Mort (partie 1) :
1944, France occupée…
Tous les occupants de la loge se turent après les paroles de Clyde. Shugar, blême, bégaya :
-Q…Quoi ?
Le Spectre émit un ricanement avant d’écarter les pans de sa veste, dévoilant de multiples ceintures d’explosif autours de sa taille et de sa poitrine, s’étendant même jusqu’à sa gorge. Un compte à rebours de quelques dizaines de secondes s’était enclenché.
Il se tourna vers John.
-Ainsi, vous êtes le fameux Magerlan ? Eh bien, le Führer sera heureux de vous apprendre mort. Même si cela me coûte la vie, je suis fier de pouvoir servir la Grande Allemagne. En vérité, c’était du quitte ou double. Nous ne savions pas si la Confrérie prendrait le risque de vous envoyer en mission, même avec une telle escorte.
Il lança un regard vers Clyde et Shugar.
-Je pense que le Führer sera doublement ravi en apprenant également le décès de deux pièces maîtresses de la guilde des Assassins.
Shugar, abandonnant totalement son adversaire, se précipita vers la porte et tenta de l’enfoncer à coup d’épaule. En vain.
Clyde et John le rejoignirent dans son entreprise et se mirent à frapper la porte avec violence dans le but de l’enfoncer. Le vacarme était couvert par les applaudissements des spectateurs, en contrebas, car le premier acte de la pièce venait de se terminer.
-Merde ! hurla John. Elle ne bouge pas !
-Inutile, c’est une porte blindée destinée à encaisser des tirs d’obus, les informa la Réincarnation en s’asseyant nonchalamment sur le siège précédemment occupé par la femme du ministre Frieder.
-Bordel, grogna Clyde en massant son épaule. Bordel !
-Sautez de la loge ! ordonna Shugar. Et courez ! Je retiens cet enfoiré.
-Encore plus stupide, répondit l’intéressé. L’explosion va raser le pâté de maison et grignoter les immeubles voisins. Je pense même que le souffle sera suffisant pour les faire s’effondrer. Au mieux, vous vous casserez une jambe et retarderez l’échéance.
Clyde se laissa tomber au sol et passa sa main dans ses cheveux trempés de sueur.
-Alors ça se finit comme ça…
-Une belle fin, de mon point de vue, dit le Spectre.
Il jeta un coup d’œil sur ses kilos d’explosif et remarqua qu’il ne restait que cinq secondes avant l’explosion.
Il sourit.
-Eh bien, chers Assassins, nous nous reverrons en enfer.
John se laissa tomber aux côtés de Clyde.
-S’il existe, lâcha-t-il.
L’explosion, une boule de flamme titanesque, embrasa le bâtiment en une fraction de seconde avant que le souffle ardent ne fasse exploser les murs et les fondations.
L’onde de choc projeta des débris à plusieurs centaines de mètres et les bâtiments alentours furent littéralement balayés. Les voitures s’envolèrent avant d’être désintégrées, rattrapées par l’explosion, et de retomber au sol en morceaux de tôles à moitié fondues.
La place du théâtre fut secouée comme si un séisme s’était déclenché.
Une seconde plus tard, le bruit surgit et réveilla tout Paris.
Un nuage de fumée noire s’éleva jusqu’à une trentaine de mètres, au moins, dans les airs, avant de se diluer et de libérer une horrible odeur de chaire brûlée, de poudre, de métal et de cendre. Une couche de poussière se déposa délicatement sur le sol fracassé de la rue et des trottoirs.
La pluie se remit à tomber, étouffant lentement les flammes qui s’élevaient de la scène.
Au moment du drame, cent quatre-vingt onze personnes se trouvaient dans le théâtre, dont Clyde, Shugar, John et Cynthia. Tous moururent sur le coup, sans même avoir le temps de souffrir, leurs corps calcinés et pulvérisés en un instant par l’explosion.
Les cinq cent trente-huit occupants des habitations voisines subirent le même sort. Certains corps, déplacés par l’onde de choc, furent retrouvés en morceaux, des dizaines de rues plus loin. D’autres décédèrent, écrasés sous les décombres.
Personne ne survécut.
Quelques jours plus tard…
-Un attentat qui a tué des centaines de personnes, fit As en feuilletant un journal. Pas mal. Cet enfoiré d’Hitler nous a bien eu.
Pique soupira.
-Trop de victimes inutiles.
-Au moins, le Magerlan est mort, c’est déjà ça.
-Ces Réincarnations ne sont vraiment pas discrètes. Moi j’aime les meurtres silencieux, propres, qui ne laissent pas de trace et qui n’émettent aucuns bruits.
As éclata de rire.
-Tu es jaloux ! Tu es jaloux ! Tu es jaloux de ne pas avoir assassiné le Magerlan à la place du Spectre !
Pique attrapa un vase sur un meuble proche et le lança vers son frère. Celui-ci bondit hors de son fauteuil, esquivant le projectile qui alla s’écraser contre un mur, et continua à rire.
-Je vais te tuer, connard, cria Pique en se lançant à la poursuite d’As.
Les deux jeunes hommes disparurent dans un couloir.
Franz, qui était assis dans un fauteuil à l’autre bout de la pièce, touilla sa tasse de thé.
-Quels gamins…
