Chapitre 53: Des hauts et des bas.
Le reste de la semaine fut assez pénible, bien que je n'eus personnellement pas vraiment besoin de me remettre à jour, contrairement à d'autres...
Le cours de magie, néanmoins, et bien qu'étant le seul, se solda par un échec si lamentable de ma part que je fus tout bonnement priée de quitter la salle de cours après seulement un petit quart d'heure de pratique, étant jugée complètement inapte, et ce sans aucun recours possible.
-Bah, ça peut arriver...Les affinités magiques, ça s'acquiert à la naissance, et on ne peut rien y faire...Me fit remarquer Rogdul durant une soirée détente à la salle commune.
A vrai dire, l'observation de l'Orque ne me remonta pas le morale, bien au contraire. De fait, et même en étant élu meilleur cancre de cette semaine de révision, Rogdul était quand même parvenu à lancer divers sorts, lui...
De mon côté, à l'exception d'un sort de flamme ridiculement basique et d'un sort d'invisibilité tout juste passable, j'avais à peut prêt raté tout le reste malgré d'intenses efforts de ma part...
C'était un peu ça le problème, finalement, avec la magie. Soit l'on naissait avec, disposant ainsi d'un fort potentiel magique qui ne demandait plus qu'à être exploité, soit on en était complètement dépourvu, et il ne nous restait alors plus qu'à abandonner purement et simplement cette pratique, car les efforts n'y changeraient absolument rien...
Au fond, c'était comme naitre dépourvu de bras, et vouloir battre un Orque au bras de fer.
Autant rêver...
D'ailleurs, cette loterie était d'autant plus frustrante qu'elle choisissait ses élus de façon complètement aléatoire, même au sein des familles elles-même.
Le meilleur exemple était d'ailleurs celui de Marilia et moi. Nous avions beau être soeurs, et partager le même sang, la Dunmer était naturellement douée pour la magie, alors que j'étais d'une nullité exécrable dans ce domaine, car totalement dépourvue de la moindre affinité magique...
-Tu ne pouvais pas être bonne en tout. Renchéri Aldaril dans une ultime tentative de me consoler. Personne ne l'est...Nous avons tous des affinités naturelles envers certains domaines, et vu que tu es déjà extraordinairement douée pour le combat et pour les sciences, tu seras forcément moins bonne ailleurs. Personne n'est parfait, personne ne maitrise tous les arts...
-Ça arrive parfois, mais c'est extrêmement rare...Objecta Rogdul, l'air pensif. Moi j'en ai connus deux...Enfin, un seul personnellement...L'autre, on m'en a juste parlé...
Nul besoin d'interroger d'avantage l'Orque pour connaitre l'identité de ces deux prodiges. Le premier, celui qu'avait connu personnellement Rogdul, ne pouvait être que le Nérévarine, qui avait autrefois fréquenté ce sanctuaire, à une époque où seuls l'Orque et Eno Hlaalu étaient déjà présents...
Difficile d'en savoir plus sur cet étrange personnage d'ailleurs, car le sujet était bizarrement devenu tabou au sein du quartier général...
Le second, quand à lui, était probablement le champion de Cyrodiil, celui là même qui avait provoqué une véritable hécatombe dans les rangs de la Confrérie Noire avant de finalement identifier le plan de Mathieu Bellamont, massacrant des assassins de haut rang avec une telle aisance que nous avions été contraints de fuir Cyrodiil, clôturant purement et simplement nos opérations sur place...
En fin de compte, deux étranges personnages dont on ne savait quasiment rien, et dont le passage dans leurs organisations d'assassins respectives, bien que très éphémère, avait considérablement changé leur façon de voir les choses, aussi bien pour la Morag Tong que pour la Confrérie Noire...
Était-ce donc cela, un élu ? Une personne parfaite ? Capable de tout, de braver tous les dangers et de franchir tous les obstacles avec une facilité indécente ?
Mais comment donc aurais-je pus mériter le statut d'élue, quand je devais alors me comparer à de telles légendes ?
C'était tout bonnement insensé, moi qui me blessais en mission, avait l'éloquence et le capital sympathie d'un crabe de vase et les talents magiques d'un échassier des marais...
Non, ce n'était pas moi l'élue énoncée dans le livre...Ça ne pouvait pas être moi...
Mais alors, qui ?
Étant finalement exemptée de révisions aux mouvements de combats, je passai les derniers jour de cette semaine à aller et venir dans le sanctuaire, jouant tantôt aux cartes avec les assassins de rangs moindres, non invités à participer à l’opération de Cyrodiil, ou prenant de longs bains d'eau bouillantes jusqu'aux oreilles, ou encore cherchant les meilleurs moyens de nous éclipser Llaalam et moi pour nous adonner à nos plaisirs interdits.
Bref, je n'eus pas vraiment le temps de m'ennuyer durant les heures précédant notre départ...
-Gulena à quand même raison. Fit remarquer Llaalam alors que nous nous rhabillions enfin, ayant choisi l'une des nombreuses salles de bain du sous sol pour commettre notre crime.
-Raison à propos de quoi ? Questionnai-je aussitôt, de peur d'entendre la suite.
-Ben euh...T'imagines si tu venais à tomber enceinte ? Risqua le Dunmer.
-Et bien...Commençai-je, réalisant soudain que je n'avais jamais vraiment envisagé ce scénario, et que je n'avais en réalité rien à rétorquer au Dunmer...
Après quelques secondes passées à réfléchir à toute vitesse à la meilleure réponse possible, je me contentai finalement de garder le silence, à la fois honteuse et vexée de ne pas avoir le dernier mot, et d'admettre que mon compagnon avait probablement raison, même si cela ne m’enchantais pas du tout...
-Enfin, on aura tout le temps d'en parler plus tard. Lançais-je finalement d'un ton plus sec et hargneux que je ne l'aurais voulu.
-Oui mais...Mon coeur, le risque est quand même bien réel... Faudrait pas attendre trop longt...
-Bon allez, on remonte ?! Coupai-je précipitamment, craignant déjà ma propre saute d'humeur si jamais il venait l'idée à Llaalam de trop insister sur le sujet.
Nous regagnâmes donc la salle commune, tous deux plongés dans des pensées qui devaient être forts différentes malgré une source de réflexion identique.
Alors oui, certes, je prenais le risque de tomber enceinte à chaque rapport avec le Dunmer. N'empêche que nous partagions une intimité profonde depuis plus de trois ans, et qu'il ne s'était toujours rien passé...
D'ailleurs, fallait-il en conclure que l'un de nous deux était inapte à avoir un enfant ? Ce qui ne serait vraiment pas plus mal en fin de compte...
Quoi qu'il en soit, j'avais tout de même un peu de mal à comprendre la crainte soudaine de mon compagnon.
Après tout, nous avions fait un choix, et si Llaalam semblait encore hésiter à certains moments, j'étais personnellement prête à l'assumer jusqu'au bout.
Naturellement, la Morag Tong était ma seule famille, et je lui devais tout. J'avais grandi avec elle, et avait fait ma vie ici...
Mais, d'un autre côté, Llaalam m'avait apporté des choses que je n'avais encore jamais connu, et avait profondément bouleversé ma façon de voir le monde.
Je ne prétendais pas qu'assumer notre relation le moment venu serait un acte difficile.
Si un enfant venait à naitre de notre union, il me faudrait partir, abandonner tout, et probablement passer le restant de mes jours cachée, de peur que mon hérésie ne me rattraper un jour.
Pourtant, la perspective d'une telle vie aux côté de Llaalam avait quelque chose de bien plus attirante que l’existence morne et insipide que je m'étais forgée ici.
Oui, un tel évènement bouleverserait complètement nos vies.
Pourtant, nous nous étions bien mis d'accord. Nous le savions.
Nous avions fait notre choix...
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