Chapitre 107: Fuite en avant.
Eno Hlaalu entreprit aussitôt de prendre la fuite, mais c'était sans compter sur ma détermination à le vaincre, même en cet instant...
Et puis, à quoi bon fuir...
Où que nous allions, le ministère de la vérité raserait la région toute entière d'un instant à l'autre...
-Humpf !
Je rattrapai dès lors le grand maitre en quelques enjambées, et lui assénai divers coups d'épée alors que le météore grinçait dangereusement au dessus de nos tête, dans un bruit tonitruant qui ne manquerait pas d’alerter le pays entier.
D'ailleurs, la population de Vivec ne tarda pas à réagir elle aussi, et des dizaines de milliers de personnes gagnèrent rapidement les remparts de la cité, fuyant à toutes jambes en hurlant.
Ainsi donc, l'inévitable était enfin arrivé...
Nous nous affrontâmes durant de longues minutes, Eno Hlaalu reculant constamment dans le but manifeste de fuir, alors que je le noyais littéralement sous une pluie de coups.
Non, il ne pouvait pas fuir comme ça, pas maintenant, pas après tout ce qu'il m'avait fait !
Plus les minutes passaient, et plus la colère semblait envahir mon esprit, réduisant en miettes les dernières lueurs de raisons au profit d'une haine infernale, meurtrière, qui ne tarderait sans doute pas à consumer mon être dans on intégralité...
Je devais le faire, je devais le tuer, le réduire en bouillie, l’écorcher vif, l'écraser, le torturer, le mutiler.
Ce n'était peut-être pas bien, ce n'était peut-être pas juste, mais c'était la seule chose qui m’animait désormais, un peu comme si ma nature profonde avait brusquement déchiré mes os, mes muscles et ma peau pour éclater au grand jour, crachant sa démence insensée sur la seule chose qu'il lui restait encore: son maitre, son vieil ami...
Pourtant, ce sentiment n'était pas vraiment le mien, et je le savais.
C'était comme si...Comme si la chose qui rodait dans le corps de Samia m'avait légué une part de son âme, entrainant de force mon corps dans un combat mortel que rien ne pourrait désormais empêcher, pas même la destruction imminente de Vvardenfell...
Un craquement tonitruant raisonna soudain au dessus de notre tête, annonçant d'emblée l'imminence de l'impact.
Et avant même que je n'ai eu le temps de jeter un ultime coup d'oeil au ministère de la vérité, un bruit de chute, aigu, incisif, tel une gigantesque bourrasque de vent meurtrière, siffla à mes oreilles, nous projetant à plusieurs dizaines de mètres alors qu'un déferlement sans nom ravageait tous mes sens.
Le météore venait de chuter, emplissant la région toute entière de son souffle mortel.
Tout n'était plus que bruit, lumière et poussière, si bien que je perdis aussitôt toute notion d'espace et de temps, ainsi projetée dans les airs avec une force qui dépassait l’entendement.
Tout était fini ?
Était-je enfin morte ?
Était-ce donc ainsi que devait se conclure mon histoire ?
Je fus ramenée de force à la réalité, atterrissant lourdement sur un sol dur aux côtés de Eno Hlaalu, alors que le monde tremblait de toutes parts et qu'un bruit infernal raisonnait dans l'immensité du ciel et de la terre.
Je me relevai aussitôt, titubant, trébuchant sous la violence du cataclysme, et compris soudain ce qui venait de se passer...
En réalité, je venais de me téléporter, sans même m'en rendre compte, entrainant visiblement Eno Hlaalu avec moi de par sa promiscuité lors de l'incident.
Nous nous trouvions désormais à Ald'Ruhn, en Terres-Cendres, sur le toit de l'immense bâtiment abritant le quartier du temple, autrement dit, là où se situaient tous les commerces, sièges sociaux et autres manoirs de la ville.
D'ailleurs, ici aussi, les civils fuyaient en tous sens, visiblement alertés de la catastrophe alors qu'un gigantesque tsunami de plusieurs kilomètres de haut occupait déjà une bonne partie du paysage, à des dizaines de kilomètres au sud, là où le ministère de la vérité venait de chuter quelques secondes plus tôt...
-Par Méphala, qu'avons nous fait...Commenta Eno Hlaalu d'un air atterré.
Je fus soudain coupée dans mon effrayante contemplation par des tremblements de plus en plus violents.
Et avant que je n'anticipe ce qui allait désormais se produire d'une seconde à l'autre, d'immenses lézardes de plusieurs kilomètres de long et de plusieurs dizaines de mètres de large éventrèrent subitement la terre, fissurant l’archipel tout entier, détruisant et engloutissant tout sur leur passage.
-Sedris non ! Attends ! S'écria Eno Hlaalu alors que je m'élançais de nouveau vers lui, bien peu concernée par cet effroyable spectacle quand j'avais pour ma part quelque chose de bien précis à accomplir.
Le combat se poursuivit aussitôt, sous un véritable déluge de coups de pieds, de poings et d'épée.
Qu'importe ce qui se déroulait désormais sous nos pieds, car je n'avais plus qu'une idée en tête...
Les cratères béants ravagèrent instantanément la région toute entière, détruisant tout sur leur passage et progressant à une vitesse folle à travers le paysage.
J'aperçus même du coin de l'oeil le rempart intangible, ou du moins ce qu'il en restait suite à l'intervention du Nérévarine, voler en éclat, détruit et englouti par une immense lézarde qui alla aussitôt fissurer le mont écarlate lui même.
Et avant même que Eno Hlaalu, qui avait lui aussi aperçu le phénomène, n'ait eu le temps de placer un mot, un gigantesque gisement de lave fut violemment projeté hors du volcan, tel le bouchon d'une bouteille propulsé dans les airs par un trop plein de pression.
Les tremblement ébranlèrent littéralement le sol, nous faisant cette fois-ci chuter tous les deux de par leurs violence alors que le Mont écarlate, soudain réanimé par le cataclysme, crachait désormais des torrents de lave comme si il ne s'était jamais éteint.
Le liquide meurtrier envahit le paysage à une vitesse alarmante, recouvrant tout sur son passage dans un bruit de tonnerre assourdissant provoqué par l'éruption instantanée du volcan, alors que je me ruais de nouveau sur le grand maitre, plus décidée que jamais à en finir une bonne fois pour toute.
A vrai dire, le ministère pouvait bien chuter, le Mont écarlate pouvait bien éclater, et Vvardenfell elle même pouvait bien périr dans le tonnerre et dans les flammes, peu m'importait désormais.
Je devais finir ce que j'avais commencé, maintenant, et pour toujours...