A Old Trafford, le Real Madrid survit à sa glorieuse défaite
LE MONDE |
Le Real Madrid, battu ( 3-4) par Manchester United au terme d´une rencontre extrêmement spectaculaire, s´est néanmoins qualifié pour les demi-finales de la Ligue des champions grâce à sa victoire lors du match aller ( 3-1).
Manchester ( Grande-Gretagne) de notre envoyé spécial
Pour une fois, Sir Alex Ferguson, l´entraîneur de Manchester United, ne mâchait pas son chewing-gum habituel. Mieux, il souriait presque, malgré l´élimination à domicile de son équipe, mercredi 23 mai, en quarts de finale de la Ligue des champions, face au Real Madrid. " Quel match ! Mais, au final, je crois qu´ils ont été meilleurs que nous. Et puis, en face, il y avait Ronaldo", lançait-il. " Un match fantastique, qui aurait pu basculer d´un côté comme de l´autre", surenchérissait son homologue espagnol, Vicente Del Bosque.
Quatre buts à trois en faveur des Anglais, un score d´avant le catenaccio, d´avant les tactiques frileuses, un match débridé, fou, insensé, où les stars ont brillé ( Ronaldo, trois buts, et David Beck- ham, deux buts). Victorieuse 3-1 du match aller, le 8 avril, l´équipe espagnole n´a jamais vraiment tremblé face à un adversaire qui s´est pourtant totalement livré. Foin de toute stratégie, offensive à tout-va, comme au bon vieux temps de la Coupe des villes de foire, ou bien quand quand le Real d´Alfredo Di Stefano écrasait tout sur son passage.
Il ne faut plus considérer comme un miracle ce qui se reproduirait à chaque printemps : le Real Madrid - neuf Coupes des clubs champions ou de Ligue des champions dans sa galerie des trophées - jouera une nouvelle fois les demi-finales, le 6 mai, face à la Juventus Turin. Le club espagnol reste le seul à pouvoir s´opposer au retour en force du football italien.
" Je respecte la Juventus, mais nous représentons le football espagnol, a déclaré Vicente Del Bosque, et nous défendrons chèrement notre titre." L´autre demi-finale, le 7 mai, verra se confronter le Milan AC et l´Inter Milan.
A Old Trafford, mercredi, par la grâce d´une soirée de gala, il s´agissait de tout autre chose. Plutôt de renouer avec ses souvenirs d´enfance, avec ces matches de légende écoutés l´oreille collée à un transistor, d´assister aussi à l´incroyable rédemption de champions déchus ou moqués, comme Ronaldo ou David Beckham.
LA SOIRÉE DE RONALDO
Le crack brésilien, décrié par les supporteurs du Real Madrid, a fait tout oublier. Son départ houleux de l´Inter Milan, ses kilos en trop, ses managers avides et encombrants. Il n´avait jusqu´alors marqué que deux buts en huit rencontres de Ligue des champions ? Il restait sur deux matches en demi-teinte, en championnat espagnol - où il a tout de même inscrit 16 buts -, contre la Real Sociedad ( 2-4) ou le FC Barcelone ( 1-1) ? Il a remis les choses en ordre. Trois buts, le coup du chapeau parfait : une accélération, puis un tir du droit à la 12e minute, et le stade se tait. Fabien Barthez n´a rien pu faire.
" Heartbreaker", s´égosille un spectateur. Mais Ronaldo n´a pas fini de briser les cœurs anglais. Malgré l´égalisation de l´attaquant néerlandais de Manchester Ruud Van Nistelrooy en toute fin de première mi-temps, le voilà qui remet ça après un mouvement limpide initié par Zinédine Zidane, avant de parachever son chef-d´œuvre par un tir surpuissant.
" C´était sa soirée", commentait sobrement l´entraîneur madrilène. Ronaldo peut bien sortir du terrain, il a droit à son ovation et au respect définitif de Sir Alex Ferguson : " Son troisième but est merveilleux, c´est un joueur incroyable." Comme d´habitude, Ronaldo joue les modestes : " Toute l´équipe a joué de façon intelligente, c´est le succès de chacun, pas seulement le mien."
Le match, déjà, n´est plus qu´une incroyable sarabande, toutes les audaces sont autorisées. Une débauche d´effets spéciaux, du Technicolor et des grands espaces, tout à la fois Rio Bravo et Fort Alamo. Le ballon va d´un camp à l´autre, les frappes éprouvent la solidité des poteaux. " Casillas -le gardien madrilène- a réalisé je ne sais combien d´arrêts. En mettant quatre buts à la maison, on aurait pu espérer se qualifier", regrettait Alex Ferguson.
FESTIN DE ROIS
Les tacles volent bas, aussi. " Mon équipe n´est pas composée de jeunes filles", avait prévenu Vicente Del Bosque. Et voilà même que David Beckham, relégué sur le banc des remplaçants des Reds, fait son retour sur les terrains, à l´heure de jeu. Le capitaine de l´équipe d´Angleterre est annoncé au Real Madrid la saison prochaine. Si l´on se souvient de l´épisode resté fameux de la " chaussure volante" propulsée par Sir Alex Ferguson sur l´arcade sourcilière de la star, la disgrâce passagère de David Beckham semble plus compréhensible.
" Ole Gunnar Solksjaer a fait un match superbe sur le côté droit", devait ensuite se justifier Alex Ferguson. Mais, en inscrivant deux buts, David Beckham a fait crier Old Trafford et retrouvé son rang de coqueluche des adolescentes anglaises. Après Ronaldo, il laisse lui aussi son empreinte sur la rencontre. C´est la parade des stars, la piste aux étoiles, le goût du plaisir retrouvé.
Au festin des rois, on ne mégote pas. L´addition des talents, en football, fait finalement la différence, pour peu que le défi soit exaltant. Manchester était bien le partenaire idéal du Real : pour son projet de jeu, ses joueurs du cru, ses Barthez, Giggs et autres Van Nistelrooy.
La finale de la Ligue des champions, prévue le 28 mai en ce même stade, se jouera sans Manchester United. Et sans Laurent Blanc, 37 ans, qui terminera sa carrière sans jamais avoir gagné ce trophée.
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