Il retira le mouchoir qu'il avait dans la bouche, avant de reprendre:
-POURSUIVEZ L'HOMME QUI VIENT DE SAUTER PAR LA FENÊTRE, VITE!!! IL NE DOIT PAS S'ENFUIR!!!
-Heu...?" Demanda un garde. "On doit aussi passer par la fenêtre? Non, parce qu'on est quand même au troisième étage, et...
Flo poussa un soupir. Il se sentait las, tout d'un coup. Très las... Mais pourquoi, pourquoi fallait-il que ce soit dans des situations aussi urgentes que vos subalternes se révèlent être de tels bras cassés?
-Ksaï, Ksaï, Ksaï..." soupira-t-il en s'appuyant sur le rebord de la fenêtre, observant la Citée Royale. "Tu ne sais pas dans quoi tu t'engages...
-C'est à ce point là?" repondis-je.
Il baissa les yeux, et, constatant que j'étais agrippé au rebord de la fenêtre, me lança un regard désabusé.
-Tu sais, frérot... Quand on saute du troisième étage...
-...oui?" demandai-je.
-...ON ASSUME!!!" hurla-t-il en refermant la fenêtre sur mes doigts.
-BWAAAAAAAAAAAAA*PLAF!!!* " répondis-je en chutant et en m'étalant sur le pavé.
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Note de l'auteur: J'aurais bien évidemment pu crier "JE ME VENGERAAAAAAAAIS!", mais bon, c'était trop classique, tandis qu'un "BWAAAAH!" est tout de même moins courant qu'un "AAAAAH!" et moins idiot qu'un "DÉCOLLAGE!!!". J'aurais aussi pu crier "PHILIIIIIIIIIPE!!!", mais... C'était déjà pris: http://www.nanarland.com/play_video.php?vid=86
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...
synonyme = F*** 
...
...
continu 
les 3 ?
ou à te poiler un bon coup ?