Chaiptre XIV : Embusqués pris en embuscade
Nous avions terminé de cacher les corps des insurgés Séparatistes au fond de la cave de la cantina, et étions remontés dans la salle commune de la cantina pour reprendre notre partie de Dwell. Slick continuait de faire son boulot de barman, mais tremblait tellement qu'il renversait la moitié des verres qu'il servait.
Nous aurions du recompter les morts; l'un d'eux n'avait fait que feindre. Seaspray rentra en coup de vent dans la cantina, et nous dit : "Un de ces enfants de Scraplets a réussi à s'échapper. Celui qui avait justement une trogne de Scraplet
-Et je suppose qu'il est allé tout rapporter à ses petits copains? demanda Blowback à voix basse.
-Ouaip. Z'arriveront d'un instant à l'autre.
J'abattis une dernière carte, et me levai en même temps que Reartrail. En fonction de l'intuition de Blowback, qui n'avait jamais fait défaut à celui-ci, nous attachions à leurs sièges les clients que Blowback nous désignait, qui étaient susceptibles de rallier les Séparatistes dans la bataille plus qu'imminente. Les autres clients observaient sans rien dire, se contentaient de nous observer, l'air mal à l'aise; ils se rendaient compte que nous étions prêts. Pas impatients, mais prêts. L'escogriffe dans l'ombre nous observait faire, sans rien dire. Il n'avait pas bougé d'un poil, jusque là. Il continuait de siroter sa chope de Visco en souriant d'un air mystérieux.
Puis nous nous rassîmes tous à notre table et graissions nos armes. Cette fois-ci, plus question de se prêter au simulacre des holo-cartes. Nous avions été démasqués. Mais nous étions prêts; et nous attendions que l'orage s'abatte.
Ils sont arrivés d'un coup, fracassant la baie vitrée et défonçant la porte principale. Ceux-là étaient tous bien armés, et portaient toujours les mêmes armures d'un brun rouillé, quoique avec parfois quelques nuances. Seaspray, Blowback, Reartrail et moi avons tous dégainé nos armes, et avons plongé dans la mêlée.
Nous tailladions, esquivions, envoyions des coups de part et d'autres. Nous réussissions à les tenir en respect, et ils ne semblaient pas particulièrement endurants, surtout par rapport aux premiers Séparatistes, que j'avais rencontré à Stanix, il y a déjà si longtemps.
Les corps commençaient à s'amonceler devant nous, et nous tenions encore la route, mais il continuait à en arriver, par la porte, les baies vitrées, et par la porte de service au fond des cuisines.
"Le piège, ai-je haleté ! Ils sont au moins cent !
- Ouais, cria Reartrail ! Sales draps, Sentinâl !"
Je commençai à fatiguer, à force d'envoyer des coups. J'étais plus jeune que mes compagnons, mais je ne tiendrais pas beaucoup plus longtemps qu'eux. Ces insurgés mourraient rapidement, mais ils étaient nombreux et nous commencions à reculer devant leur masse.
Mes capteurs olfactifs détectèrent alors une odeur extrêmement relevée. Je criai aussitôt "Protection !" et déployai ma plaque-visière dotée d'un système de filtrage spécial. Autour de moi, mes frères Gardes d'Elite actionnèrent le même système pour eux.
Au bout de quelques cycles, les Séparatistes commencèrent à se débattre, à crier et à tenter de réinitialiser leurs circuits olfactifs, certains tombant à genoux.
L'escogriffe sortit alors de l'ombre et se mit à passer les insurgés au fil de sa longue dague; après quelques nano-kliks d'indécision, nous l'imitions, tuant tous les bots présents sauf ceux que nous n'avions pas attaché à leurs sièges, jusqu'à ce que la salle soit presque purgée de l'invasion.
"Bien joué, Raven", dit Seaspray entre deux coupages de tête.
Le mécha-scientifique hocha la tête. Blowback allait dire quelque chose lorsqu'il reçut un tir dans l'épaule. Les Séparatistes restés dehors avaient eu un éclair de génie, et avaient décidé de nous canarder de l'extérieur. Nous nous planquions derrière des tables renversées; j'essayai de riposter, mais j'essuyai un feu si nourri que j'y renonçai. Cette fois, c'avait vraiment l'air mal parti.
C'est alors que les tirs dehors cessèrent, remplacés par des bruits de ferraillage et des cris. Je soupirai intérieurement; Rodimus et le reste de la Garde d'Elite étaient enfin arrivés.
J'osai sortir la tête de ma planque, et vis Halogen arriver, à la tête de notre section.
"Vous z'êtes perdus en chemin, ou quoi, lançai-je ?
- Juste un vote de la section, Sentinâl Zénith, rétorqua malicieusement Shackles. Histoire de décider si vos têtes de pipes méritaient qu'on les sauve.
- Déjà que Halogen digérait pas que Raven vous ait suivi, ça semblait mal barré pour vous", continua Jukemug avec un sourire de Driller.
Je secouai la tête en souriant. Je ne parviendrai jamais à m'habituer à vivre en compagnie de ces deux-là; à ce qu'il parait, Shackles et Jukemug étaient les plus anciens membres de la Garde d'Elite, à part Rodimus, mais leur bouffonnerie n'a d'égale que leur efficacité en matière "d'armes secrètes".
Shackles est petit, tout blanc et rouillé. Jukemug est petit, tout noir et rouillé. Ils passent la moitié de leur temps à se chamailler, et seule leur amitié et leur animosité envers l'autre les empêche de se coucher et de mourir. Je ne les comprendrai jamais. Si ma survie dépendait d'eux, je ne leur ferais pas confiance pour deux nano-kliks, car ils n'étaient fiables que lorsque leur propre survie était en jeu.
O.K. j'exagère un peu. Mais à peine; ces deux nabots sont moitié des champions, moitié des bouffons, et toute la Garde est exaspérée par leurs querelles.
J'allai faire mon rapport à Halogen, qui me demanda : "Tu es blessé, Sentinâl ?
-Non, répondis-je. Juste à plat. Je me suis vu y passer, Halogen; longtemps que je ne m'étais pas fait peur comme ça."
Halogen hocha la tête, et me dis de prendre du repos. Bon, au moins ça fera toujours un nid d'insurgés en moins.
