Le pistolet sur mon front, les quatre terroristes armés de pistolets mitrailleurs derrière Waldon, la bombe qui va sauter dans quelques minutes… Ma dernière pensée fut la suivante : comment ça a pu rater à ce point ?
Un coup de feu. Le sang qui gicle sur le mur. Mon corps s’écroule sur le sol…
Oui, je m’écroule sur le sol sous le poids du cadavre de Waldon qui me tombe dessus : un trou béant à l’arrière de la tête. Je ne comprends rien.
Les terroristes paniquent. Il y a des cris et des coups de feu. Je vois des terroristes dégoupiller des grenades. Puis je vois deux d’entre elles qui volent au milieu de la pièce. L’une roule tout près de mon visage. Mes mains et mes pieds sont attachés et le cadavre de Waldon me bloque. Je ne pourrais pas l’éviter…
Cette fois-ci je vois ma vie défiler devant mes yeux : mon enfance, mon diplôme en économie à Harvard, le jour où j’ai rejoint la NSA en tant qu’analyste, le jour où j’ai identifié le chef d’un groupe terroriste grâce aux données d’Echelon 3, le moment où on m’a demandé si celui-ci allait tirer sur sa femme, l’instant où en regardant mon reflet dans le miroir j’ai décidé de changer de vie, mon départ de Fort Meade, le programme d’entraînement intensif, la balle dans l’épaule le jour où j’ai voulu jouer les héros et enfin… aujourd’hui.
Rapidement avant que la grenade n’explose j’ai envie de faire le point. Qu’elle est le bilan de tout ça ? Finalement je vais mourir en luttant pour mes convictions : je vais mourir parce que j’ai décidé de sauver un innocent.
La grenade explose.
Je ne vois plus qu’une image fixe : les terroristes qui tirent vers le fond du couloir où des types équipés de gilets pare-balles et de fusils d’assaut débarquent. Dans mes oreilles il n’y a plus qu’un long sifflement aigu. Je ne suis visiblement pas encore mort.
Dans la panique je n’avais pas reconnu les grenades de type GSS. Grenade à Saturation Sensorielle. C’est une grenade incapacitante. Elle a été envoyée par les agents d’Echelon 3 qui ont fait irruption dans le couloir.
Les grenades que les terroristes avaient lancées explosent plus loin sans faire de victimes.
Je commence à me remettre de l’effet de la grenade incapacitante, à voir et à entendre normalement, mais la pièce tourne autour de moi. Deux terroristes s’écroulent sous les balles des agents entraînés d’Echelon 3 qui ont reculés pour se cacher dans l’ombre.
Le fusillade dure une éternité. J’essaye de bouger, de faire quelque chose mais je suis bloqué au sol. Mes mouvements attirent l’attention d’un terroriste. Je reconnais son visage : c’est le terroriste inquiet qui contestait les décisions de son supérieur. Il pointe son pistolet-mitrailleur sur moi et alors qu’il allait appuyer sur la détente une balle vient se loger dans sa tête.
Il titube mais dans un dernier réflexe il appuie de toutes ses forces sur la détente de son arme. La première rafale de tirs atteint le corps de Waldon toujours sur moi mais lorsque le terroriste tombe les tirs sont redirigés vers sa cible et finissent par m’atteindre.
J’ai mal. Je souffre énormément. Au moins quatre balles se sont logées dans ma poitrine. Aucune n’a atteint mon cœur mais cela s’est joué à très peu de chose. J’ai le torse en feu. J’hurle de douleur. Tout se trouble autour de moi. Non… Il ne faut pas que je perde connaissance… « Il ne faut jamais perdre connaissance soldat ! » Non, je ne peux pas me le permettre… Pas avec cette bombe sur le point de sauter, pas avec cet innocent coincé aux soins intensifs, pas avec cette fusillade autour de moi… Sans parler de tout ce sang qui coule de mes blessures… Je vais mourir… C’est la fin… Je meurs… Il ne faut pas que je ferme les yeux… Il ne faut pas… Il ne faut pas…
Je tente de me relever dans un dernier effort. Et juste avant de m’écrouler pour ne plus me relever, au mépris de tout ce qu’on m’a enseigné, j’hurle de toutes mes forces :
« À l’aide ! Aidez moi ! »
Mais le vacarme de la fusillade couvre ma voix. Je retombe dans mon propre sang et je ferme les yeux. Dans un murmure pathétique j’arrive à articuler :
« Au secours… Je… Je ne veux pas mourir… »
Puis c’est le trou noir.
