- Chapitre 28 : Au sommet de la tour*
Peach, infirmière et désormais smasheuse plus affirmée, partait avec ses compagnons Wolf, Yoshi et Cartoon en direction de l'arène d'Argenta. Elle ne se doutait pas, malgré son inquiétude permanente et silencieuse, que de l'autre côté de la forêt de Jade, des voyageurs malades qu'elle connaissait bien se lançaient eux aussi dans la chasse aux ingrédients.
L'éclair hérité de Pikachu avant sa transformation en Pichu, constituant le premier composant de la recette, était conservé dans un drôle de disque qui ressemblait à ceux que l'on utilisait pour écouter de la musique. D'après Red, les dresseurs s'en servaient pour apprendre des nouvelles capacités à leurs Pokémons. Il avait dû recourir à un appareil spécial pour transférer ce morceau de foudre dans le CD. Pendant ce temps, et durant tout le week-end, Samus, Ike, Lucario, Marth et Bowser avaient eu droit à deux chambres au centre Pokémon de Jadielle. Pour des raisons de gêne qu'aucun mâle du groupe, mis à part Lucario, n'était parvenu à deviner jusque-là, Samus avait dû faire chambre à part. En remplacement de ses escarpins endommagés par les nombreuses courses, elle avait également bénéficié de chaussures blanches, ouvertes et ceinturées, semblables à celles des petites filles. C'était ce que mettaient les infirmières du centre.
À présent qu'ils avaient repris un peu de forces en luttant toujours contre le virus à coups de médicaments, ils étaient sortis de la ville, pour se poster devant la tour aux « WW » jaune et violet. De loin on ne distinguait qu'elle, mais en réalité elle est entourée, encerclée par des grands locaux d'usine collés entre eux et qui ne laissaient qu'un chemin ouvert vers l'entrée de la haute construction. Les portes de ces bâtiments devaient se trouver à l'intérieur du cercle. Des vitres s'étendaient en hauteur et tout en longueur. Il y avait certainement un rez-de-chaussée et un étage supérieur, pourtant les arbres de la jungle les cachaient bien. Quelques racines semblaient tenter d'engloutir le local en longueur, en vain. Ces racines, ces végétations en tous genres, et les quelques insectes qui se promenaient dans les environs, étaient bien les seules formes de vie par là. On n'y rencontrait aucun animal, pas même un oiseau.
Si Samus, Marth et Ike paraissaient impressionnés par l'endroit, et si Lucario restait aussi indifférent que Red, Diddy Kong et Donkey Kong, Bowser voyait les choses de façon plutôt radicale...
- C'est moche. Non, sans déconner, c'est moche. Arrêtez de bloquer dessus. Et puis, ils sont où les chiens de garde dont vous nous avez parlé, hein ?
- Les employés s'occupent eux-mêmes de la sécurité, et ils sont encore moins cool que des chiens de garde, hon, rappela DK.
- Y en a plein dans c't'entreprise, si t'es d'jà rentré dedans ils te reconnaissent direct à ton retour, ajouta Red.
- Et du coup, on entre sans vous..., en déduisit Ike.
- Exact, confirma Diddy. Et comme za montre qu'ils cachent des choses, et que za ferait un bon zuzet de reportaze, ze dois vous confier quelque chose...
Comme vendredi dernier au moment de leur rencontre, le chimpanzé grimpa sur le mercenaire. Sur la chemise bleue à rayures fraîchement lavée de celui-ci, il installa une sorte d'appareil aussi petit qu'un des boutons noirs du vêtement.
- Qu'est-ce ? demanda Marth, intrigué.
- Une caméra bien cachée, chuchota Diddy en lançant des regards furtifs partout. Ze vais zûrement tomber zur le zcoop de l'année. Ze compte zurtout zur le guerrier, il est grand et fort, il pourra défendre la caméra zi quelqu'un veut la lui retirer.
- J'suis pas grand et fort, moi ?! protesta Bowser.
- Toi t'es un peu trop fort, z'est pour za que t'envoies une armée pour les mizions plus ztratéziques au lieu de ruzer par toi-même. Ze gars-là est plus qualifié que toi zette fois.
Bowser grommela, se jurant qu'un jour ce petit morveux paierait pour son effronterie naïve. Son attention se reporta ensuite sur Samus, qui pouffait de rire.
- J'espère que tu crois pas à ces conneries et que tu te fous pas de moi, là...
- Hmm, non, je le prends comme une plaisanterie, et c'est très drôle, assura la jeune femme avec un grand sourire.
Le Koopa vexé ne comprit pas tout de suite, mais le soupir d'Ike qui suivit lui indiqua clairement de qui Samus riait. Quels gamins...
- Nous allons devoir y aller, j'imagine, dit Lucario en regardant la tour. Nous avons la... (il baissa la voix) caméra...
- L'intitulé de la mission, qui consiste à récupérer les ingrédients et la nourriture volée..., continua Marth.
- Les bananes, elles doivent être périmées depuis le temps, non ? s'interrogea Ike à voix haute.
DK, à ces mots, éclata une nouvelle fois en sanglots. Le fautif tapa une main contre son visage, se rendant compte de son erreur. Diddy, tout en tapotant le dos du gorille, répondit :
- Y a pas que za comme nourriture, et de toute fazon le boz* vole auzi les repouzes.
- OK, dit Bowser. Pour finir, on a la recette et le sac de médicaments.
- Vous avez aussi des trucs contre la nausée ? Parce que vous en aurez sûrement besoin et... j'en ai pas sur moi, déclara Red en fouillant dans ses poches.
- Il y a une de ces infirmières aux cheveux roses qui m'en a donné une plaquette, dit Samus en rougissant soudain. Je n'en avais pas spécialement besoin, mais elle a dit « au cas où ». C'est si important d'avoir ça sur soi ?
- Bah... au cas où, quoi, répéta l'adolescent avec un haussement d'épaules. Vous verrez par vous-mêmes, t'façon.
Lucario se rapprocha brusquement de Red, lui intimant ensuite :
- Jure que tu vas bien t'occuper de Pichu en notre absence...
- Sur la tête de mes trois Pokémons que j'le f'rai ! Tranquille, promit le dresseur tout en repoussant un peu la créature canine.
- Tu n'en as que trois ? Pourtant tu es spécialiste, non ? s'étonna Ike.
- J'ai juré sur les trois que j'ai confiés à un pote en vacances dans la ville d'à coté, mais j'en ai plus que ça quand même. Vu l'affaire avec Pikachu, j'aurais pas eu le temps de gérer tous les Pokémons, t'as vu.
- Comment as-tu su pour Pikachu... ? s'enquit Samus, suspicieuse.
- Mais vas-y là, c'est un interrogatoire ? Vous s'rez au courant plus tard, c'est bon wesh ! Barrez-vous là-bas mainte...
Il s'interrompit lorsque ses pieds cessèrent de toucher le sol. Bowser le tenait par le col, et le fixait droit dans les yeux. Red hésita, puis reprit d'un ton plus calme :
- Euh, ce que j'veux dire, c'est que si on reste tous ici, on va s'faire jarter par la sécurité, euh... Ils vont trouver ça chelou, ce... ce rassemblement... D'jà qu'ils nous kiffent pas, moi, Diddy et DK... Peace, hein ?
Une fois le discours terminé, la tortue intimidante le lâcha par terre sans ménagement. Pas parce qu'il était lunatique qu'il fallait le laisser s'adresser à eux comme à des chiens...
DK, qui ne pleurait plus, fit savoir qu'il s'assurerait que Red reste cool, et qu'il surveillerait son compagnon simiesque ainsi que l'évolution de l'état de santé du petit Pichu. Diddy Kong fit promettre à Ike de bien faire attention à la caméra, car c'était le tout dernier modèle trouvé sur le net, et parce que malgré sa puissance, elle pouvait être fragile. Le jeune homme n'y saisissait apparemment pas grand-chose, mais rassura tout de même le petit reporter sur son engagement. Red, tout d'un coup sincèrement détendu, souhaita bonne chance au groupe, tandis que celui-ci s'avança d'un pas résolu vers l'entrée de la tour, chaque membre étant armé de son masque antibactérien. Les portes automatiques, faites de glaces sans tain dissimulant l'intérieur, s'écartèrent pour inviter les cinq malades à entrer. Quand elles se refermèrent, Bowser se retourna et vit, à travers la vitre, les trois intrus rebrousser aussitôt chemin.
Maintenant qu'ils y étaient, ils devaient trouver un moyen d'accéder au patron. Ils ne portaient certes pas une tenue impeccablement professionnelle, puisqu'ils étaient vêtus de leurs vêtements achetés à Corneria City à part Lucario. Mais, par chance, le chef de cette organisation se fichait du style, d'après DK. Et cela se remarquait assez facilement.
L'intérieur du quartier général regroupait toutes les couleurs, de salles en salles. Toutes. On passait ainsi d'un gris à un rouge, puis à un turquoise, puis à un rose, puis à un kaki, puis à un violet... Aucune pièce n'avait de porte, il n'y avait qu'un mur qui les séparait à chaque fois. Par ici, à cet étage, ils semblaient s'occuper de la vérification de matériaux en tous genres... Même les employés étaient de tous genres, de tous types, ressemblaient à tout et à rien. Des filles très jeunes testaient des flèches, tandis que des chiens humanoïdes faisaient rebondir des petits écrans de télévision au sol pour contrôler leur solidité ! Des ninjas examinaient l'arôme des cure-dents... ? Ils avaient une préférence pour le goût de l'ail... ?? Et des hommes habillés dans le style disco et ringard jouaient en cassant des briques avec leurs poings ! Cela rappelait vaguement quelqu'un, d'ailleurs...
- Bowser ! Viens, on a trouvé un interphone ! l'apostropha Samus, alors que la bande et elle se trouvaient déjà à l'autre bout de l'allée.
Le Koopa les rejoignit sans explorer les autres salles du regard, ce qu'il avait vu lui donnait déjà suffisamment la migraine. On aurait dit un voyage dans la quatrième dimension.
En effet, à défaut d'un secrétariat, les personnes extérieures à l'entreprise disposaient d'un interphone sur un mur blanc. De chaque côté de la paroi, il y avait des doubles portes avec une tête de cochon grossièrement dessinée dessus en bleu.
Lucario appuya sur le seul bouton de l'appareil. Un message inaudible et rempli de parasites se fit immédiatement entendre. Voilà ce qu'il fallait retenir de l'entreprise.
- C'est le bordel total ici ! explosa Bowser. Et dire que c'est eux qui ont pris...
- Chut, on nous entend ! le coupa Marth.
- Hum, bonjour, nous voudrions nous entretenir avec le dirigeant de... de l'entreprise, s'exprima poliment le Pokémon. Nous savons qu'il accueille sans passer par les rendez-vous... Nous serait-il possible de le voir, s'il vous plaît ? Nous sommes cinq.
La personne à l'interphone donna une réponse, mais les grésillements eurent derechef raison d'elle. Cependant, les cinq nouveaux venus comprirent vite que leur requête avait été écoutée et acceptée : la double porte de gauche s'ouvrit pour dévoiler un ascenseur tout noir et sobrement éclairé.
- L'ascenseur, ça va être ma salle préférée, c'est la seule à être neutre, dit Bowser en y entrant avec les autres.
- Euh... Ne devrait-il pas y avoir certains mécanismes pour activer cet ascenseur, normalement ? fit remarquer Marth d'un ton préoccupé.
- Oui, comme des leviers ou des boutons, rétorqua Samus.
- À part des plantes de chaque côté de l'ouverture, et de la lumière, il n'y a rien ici, constata Lucario d'un air inhabituellement perplexe.
- On ne peut plus sortir de là, en tout cas, observa Ike, sourcils froncés.
Lorsque Bowser voulut réagir en débloquant l'ascenseur par la force – surtout parce que cette tête de cochon retracée en bleu sur les portes intérieures l'agaçait –, lui et le groupe ressentirent très vite les effets de la gravité. Ils étaient en train de monter.
- Bah tiens, fit une Samus ébahie, il est totalement automatisé ?
Bowser s'esclaffa de sa naïveté...
- ...'Suffit de savoir se faire respecter, il a eu peur de ce que j'allais lui faire ! Bwahaha !
Pour toute réponse, son interlocutrice agita la tête en soupirant.
L'absence de repère par rapport aux étages qu'il restait à atteindre rendait vite la montée insupportable. Bowser, éternel habitué des lieux sombres et intimidants, commençait à se sentir quelque peu oppressé par ce vide chromatique qui semblait se renforcer à chaque seconde. Il était même possible que l'ascenseur ne fût pas en train de s'élever. Avaient-ils ne serait-ce qu'une preuve qu'il ne s'agissait pas d'une illusion ? Une preuve qu'on ne leur faisait pas simplement croire à une ascension ?? Cet endroit était peut-être bien trop neutre pour qu'on en vante sa fiabilité... Plus le temps avancerait, plus ce sinistre cube mouvant les comprimerait, les écraserait, les broierait, les engloutirait, les...
- Bowser ? Ça va aller, nous sommes arrivés, n'aie pas peur.
Les paroles rassurantes de Lucario, accroupi près de lui, ramenèrent alors le chélonien à la réalité. Et il s'aperçut qu'il était recroquevillé sur lui-même. Tremblotant. Tellement qu'il en avait des crampes aux muscles, d'ailleurs. Son foulard rouge, à présent situé au niveau de son masque de protection, ne suffisait pas à le couvrir des regards interloqués et inquiets de ses partenaires d'infortune.
Voyant que l'élévateur s'était stabilisé pour de bon, et que les portes s'ouvraient enfin, Bowser se redressa vivement et sortit le premier. Au passage, il prit le soin de « rectifier » quelque chose :
- J'ai pas peur, j'ai juste tellement faim que mon ventre gronde si j'me plie pas. Sans commentaire !
Ses quatre compagnons respectèrent son souhait. Ils ne commentèrent pas.... Par contre, leurs rires étouffés voulaient tout dire. L'objet de leurs moqueries préféra donc se concentrer sur la nouvelle salle plutôt que sur eux.
Cette fois, le blanc, le noir et les couleurs épileptiques avaient laissé place à du violet dominant. Couplé à la moquette jaune à zigs-zags noirs, ce choix de couleurs pouvait paraître parfaitement grotesque, or cette teinte ne constituait qu'une large bordure pour tout le vitrage qui composait la pièce. Il n'y avait aucune séparation, et deux rangées de bureaux occupés étaient installées. Le personnel y était aussi diversifié que celui d'un bas, néanmoins, le travail effectué ici avait l'air beaucoup moins extravagant. Tous avaient les yeux rivés sur leur écran d'ordinateur, sans jamais accorder un seul contact visuel à la pile de documents près de leur outil de travail, ou à leur pizza dégoulinante laissée négligemment au sommet de leur tas. Pour couronner le tout, Bowser réalisa avec exaspération qu'il avait troqué l'écoute de la faible hilarité de ses associés contre celle du fort cliquetis continuel des doigts et des pattes sur les claviers en guise de fond sonore.