Chalut!
Il m'est venu à l'idée, puisque j'ai encore pas mal de temps libre ces vacances, de rédiger une synthèse sur l'Afghanistan dit communiste, afin d'aider à une meilleure compréhension de ce pays par les membres de ce forum qui n'auraient pas eu l'occasion de s'informer sur cette période, essentielle pour comprendre les enjeux d'aujourd'hui, dans ce pays magnifique mais hélas meurtri. Je conseille fortement la lecture du livre "Le Royaume de l'insolence" de Michael Barry, ainsi que d'un article paru dans "Manière de voir", du Monde Diplomatique, il y'a déjà un certain temps il me semble.
I/ Rappel historique
L'Afghanistanest un pays montagneux peuplé de diverses ethnies: les Pashtounes, l'ethnie majoritaires, au Sud du pays, les Hazaras, la seule ethnie chiite, au centre, les Tadjiks, au Nord, les Ouzbeks, au Nord Est. L'énumération des différents peuples occuppe d'ailleurs la majeure partie de l'hymne afghan actuel: http://www.youtube.com/watch?v=Gs9y-P0FdOo
On pourrait penser, en voyant cette diversité, que l'Afghanistan est un Etat composite créé par les occidentaux. Hors il n'en est rien, du moins pas directement.
L'Afghanistan s'est constitué en effet en opposition aux grands empires voisins. Les clans afghans, tantôt vassaux, tantôt ennemis, ont dû depuis le XVè siècle composer avec les puissants empire "de la plaine", à commencer par les empires perses et moghol. L'unité politique de l'Afghanistan est réalisée au XVIIIè siècle. Le clan Ghilzai dirigé par Mir Weis après une querelle contre son vieux rival le clan Abdali, rivalité sur laquelle jouait le pouvoir suzerain perse, représenté alors en Afghanistan par un prince Georgien, se libère de la suzeraineté du Shah. Son fils part ensuite à la conquête de la Perse et se fait couronner Shah. Mais son empire ne lui survit pas, et est renversé par le conquérant Turkmène Nader Shah, qui compte parmi ses lieutenants un prince Abdali, Ahmad. A la mort de Nader, Ahmad s'empare d'une parie de son butin, qui lui permet de devenir à son tour un chef de guerre puissant, et de régner sur un territoire beaucoup plus étendu que l'Afghanistan actuel. Cette construction politique, comme nombre d'empires éphémères, aurait pu s'effondrer deux générations plus tard, mais survit de par sa position d'Etat tampon entre les deux nouveaux empires de la région, qui ne sont cette fois plus musulmans: l'Empire Russe et l'Empire Britannique.
Au cours du XIXè et du début du XXè siècle, l'Afghanistan connaitra un certain nombre de crises politiques et sombrera dans le chaos, mais il tiendra tête aux deux empires et repoussera même les Britanniques au cours de trois guerres, dites "guerres afghanes". La monarchie Afghane fait figure de bouclier de l'Islam face aux infidèles.
Le "grand jeu" auxquels se livrent Britanniques et Russes en Asie centrale verra néanmoins l'Afghanistan amputé d'un certain nombre de territoires, en particulier la région pashtoune de Peshawar, dont les risques de revendications par les Afghans ont peut-être joué dans la politique pakistanaise au XXè siècle.
II/ Naissance des partis communistes.
Le communisme afghan ne doit pas être compris comme une entreprise utopiste, une volonté démiurgique de la part d'idéalistes fous, mais doit être replacé dans le contexte afghan du XXè siècle, marqué par une forte opposition entre un Afghanistan urbain avide de modernisation et d'occidentalisation et des campagnes où perdurent les structures claniques et le poids de la religion, rétif au changement.
La figure de la modernisation afghane est sans contexte le roi Amanullah (ou Amanollah) qui prend le pouvoir en 1919 et bat la même année les anglais lors de la troisième guerre anglo-afghane. Ce souverain, influencé par Atatürk, veut lancer une modernisation radicale du pays, rendant facutatif le port du voile pour les femmes, et envisageant même de leur donner le droit de vote. Il établit des relations diplomatiques avec la jeune Russie soviétique.
Mais il veut aller trop vite et trop loin, il est chassé en 1929 par une révolte soutenue par les britanniques. Un bandit Tadjik, surnommé "Batcha-Saqao", le fils du porteur d'eau, règne de manière éphémère sous le nom d'Habibollah II (les adversaires de Massoud n'hésiteront pas à faire le rapprochement, Habibollah étant le seul souverain Tadjik ayant régné à Kaboul). Le général Nader, soutenu pas les Britanniques, est finalement reconnu comme roi.
Au cours du XXè siècle, l'Afghanistan de Nader puis de son fils Zaher Shah continuera de se moderniser lentement, sachant jouer surles rivalités entre les puissances Soviétique et Britannique, puis américaine, tentant de maintenir de bonnes relations tant avec l'un qu'avec l'autre.
C'est dans ce contexte qu'apparaissent des partis communistes, notamment le PDPA, Parti Démocratique Populaire d'Afghanistan. Mais celui-ci ne tarde pas à se diviser en deux branches, nommées en fonction de leurs journaux respectifs: le Khalq ("Peuple") et le Partcham ("Drapeau").
On constate curieusement que les chefs du Khalq sont issus du clan Ghilzai, et ceux du Partcham du clan Dorrani ("la perlée"), l'ancien clan Abdali, le clan royal.
De plus, les leaders du Khalq sont des gens issus de milieux modestes ayant reçu une éducation. On peut comprendre que des jeunes hommes éduqués mais perdus dans une société saturée de tradition et de sacré aient trouvé salutaire la cause révolutionnaire. D'autres jeunes intellectuels de cette époque se tournent déjà vers la révolution islamiste.
Les leaders du Partcham, au contraire, sont issus de la bonne société de Kaboul, parlant persan. Babrak Karmal, qui sera le président désigné par les Soviétiques, est l'amant de l'épouse du complaisant médecin de la famille royale.
Notons qu'il existe également un parti maoiste, Sholah ye Djawed, "la flamme éternelle", créé dans le centre et le Nord. Cela s'explique peut-être par le fait que l'Union Soviétiques est ennemie du Pakistan, et pourrait donc appuyer les revendications de Pashtounes du PDPA à récupérer les territoires Pashtounes appartenant au Pakistan, alors que la Chine maoiste est en bon termes avec le Pakistan, d'où le soutien des minorités du Nord, qui ne souhaitent pas un pays dominés par les Pashtounes.