Il nie en en bloc les abus sexuels, la parole des enfants l´emporte.
24 heures.ch - Suisse 21 mai 2004
Convaincu de la culpabilité d´un ouvrier agricole du Gros-de-Vaud, le Tribunal le condamne à quatre ans de prison sur la base des déclarations de ses trois victimes.
Exemple extrême de totale dénégation de l´accusé.
«Sa persistance à mentir et à nier l´évidence nous amène à formuler un pronostic des plus sombres et à redouter un risque de récidive élevé.» Présidé par Jean-François Cuénod, le Tribunal d´Yverdon n´a fait ni une ni deux. Il a condamné mercredi un ouvrier agricole portugais de 30 ans à quatre ans de prison et huit ans d´expulsion pour pornographie, actes sexuels sur des enfants et contrainte sexuelle. Cette peine est assortie d´un traitement médical obligatoire. La Cour a ainsi choisi de croire les victimes et de balayer la totale dénégation de l´accusé.
Pour les juges, tout concorde et il ne fait aucun doute que, de 1998 à 2000, ce saisonnier, hébergé dans la ferme où il travaillait, s´est livré à de graves attouchements sur deux des trois filles de ses employeurs et a gravement perturbé leur fils. La plus jeune avait 11 ans au début, l´autre venait de fêter ses 16 ans. Ce qu´elles racontent est édifiant. Pas de quoi mettre en question non plus le témoignage du garçon, alors âgé de 8 ans, qui explique comment il lui a fait visionner une cassette vidéo sur laquelle étaient enregistrés ses ébats amoureux avec son amie du moment.
«Il a utilisé de manière subtile, voire perverse, le rapport de confiance entretenu avec cette famille, souligne le président Cuénod. Il menaçait de tuer les filles si elles révélaient quoi que ce soit. Il était capable de terribles colères et elles l´ont cru.» La vérité a tout de même fini par éclater, en 2001.
«J´ai la conscience tranquille»
Tout n´est qu´accablement dans cette affaire. Ni les larmes des enfants durant le procès, ni la colère des parents, ni les injonctions de la Cour, rien ni personne n´est parvenu à faire céder un pouce de terrain à l´accusé durant les huit longues heures de l´audience de mardi. A aucun moment sa réponse n´a varié. A chaque fois que la question lui était posée, il répondait, impassible: «Je ne les ai pas touchées. Elles ont peut-être subi cela par quelqu´un d´autre. Elles connaissent la vérité. J´ai la conscience tranquille.»
Malaise à son comble lorsqu´une compatriote, devenue son épouse, ajoute à la barre des témoins: «Je crois en l´innocence de mon mari. Je le trouve courageux de continuer à travailler avec toutes ces accusations. Il a la foi, moi aussi.»
«Vous faites peur»
«De mémoire de substitut, jamais pareille insensibilité ne m´avait fait aussi froid dans le dos. Vous n´êtes pas ridicule, vous faites peur.» Au terme d´un réquisitoire foudroyant, l´avocate générale Camilla Masson avait requis six ans de réclusion. «Cet homme a infligé la palette entière des actes d´ordre sexuel avec des enfants. Seul élément à sa décharge, il admet que les filles ne mentent pas en affirmant avoir été abusées.»
Pour Me Mireille Loroch, au côté de la famille, le plus grave, c´était les menaces de mort. «Tu as parlé, je vais te tuer. Ça leur reste collé à la peau.» L´avocate s´étonne d´ailleurs de la brièveté de la détention préventive subie par l´accusé, qui dura vingt-quatre jours. «Ne pouvait-on craindre qu´il mette ses menaces à exécution?» Pour couper court à tout risque de fuite, à l´étranger notamment, Camilla Masson a demandé et obtenu mardi soir une incarcération immédiate.
Dos au mur
Face à un tel mur, la défense assurée par Me Eric Kaltenrieder n´avait d´autre choix que de plaider l´acquittement. «Aucun témoin, aucune preuve matérielle ni analyse ADN ou traces de sperme. Un rapport de police qui refuse de donner plus de crédit à l´une ou l´autre des versions, des experts qui doutent. Uniquement une mise en cause, c´est nettement insuffisant pour condamner.» Ces arguments ont évidemment glissé sur la conviction du Tribunal comme l´eau sur le plumage d´un cygne. Des aveux, même partiels, et un repentir sincère auraient sans doute donné une tournure complètement différente à cette sombre histoire.
GEORGES-MARIE BÉCHERRAZ
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