Renommée (partie 3) :
1767, France…
Lucien bondit par-dessus la clôture, tourna sur lui-même, exécuta un pas chassé sur la droite, vif et souple, afin d’éviter le projectile qu’on lui lançait, et reprit sa course. Wyald, assis sur une botte de paille, observait son disciple parcourir un parcours d’entraînement, tout en lui jetant des cailloux.
Lucien roula en-dessous d’une poutre en bois, se redressa et para un coup d’épée imaginaire avant de transpercer un mannequin de paille. Il fit volte-face et salua son maître.
-Voila.
-Bien, tu n’as pas l’air essoufflé.
-J’ai bien travaillé mon souffle. Je suis capable de courir à ma vitesse maximale pendant trois minutes, sans avoir du mal à respirer. C’est bien ?
-C’est pas mal, mon garçon. C’est pas mal.
Wyald descendit de son perchoir et regarda Lucien fermer les yeux et inspirer lentement.
-Que fais-tu ?
-Oncle Bérand m’a montré comment canaliser son énergie après une course. Il faut visualiser son souffle, le répandre dans…
-Je sais, je sais.
Wyald s’adossa à la botte de paille et attendit que Lucien ait finis son manège.
Alors âgé de dix ans, le jeune Malroy pouvait déjà prétendre au titre de Maître Assassin. Sa progression avait été fulgurante. Il s’entendait maintenant parfaitement avec Wyald et il ne lui serait plus jamais venu à l’esprit de lui manquer de respect, comme au début de leur relation.
Lucien ouvrit les yeux.
-J’ai finis.
-Tant mieux, dans ce cas tu vas pouvoir recommencer le parcours. Les yeux bandés.
-Quoi ?
-Je t’ai expliqué des dizaines de fois qu’un Assassin doit « voir » avec tous ses sens et non seulement avec la vue. Si, lors d’une mission, tes yeux ne sont plus opérationnels, qu’on te les crevés par exemple, d’un coup d’épée, tu dois être capable de continuer à te battre. Et puis tu as répété ce parcours trois fois. Tu devrais le connaître par cœur. La faculté de mémorisation est très importante en combat, afin de retenir les mouvements de ton adversaire et pouvoir les anticiper.
Lucien se gratta la tête.
-Tu as une question ?
-Oui.
-Alors pose-là, mon garçon, fit Wyald d’un ton bourru en lançant à Lucien son habituel regard effrayant, creux, vide, sombre.
-Qu’est-ce qui vous unis, mon père et vous ?
Wyald resta silencieux.
-Quand les autres Assassins parlent de mon père, continua Lucien, on peut facilement percevoir dans leur voix un grand respect et une certaine crainte. Une quasi-vénération. Les membres de ma famille, eux, parlent de mon père d’un ton grave, sérieux, mais néanmoins avec fierté, comme on évoquerait le membre de la plus doué d’une lignée. Dans la voix du mentor, je ne perçois qu’une profonde et inébranlable amitié, datant de dizaines d’années, ayant traversés les âges. Mais chez vous…
-Quoi ?
-Eh bien… Vous parlez de mon père comme on parlerait d’un frère.
Wyald ferma les yeux.
-Assied toi mon garçon.
Lucien regarda autours de lui. Son maître et lui se trouvaient au beau milieu d’une forêt privée, appartenant aux Assassins. Les oiseaux chantaient mais il n’y avait nulle trace d’être humain. Là, on pouvait discuter sans craindre les oreilles indiscrètes.
Lucien s’assis en tailleurs à même le sol poussiéreux.
-C’était il y a quinze ans. En 1752. Tu sais ce qui s’est passé en 1752 ?
-L’assassinat de la baronne de Sheiming, le contrat qui a fait connaître mon père et lors duquel il a gagné son titre de Haut Maître Assassin.
-C’était un des assassinats les plus important du siècle. La baronne de Sheiming, une des Templières les plus influentes, collectionnant les liaisons avec les officiers de l’Ordre, maîtresse préférée du Grand Maître Templier, veuve noire contant à son actif plus de trente-six meurtres d’Assassins, dont douze Maîtres Assassins et trois Haut Maîtres Assassins.
Wyald ouvrit les yeux et regarda le ciel.
-L’assassinat avait été préparé depuis longtemps. La baronne passait l’été dans sa résidence, en Autriche, accompagnée de sa famille, tous Templiers, et de plusieurs dizaines de soldats qu’elle avait installée pour toute la saison dans une ferme proche. Trois troupes de notre Ordre avait été appelées. La première était commandée par Vladimir Lenski, malgré son jeune âge, et était presque entièrement composées de personnes de son sang, alliés aux Assassins Républicains temporairement, afin d’éliminer un ennemi commun. La seconde troupe, dirigée par Francis Malroy, ton grand-père, avec à ses ordres seize Maîtres Assassins triés sur le volet, dont ton père, Edouard Malroy. Et la troisième troupe, principalement des mercenaires, payés par la Confrérie pour appuyer les deux premières troupes pendant l’assaut. J’étais dans cette troisième troupe, commandé par un des Assassins les plus importants de l’époque, mort quelques années plus tard. Son nom n’importe guère.
-Et que s’est-il passé ?
-Nous avons lancés une attaque surprise, une belle nuit au ciel étoilé. Les Lenski sont sortis du bois et ont pénétrés la résidence. Les Malroy les ont suivis de près, en lançant des torches sur le toit et les arbres alentours. Nous, nous nous sommes dirigés vers la ferme et nous avons massacrés les soldats.
Wyald soupira.
-Dans la résidence, le combat à mal tourné. Les Lenski ont été obligés de se replier au rez-de-chaussée, sous les coups de feu des Templiers logeant avec la baronne, des combattants d’élite. Les Malroy se sont séparés en plusieurs groupes et ont bloqués toutes les issues pour empêcher les Templier de s’enfuir. Le siège a duré plusieurs heures. Les Templiers avaient beaucoup de munitions. La baronne s’était réfugiée dans sa chambre. Ils avaient fermés les fenêtres et jetés à leur tour des torches le long des murs, nous empêchant d’escalader en enflammant les lierres qui poussaient le long de la bâtisse.
Wyald effleura le symbole des Assassins marqué au fer rouge sur son bras.
-Edouard l’a pourtant fait, un couteau entre les dents, deux pistolets à la ceinture et un sabre dans le dos. Il a combattu le feu pendant que les autres occupaient les Templiers, depuis le hall d’entrée. Je l’ai vu, depuis l’extérieur. Il a fracassé les volets d’un coup de poing et a pénétré la chambre de la baronne. Nous avons entendu des cris. Et puis, une explosion a secouée le bâtiment. Un Templier avait fait sauter des barils de poudre.
Lucien était pendu aux lèvres de Wyald.
-La bataille a éclatée, dans le jardin et à l’étage. Nous avions sous-estimé leur nombre. La baronne était morte. Sa chambre était en flamme, ravagée par l’explosion. Pendant que le combat faisait rage, en bas, trois hommes se sont élancés dans les escaliers, puis dans la pièce. Vladimir Lenski, un mercenaire dont je ne me souviens plus le nom, et moi. Edouard était étalé au sol, en sang, recouvert de poussière et écrasé par une poutre en feu.
Wyald sourit en se remémorant la scène. Un de ses rares sourires qu’il lui arrivait d’avoir.
-Vladimir a écarté la poutre et a soutenu Edouard. Huit Templiers sont entrés dans la chambre. Edouard a crié quelque chose et Vladimir l’a lâché, malgré ses blessures. A quatre, dos-à-dos, nous avons affrontés les Templiers d’élite. Nous étions jeunes et inexpérimenté, mais nous avons luttés jusqu’au bout. Et nous avons vaincu.
-Et ? fit Lucien, émerveillé.
-Et c’est tout ce que tu as besoin de savoir. Le reste des évènements appartiennent à ceux qui les ont vécus. Tu demanderas à ton père, s’il accepte de te les raconter. Sache simplement que depuis, même si nous ne nous voyons que très peu, ton père et moi, nous nous considérons comme des frères. Des frères de sang.
Wyald ricana.
-Quand Edouard est rentré au Q.G, il s’est enfermé une heure durant avec le mentor. Le lendemain, sans que je n’ai rien demandé, on me donnait le titre de Haut Maître Assassin, on me confiait une lame secrète, on me faisait passer le serment, et j’exécutais mon premier saut de la foi. Une heure de discussion, et Edouard a obtenu pour moi ce que des centaines d’Assassins ne parviennent pas à atteindre en toute une existence. Il m’a dit « Maintenant je n’ai plus de dette ».
Wyald sourit.
-Mais moi, je considère en avoir toujours une.
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On commence à un dans toutes les compé. 
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