Chapitre 30 : L’équipage
Pendant la nuitée, le trio formé de Bernard, Watchman et Sergio avaient fait la connaissance des hommes avec qui ils parcourraient l’océan durant le prochain mois. Ils s’étaient présentés, chacun leur tour :
-Brian, capitaine.
-Michael, navigateur.
-Andrei, je suis rameur.
-Benoît, un autre rameur.
-Moi aussi, et j’suis Pacio !
-Tomas, rameur à mon tour.
-Moi, j’suis là pour combattre et j’me nomme Travis.
-Moi aussi, j’suis là que pour ça et on m’appelle Lapierre !
-P.K., préposé au canon.
-Yannick, comme P.K.
-Pyatt, je pêche.
Ils semblaient tous avoir la même personnalité d’alcooliques et barbares, enjoués et déterminés. À l’exception d’Andrei, qui lui était un peu plus réservé.
On chargea d’abord le bateau de grands tonneaux comportant eau et alcool. Les voyageurs embarquèrent leur stock à l’intérieur.
La chimie s’installa vite entre les pirates et les excursionnistes, ouverts à bien des gens. Les conversations fusèrent par endroits, alors que l’attention se partageait entre le chargement et les présentations.
-Vous ne semblez pas surpris qu’on soit là, remarqua Sergio.
-Un ami de Biggoron nous avait prévenus, répondit Travis, probablement le plus intéressant d’entre tous. Il est venu nous voir il y a quelques jours pour nous dire de vous attendre !
Vers les trois heures et demie du soir, le temps était venu de partir. Ils saluèrent Georgesgoron, qui dut se remettre en route vers la montagne de la Mort.
Les trois explorateurs étaient embarqués.
-Levez l’ancre ! cria Brian à Lapierre.
-La voile ! tonna Michael à Yannick.
Et on plaça le gouvernail de façon à se diriger droit vers des destinations inconnues, que découvriraient bientôt nos trois camarades.
*
On voyagea tout le jour durant, découvrant la beauté et la grandeur de la mer, ce qui émerveilla les Hyliens, stupéfaits. Jamais Milan n’avait trouvé plus beau spectacle, même pas lorsqu’il était dans les plus hautes montagnes. Il demanda à Michael s’il pouvait, éventuellement, grimper en haut du mat, afin de voir l’océan de haut. Il répondit avec le traditionnel :
-On verra.
Cette réponse déçut Milan.
Bernard observa la façon dont Pyatt maniait son filet de pêche. Par miracle, il réussissait à chaque coup ou presque à ramener au moins une prise. Un poisson une fois, un mollusque une autre, et ce afin de manger à leur faim. La façon de faire cuir les poissons était simple. Ou bien on les faisait sécher au soleil, ou bien on attendait au soir pour mettre le feu sur une petite machine de fer et on le faisait cuire. Peu importe la façon, la saveur du poisson rappelait le paradis.
Mais la meilleure partie de cette journée fut le soir.
*
-Hé les jeunes ! cria Lapierre, second du capitaine. Venez m’aider à sortir les tonneaux de rhum !
Sergio lança un sourire étiré à ses camarades, pour leur signifier sa joie. Le rhum était son alcool préféré et cela faisait un bail qu’il n’en avait pas porté à ses douces lèvres admiratrices. Il se leva d’un bond et cria :
-J’arrive, Lapierre.
-C’est pas à toi que je parlais mais bon, lança celui-ci à la blague. Deux bras de plus, ça fera pas de mal.
Quand on disait « les jeunes » sur le navire, c’est qu’on parlait à P.K. et Yannick, les deux plus jeunes du groupe. Ils étaient, en quelque sorte, les boucs émissaires, et lorsqu’il y avait quelque chose à faire, on demandait à ces deux inexpérimentés de faire la sale besogne. Les deux jeunots se levèrent donc à leur tour accompagner Sergio dans la cave à rhum. Pendant ce temps, Pyatt tenta de rallumer un feu pour s’éclairer et se réchauffer.
-Putain de merdier, ce feu ne part pas ! s’exclama le pêcheur, qui était l’un des plus rigolos et amusants.
C’est alors qu’une idée traversa l’esprit de Milan. Il descendit à la cave, dans la pièce qui servait de chambre aux trois voyageurs. Cette pièce comportait deux simples superposés et les murs étaient ornés de sabres croisés pour rendre à la salle un peu de décoration et d’agressivité.
Milan, ainsi que les deux autres, avaient laissé leur stock dans cette pièce. Son arc n’en était pas exclu. Il s’empara de son arme et se tira deux flèches d’un carquois rempli.
Watchman remonta sur le pont pour revenir vers l’avant du bateau, là où se trouvait le reste du groupe. Le feu n’était toujours pas allumé et on comptait sur la lune et les étoiles pour voir devant soi.
Lorsqu’ils virent Milan avec son arc, les pirates se mirent à rire.
-Qu’est-ce que tu fous avec ça, mon vieux ? se moqua Pacio. Pas sur que ça allumera un feu, ça !
-Ah bon ?! répliqua l’archer, d’aucune manière atteint par cette remarque, sous le regard admiratif de son cousin, qui s’attendait au dénouement.
Il prit une bonne inspiration. Encocha une flèche sur son arc. Expira, puis inspira de nouveau. Ferma les yeux. Concentra une partie de son énergie dans son bras. La transmis le long de ses nerfs et de ses cellules. La fit passer au travers de son arc. La concentra au bout de la flèche, qui s’enflamma.
-OH ! s’écrièrent les hommes de la mer.
Milan approcha la flèche du papier qui servirait à faire débuter le feu. La pointe ardente fit prendre les flammes dans le combustible. Le feu était parti.
-Tu plaisantes ?! rit Benoît, les yeux grands comme des billes.
-Étonnant, n’est-ce pas ? poursuivit Bernie.
-Comment t’as fait ça ? lui demanda Travis.
Milan, lui, se contentait de sourire.
Et c’est alors que revinrent Lapierre, P.K., Yannick et Sergio avec deux barils chacun.
-On a de quoi passer la soirée. Bienvenue, les gars !
Chaque homme ayant sous la main une tasse de verre, ils se servirent de savoureux rhum provenant d’une autre contrée. Pas aussi bon que celui d’Hyrule, selon Sergio, il restait tout de même d’excellent goût. L’alcool coulait à flot. Suivaient les chansons idiotes sous les voix fausses des pirates déjà réchauffés. On riait et on faisait tous les temps. On s’amusait, on s’obstinait sur des conneries. La soirée était toute jeune.
Au bout d’un moment, la fatigue s’empara de certains, qui quittèrent vers le sous-sol ou se couchèrent simplement sur le pont, près du feu. Les deux jeunes hommes ainsi que le trio d’Hyrule restèrent éveillés, emportés par l’effet de l’alcool.
-Hé, mon vieux, commença Bernard en parlant à Sergio, je tiens à te dire que j’suis fier de toi pour ton nouveau p’tit trésor. Sheik, elle est pas à la portée de tous. Je tiens à te le dire.
-Merci, mon vieux, hahaha ! répondit celui-ci en s’esclaffant. J’espère que ce sera bientôt votre tour, les gars.
-Moi j’ai pas besoin, commenta Watchman. Y’a qu’une femme qui compte pour moi.
-Tu parles de ta Gerudo ? demanda Bernie. Elle était chaude elle, et elle était équipée, oui pas de doute elle c’était une femme à se faire.
-Ta gueule, abruti ! lui cria Milan en le cognant, tout en gardant le sourire, ce qui fit rire à son tour le gros Hylien. Oui, je parle bien de Licia.
-Tu l’as pas oubliée même si ça fait sept ans que tu l’as pas vue ? questionna le barbu.
-Je l’ai revue il y a deux ans, en fait, annonça l’archer.
-Où ça, putain ? interrogea le commerçant.
-Bien, j’sais pas. À un moment je suis allé faire un tour au ranch Lon Lon. On m’avait envoyé chercher du lait pour les citoyens de Kakariko. Et puis, là, il y avait quelques Gerudos, dont Licia et puis… voilà.
-Et vous avez fait quelque chose de particulier ? posa Bernie.
Ils s’échangèrent des regards curieux et sournois. Et Milan annonça après un long silence :
-Ouais ! Et c’était hallucinant !
-OH !!!!!!! crièrent de joie les deux Hyliens, fiers de leur camarade.
-Pourquoi tu nous avais rien dit ? demanda, toujours en riant, le combattant à la hache.
-J’sais pas, ça faisait partie de mes secrets à la con. Que l’on dit que quand on est ivres !
-HAHA !
Ils se servirent une autre tasse de rhum et continuèrent de boire comme des affamés. La soirée fut la plus drôle et passionnante qu’ils avaient eues depuis des lunes.
À suivre…