LOL
ROI DE LA CONJUGAISON
LOL
Oh non c'est à nouveau les hommes en blanc !
Ils viennent me chercher !
Aidez moiiiiiiiiii !!!!
"KRASHFLAM !"
Le cri des hommes en blanc devant la porte avait retenti dans la maison comme une explosion de fureur.
Je le savais : je devais me cacher, mais où ?
Soudain, je vis par la fenêtre cet arbre, celui où ma soeur se balançait lorsque nous avions encore une chance de s'en sortir.
J'entendais les pas de la milice dans l'escalier, je peinais à ouvrir la fenêtre. Elle céda.
Un homme voulut me plaquer, je repoussa son étreinte et me jeta dans l'arbre. Il n'était plus possible de revenir en arrière. Je sautai depuis l'arbre vers le buisson un peu plus loin, dans la rue. J'avais très mal, car l'arbre me blessait.
J’atterris dans ce buisson non sans mal. Malgré le temps qui me parut énorme qu'il me fallut pour me relever du buisson, les hommes ne m'avaient pas encore rattrapé. Je gagnai très vite la grande rue afin de me fondre parmi les passants, les habitants pressés ainsi que les touristes curieux et insouciant promenant leurs onéreuses chaussures et leurs chers appareils photos dans des avenues pavées où rodent les pickpockets.
Sweet ?
Dans la grande rue, alors que je me dirigeais vers l'Eglise du Triangle, une immense télé interrompit ses publicités à tendance subliminales et manipulatrices. On vit apparaître Sir O'Down, le chef du Triangle, notre bien-aimé dirigeant à tous. L'alerte avait été donnée : j'étais recherché.
Je devais gagner l'Église du Triangle avant qu'un portrait robot ou une photo soit diffusé, j'estimai mon temps de survie restant à cinq minutes, tout au plus, si je n'atteignais pas le Prêtre Noir de l'abbaye d'ici là. Lui, malgré son appartenance au triangle, était bienveillant et les rumeurs le mentionnaient comme d'un opposant -par la pensée- au régime, bien qu'il lui fut docile par ses actes.
Je me savais sain d'esprit. Je me savais maître de la conjugaison. Seul le régime l'ignorait, ou plutôt cherchait à l'occulter devant une population crédule et aveugle.
C'était trop tard, je perdis tout espoir. Un portrait robot était désormais sur les 8 Milliards de Téléviseurs que possédaient les habitants de la Cité Triangulaire, qui représentait l'intégralité de la Terre. Je me savais perdu et n'avais plus la force de lutter.
J'atteignis dans un dernier souffle l'Église. Un benêt venu prier le grand Maître du Triangle pour le remercier d'avoir envoyé Matthew O'Down, le Glorieux Dirigeant Suprême sur Terre afin de commander le Triangle me surprit et voulut me pourchasser. Nous arrivâmes dans le jardin de l'Église qui la séparait de l'abbaye du père Nîvey, un prêtre Noir qu'on disait ancien prêtre catholique, à l'époque où les gens croyaient en un Dieu non-triangulaire, qui ne soutenait pas la mort des Vénusiens ou la conquête de Mars : un Dieu hostile aux projets de Sir O'Down. Le gouvernement avait donc dû reconnaître qu'il ne pouvait être un tel Dieu, sans aucune analyse.
Le peuple s'était fait à l'idée que Dieu ne pouvait exister. Ceux qui l'avaient refusé étaient nommés "Cielisques" et le bruit courait qu'ils seraient un milliard à souiller la Terre du Triangle, tapi dans un pays qu'ils nommaient, en référence à leurs ancêtres qui vivaient près de là, "Eretz Israël". Cependant, cette Israël-ci n'avait rien de l'Israël Biblique. On racontait justement que le père Nîvey y avait été, un jour. Ce prêtre Noir, qui avait prêté Serment sur le Triangle, pouvait donc encore croire secrètement en Dieu.
À vrai dire, je le croyais, et voulais le croire. J'étais prêt à reconnaître que Dieu existe si ses Serviteurs m'apportaient paix et amour. Ce que je fis, car lorsque j’atteins l'abbaye, ce Prêtre Noir du Triangle me dévoila son vrai visage...
Il m'accueillit sereinement et repoussa le benêt qui voulait s'en prendre à moi. Il paraissait très calme, une caractéristique que ne possédaient plus beaucoup de gens depuis l'arrivé du Triangle, notre "Sauveur".
À vrai dire, je ne croyais pas que le Triangle avait amélioré notre vie. Je ne savais pas grand chose de ce que la vie aurait pu être si le Triangle n'avait pas été, mais ce qu'on m'en disait me paraissait invraisemblable. On disait qu'il fut un temps où les gens mangeaient des animaux qui n'avaient pas été touchés par Sir Matthew O'Down, alors qu'on nous apprenait qu'un animal non agréé par le Triangle et purifiés par Son Représentant était impur et porteur de maladies. De même, on nous disait que chaque "nation" -c'était le nom de fratries consanguines réunies en un seul minuscule endroit- parlait une langue différente et que personne ne faisait rien contre ça. En y repensant, je me disait que ces gens étaient bel et bien fous, et que le Triangle était notre Sauveur. Les médias n'avaient pas si tort.
(Ou comment un TALC est devenu une fic')
Chapitre 2 : L'abbaye
Il m'accueillit sereinement et repoussa le benêt qui voulait s'en prendre à moi. Il paraissait très calme, une caractéristique que ne possédaient plus beaucoup de gens depuis l'arrivée du Triangle, notre "Sauveur".
En vérité, je ne croyais pas que le Triangle avait amélioré notre vie. Je ne savais pas grand chose de ce que la vie aurait pu être si le Triangle n'avait pas été, mais ce qu'on m'en disait me paraissait invraisemblable.
On disait qu'il fut un temps où les gens osaient manger des animaux qui n'avaient pas été touchés par Son Excellence Sir Matthew O'Down, alors qu'on nous rabâchait sans cesse qu'un animal non agréé par le Triangle et purifié par Son Représentant était impur et porteur de maladies mortelles. De même, on nous disait que chaque "nation" -c'était le nom de fratries consanguines réunies en un seul minuscule endroit- parlait une langue différente et que personne n'allait contre ça.
En y repensant, je me disait que ces gens étaient bel et bien fous, et que le Triangle nous avait rendus meilleurs. Les médias n'avaient donc pas si tort. J'étais peut-être fou.
Ce prêtre, habillé tout en soutane noir et souriant comme si rien de grave n'arrivait, me donna l'impression d'ignorer ma situation. Il mit fin à toutes les questions qui subsistaient dans ma tête en débutant la conversation.
"Monsieur Welthrough, je savais que vous chercheriez à me voir."
Malgré l'urgence de la situation, son visage restait paisible et souriant, si bien que je me demandai ce qu'il pensait au moment où il me parlait.
"Vous voulez que je vous abrite, n'est-ce pas ?"
Devais-je répondre ? Et si jamais la rumeur était fausse ? Et s'il était docile au gouvernement et qu'il ne valait en fin de compte pas plus que les autres ? Je pris le risque d'accepter, car ma vie ne valait après tout plus grand chose.
"-Je vous avouerai que oui, car j'ai entendu dire..."
"-Mmmh... On dit beaucoup de choses, sur moi. Qu'avez-vous donc entendu ?"
C'était certain : il n'avait rien d'un opposant au régime. Il semblait vouloir me piéger à tout prix. Je devais partir, à moins que...
"-Vous... vous, savez. Les Pardessins, le Triangle..."
Son sourire restait éclatant, et il me sembla même qu'il s'amplifia soudain.
"-Les Pardessins ? Mmmh, dîtes moi ce que vous savez sur ces hommes."
Il dit cela spontanément, d'un ton sûr mais bienveillant. Je savais désormais qu'il était de mon côté.
"-Vous en savez plus que moi."
"-Bonne réponse, monsieur. Me permettez-vous de vous tutoyer, Simon ?"
"-Bien sûr, que Dieu soit loué !"
Cette dernière réplique m'était venu spontanément. Je n'avais jamais vu de messe, si ce ne sont les messes Triangulaires du Jeudi. Néanmoins, je savais que Dieu existait. Seul lui avait pu m'amener à cet homme. Cette phrase à elle seule m'aurait valu au moins un mois de prison, dans le monde extérieur. Mais j'étais protégé, ici, j'avais trouvé mon cocon.
"-Vous apprenez vite, hein ?"
"-Tutoyez-moi."
Le prêtre ne pouvait résister à son instinct de politesse et de vouvoiement. C'était évident étant donné qu'il ne voyait presque que des membres du Triangle, dont les dirigeants de classe 3 et plus doivent être tutoyés, sous peine de mort. Ainsi, ce réflexe lui avait sûrement déjà sauvé la vie, mais j'insistais pour qu'il passe cette étape dans sa relation avec moi, qui symbolisait une alliance et une fraternité.
"Suis-moi", dit-il avec son éternel sourire.
Il me conduisit dans un long et large couloir en bois dans lequel un tapis rouge plutôt sale indiquait que le ménage n'était pas la priorité. De part et d'autre, dans les murs, se trouvaient des vitres dans lesquels on voyait les fidèles prier. Ce n'était pas la prière telle que je l'avais vu faire, lors de mon Instruction Obligatoire du Triangle, et lorsque mes grands-parents priaient à la maison : ces gens là ne priaient pas le Triangle.
Je pris peur : depuis mon enfance, on ne m'avait donné pour seule et unique vérité que le Triangilisme. J'avais fondé mes études, mon travail et ma vie entière sur ses principes. J'étais en train de détruire tout ça. Je risquais gros, très gros. L'athéisme n'était pas blâmé dans cette société, mais seule une religion était tolérée : celle du Triangle.
Je devais arrêter de penser au Triangle, car j'étais venu là pour ça. J'admirai à la fois la grandeur de ce lieu, qui bien que vétuste et mal entretenu possédait une âme qui rappelait sa fonction religieuse, et la passion des fidèles qui priaient un Dieu inconnu à mes yeux dans l'obscurité d'une abbaye, sous le regard d'un Prêtre Noir, qui entretenait régulièrement des cérémonies avec les plus hauts membres du Triangle.
Nous nous arrêtâmes devant une salle. Elle portait le numéro 133B.
Scène 3 : L'installation
J'entrai dans la chambre. Elle était plutôt petite, mais on y trouvait tout ce qu'il faut. Un grand noir était là, en train de prier comme tous ceux que j'avais pu voir auparavant : il y avait au moins quarante personnes réfugiées ici, avec deux personnes par chambre. Je fis la connaissance de ce noir, il s'appelait Sylvain.
Je n'avais pas vu de noirs, depuis mon arrivée sur Terre. Considérés comme appartenant à une espèce inférieure destinée au travail manuel, ils travaillaient tous sous terre, dans la mine d'Uranium. C'était la première fois que j'en voyais un. C'était sûrement un fugitif, comme on en découvrait régulièrement dans les journaux. On disait que à chaque pied que l'on posait sur terre, vingt noirs minaient sous nos pieds, à des niveaux différents. Ils seraient plus nombreux que les blancs, mais n'étant pas considérés comme des humains, leurs vies ne valaient rien. On les forçait à se reproduire, on nous l'avait expliqué en cours : il s'agissait d'un énorme élevage, plus intensif que celui des bœufs et des poules.
Ce noir, dont je n'avais aucune idée de la provenance, ni du moyen par lequel il avait pu venir, était devant mes yeux. Je l'examinai et le trouva fort humain. Il n'avait rien de la créature inhumaine dont on me narrait les méfaits chaque jour en Instruction Obligatoire, il s'agissait d'un homme comme un autre. Le prêtre m'expliqua qu'il tentait de lui apprendre le langage. Je doutais fortement de la capacité de ces hommes-singes à parler, et celui qui allait dormir avec moi ne le pouvait d'ailleurs pas.
« Ne crois pas ce que les télés te racontent, Simon, les noirs peuvent parler, écrire et même chanter. C'est simplement que nul ne leur apprend. »
Les dires du père Nîvey avaient glacé mon sang : on les empêcherait donc de se développer ? C'était impossible : nous étions le peuple le plus civilisé de tous, et c'est pour cette raison que la Terre nous était revenue entière, nous ne pouvions tenir des humains capables sous notre joug !
Soudain, je pris conscience. Nous ne pouvions avoir gagné la Terre d'un coup, il avait fallu des guerres. On parlait souvent de l'histoire du pays, en Instruction, mais on mentionnait toujours ces conflits comme des guerres pour la Paix ou batailles pour la Liberté.
Liberté, ce mot sonnait faux, dans la bouche des instructeurs. Voilà soixante-dix ans que sa définition est perdue dans des livres d'histoires qui seront certainement brûlés d'ici quelques années, comme tous les autres, afin d'être remplacés par des Médiasupports. Et comme d'habitude, le gouvernement profitera de ce glissement de support pour en effacer le contenu génant.
J'avais désormais compris ce qu'il se passait là-haut. Je fis un signe de tête au prêtre qui s'en alla prier, et discutai avec le nègre qui prenait place sur son lit. Il était vingt-deux heures, mais je ne trouvais pas le sommeil. La nuit allait être longue.
En m'endormant, je repensai à tout ce qui m'était arrivé dans la journée. Tout avait commencé avec un simple coup de téléphone pendant lequel nous avions parlé des problèmes de la société, moi et ma sœur. Ma sœur, me dis-je. La reverrai-je jamais ? Que lui avaient-ils fait ? Puis tout s'était enchaîné : un milicien était venu suite à cette conversation m'interroger chez moi, et je l'avais assommé, pris de panique. La milice était ensuite venue, alors que je me réfugiais dans ma chambre.
Décidément, je songeai que ce monde était trop compliqué, et je le fuis en rêve.
tu es LE roi
Après une journée mouvementée, la longue nuit qui suivit fut bien méritée. Je me levai vers dix heures du matin. Mon colocataire était déjà levé depuis une bonne heure et se coiffait. On entendait Radio Triangle depuis la chambre des voisins, alors que je me préparais puis me dirigeai vers la salle principale de ce sous-sol dont la température était néanmoins largement acceptable. La grande salle pouvait accueillir plus de cent personnes, mais on y voyait rarement plus que dix. Les quarante locataires s'y réunissaient au même moment lors des grandes fêtes, ainsi que le prêtre me l'avait expliqué.
Onze pensionnaires, exactement, étaient déjà attablé en train de déjeuner aussi bien qu'il était possible de le faire dans un sous-sol en étant inconnu des gens de la surface, les têtes triangulaires, tel que tout le monde ici les appelait.
Tous les regards se posèrent sur moi, j'étais le nouveau. Contrairement à ce qu'on peut apercevoir tous les jours dans les lycées d'Instruction Triangulaire, il n'y eut ni épreuve d'arrivée, ni bizutage, ni rituel d'entrée. Ce fut seulement des « Bienvenue ! » chaleureux et bienveillants qui m'accueillirent. Les gens de ce souterrain étaient définitivement plus civilisés que les têtes triangulaires, ainsi que je me plaisais moi-aussi à les appeler. J'avais tendance à oublier que pas plus d'un jour plus tôt, ma conscience et ma vie étaient aussi façonnées par le Triangle, et elles l'étaient encore.
Je déjeunai sans me gêner, il y avait des œufs brouillés et des céréales, ainsi que du lait et des jus de fruit. Je remarquai, alors que les habitants des lieux s'enchaînaient, qu'il y avait au moins un tiers de noirs ici. Je conclus de mes observations personnelles que les chambres étaient disposées de manière à ce que chaque noir soit avec un blanc, probablement pour l'encourager à maîtriser la parole. Tous les noirs que j'avais vus jusqu'à présent, sauf celui qui était dans ma chambre, parvenaient au moins à articuler des phrases dignes d'enfants de sept ans. J'en déduis que Sylvain, le noir que j'avais découvert la veille, devait être un nouvel arrivant, et qu'il était donc en attente d'un blanc jusqu'à mon arrivée. Cela me parut étrange car il y avait bien plus de blancs que de noirs. Je devais donc être attendu. Je dissipai ces pensées et finit mon déjeuner, un des meilleurs repas que j'avais mangé depuis le début de la famine, deux semaines avant.
Tout le monde se leva sans que je ne puisse voir pourquoi. Je me levai de même et constatai que le prêtre était descendu. Il évitait de descendre trop souvent pour ne pas attirer les soupçons de l'Évêque qui siégeait dans l'Église voisine : il passait au sous-sol environ trois fois par jour, pour y donner des nouvelles. Il dépassait, lors de ces visites, rarement cinq minutes. La veille avait été une exception.
Ceux qui étaient encore dans leurs chambres vinrent dans la salle et tendirent l'ouïe, ce que je fis également.
« Mes amis, l'heure est grave : l'Évêque est parti et je dois le suppléer. »
Je ne voyais pas ce que cela signifiait mais sa voix était grave et les regards des autres pensionnaires l'étaient aussi.
« Savez-vous ce que cela signifie ? »
Je savais très bien qu'il rajoutait ce petit passage de son discours à ma seule attention.
« Je ne pourrai pas vous nourrir pendant le mois qui suit. Vous allez devoir vous en occuper. La chambre 152A, la seule inoccupée, devra être utilisée comme serre et vous y cultiverez des plantes. »
Je ne voyais toujours rien de dramatique dans ses dires, même si l'agriculture souterraine, sans soleil, me paraissait impossible.
« Il vous faudra être très prudent. À cause des incidents d'hier, la milice a doublé ses effectifs. Ils craignent une rébellion, et nous sommes les premiers suspects de leur enquête. Vous devrez être extrêmement vigilants, et il y aura forcément des descentes de police ici même. Je compte sur vous pour ne pas leur laisser soupçonner l'existence de ce sous-sol. »
Le sous-sol était extrêmement bien ménagé : un système d'alarme occupait tout le plafond et des sorties de secours étaient disposées tous les cinquante mètres. Elles donnaient sur des mines de nègres. Ces sorties de secours devaient être dynamitées pour être ouvertes, ce qui prenait du temps - d'où l'importance d'un bon système d'alarme et d'un système de gardes.
J'avais peur, je craignais pour ma vie. Je ne m'étais pas encore rendu compte du pétrin dans lequel j'étais entré en allant vers l'Église, le jour d'avant. Désormais, j'étais traqué comme un criminel, tout ça à cause d'un appel téléphonique.
J'allais devoir survivre dans ce sous-sol tout le restant de mes jours, sans aucun objectif. À vrai dire, j'aurais encore préféré mourir que de poursuivre une existence incertaine et vaine, mais la crainte naturelle de la mort m'empêchait de me suicider, et je devais sauver ma sœur, je devais la retrouver. Ma sœur.
Le prêtre nous encouragea tous et nous fit un « Au revoir ! » sincère. J'étais très ému de voir l'amour que ce Pardessin portait pour nous, alors que je n'étais pas encore converti à sa religion. Je n'en avais d'ailleurs pas encore le projet, car j'avais peur d'avoir peur. Je refusais d'accepter la finalité de ma vie, qui allait être la mort. Je refusais de consacrer tous mes jours à prier pour avoir une belle mort, à sacrifier un rien fini pour un bien infini.
Je n'y avais d'ailleurs pas réfléchi. J'étais trop préoccupé. J'avais d'autres choses à faire, l'heure était grave. Trop en tout cas pour s'engager dans des débats théologiques et pour discuter de l'existence de Dieu, en lequel je croyais malgré tout.
Je sortais quelque peu confus de cet adieu d'un homme qui la veille même m'avait sauvé. Je n'avais même pas eu le temps de le connaître, il avait déjà eu le temps de devenir mon protecteur. J'allais devoir vivre un mois sans mon protecteur.
Je salua les autres prisonniers et regagnai ma chambre, la chambre 133B.
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