Chapitre 12:
INTERLUDE
"Je suis là !"
Wolf referma la porte d'un violent coup de pied, et balança son manteau sur les marches de l'escalier... Il entra dans le salon. Dans un coin de la pièce, face à une banquette, la télévision distillait par bribes les nouvelles du jour. Juste à côté, un petit bureau en désordre supportait un ordinateur qui semblait beaucoup trop lourd pour lui... Le loup traversa la pièce et entra dans la cuisine. A la table était accoudée une louve dont les yeux étaient encore voilés par la fatigue... Elle était petite, mais pourtant mince et élancée. Elle semblait faible et fragile, mais ses gestes trahissaient une très grande confiance en elle.
"Bien dormis, demanda Wolf.
-Non... tu m'as manqué !
-Voyons, je suis parti une nuit..."
Elle se leva et déposa un baiser sur sa joue. Wolf dissimula le sourire niais qu'il sentit poindre sur ses lèvres:
"J'aime pas quand tu fais ça, protesta t-il, tu baves, surtout quand t'es à moitié endormie !
-Arrête, je sais que tu adores ça !
-Un homme comme moi à autre chose à faire que de se faire papouiller...
-Oh, monsieur à les chevilles qui enflent ?"
Le loup sourit franchement:
"Pas que les chevilles, avoua t-il.
-Oh, Wolf, je viens de me lever, je vais quand même pas retourner au lit tout de suite... d'autant plus que ta réflexion était de très mauvais goût !"
Wolf s'assit, déçu et boudeur:
"Ca m'aurait pas fait de mal, pourtant, avec ces réunions pourries...
-La fédération t'as pourtant engagé comme homme d'action, non ?
-Enfin, tu les connais, ces " trucs " à régler, toutes ces affaires d'administration qui s'éternisent... enfin, voilà quoi ! C'est pas tout, mais j'ai faim !"
Il retourna dans la cuisine et revint, bouteille de bière à la main.
"Je croyais qui tu avais... faim...
-Ouais, enfin, façon de parler !"
Elle s'assit à côté de lui sur le canapé. Sur l'écran de télé, le présentateur détaillait le portrait d'un homme, aux allures de félin, l'air gauche et bourru.
"Ce type, demanda la louve, y'a pas son nom dans un de tes dossiers ?"
Si Wolf avait pu blêmir, il serait devenu fantomatique.
"Quel dossier ? Tu l'as pas lu ?!"
Elle pointa du doigt un pochette verte restée sur un coin du bureau. Le loup se leva, vérifia que tous les documents étaient en place, et le remis prestement parmi tous les autres dossiers.
"Il faut que tu comprennes, expliqua t-il, qu'il y a des choses confidentielles que je ne dois montrer à personne... pas même toi...
-Tu l'avais laissé ouvert hier midi, quand tu es parti... j'ai eu peur que les papiers s'envolent, et du coup... j'ai lu la première page... c'est quoi ce projet... la puce de contrôle...
-Rien, mentit-il, juste un nouveau processeur pour les vaisseaux... et...
-Arrête Wolf. En fait, j'ai tout lu...
-Pourquoi t'as...
-C'est ignoble ce truc ! Comment tu peux laisser la fédération développer une horreur pareille !? Au lieu de ça, tu participes aux essais sur des cobayes que ne sont autres que des prisonniers dont certains n'étaient même pas condamnés à mort... "
Wolf soupira:
"Il faut bien que je gagne de l'argent... les missions pour la Starwolf ne se bousculent pas ces temps-ci..."
Il mentait, l'argent coulait à flot depuis qu'il avait vaincu l'empereur anglar... Les particuliers qui en avait les moyens se bousculaient pour louer ses services...
"Et puis, ajouta t-il, j'essaie de ne pas imaginer ce qu'ils seraient capable de faire si je refusait de les aider dans leur expériences...."
Nouveau mensonge. Il se fichait bien de la vie des prisonniers, d'autant plus que cette nouvelle arme, cette puce, capable de contrôler l'esprit des autres, était fascinante. Il avait lui-même demandé de prendre part au développement... moyennant finance, bien sûr. Le reste, condamnés à mort ou pas, il s'en fichait, il avait tué bien trop d'hommes pour s'en soucier...
"Tu parles d'une occupation, lâcha la louve."
Wolf encaissa le coup. Comme pour changer de sujet, il prit une autre dossier:
"Regarde ça ! Ca, c'est la clé vers la postérité !
-Tu es déjà célèbre...
-Oui, enfin... regarde."
Il ouvrit la pochette, bleu, celle-ci. A l'intérieur, de nombreuses photos étaient collées, représentant toutes de sordides scènes de crime. On pouvait voir de nombreux corps, couchés sur le sol, plus ou moins ensanglantés, tués d'une manière plus ou moins violente.
"Regarde ça, Dawn. Que des hauts gradés de la fédération... assassinés ! Une belle merde !
-Et tu enquêtes là-dessus ?
-Auncun motif, aucune piste concrète, mais je m'accroche..."
Soudain, un petit glapissement retentit. Dawn et Wolf relevèrent la tête.
"Je vais le chercher, déclara le loup."
Il redescendit quelques minutes plus tard, une boule de poils sur l'épaule. La louve se leva:
"Comment tu le tiens, voyons, c'est pas un sac !"
Elle prit le louveteau dans ses bras, l'arrachant de ceux de Wolf. Le petit loup s'agita dans un grognement satisfait... Wolf frotta la tête du petit:
"Grand et fort comme son papa !
-Geuh !
-Il n'a pas l'air d'accord, commenta Dawn."
La conversation fut interrompue par le portable de Wolf.
"O'Donnell, j'écoute...
-Wolf, vous êtes chez vous ?
-Oui.
-Quelqu'un peut-il vous entendre ?
-Oui. Mais je viens de rentrer chez moi... alors j'y reste !
-Très bien...
-Abrégez, de quoi s'agit-il ?
-La puce.
-La puce..."
Le loup jeta un coup d'oeil a Dawn. Elle écoutait...
"Qu'est-ce qu'elle a, la puce ?
-Un technicien nous a menacé...
-Il veut parler ?
-Oui, il réclame de l'argent contre son silence. Car il sait que si l'info filtre, la population va faire un sacré bordel...
-Le con... je suppose qu'il faut que je m'en occupe...
-Bien sûr Wolf... nous lui avons organisé un " dîner d'affaire ". Nous lui avons dit qu'il pourrait rencontrer un de nos représentants pour négocier...
-Je suppose qu'en réalité, vous ne comptez pas négocier...
-En effet... vous allez devoir faire ça clair et net... pas de quartier !
-La pitié n'est pas mon lot, mon colonel...
-Je sais, Wolf, c'est pour cela que c'est vous que nous avons choisi pour ce boulot...
-C'est trop gentil, ironisa le loup, il ne fallait pas !
-Je vous transfère les coordonnées du lieu de rendez-vous sur votre lunette, ainsi qu'une photo de votre objectif. Wolf...
-Quoi ?
-Si il y des... témoins... éliminez-les.
-Okay.
-Nous vous couvrirons en cas de pépin.
-Okay.
-Bonne chance..."
Durant l'appel, Dawn avait aussi décroché son téléphone...
"Ok, fit-elle, a plus tard..."
Wolf soupira:
"Une mission, ce soir... et toi, qui c'était ?
-Une amie."
Wolf prit son fils dans ses bras.
"Aller mon grand, j'ai encore un peu de temps, au bain !"
Il pleuvait. Merde, c'était chiant ! Wolf détestait la pluie. Il était appuyé contre un mur. Il fallait attendre le type: faisait chier, lui aussi. Face à lui, de l'autre côté de la route, se trouvait le restaurant, le lieu du rendez-vous. Wolf pensa avec un certain amusement au pauvre technicien. Il aurait mieux fait de fermer sa gueule, celui-là. Dans la vie, il y avait les incompétents: les faibles; et les forts, les gagnants... Quand un perdant voulait sortir du lot, il se faisait réprimer, c'était aussi simple que cela; l'ordre des choses... Wolf observait les passants... Cet avien, par exemple, là-bas, pourquoi était-il là. Ils vivaient tous leur vie, " Et moi aussi" pensa le loup. Mais lui, il était là pour tuer... peut-être que eux aussi, après tout, pourquoi pas ? Wolf releva la tête... ce type... c'était lui ! La cible ! Un loup, comme lui... qui s'approchait du restaurant. Mais quelque chose n'allait pas, il était accompagné. La femme a son bras se retourna... Wolf sentit le monde s'effondrer sous ses pieds... Qu'est-ce que Dawn foutait avec ce connard ?! Il s'élança, traversa la route et pénétra dans l'atmosphère étouffante du restaurant. Il n'y avait qu'une seule explication à la présence de sa compagne avec ce type, mais Wolf préférait l'ignorer... Il se fraya un chemin parmi la foule, et jeta un coup d'oeil dans la grande salle à manger. Bondée... elle était bondée. De nombreuses tables à nappes blanches avaient été également réparties dans la pièce, éclairées par de somptueux lustres de cristal qui se balançaient doucement, insensibles au brouhaha qui régnait en contrebas. Wolf repéra les deux autres loups. Il courut jusqu'à un pilier de marbre contre lequel il s'appuya, tentant de ne pas perdre sa cible de vue. Par acquis de conscience, il sortit son téléphone, et composa le numéro de son domicile... une voix de femme répondit:
"Oui ?
-Anna ?
-Monsieur O'Donnell ?
-Oui, c'est moi ! Tu gardes le petit ce soir ?
-Oui, votre femme m'a appelé il y a une heure. Elle m'a dit que vous sortiez ensemble ce soir. Il y a un problème ? Vous voulez parler à votre fils ?
-Non... non ça ira. Dis lui seulement que je l'adore ! Okay ?"
Sans attendre de réponse, il raccrocha.
L'orchestre débuta un hymne tonique au tempo haletant... Avec une précaution extrême, Wolf se fraya un chemin jusqu'à une table depuis laquelle il pouvait observer les deux autres loups.
Il ne pensait plus à la mission. Rien d'autre ne comptait que ses intérêts personnels... Il tenta de dissimuler son visage du mieux qu'il le pouvait derrière le menu, l'oreille tendue...
"Tu as compris, disait l'autre, lorsque mon client arrive, je devrais te laisser...
-Ton client ?
-Oui, j'ai une affaire à conclure... !
-Mais reviens vite, on pourra peut-être passer chez toi ensuite. D'acc' ?
-Bien sûr !"
Il l'embrassa... Wolf sentit tout son corps se crisper... L'autre reprit la parole:
"Au fait, quand je t'ai appelée tout à l'heure pour te proposer de venir manger avec moi ce soir, j'avais une idée en tête..."
Dawn pencha le tête, curieuse.
"Si je réussi à conclure cette affaire, j'aurais un certain... gain d'argent... Et je compte dans ce cas t'inviter à vivre avec moi."
Dawn... et Wolf... tressaillirent.
"Oh... je ne sais pas, répondit la louve, il faut que j'y réfléchisse... tu comprends c'est...
-Oui, c'est soudain, je sais, mais prend le temps d'y penser... Bon, si tu veux bien m'excuser, je vais me préparer avant que mon client n'arrive..."
Wolf se leva à la suite de l'autre loup. Il s'engagea dans un couloir où le bruit de l'orchestre semblait atténué... Wolf vit la porte des toilettes retomber. Il respira profondément, et entra.... personne ! L'autre devait être dans une cabine. O'Donnell s'appuya contre les lavabos, patient. Au bout de quelques longues minutes, la chasse d'eau retentit, et l'autre immergea de sa cabine. Il se pencha devant un lavabo, non loin de Wolf.
"Bonjour..."
Le technicien tourna la tête, surpris:
"Bon... bonjour. Vous..."
En se relevant, il dévisagea Wolf.
"Dites, vous ne seriez pas... Wolf O'Donnell ?
-Lui-même"
Le technicien tendit la main. Wolf la lui serra, dans un craquement sinistre...
"Enchanté, persiffla t-il, enchanté..."
L'autre loup massa sa main endolorie, visiblement mis mal à l'aise par l'hostilité non dissimulée de Wolf. Il se contenta d'un bref signe de tête, et tenta de s'éclipser... mais O'Donnell ne lui en laissa pas le temps, lui barrant le chemin. Wolf l'empoigna par le col et lui asséna un coup de genoux dans l'estomac, dans un excès de violence inouïe. Le technicien fut traîné au sol, et se sentit soulevé de terre, puis plaqué contre le mur avec une telle force qu'il en eut le souffle coupé.
"Alors... c'est vous qu'ils ont envoyé ?
-Je me fous de la fédération, répondit Wolf."
Les griffes s'enfoncèrent dans la chaire dans un bruit atroce. Soudain, la porte s'ouvrit à la volée.
"Therry je..."
Dawn s'interrompit, laissant la porte se refermer derrière elle. Wolf laissa le corps du technicien retomber au sol... La louve leva vers lui un regard suppliant et hébété.
"Wolf, qu'est-ce que tu..."
Elle poussa un faible cri en sentant les griffes pénétrer sa nuque...
"Wolf..."
Le loup resta de marbre:
"Aucun témoin...
-Wolf..."
Les griffes se retirèrent, la louve tomba au sol.
"Wolf... Wolf..."
Le canidé la fixait, impassible, le visage de marbre.
"Aucun témoin, répéta t-il, aucun !"
Les yeux de la louve se fermèrent lentement. Elle avait rendu l'âme.
Wolf se dirigea vers le technicien. Il le saisit et le plaqua de nouveau contre le mur comme si rien ne s'était passé. L'autre leva la tête vers lui:
"Tu étais obligé de la tuer ? Peut-être n'étais-je pas suffisant... Argl !"
O'Donnell resserra sa prise autour du coup du technicien. Il savourait presque ce moment, se délectant de chaque gargarisme étouffé que produisait sa proie alors que la vie quittait son corps. Il laissa ses griffes ronger les chaires, perforer les tissus. C'était un moment grandiose ! L'autre secouait faiblement les jambes, tentant en vain de se libérer de l'étreinte mortelle. Puis, même lorsqu'il ne tint plus entre ses mains qu'un corps sans vie, Wolf continua de l'étrangler... jusqu'à ce que la lassitude l'emporte et qu'il laisse tomber le cadavre...
Sans se retourner, il sortit de la salle, en prenant soin de piétiner le corps du pauvre technicien... Ne laissant derrière lui qu'une marre de sang.
Cinq ans plus tard, Wolf se retourna une dernière fois vers le jeune homme et sa compagne défunte... Après tout, qu'est-ce que cela pouvait lui faire. Il n'en avait rien à foutre ! Ce n'était pas pareil, ils n'avaient pas eu de fils, eux... pourquoi s'était t-il emporté comme ça ? Il devrait peut-être s'excuser auprès de Samus... Oh, et puis non. Il n'en avait rien à foutre non plus ! Il
