La Première Guerre mondialen 1 est un conflit militaire européen qui s'est déroulé dans les faits sur plusieurs continents de 1914 à 19181 (bien qu'ayant administrativement perduré jusqu'en 1923 pour les pays concernés par le Traité de Lausanne, le dernier à avoir été signé, le 24 juillet 1923).
Considérée comme un des évènements marquants du xxe siècle, cette guerre parfois qualifiée de totale a atteint une échelle et une intensité inconnues jusqu'alors. Elle a mis en jeu plus de soldats, provoqué plus de morts et causé plus de destructions matérielles que toute autre guerre antérieure. Plus de 60 millions de soldats y ont pris part2,3. Pendant cette guerre, environ 9 millions de personnes sont mortes, et environ 20 millions ont été blessées4. D'autres évènements survenus pendant cette période : le génocide arménien (1915-1916), la première bataille de l'Atlantique (1917), la Révolution russe (1917) et la grippe de 1918 ont augmenté la détresse des populations. Pour toutes ces raisons, cette époque a marqué profondément ceux qui l'ont vécue.
Cette guerre entraîna de nombreux changements géopolitiques qui ont profondément modifié le cours du xxe siècle. Elle a causé l'effondrement ou la fragmentation des empires austro-hongrois, russe et ottoman. L'Empire allemand a disparu, et l'Allemagne a vu son territoire réduit. Conséquemment, les cartes de l'Europe et du Proche-Orient ont été redessinées. Des monarchies ont été remplacées par des États communistes ou par des républiques démocratiques. Pour la première fois, une institution internationale a été créée dans le but de prévenir les guerres : la Société des Nations.
L'évènement qui provoqua la guerre survint le 28 juin 1914, lorsqu'un jeune nationaliste serbe de Bosnie, Gavrilo Princip, parvint à assassiner l'archiduc François-Ferdinand, héritier du trône austro-hongrois, et son épouse. Les exigences de vengeance de l'Autriche-Hongrie (fortement encouragée par l'Allemagne) à l'encontre du Royaume de Serbie menèrent à l'activation d'une série d'alliances qui obligèrent plusieurs puissances européennes à s'engager sur la voie de la guerre. Plusieurs de ces nations étaient à la tête d'empires s'étendant sur plusieurs continents, ce qui explique la portée mondiale du conflit.
Cette guerre fut surtout le fait de deux grandes alliances : la Triple-Entente et la Triple Alliance ou la Triplice. La Triple-Entente était composée de la France, du Royaume-Uni, de la Russie, et des empires qu'elles contrôlaient en tant que grandes puissances coloniales. Plusieurs États se joignirent à cette coalition, dont la Belgique, envahie par l'Allemagne, qui fit appel à la France et au Royaume-Uni garantes de son indépendance. Le Japon rejoignit la coalition en août 1914, l'Italie en avril 1915, la Roumanie en août 1916 et les États-Unis en avril 1917, ainsi que de nombreux autres pays moins puissants. La coalition de la Triple Alliance était initialement constituée de l'Allemagne, de l'Autriche-Hongrie, et des empires qu'elles contrôlaient. L'Empire ottoman les rejoignit en octobre 1914, suivi un an plus tard du Royaume de Bulgarie. À la fin des hostilités, seuls les Pays-Bas, la Suisse, l'Espagne, le Danemark, la Norvège, la Suède, le Liechtenstein et Monaco étaient demeurés officiellement neutres parmi les nations européennes, mais certains États neutres avaient participé financièrement ou matériellement aux efforts de guerre des protagonistes.
Les combats se déroulèrent sur différents fronts qui se situèrent surtout en Europe, mais une petite partie de l’Asie, de l'Océanie et de l’Afrique, ainsi que l’Atlantique Nord subirent des actions militaires. Le front de l'Ouest était caractérisé par un ensemble de tranchées et de fortifications séparées par une aire surnommée le no man's land5. Ces fortifications s'étendaient sur plus de 600 kilomètres5, incitant à une forme de combats dénommée « guerre des tranchées ». Sur le front de l'Est, l'étendue des plaines et la faible densité ferroviaire ont empêché une stabilisation des champs de bataille, mais le conflit était tout aussi étendu. Il y eut d'importants combats dans les Balkans, au Moyen-Orient et en Italie. Cette guerre a été la première où les aéronefs (ballons fixes ou dirigeables et, de plus en plus, avions) ont joué un rôle tactique important, d'abord pour l'observation et la reconnaissance, puis pour la chasse et le bombardement.
Déclenchement[modifier | modifier le code]
Article détaillé : Causes de la Première Guerre mondiale.
Si la Première Guerre mondiale est déclenchée par l'assassinat, à Sarajevo, de l'archiduc François-Ferdinand, héritier du trône d’Autriche-Hongrie, et de son épouse, cet événement ne fait que pousser au paroxysme des tensions issues de contentieux antérieurs (rivalités stratégiques et politiques, secondairement économiques et coloniales). Cette guerre n'a pas été « préparée » (personne ne voulait une guerre européenne durant plus de quatre ans). Mais elle a des origines plus profondes, qui doivent s'analyser sur la longue durée. L'historien Jacques Bainville, dans son Histoire de trois générations (1918), fait remonter à la Révolution française et à son exaltation quasi-religieuse de la « Nation » le processus de développement des idéologies nationalistes et les illusions françaises sur la bienveillance naturelle qu'auraient les nationalismes européens entre eux6[réf. insuffisante].
On compte parmi les raisons structurelles un nationalisme fort, la montée des impérialismes, et les volontés expansionnistes qui y sont associées, comme l'irrédentisme italien, des conflits précédents non résolus (revanchisme après la perte de l'Alsace-Lorraine par la France, guerres balkaniques), auxquelles s'ajoutent des rivalités économiques, un système d'alliances militaires complexe développé entre les différents pays européens au cours du xixe siècle après la défaite napoléonienne de 1815, le Congrès de Vienne qui s'en est suivi et l'indépendance belge de 1830, entraînant la France et l'Angleterre à se porter garantes de celle-ci.
Des malentendus diplomatiques s'ensuivirent, l'Allemagne pensant notamment que le Royaume-Uni resterait neutre devant l'invasion de la Belgique7,8. Le climat de tension régnant avait poussé les grandes puissances européennes à une course aux armements, et chaque état-major s'était préparé à un conflit éventuel. L'attentat de Sarajevo déclenche ce que l’historien Jean-Baptiste Duroselle appelle un « mécanisme »9, qui entraîne presque malgré eux les protagonistes vers une guerre totale. Pour certains historiens comme Fritz Fischer, la guerre avait été souhaitée et planifiée par les dirigeants allemands, notamment par le grand état-major10. En tout cas, à l'été 1914, l'Allemagne était le seul pays qui fût prêt à mener une guerre moderne de grande ampleur. Tous les autres pays ont été pris au dépourvu. Ce qui réduit à néant les théories cherchant dans un « complot » la cause de la guerre. L'historien Christopher Clarke la décrit essentiellement comme une perte de contrôle de la tension internationale par les hommes d'État : il rejoint Duroselle sur le concept de « mécanisme » échappant au contrôle politique, mais souligne l'effervescence belliqueuse de la Serbie, la partialité de la Russie en faveur de cette dernière, et le désir de l'état-major allemand de déclencher rapidement une guerre avant d'être dépassé par la Russie.
Antagonismes entre puissances européennes[modifier | modifier le code]
Questions coloniales et économiques[modifier | modifier le code]
Articles détaillés : Politique étrangère de l'Allemagne et Weltpolitik.
Carte des régimes politiques à la veille de la Première Guerre mondiale.
L'impérialisme des nations européennes est rendu visible à travers la question coloniale. La conférence de Berlin de 1885 avait permis le partage de l'Afrique entre les puissances européennes. Une notable partie de l'Afrique centrale, le Congo était octroyé au roi des Belges Léopold II qui avait habilement utilisé les rivalités entre la France, l'Angleterre et l'Allemagne pour neutraliser ainsi le centre de l'Afrique. Mais les différends coloniaux ne vont cesser de s'accroître, entretenant par la même occasion les tensions entre les métropoles. Tensions d'abord entre Français et Anglais en Égypte et, surtout, au Soudan avec la crise de Fachoda en 1898 puis tensions entre la France et l'Italie sur la Tunisie en 1881, qui vont entraîner l'adhésion de l'Italie à la Triplice. Les tensions entre la France et l'Allemagne apparaissent dès 1905 au Maroc. Depuis 1871, l'Allemagne unifiée a rattrapé, en quelques décennies, son retard économique sur le reste de l'Europe occidentale en se dotant par exemple d’une industrie très concentrée11. L'Allemagne regarde donc outre-mer et vers l’Afrique où elle espère trouver des matières premières à bon marché ou même fonder des comptoirs pour écouler ses produits manufacturés12. Cependant, la France, l'Angleterre et la Belgique se partagent l'Afrique. L'Asie aussi est sous la coupe européenne. L'Allemagne, sauf en de rares endroits comme au Cameroun, Namibie, Tanzanie et Togo ne peut obtenir de zones d’influence dans les colonies. Aussi ressent-elle comme une injustice que son industrie de plus en plus compétitive se heurte à la crainte ou à l’égoïsme des autres puissances européennes13. Ne disposant pas de colonies de peuplement, Guillaume II souhaite prendre pied au Maroc au nom de la Weltpolitik. Les deux crises, en 1905 avec le Coup de Tanger et en 1911 avec le Coup d'Agadir, qui l’opposent à la France conduisent à une multiplication des incidents diplomatiques. Pour l'historien allemand Fritz Fischer, cette situation est l’une des principales causes du déclenchement du conflit. Dès 1905, le conflit semble inévitable entre la France et l'Allemagne. Toutefois, les rivalités coloniales entre Français et Anglais en Afrique n'ont entraîné aucune guerre entre ces deux pays à l'époque contemporaine : ce fait montre les limites d'une explication de la Grande Guerre par « l'impérialisme ». En général les rivalités coloniales se réglaient par des transactions.
Représentation de la conférence de Berlin (en 1884) où sont réunis les représentants des puissances européennes.
Les inquiétudes sont aussi d'ordre économique. Même si chaque pays développe son économie, la rivalité économique entre l'Allemagne et la France s'accroît à partir de 191214. La grande puissance industrielle allemande inquiète les États européens, car les produits allemands inondent les marchés français et britanniques15. Cette rivalité économique a « contribué à alourdir le climat général entre les deux États et, par là même, à faciliter la rupture16 ». Quant aux Allemands, ils s’inquiètent de la croissance économique et démographique de la puissance russe qui les amène à penser qu’ils seraient incapables de lui résister dans quelques années ; de telle sorte qu’ils ont peut-être intérêt à provoquer un conflit avant qu’il ne soit trop tard17. Du reste, l'interpénétration des économies européennes était déjà si forte que la plupart des milieux industriels et financiers avaient tout intérêt au maintien de la paix. Le principal débouché des industries métallurgiques, par exemple, n'était pas l'armement mais les chemins de fer, comme l'a montré François Crouzet.
L’antagonisme franco-allemand puise-t-il également sa force dans l’idée de revanche et le retour à la mère patrie des provinces perdues d'Alsace-Lorraine, comme on a pu le croire18 ? Si la résistance à l'Allemagne reste forte en Alsace-Lorraine19, cette sensibilité a beaucoup évolué dans le temps : l’idée de revanche, obsessionnelle en France après la défaite de 1870, s'est estompée dès les années 1880 ; aucun parti politique, après la crise boulangiste, ne revendique le retour à la mère patrie des provinces perdues ; pour la plupart des Français de 1914, ce n'est plus qu'une vieille histoire[réf. nécessaire]. L'antagonisme se nourrit aussi de la crainte qu’éprouvent les Français devant la poussée démographique de l’Allemagne alors que la France connaît un déclin démographique durable20. Enfin, l’empereur Guillaume II est très influencé par le milieu des officiers prussiens21, garant de la solidité de l’empire, tout auréolé de ses succès du milieu du xixe siècle et qui a forgé l’unité allemande face à l’Autriche et à la France. Pour l’empereur, la guerre, un conflit localisé dans les Balkans notamment, peut être une solution pour résoudre les problèmes territoriaux de l'Allemagne et de l'Autriche. Et l'armée allemande, la plus puissante du monde, semble être un instrument si parfait qu'il est tentant de s'en servir.
Putain jusqu'en 19181
bien le wiki ?
Ambitions territoriales en Europe[modifier | modifier le code]
Articles détaillés : Guerres des Balkans et Crise bosnienne.
Carte des Balkans en 1913
Dans l’empire austro-hongrois, où pas moins de quarante peuples cohabitent, les velléités séparatistes sont nombreuses, liées à l'éveil des minorités nationales (Bohême, Croatie, Slavonie, Galicie, etc.) qui se manifestent depuis 1848. L’Empire ottoman, déjà très affaibli, est ébranlé par la révolution des Jeunes-Turcs en 1908. L’Autriche-Hongrie en profite pour mettre la main sur la Bosnie-Herzégovine voisine et désire continuer son expansion dans la vallée du Danube, jusqu’à la mer Noire, ou, du moins, maintenir le statu quo hérité du traité de San Stefano et du traité de Berlin. En Serbie, le nouveau roi, Pierre Ier envisage la formation d'une grande Yougoslavie, regroupant les nations qui appartiennent à l'empire austro-hongrois. Dans les Balkans, la Russie trouve un allié de poids en la Serbie, qui a l’ambition d’unifier les Slaves du sud. Le nationalisme serbe se teinte donc d’une volonté impérialiste, le panserbisme et rejoint le panslavisme russe, récoltant l’appui du tsar à ces mêmes Slaves du sud. Les Balkans, soustraits de l’Empire ottoman, sont en effet l’objet de rivalités entre les grandes puissances européennes22. En 1878, à la suite d'une révolte des Bulgares et à une intervention des Russes puis des Autrichiens, la partie nord des Balkans est détachée de l’Empire ottoman. La rivalité entre Russes et Autrichiens dans les Balkans s’accentue23. En 1912 et 1913, deux guerres affectent la région : la première est tournée contre l'Empire ottoman qui perd tous ses territoires en Europe à l’exception de la Thrace orientale ; la seconde est un conflit entre la Bulgarie et les autres pays balkaniques. Elle se traduit par une importante extension du territoire et du nationalisme de la Serbie, un mécontentement de la Bulgarie, dépossédée d'une partie de son territoire et par la création, sous la pression autrichienne, d’une Albanie indépendante qui empêche la Serbie d’avoir une façade maritime.
Depuis longtemps, la Russie nourrit des appétits face à l’Empire ottoman : posséder un accès à une mer chaude (mer Méditerranée). Cette politique passe par le contrôle des détroits. Dans cet Empire russe, les Polonais sont privés d’État souverain et se trouvent partagés entre les empires russe, allemand et austro-hongrois. En Allemagne et en Angleterre, dès le début du xxe siècle, l'essor industriel et la remilitarisation se sont accentués et l'Allemagne a des intérêts dans l’Empire ottoman24.
L’Italie, unifiée depuis 1860, a donné à la France, à la suite de la victoire de la France sur l’Autriche, la Savoie et le comté de Nice. Malgré un fort courant pacifiste, l’Italie veut prendre au voisin autrichien, avec lequel elle a un vieux contentieux, des territoires qu’elle considère comme italiens, les Terres irrédentes, car majoritairement italophones25. Elle désire s’étendre en Dalmatie, liée historiquement à l'Italie et où l’on parle aussi italien, et contrôler la mer Adriatique, à l’instar de ce qu'a fait la République de Venise, et ce d’autant plus que ses tentatives de conquête d’un empire colonial africain ont échoué après la débâcle d’Adoua en Abyssinie en 1896. Seule une partie du Tigré a été rattachée à l’Érythrée déjà italienne, ainsi que la Somalie. La Libye est devenue colonie italienne en 1911 à la suite de la guerre italo-turque.
Stratégies et course aux armements[modifier | modifier le code]
Articles détaillés : Culte de l'offensive et Course aux armements#Les dépenses militaires entre 1905 et 1913.
Manœuvres prévues par l'état-major allemand (plan Schlieffen, dans sa version de 1905) et français (plan XVII, datant de 1911).
Sur le plan stratégique, le grand état-major général allemand élabore chaque année un nouveau plan de mobilisation. À partir de 1905, les plans prévoient de déployer la quasi-totalité des forces armées allemandes face à l'armée française29, dans l'espoir d'être rapidement victorieux contre elle : étant donné les fortifications françaises le long de la frontière commune, la victoire décisive doit être obtenue par une vaste manœuvre d'enveloppement par le nord, en passant par le territoire du Luxembourg et de la Belgique, malgré la neutralité de ces deux États (garantie par des traités internationaux). En 1914, le plan à appliquer prévoit de laisser face à la Russie une faible partie des forces allemandesn 2, en pariant sur la lenteur de la mobilisation russe ; ce plan oblige cependant l’Allemagne à prendre l’initiative des opérations militaires, en forçant la France à entrer en guerre immédiatement après la Russie. C'est ce qui a fait dire à Yves-Marie Adeline dans son ouvrage 1914, une tragédie européenne31, que le déclenchement de cette guerre par l'Allemagne était dû à des raisons technocratiques.
Article détaillé : Plan Schlieffen.
De son côté, la France met sur pied à partir de 1911 le plan XVII32 qui, respectant la neutralité belge, prévoit de répondre à une attaque Allemande en prenant l'offensive en Lorraine sur un terrain moins favorable que les plaines de Flandre. Enfin les Britanniques, sous l'impulsion de Henry Hughes Wilson, directeur des opérations militaires au Ministère de la Guerre, adoptent un plan de débarquement du Corps expéditionnaire britannique en France en cas d'attaque allemande. L'état-major de la Royal Navy s'oppose à ce projet qui serait trop long à mettre en œuvre ; les Allemands seraient à mi-chemin de Paris avant que l'armée anglaise puisse agir. En plus, les quatre à six divisions que les Britanniques seraient susceptibles de mettre sur pied auraient peu de poids dans une guerre où chaque camp alignait entre 70 et 80 divisions. Le choix est, au départ, entre une expédition sur le continent qui paraît risquée et un autre projet qui est de débarquer à Anvers dans le cas d'une menace de l'armée allemande sur ce port bien abrité dans l'estuaire de l'Escaut à partir duquel la puissante marine de guerre bâtie par l'empereur Guillaume II pourrait menacer les communications de l'Angleterre dans la Manche.
Dans les deux camps, la course aux armements s’accélère et il y a surenchère dans la préparation de la guerre. Les dépenses consacrées aux armées s’envolent. Les fortifications frontalières (du moins à la fin du xixe siècle), l’artillerie (le fameux canon de 75 de l’armée française), les canons lourds allemands et les flottes de guerre (le Dreadnought britannique et les cuirassés allemands) absorbent une bonne partie des budgets des États. Le matériel est modernisé et la durée du service militaire allongée dans plusieurs pays : en France, la durée du service militaire passe à 3 ans en août 191333 pour pallier (dans une certaine mesure) l’infériorité numérique de la France face à l’Allemagne. En effet, si, en 1870, les deux pays avaient une population quasi-identique, en 1914 l’Allemagne comprenait une population de 67 millions34, tandis que la France, ayant à peine comblé la perte de l’Alsace-Lorraine, était peuplée d'environ 40 millions d’habitants35. En Belgique, une loi instaure le service militaire obligatoire et l'armement des forts de l'est est accéléré, mesures destinées à rendre crédible la volonté belge de défendre la neutralité du pays contre toute attaque comme le traité de 1831 garantissant l'indépendance en fait obligation au royaume. C'est la seule façon d'espérer que la France et le Royaume-Uni rempliront leur devoir de garants en venant au secours de la Belgique si celle-ci est envahie par l'Allemagne, ce qui paraît la perspective la plus probable.
Attentat de Sarajevo[modifier | modifier le code]
Article détaillé : Attentat de Sarajevo.
Procès de Gavrilo Princip à la suite de l'assassinat de l’archiduc François-Ferdinand d'Autriche le 28 juin 1914.
Le détonateur du processus diplomatique aboutissant à la guerre est le double assassinat de l’archiduc François-Ferdinand, héritier du trône d’Autriche-Hongrie, et de son épouse morganatique Sophie Chotek, duchesse de Hohenberg, à Sarajevo le 28 juin 1914 par un étudiant nationaliste serbe de Bosnie, Gavrilo Princip36. Les autorités autrichiennes soupçonnent immédiatement la Serbie voisine d’être à l’origine du crime. L'Autriche-Hongrie interpelle l'Allemagne sur cela, mais pas l'Italie. Le 5 juillet, l’Allemagne assure l’Autriche-Hongrie de son soutien et lui conseille la fermeté. Les Autrichiens pensent battre facilement la Serbie et lui donner ainsi une bonne leçon qui calmera ses ardeurs expansionnistes. Il semble au haut commandement allemand que jamais les chances d’un succès contre la Serbie, la Russie et la France ne seraient aussi favorables. C’est la politique dite « du risque calculé » définie par le chancelier Bethmann-Hollweg. L’Autriche, quant à elle, compte profiter de l’occasion pour éliminer la Serbie en tant que puissance dans les Balkans37.
Ah ouais c'est pas spotted que c'est wikipédia
Combo breaker
Entrée en guerre[modifier | modifier le code]
En Allemagne, Guillaume II assure l'Autriche de son appui inconditionnel. C'est alors que survient l'attentat de Sarajevo, prétexte pour l'Autriche d'en finir avec le foyer pro-slave que constitue la Serbie.
Les déclarations de guerre en 1914[modifier | modifier le code]
L'Autriche à la Serbie le 28 juillet, à la Russie le 5 août.
L'Allemagne à la Russie le 1er août, à la France le 3 août.
Le Royaume-Uni à l'Allemagne, le 4 août, à l'Autriche le 13 août.
Le Japon à l'Allemagne le 23 août.
La France et le Royaume-Uni à la Turquie le 3 novembre.
Crise de juillet[modifier | modifier le code]
Télégramme du gouvernement austro-hongrois au gouvernement serbe lors de la déclaration de guerre du 28 juillet 1914.
La déclaration de guerre de l'Empire Allemand, signée par le Kaiser Guillaume II.
Articles détaillés : Crise de juillet et Tentatives de paix pendant la Première Guerre mondiale.
Après concertation avec l'Allemagne, le 23 juillet, l’Autriche-Hongrie lance un ultimatum en dix points à la Serbie dans lequel elle exige que les autorités autrichiennes puissent enquêter en Serbie38. Le lendemain, à l’issue du Conseil des ministres tenu sous la présidence du tsar à Krasnoïe-Sélo, la Russie ordonne la mobilisation générale pour les régions militaires d’Odessa, Kiev, Kazan et Moscou, ainsi que pour les flottes de la Baltique et de la mer Noire. Elle demande en outre aux autres régions de hâter les préparatifs de mobilisation générale39. Les Serbes décrètent la mobilisation générale le 25 et, au soir, déclarent accepter tous les termes de l’ultimatum, hormis celui réclamant que des enquêteurs autrichiens se rendent dans le pays38. À la suite de cela, l’Autriche rompt ses relations diplomatiques avec la Serbie, et ordonne le lendemain, une mobilisation partielle contre ce pays pour le 28, jour où, sur le refus d'approuver son ultimatum lancé cinq jours plus tôt, elle lui déclare la guerre. L'Italie, qui n'avait pas été interpellée par l'Autriche, déclare sa neutralité.
Le gouvernement français ordonne à son armée de retirer toutes ses troupes à dix kilomètres en-deçà de la frontière allemande, pour faire baisser la tension et éviter tout incident de frontière qui pourrait dégénérer. Cette mesure prise pour laisser une chance à la paix oblige à abandonner des positions tactiques (cols des Vosges…), ce qui sera payé cher en vies humaines dans les batailles d'août 1914.
Le 29 juillet, la Russie déclare unilatéralement – en dehors de la concertation prévue par les accords militaires franco-russes – la mobilisation partielle contre l’Autriche-Hongrie40. Le chancelier Bethmann-Hollweg se laisse alors jusqu’au 31 pour une réponse appropriée. Le 30, la Russie ordonne la mobilisation générale contre l’Allemagne. En réponse, le lendemain, l’Allemagne proclame « l’état de danger de guerre ». C’est aussi la mobilisation générale en Autriche pour le 4 août. En effet, le Kaiser Guillaume II demande à son cousin le tsar Nicolas II de suspendre la mobilisation générale russe. Devant son refus, l’Allemagne adresse un ultimatum exigeant l’arrêt de sa mobilisation et l’engagement de ne pas soutenir la Serbie. Un autre est adressé à la France, lui demandant de ne pas soutenir la Russie si cette dernière venait à prendre la défense de la Serbie. En France, Jean Jaurès est assassiné à Paris par Raoul Villain le 31 juillet. Le 1er août, à la suite de la réponse russe, l’Allemagne mobilise et déclare la guerre à la Russie.
En France, le gouvernement décrète la mobilisation générale le même jour, à 16 h41. Le lendemain, l’Allemagne envahit le Luxembourg, un pays neutre, et adresse un ultimatum à la Belgique, elle aussi neutre, pour réclamer le libre passage de ses troupes42. Au même moment, l’Allemagne et l’Empire ottoman signent une alliance contre la Russie. Le 3 août, la Belgique rejette l’ultimatum allemand. L’Allemagne entend prendre l’initiative militaire selon le plan Schlieffen. Elle adresse un ultimatum au gouvernement français, exigeant la neutralité de la France qui en outre devrait abandonner trois places fortes dont Verdun. Le gouvernement français répond que « la France agira conformément à ses intérêts »43. L’Allemagne déclare alors la guerre à la France, puis à la Belgique. Le Royaume-Uni déclare qu’il garantit la neutralité belge, et réclame le lendemain que les armées allemandes, qui viennent de pénétrer en Belgique, soient immédiatement retirées. Le gouvernement de Londres ne reçoit aucune réponse, et déclare donc la guerre à l’Allemagne. Seule l’Italie, membre de la Triplice qui la lie à l'Allemagne et à l'Autriche, se réserve la possibilité d'intervenir plus tard suivant les circonstances. Le 6 août, l’Autriche-Hongrie déclare la guerre à la Russie aux côtés de l’Allemagne. Le 11, la France déclare la guerre à l’Autriche-Hongrie, suivie par l’Angleterre le 13. Comme la plupart des pays engagés possèdent des colonies, l'affrontement prend rapidement un caractère mondial : faisant partie du Commonwealth, le Canada, l’Australie, l’Inde, la Nouvelle-Zélande et l’Afrique du Sud entrent automatiquement en guerre contre l’Allemagne, de même que les colonies françaises et belges.
Le 23 août, le Japon offre son appui aux Alliés et déclare la guerre à l’Allemagne. Le 1er novembre, l'Empire ottoman se joint aux puissances centrales. Le sort de la guerre cependant se joue en Europe, surtout en France, qui en supporte la charge la plus lourde.
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Forces en présence[modifier | modifier le code]
Articles connexes : Mobilisation allemande, Mobilisation française et Mobilisation russe.
Les deux camps sont équilibrés. L'Alliance et l'Entente possèdent des effectifs pratiquement identiques. En 1918, la guerre concerne la plupart des pays du monde.
La France, malgré une population d’environ 39 millions d’habitants, peut disposer immédiatement de près de 800 000 soldats d’active depuis l’adoption de la loi des trois ans (août 1913) qui augmente la durée du service militaire44. La mobilisation, terminée vers le 15 août, complète les effectifs. Les uniformes portés par les soldats français ressemblent singulièrement à ceux portés lors de la guerre de 1870 avec le fameux pantalon garance. Il est porté non seulement par tradition, mais aussi pour être vu de loin par l’artillerie, et donc pour éviter les pertes par tirs amis. En effet, la doctrine française de l’offensive s’appuyait sur le canon à tir rapide de 75, devant accompagner l’infanterie pour réduire les troupes adverses avant l’assaut. Il faut attendre 1915 pour que soit distribué l'uniforme bleu horizon45. Le premier mort militaire français est le caporal Jules-André Peugeot tué le 2 août 1914 à Joncherey46.
La Belgique présente une force théorique de 350 000 hommes grâce au service militaire obligatoire instauré depuis peu, mais ne peut opposer à l'armée allemande, dans l'immédiat, qu'une armée de campagne de 140 000 hommes appuyée sur des lignes de fortifications autour des places de Liège, Namur et, surtout, d'Anvers, énorme place-forte constituée de trois lignes de forteresses autour du port. C'est le réduit national considéré comme la plus importante place-forte du monde, mais qui n'est pas encore achevé.
Au début des hostilités, le Corps expéditionnaire britannique n’est encore qu’en petit nombre, environ 70 000 hommes47, et ne joue qu’un rôle mineur dans le déroulement des opérations. Il est essentiellement composé de soldats professionnels bien entraînés, bien équipés et expérimentés. L'Angleterre est donc, apparemment, la plus faible des nations en cause dans la guerre qui commence. Mais ses dirigeants disposent d'une réserve de millions de soldats venus de ses colonies (Indes, Kenya, Nigeria, etc.), et surtout des dominions : Canada, Australie, Nouvelle-Zélande, Afrique du Sud et Terre-Neuve. Toutefois, ces forces ne seront disponibles que dans un délai tel que les dirigeants anglais comptent, d'abord, sur la France et la Belgique pour ralentir l'attaque allemande, craignant que l'agresseur puisse s'installer sur les côtes de la mer du Nord et à Anvers (dont Napoléon Ier avait dit que ce port retranché dans l'estuaire de l'Escaut était « un pistolet braqué sur le cœur de l'Angleterre »[réf. nécessaire]). Aussi, la Royal Navy est-elle mise en alerte ; avec celle-ci le Royaume-Uni est le plus fort sur les mers. Elle peut donc protéger les îles britanniques contre toute attaque maritime de la flotte de guerre allemande devenue la deuxième au monde sous l'impulsion de l'empereur Guillaume II.
Les armées russes sont énormes, et la France compte beaucoup sur elles pour diviser l’armée allemande ; mais ce nombre impressionnant de soldats (1 300 000 soldats d'active et 4 000 000 de réservistes48) masque le fait qu’il ne s’agit le plus souvent que de paysans sans aucune formation militaire, mal armés et mal équipés. Et, de plus, le commandement russe se révèle lui-même médiocre.
L’Allemagne est bien plus peuplée que la France, 67 millions d’habitants contre 39 millions, mais elle doit réserver une partie de ses forces au front de l’Est. La moyenne d’âge des soldats allemands est également inférieure à celle des Français. Au début de la guerre, l’Allemagne, contrairement à la France, n’a pas rappelé les classes d’âge élevé et dispose encore d’importantes réserves humaines : 870 000 hommes49. L’équipement du soldat allemand est généralement meilleur que celui du soldat français, il est soutenu par de nombreuses mitrailleuses et par la meilleure artillerie lourde du monde. En dehors de certains anachronismes, comme le casque à pointe, il tient généralement compte de l’expérience acquise dans les conflits de la fin du xixe siècle et du début du xxe siècle.
Les forces en présence sont telles que toute une génération de jeunes Européens est mobilisée, faisant de ce conflit la première guerre de masse pour certains50 historiens51.
Guerre du droit, guerre de propagande[modifier | modifier le code]
Mobilisation des soldats de Lübeck
Les mobilisés parisiens devant la gare de l'Est le 2 août 1914
Volontaires britanniques en août 1914.
Articles détaillés : Union sacrée (mouvement) et Burgfrieden.
Lorsque la mobilisation est décrétée en France le 1er août 1914, la France est en pleine moisson et ne pense pas à la guerre52. Jean-Baptiste Duroselle qualifie l'hypothèse d'une guerre de revanche comme absurde53. Les mobilisés ne songent guère à reprendre l'Alsace-Lorraine, mais ils sont résolus à défendre le pays contre l'envahisseur qui a déclenché la guerre. Le patriotisme des combattants est un patriotisme défensif54. En témoigne le faible nombre de déserteurs, 1,5 % des mobilisés55. De plus, beaucoup pensent que la guerre sera courte. Les moments d’enthousiasme existent, notamment à l’occasion du rassemblement des mobilisés dans les gares, mais demeurent une exception. Le sentiment qui domine est la détermination à défendre la patrie et la république, contre un ennemi perçu comme redoutable.
En Allemagne et au Royaume-Uni se manifeste aussi un patriotisme sans faille56, exprimé en Allemagne par la certitude de vaincre et la conviction d'une supériorité non seulement militaire, mais aussi industrielle, culturelle, voire raciale. Par contre, en Russie, une opposition à la guerre se développe dans les milieux libéraux et révolutionnaires. Les socialistes russes sont divisés entre le ralliement et le défaitisme. Le président français Raymond Poincaré appelle à l’Union Sacrée57. La Chambre et le Sénat français votent les crédits de guerre à l’unanimité. Il en va de même au Reichstag où les députés sociaux-démocrates votent aussi par 78 contre 14 les crédits de guerre58 malgré leurs engagements contre la course aux armements. Au même moment, l’Union Sacrée se forme en Russie : la Douma vote des crédits de guerre.
Comme les armées commencent à s’affronter, les gouvernements belligérants se lancent dans une lutte médiatique à coups de publications de documents soigneusement sélectionnés, exhibant essentiellement des échanges diplomatiques. Le Livre blanc de l'Allemagne en contient ainsi 36. Le Livre jaune français, achevé après trois mois de travail, en regroupe 164. Ces ouvrages de propagande visent à convaincre les opinions publiques du bien-fondé de leurs droits. Dans le Livre Blanc, des coupures éliminent ainsi tout ce qui pourrait bénéficier à la position russe59. Le Livre Jaune est qualifié par les propagandistes allemands de vaste « collection de falsifications »60: la France est accusée d'avoir donné son appui inconditionnel à la Russie. L'Allemagne tente de montrer qu'elle a été contrainte à la mobilisation générale par celle de la Russie, qui elle-même rejette la responsabilité sur l’Autriche-Hongrie. Les documents alliés sur les circonstances de la déclaration de guerre, ainsi que les crimes de guerre commis par l'armée allemande, constitueront la base sur laquelle les Alliés s’appuieront en 1919 pour formuler l’article 231 du traité de Versailles affirmant l’exclusive responsabilité de l’Allemagne et de ses alliés.
La lutte médiatique se poursuit dans les tranchées où les poilus s'informent grâce notamment aux nombreux journaux censurés ou contrôlés par la propagande de guerre61 qui rappellent cette guerre du droit. Ils parviennent cependant à éviter le bourrage de crâne, d'abord en étant au plus près des réalités de la guerre – ce qui les rend très sceptiques face aux mensonges de la propagande – parfois en se faisant envoyer, le plus souvent par l'intermédiaire de leur famille, des livres très divers : de la littérature de l'arrière comme Gaspard de René Benjamin ; de la littérature de tranchée comme Le Feu d'Henri Barbusse ou les récits de guerre de Maurice Genevoix ; des romans antimilitaristes comme Les Sous-offs de Lucien Descaves ; des livres qui permettent de comprendre ce qui se déroulait sur le front, tels Guerre et Paix de Tolstoï ou les Pensées de Pascal. La littérature patriotique reste prédominante chez les soldats allemands, avec Les Souffrances du jeune Werther de Goethe ou Considérations d'un apolitique de Thomas Mann62. La littérature de guerre est suffisamment importante pour que naisse en 1919 une Association des écrivains combattants visant à défendre les intérêts des écrivains survivants et la mémoire de ceux tombés au champ d'honneur.
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Buts de guerre[modifier | modifier le code]
Réfugiés belges. Pour le Royaume-Uni, la réinstallation de la Belgique dans ses droits est un but de guerre.
Article détaillé : Buts de guerre de la Première Guerre mondiale.
La formulation des buts de guerre est délicate pour la plupart des états belligérants. Beaucoup de chefs d'État considèrent cela comme dangereux et inutile, car la proclamation de buts de guerre concrets pourrait entraîner des obligations qu'ils préféreraient éviter. Ne pas atteindre les buts de guerre annoncés publiquement pourrait en effet être perçu par la suite comme une défaite. Les chefs d'État parlent, dans la première phase des combats, de buts de guerre généraux, et cela jusqu'en 1917, sauf, pour ce qui est de l'Angleterre qui a affirmé vouloir restaurer l'indépendance belge. Il s'agit d'empêcher l'Allemagne d'installer à Anvers et sur la côte belge des bases militaires qui deviendraient une menace permanente proche des côtes de la Grande-Bretagne. Pour la France et la Belgique, les buts de guerre sont d'abord, simplement, chasser l'envahisseur et libérer le territoire national.
Le gouvernement français préfère donc exalter l'idée générale de victoire63. Mais, dans l'immédiat, ce qui compte c'est le caractère héroïque de la guerre, mis en avant par des médias, mis sous contrôle par les États à des fins de propagande, comme en Angleterre, où Reuters doit publier le 16 avril 1917 une histoire inventée par un journal belge sur une usine allemande accusée de transformer des corps humains en matériaux de guerre64. Exagération rendue crédible par les atrocités véritables que civils et militaires alliés ou neutres ont pu constater en Belgique et en France occupée – incendies systématiques, capture et exécutions d'otages, déportations plus tard.
D'un autre côté, les aspirations d'expansion à peine dissimulées ont une influence négative sur la position des États neutres. Par la suite, la formulation publique des buts de guerre se révèlera souvent nécessaire pour justifier la volonté de combattre pour telle ou telle ambition65. Par contre, les Empires centraux utilisent les buts de guerre pour encourager leur population, leurs alliés ou les pays neutres, ou bien les brandissent pour menacer et ainsi décourager leurs ennemis66. La politique de guerre de chaque camp comporte également un aspect économique : occuper ou exercer une influence dans les secteurs commerciaux, pour ses propres exportations d'une part, et pour obtenir de nouvelles sources de matières premières d'autre part. C'est l'Afrique qui est visée. Mais, dans cette partie du monde, l'Allemagne n'a pas les moyens militaires de soutenir les ambitions qu'elle nourrit depuis le Traité de Berlin de 1885, qui ne lui a laissé que ce qu'elle considère comme les moins bons morceaux de la colonisation.
Opérations militaires[modifier | modifier le code]
Article détaillé : Chronologie de la Première Guerre mondiale.
Guerre de mouvement (1914)[modifier | modifier le code]
Alliées et empires centraux, début août 1914.
Article connexe : Principales erreurs stratégiques françaises au début de la Première Guerre mondiale.
Événements de la guerre de mouvement[modifier | modifier le code]
Articles détaillés : Bataille des Frontières, Grande Retraite et Première bataille de la Marne.
Albert Ier, roi des Belges en 1914.
La une du journal bruxellois Le Soir du 4 août 1914, annonçant l'invasion de la Belgique
Le chef d’état-major allemand Helmut von Moltke applique le plan Schlieffen. Le 4 août, l’Allemagne envahit la Belgique et le Luxembourg. L'armée allemande lance une attaque éclair à partir de la région d'Aix-la-Chapelle, mais rencontre une résistance acharnée de l'armée belge de campagne qui manœuvre en s'appuyant sur les forts bâtis en avant de Liège. Le roi Albert Ier lance un appel à la France et au Royaume-Uni en vertu du traité par lequel les garants de l'indépendance de la Belgique sont tenus de défendre celle-ci. La France répond immédiatement à cet appel par un vote du parlement décidé à respecter le traité de 1831, d'autant plus que l'entrée de l'armée française en Belgique paraît éloigner du territoire français les ravages de la guerre. Les autorités de Londres aussi décident de s'engager sur le continent devant le refus allemand de retirer ses troupes de Belgique et devant la résistance de l'armée belge qui met fin aux craintes de voir le corps expéditionnaire britannique isolé face à une armée allemande en surnombre.
Aux motifs stratégiques s'ajoutent bientôt des raisons humanitaires pour justifier l'intervention contre l'Allemagne. C'est que l'opinion publique, alertée par des réfugiés fuyant les combats67, accuse les Allemands de se livrer à des atrocités, d'exécuter des civils, de couper les mains des prisonniers pour qu'ils ne puissent plus se battre et de saccager maisons, châteaux, églises68. Des villes belges sont soumises au sac et à l'incendie et des civils sont fusillés, comme à Aarschot, Visé, Dinant69, Louvain où la bibliothèque multiséculaire est détruite avec les chefs-d'œuvre qu'elle contient70. Les dévastations et les crimes de guerre s'étendent au nord de la France71 et la cathédrale de Reims est gravement atteinte par l'artillerie allemande, ce qui suscite l'indignation de l'opinion publique jusqu'aux États-Unis72. Car ces faits parviennent à l'étranger par des témoins neutres présents en Belgique, simples résidents, journalistes, membres du corps diplomatique73. Des rapports ultérieurs impartiaux feront la part entre les accusations et la réalité tout en devant admettre la violence des troupes allemandes qui se justifient de leurs agissements contre les civils en invoquant des agressions (souvent imaginaires) de ceux-ci, ce qui est contraire aux lois de la guerre74. Est notamment accusée la Garde Civique belge, troupe supplétive de civils en uniformes qui se battent à Verviers, Tamines, Saint-Trond, ce qui exaspère le commandement allemand qui prétend n'y voir que des civils combattant en francs-tireurs, alors, cependant, que cette troupe est régulièrement organisée par la loi belge au même titre que la Landsturm allemande75.
Le 8 août, les troupes françaises entrent à Mulhouse, qui tombe à nouveau aux mains des Allemands deux jours plus tard76. La percée en Lorraine, suivant le plan XVII, est un échec pour la France (bataille de Lorraine des 19-20 août, où les Français comptent plus de 20 000 pertes en deux jours) et les IIIe et IVe Armées françaises se replient derrière la Meuse. Le 20 août, les troupes allemandes entrent à Bruxelles77. Le 23 août, les Allemands forcent au recul la Ve Armée française lors de la bataille de Charleroi et le Corps expéditionnaire britannique à la bataille de Mons. Sur toute la ligne de front belge, les Alliés reculent. Le plan Schlieffen se déroule selon les prévisions.
Les troupes britanniques, dirigées par le général French, et la Ve Armée française commandée par le général Charles Lanrezac se replient précipitamment vers l'Aisne, puis vers la Marne. Cette retraite est ponctuée par deux batailles d'arrêt, la bataille du Cateau entre les troupes britanniques et la Ire Armée allemande, la bataille de Guise entre les troupes françaises et les Ire et IIe Armées allemandes. Les troupes alliées sont poursuivies par trois armées allemandes qui franchissent la Marne, mais ne peuvent isoler l’aile gauche franco-britannique. Joffre, général en chef de l’armée française, organise le renforcement de ses troupes vers l’ouest pour éviter le débordement et l’encerclement de ses armées. L’attaque de la capitale semble imminente : c’est pourquoi du 29 août au 2 septembre, le gouvernement français quitte Paris et s’installe à Bordeaux, laissant la capitale sous le gouvernement militaire du général Gallieni. Le gouvernement civil exige des militaires que la capitale soit défendue et constitue une armée pour défendre Paris78. Mais le but principal des Allemands n’est pas Paris, mais l'encerclement et la destruction de l'armée française. Aussi pivotent-ils, toujours conformément au plan Schlieffen, en direction du sud-est pour acculer l'armée française vers les Vosges et la Suisse dans un mouvement en « coup de faux ». Le 4 septembre, l’armée allemande occupe Reims. Mais 150 000 soldats allemands et une importante artillerie sont retenus en Belgique par le siège de la place forte d'Anvers venant après la résistance des forts de Liège et la victoire belge sur la Jette, lors de la bataille de Haelen79 De ce fait, l'armée allemande ne peut protéger ses flancs faute d'effectifs suffisants. Bien que le rapport de force global sur tous les fronts soit en faveur des Allemands, Galliéni et Joffre saisissent l’occasion de renverser la situation en attaquant du fort au faible dans le secteur particulier de l'Ourcq, où ils peuvent tomber sur les arrières de la 1re armée allemande en pleine progression, dont la sécurité de flanc n'est assurée que par trois divisions. La 6e armée française, protégeant Paris, part à l’attaque le 5 septembre vers l'Ourcq, renforcée par des unités enlevées au front de Lorraine ou venues des colonies ; c'est alors qu'une brigade d'infanterie est transportée de Paris au front grâce à la réquisition de taxis parisiens par le général Gallieni, gouverneur militaire de la capitale. Les Français et les Anglais s'arrêtent le lendemain 6 sur un front allant de Bar-le-Duc à la Seine-et-Marne, puis lancent une contre-offensive générale. Son succès est limité toutefois par l'épuisement des soldats et les pertes dramatiques en hommes, particulièrement en cadres (dans certaines unités françaises, les deux-tiers des officiers ont été mis hors de combat en un mois). C’est la Première victoire de la Marne (6-9 septembre)80. Tout d'abord, les troupes allemandes tiennent bon pendant 4 jours face à la contre-attaque française, mais doivent finalement reculer de 40 à 80 km, en abandonnant quantités de prisonniers et de matériels. Elles se replient sur l’Aisne puis réussissent à se fixer en s'appuyant sur les massifs de l’Argonne, notamment au Chemin des Dames. C'est l’échec du plan Schlieffen. En conséquence, l'empereur d'Allemagne renvoie le général en chef allemand Von Molkte et le remplace par Erich von Falkenhayn le 14 septembre. Le 5 octobre, le conflit connaît ses premiers duels aériens près de Reims où un biplace Aviatik allemand est abattu à la mitrailleuse par un biplace Voisin des aviateurs français Frantz (pilote) et Quénault (mécanicien-mitrailleur).
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La course à la mer[modifier | modifier le code]
Au nord-ouest du front, le 19 octobre, la « course à la mer » débute entre les armées allemande, française, britannique et belge. Il s'agit pour les alliés de s'installer en premiers à la mer pour interdire les ports de Dunkerque, de Boulogne-sur-Mer et de Calais que les Allemands cherchent à atteindre pour couper les Anglais de leurs bases d’approvisionnement et ainsi les contraindre à se rendre. Mais, après leur victoire à la bataille de Haelen, les Belges qui ont soutenu un siège d'un mois à Anvers, sont parvenus à rejoindre les franco-anglais en Flandre. Les Allemands veulent s'emparer des ports de la côte et lancent leurs attaques dans la région de l’Yser. Or, à ce moment, les alliés installent les premières tranchées de la guerre. Dans le terrain spongieux d'une plaine maritime, elles ne sont pas creusées, mais érigées par l'érection de digues et l'entassement de dizaines de milliers de sacs de terre. À l'abri derrière ce rempart, auquel s'ajoute le remblai d'une ligne de chemin de fer, les Belges peuvent tenir les Allemands en respect. Les Britanniques, peu nombreux, se sont installés à Ypres, à l’extrémité sud-ouest de la Belgique, où la ville leur offre un véritable système de défense par l'utilisation des maisons et édifices publics devenus comme autant de forteresses. Ce sont des soldats professionnels qui peuvent tirer le meilleur parti de leurs positions retranchées, alors que les Allemands vont devoir affronter les Anglais retranchés en partant de positions en terrain découvert et avec des troupes comprenant une toute récente levée de jeunes recrues inexpérimentées. L'armée française fait la liaison entre les Anglais et les Belges avec, notamment, les fusiliers marins de l'amiral Pierre Alexis Ronarc'h. Les trois armées étant réunies forment un ensemble dense sur un front restreint. Les risques inhérents aux mouvements d'armées des mois précédents ont disparu. Au lieu de la situation défavorable des premiers mois de guerre, lorsque les alliés manœuvraient dans une coordination improvisée en face d'armées allemandes supérieures en nombre, en puissance de feu et en homogénéité, on se trouve, pour la première fois depuis le début de la guerre, dans des positions favorables face aux Allemands. Mais ceux-ci gardent leur supériorité en effectifs dans la proportion de six contre un[réf. nécessaire]. Cette supériorité sur le plan des chiffres est contrebalancée par la situation des Alliés qui peuvent compenser leur infériorité numérique par l'utilisation du terrain. Celui-ci a été inondé par les Belges qui ont ouvert les vannes qui retenait l'eau de la mer du nord dont le niveau est supérieur à celui des polders (des étendues cultivées situées sous le niveau de la mer). C'est alors que le roi des Belges lance une proclamation à son armée d'avoir à résister sans esprit de recul. Les Belges et les Anglais acceptent d'ailleurs d'unir leurs états-majors à ceux des Français pour l'application d'une tactique commune sous l'autorité du général Joffre. Le 27 octobre, les Allemands lancent une vaste offensive en Belgique déclenchée au nord, à l’est et au sud d’Ypres. Pour augmenter l'effectif des combattants l'état-major allemand lance à l'assaut neuf divisions de la réserve de remplacement composée de très jeunes gens en cours de formation81. Leur inexpérience, ainsi que la tactique des assauts en masse entraînent des pertes énormes qui font surnommer ces opérations le massacre des innocents (De Kindermord)82