Bon suite à ce topic https://www.jeuxvideo.com/forums/1-51-9430616-1-0-1-0-ma-vie-de-stagiaire.htm je fais un récit sur mon job d'été, sur le même schéma, attention, sous le pavé, pas de plage.
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Lundi 2 août.
Bon ben me revoilà dans le monde hostile du travail. Après un stage dans un hosto proche du parfait opposé d'un épisode de grey's anatomy, je me retrouve à nettoyer toute une usine pendant le mois d'août. La perspective de zapper mes grandes vacances (j'étais en formation tout le mois de juillet), celle de n'avoir à raconter à la rentrée que des « à un moment y'a eu des frites à la cantine ! Y'avait une putain de tâche d'encre mais elle est partie avec un peu de perfect ! » me rendait malade. A la rentrée, je serai blanc comme le mec de twilight, la bogossitude en moins et j'aurai les boules quand Jean-Charles me montrera son appareil photo numérique samsung ST550 dernier cri double écran LCD remplit de photos des partouzes estivales et des coktails avec des fruits que personne ne connait ; mais j'avais besoin d'argent. Les points positifs ? C'est pas loin, je bosse avec mon cousin de 3 ans de moins que moi et euh...y'aura peut-être des frites à la cantine.
Comment je m'imagine l'entretien ? Un peu comme dans la série Scrubs, pour ceux qui voient.
Réveillé 5h, commence à 6. Ca faisait un bail que je m'étais pas levé alors qu'il fait encore nuit dehors. Je suis en colloc' avec mon cousin le temps du job. Je mets du Justin Bieber à fond dans mon iphone, et je le pose à côté de lui. Un « enculé » un peu pâteux m'informe que la blague n'est pas à son goût. Tant pis.
A mon arrivée, je constate avec regret que mon nom n'est pas sur la liste, alors qu'un type de la société qui m'embauche m'avait harcelé téléphoniquement une bonne partie du mois de juillet pour s'assurer que je me pointe bien le 2 août. Ca y est ça commence...J'ai droit à un badge fait main du coup, et à une séance d'interrogatoire. Jack Bauer étant en vacances, on m'envoie un certain Kamel. Sa barbe de 3 ans me fait signe de me mettre à l'écart. Je le regarde. Putain, ce mec est dégarni des joues.
-Qui t'envoie ?
(la CIA pourquoi ?)
-Comment ça qui m'envoie ? Je commence aujourd'hui. Je suis mandaté par moi-même.
Trop de mots compliqués pour lui, entre « aujourd'hui » et « mandaté », j'ai bien vu que c'était le Kosovo dans son hémisphère droit. Alors il a posé une autre question.
-T'es sûr que tu commences pas le 9 ?
-Sûr. Un certain Monsieur XXXX m'a laissé un message.
-Je t 'ai laissé quoi comme message ?
-Ah parce-que c'est vous Monsieur XXXX ? Enchanté.
Il n'a pas pris la peine de me rendre la politesse.
-Bon, viens avec moi.
On a traversé le poste de sécurité et il m'a emmené dans un bureau. Deux filles, plutôt mignonnes, une blonde et une brune. Un type chauve, le regard dur m'a accueilli, comme on accueille un mec qui vous empêche de prendre votre café votre premier jour de taff, avec un regard de M16. Chargé en plus. Après ces non-présentations, il a aboyé un truc qui ressemblait à un « putain faut toujours un jeune con pour casser les burnes le premier jour », habilement camouflé sous un « qu'est-ce qui se passe Kamel ? » J'ai décidé de me faire tout petit.
Le dit Kamel me regarde et me fait :
-C'est lui ou moi qui t'a appelé ?
-Vous croyez que j'ai le visio-phone ?
-C'était quand ?
-Mi-juillet je crois, par là.
-Par où ?
(putain mais...quoi ? J'entravais que dalle)
-Pardon ?
-Et on t'a dit que tu débutais le 2 ? est intervenu Monsieur Propre (ça collait bien au métier en plus).
-Bah ouais.
Un type, démarche claudicante, s'est approché, pas loin de la quarantaine (dans les deux sens du terme à mon avis), un « visage-cratère », une vraie gueule de pédophile si vous re-voulez mon avis.
Kamel s'est adressé à lui :
-Christian, tu leur montres le vestiaire OK ?
-OK Ali.
-Kamel.
-Euh...ouais Kamel...
On a accompagné Marc Dutroux et Kamel (ou Ali) s'est engouffré dans le bureau ainsi que le Regard Revolver.
-Trouvez un casier ouvert et vide et mettez vos affaires.
On s'est exécutés, puis changés, en voyant les combinaisons à l'identique de mon cousin et moi, j'ai eu l'air de la chanson « nous sommes deux sœurs jumelles... » dans la tête tout du long.
On s'est repointés vers le bureau, y'avait un groupe de jeunes.
Kojak le contre-maître ou double R, j'ai pas encore choisi de surnom fixe qui me plaise vraiment, a dit « je prends lui » en me désignant comme si on faisait les équipes pour un match de foot au collège, que j'étais le joueur le plus nul mais qu'il ne restait plus que moi...
Les autres m'ont regardé nous éloigner et un mec a murmuré « putain le pauvre il va à la fosse ».
La fosse ? La fosse septique ? La fosse aux lions ?
Bon, en fait, c'était une fosse-alerte, j'allais pas à la fosse, ils ont dû se rendre compte que j'étais pas équipé pour. J'étais en blanc de travail, avec des chaussures de sécurité pointure 43, qui est je le précise ma pointure, mais je nageais dedans. On aurait dit un clown. Et encore, j'avais pas mis les lunettes de sécurité, le masque et les gants. Je me suis senti légèrement con lorsque j'ai aperçu la brune de tout à l'heure, une fois arrivés à destination. Elle était pas du tout habillée comme un éboueur qui se sappe à l'armée du salut, mais plutôt comme une fille qui revient de soirée...J'ai dit :
-Bonjour.
-Salut, avec un sourire 4000 watts.
Voilà le seul échange qu'on aura en 1 heure.
-Kamel tu lui montres.
-Ouais Franck.
Je savais pas d'où sortait Kamel, je savais pas non plus ce qu'il devait me montrer, mais tout ça me faisait flipper. Je commençais à regretter la fosse, même si j'avais aucune idée de ce qu'était cette putain de fosse.
-Tu sais te servir d'un aspirateur gars ?
Alors écrit comme ça, tout le monde comprend, seulement ce mec parlait tellement vite que j'ai compris « d'un aspirateurga », en un seul mot, du coup j'ai bredouillé un « oui » mal assuré.
Je savais effectivement me servir d'un aspiro, mais ce truc là, ce qu'il a ramené, je suis navré, mais ce n'était pas un aspirateur, c'était une connerie de machine de guerre. Un engin d'un mètre de haut, duquel j'ai pensé un vague instant que R2D2 en sortirait. Au premier contact, j'ai cru que le sol allait se dérober et être aspiré avec la moquette, les murs et l'usine. Franck aka John Locke passait la mono-brosse, qui avait des allures de scie circulaire, ce qui m'encourageait encore plus à ne pas lui adresser la parole.
Comme vraisemblablement je le passais mal, le chameau a dit : ah nan il a rien dit, il m'a littéralement arraché le manche, et il m'a montré, en me récitant un laïus sur le fonctionnement du monstre, il était très tôt, et avec sa voix de Pierre Bellemare, je me serais vraiment cru sur télé shopping.
-OK pigé, mais je veux pas l'acheter.
Il est revenu me dire que Franck voulait que j'aille plus vite...mais ce truc avait une telle puissance, c'est pas comme si je pouvais aspirer à une main, j'avais l'impression de faire du rodéo sur un T-Rex.
Au bout d'une heure, la première salle de réunion était faite, et ils m'ont demandé, quoique vu l'intonation...ils m'ont sommé de vider le bureau du directeur, du Big Boss.
-Rach' tu aides XXX
-Mais il s'appelle pas XXX...avec le ton typique des ados qui vous méprisent.
Oh putain elle va avoir de gros problèmes elle. Quand j'ai vu boule de billard détourner les yeux et ne pas broncher, j'ai compris qu'il y avait anguille sous roche.
Rachel (puisque c'est son prénom) m'a aidé à débarrasser le bureau. On a bien foutu le bordel. On a arraché une branche à la magnifique compo florale du Boss, puis Franck est passé pour vérifier qu'on avait bien tout vidé.
-Bon il reste la plante, faites gaffe, le directeur est un peu marteau, cassez rien les jeunes.
On s'est regardés, on a pensé à la branche, j'ai caché le rouleau de scotch derrière mon dos puis on a rigolé.
-Pas de soucis j'ai dit.
On a pu ensuite prendre une pause. On a bien parlé la pistonnée et moi.
-Alors, t'accompagnes ton père bénévolement ou c'est aussi ton job d'été ? C'était un job au même titre que pour moi, sauf qu'elle n'aurait pas à subir la pression, les contraintes de temps, puisque papa est le contre-maître.
On a bien sympathisé et j'ai pas pu m'empêcher de penser à ces crétins qui m'enterraient déjà quand moi j'en glandais pas une pour mon premier jour, à nettoyer le bureau des huiles, et à discuter avec une fille mignonne et sympa. Ceux qui on lu « ma vie de stagiaire » savent bien que tout ceci est trop beau pour être vrai. Je ferai tout foirer, et si c'est pas moi, je compte sur la belle brochette de nettoyeurs d'élite qui bossent avec moi.
La suite ? Je me rappelle avoir flippé deux fois : une quand Franck m'a dit que je devrais ranger tous les bureaux demain ,seul, à la première heure, alors que j'avais déjà oublié où allaient toutes les babioles. L'autre, quand il m'a dit d'aller rejoindre l'autre pile électrique au bâtiment N, tout en sachant que moi dans l'usine, c'est un peu comme si vous lâchiez manette en main, Gilbert Montagné dans Bioshock 2.
J'ai trouvé tant bien que mal, une fois sur place, Kamel m'a tendu un balais. Un truc de compèt', genre Nimbus 2000. Y'avait l'autre attardé de Christian au fond de la salle, en passant devant lui, y'avait une tâche (deux finalement avec lui-même), j'ai gueulé « choppe le vif-d'or », lui et sa culture de merde n'ont pas relevé. Je passais vraisemblablement toujours mal le balais, alors K. me l'a arraché (note pour moi-même, me racheter un bras), genre : attends petit, j'ai été brosse d'or deux années consécutives et l'an passé j'ai été nominé pour les détergents awards, tout fier. Sa démo était à l'identique de ce que je faisais, sauf qu'il avait étalé la poussière, pour me faire chier sans doute, c'était réussi, un point pour lui. Kamel a fini avant moi et s'est tiré en me balançant une bonne quinzaines d'ordres tout aussi absurdes et contradictoires les uns que les autres comme : « quand t'auras vidé le seau tu passeras la serpillière » ou « tu prends un chiffon, et tu nettoies les vestiaires avec le balais OK ? » J'ai posé mon balais de noob, tout petit et laid, puis j'ai récupéré l'éclair de feu de K-mel. Très large. Ça allait bien plus vite. Quand je suis revenu au bâtiment administratif, je sais pas ce qu'il s'est passé, mais j'étais le meilleur pote de Franck, il m'appelait par un diminutif et tout le bordel. J'ai dit que je fumais pas quand il me l'a demandé, et j'ai eu l'impression qu'il voyait en moi le gendre idéal. Incompréhensible. J'ai fait tourner ma toupie pour voir si j'étais pas dans un rêve. Elle est tombée. Bien.
J'ai revu mon cousin sur les coups de 11H, il avait une sale tête, éreinté. J'ai ri intérieurement. Puis comme y'avait que lui, extérieurement.
-Quoi ?
-Rien, j'étais parti pour être le moins bien loti, puis vu ta tête, j'ai sûrement plus glandé que toi, puis en prime j'ai discuté avec la brune, no rage.
-Enfoiré, t'as fait quoi sinon ?
J'ai fait le signe du mec qui se tourne les pouces. 20 levels de rage plus tard, il s'est remis à bosser. Christian est revenu, il m'a tendu un spray qui pue mais qui fait que les casiers sentent bons apparemment, et j'ai vaporisé l'intérieur des casiers, je risquais pas de me fatiguer.
-J'ai que ça à te confier malheureusement.
-Heureusement plutôt. Dites-moi si vous voulez que je fasse autre chose sinon.
-C'est pas dites-moi par contre.
-Disez-moi ?
-Tu peux me tutoyer.
Alerte rouge, friend zone.
-Comme vous voulez.
Dans la dernière heure, j'ai vidé de l'eau dans un évier prévu à cet effet, mais objectif lune a cru bon de me faire aller à l'autre bout de l'usine pour le faire. Kamel m'a accompagné, on l'a vidé dans une bouche d'égout, lui complètement paniqué, stressé et stressant, on aurait dit que c'était le truc le plus illégal qu'il ait jamais fait de sa vie :
-Vas-y fais ça vite, surveille aussi.
Franck me décochait des putains de sourires, et parlait comme à une merde à mon cousin, j'étais plié. En revenant aux vestiaires, cerise sur le gâteau, son vestiaire avait été verrouillé. On a rameuté toute l'usine, et le mec de la sécu a brisé le cadenas.
-C'est bon pour toi, ton casier était pas fermé ?
J'avais mon sac de sport en bandoulière, alors j'ai arqué un sourcil.
-Nan.
Franck a débarqué, puis il a dit à mon cousin
-T'auras qu'à apporter un cadenas de chez toi la prochaine fois. Il aurait pas été plus poli avec l'étron qui gisait au milieu du trou de ses chiottes. Se tournant vers moi, regard protecteur, il a dit :
-T'auras qu'à mettre ton sac dans le bureau demain.
J'ai regardé mon cousin, il souriait, puis j'ai dit « OK ».
-Tu lui as fait une pipe au contre-maitre ou quoi ?
Je me suis marré.