L’Age Sombre (partie 2) :
1250, France…
Les paysans éclatèrent de rire en voyant l’Assassin s’approcher, d’une démarche tranquille. Seul. Celui-ci tourna brièvement la tête vers les chevaliers, qui hésitaient à entrer en action.
-Ne bougez pas. Laissez-moi faire. J’ai besoin de me décrasser un peu. J’ai l’impression que mes muscles vont fondre si je ne fais pas un peu d’exercice.
Fenn se mit à sautiller sur place et à faire craquer les os de sa nuque.
Le paysan le plus proche cracha par terre et leva sa masse au-dessus de sa tête avant de l’abattre dans la direction de l’Assassin.
Fenn se contenta de se décaler légèrement sur le côté. La masse le frôla, mais elle aurait pu frapper quinze mètres plus loin, qu’elle n’aurait pas eu la moindre chance de le toucher.
L’Assassin frappa. Son poing fusa dans les airs et explosa le nez et les lèvres du pauvre paysan qui lâcha son arme et tituba, le visage couvert de sang et de cartilage. Fenn plia les genoux, pivota et projeta sa jambe à la vitesse d’un serpent qui attaque.
Son pied fouetta l’air.
Le paysan s’écroula, le cou tordu dans un angle impossible.
Fenn se massa le poing.
-Effectivement, je n’ai plus l’habitude de ce genre de rixe. Ca me rappelle ma jeunesse et les bagarres de taverne.
Il tira rapidement son épée de son fourreau et en caressa le tranchant.
Les paysans se regardèrent avant de passer à l’attaque, tous en même temps.
Fenn soupira. Tous les mêmes. Incapables de réfléchir avant d’agir. Alors que s’ils avaient pris leur temps, ils auraient remarqués sa garde parfaite, sa posture équilibrée, son air serein et confiant, sa façon de tenir son épée que ne possédaient que les meilleurs escrimeurs… ce qui n’aurait rien changé à leur sort.
La première fourche siffla et jaillit vers lui.
Fenn exécuta un demi-tour rapide et sentit la pointe extérieure de la fourche déchirer sa tunique sans le blesser.
Il se stoppa, fléchit les genoux et frappa dans le même mouvement, d’un coup d’estoc éblouissant de fluidité et de précision.
Le paysan lâcha la fourche en hurlant, son avant-bras ouvert jusqu'à l’os, du poignet jusqu’au coude. Le sabre de l’Assassin bifurqua et traça un arc de cercle dans les airs. Le paysan contempla la fontaine de sang qui coulait de sa gorge avant de s’écrouler à son tour.
-Allez, ne me dites pas que vous avez peur, les gueux ! C’est bien parce que vous êtes des gueux que vous ne connaissez pas la peur ! Vous n’êtes rien, et votre vie n’a aucune valeur. Alors faites-moi plaisir, jetez-vous sur le fil de ma lame et épargnez-moi cette perte d’énergie !
Les paysans hurlèrent de rage.
Les coups se mirent à pleuvoir, mais Fenn virevoltait, tourbillonnait, esquivait et parait, frappant du poing, du pied, et du plat de sa lame, un sourire carnassier lui déformant le visage.
L’adrénaline du combat avait toujours cet effet sur lui.
Aucune attaque ne parvint à le toucher. Lui, en revanche, procédait à un véritable carnage.
Il se baissa, exécuta une pirouette rapide, abattit sa lame, et fit volte-face. Une tête vola. Il para un coup, un deuxième, feinta sur la droite, passa sous le bras d’un paysan et tourna sur lui-même. Deux sifflements retentirent, deux paysans tombèrent.
L’un d’eux tenta de saisir Fenn par derrière.
L’Assassin déplia sa jambe et son talon enfonça la cage thoracique du paysan. Fenn se retourna, frappa de tailles, d’un mouvement précis et impitoyable.
Le gueux tomba à genoux, un trait hideux lui barrant le visage horizontalement. Sa tête se sépara en deux et sa cervelle se répandit dans l’herbe humide.
Les paysans survivants s’écartèrent, se mettant soudain à hésiter.
Fenn enfonça son épée dans le sol et s’appuya nonchalamment sur la garde.
-Je vous laisse quelques secondes de repos les gars.
-En… Enfoiré ! cracha un homme en serrant son couteau à s’en faire blanchir les phalanges.
-Bon, les secondes sont passées.
Fenn bondit, tellement vite que le paysan mourut sans comprendre. La dernière question qu’il se posa fut, comment pouvait-on s’élancer et frapper aussi vite, et avec autant de force ? Son cadavre rebondit sur le sol et fut pris un instant de spasmes.
Fenn ne s’en occupa pas.
Il fit un pas chassé sur le côté, évitant de justesse un coup de masse capable de lui arracher la tête, et contre-attaque d’un moulinet extérieur accompagné d’une brusque torsion du poignet. La lame emporta littéralement la tête de la victime.
L’Assassin dévia un coup de hache, para un autre coup vicieux venu de la gauche d’une quarte maîtrisée à la perfection, pivota les hanches et abattit sa lame en diagonale, pulvérisant la clavicule d’uns des paysans et lui enfonçant la lame jusqu’aux poumons.
Le dernier leva sa hache et la laissa retomber lourdement, pensant que Fenn marquerait un temps pour libérer son sabre.
Erreur fatale.
Fenn, avec une force surprenante, saisit le bras de son adversaire alors que la lame de la hache ne se trouvait plus qu’à quelques centimètres de son visage. Il explosa les parties génitales de son adversaire d’un coup de genou puissant, avant de lui enfoncer son coude dans les côtes.
Le paysan s’effondra, un filet de bave dégoulinant d’entre ses lèvres, les yeux exorbités par la douleur.
Fenn s’essuya les mains sur sa tunique avant de reprendre son épée poisseuse de sang sur l’uns des cadavres.
Le dernier survivant avait les genoux tremblant. C’était le meneur. Il avait participé au premier assaut avant de se rendre compte de la tournure de l’affrontement. Il s’était alors placé en périphérie du combat et regardé ses compagnons se faire massacrer.
Fenn lui lança un coup d’œil.
-Tu te dégonfles, vieux ?
Le solide fermier, large d’épaule et à la carrure imposante, s’ébroua et fit tournoyer sa pioche quelques instants avant de se mettre à courir vers l’Assassin, son visage dégoulinant de sueur, déformé par la peur.
Fenn se décala et releva son épée d’un geste vif.
Le fermier écarquilla les yeux et suivit la trajectoire de son bras tenant son arme qui s’était subitement détaché de son épaule et s’était mit à voler. Le membre inerte retomba quelques mètres plus loin. Le paysan posa un genou à terre en gémissant et en tenant son moignon sanguinolent.
-Oh, merde… Oh merde ! Mon bras, putain… Aaaah… Merde… J’ai mal !
Fenn s’avança d’un pas tranquille, presque guilleret, avant de lever son épée dans l’intention d’achever son ennemi. Le paysan leva vers lui un visage trempé de larmes et de transpiration. Ses lèvres tremblaient.
Fenn ralentit son mouvement.
-Pitié ! Me tue pas ! Je suis à ta merci ! Je veux pas mourir… J’ai… J’ai des enfants ! Des touts petits…
Fenn ne répondit même pas. Son sourire en coin fut plus éloquent. Le paysan comprit instantanément que l’homme qui lui faisait face ne se laisserait pas apitoyer. Un pur tueur. Le genre de personne que la vie n’avait pas épargné, à tel point qu’il s’était débarrassé de toute trace de sentiment pour survivre.
-Et donc ? fit l’Assassin.
Le paysan balbutia, ses veines ressortant de son cou.
-Monstre ! B…Bâtard ! Fils de chien ! Je te tuerais !
-Monstre ? Hum, hum. J’aime bien ce surnom.
-Je te maudis, tu m’entends ? Je te maudis !!!
Sa tête se détacha de son cou, fit un court vol plané et alla rouler dans un buisson. Son corps tomba à la renverse et une mare sombre s’élargit autours de luit.
Fenn secoua sa lame pour en enlever le sang, avant de la rengainer.
-Bah, je ne suis plus à une malédiction près.
Et là, le Pavé de Bilbo tu va pas me dire qu'il est pas aéré 