Aujourd’hui, dans notre cours de praxéologie aléatomadaire, nous allons étudier… le darwinisme social !
Le darwinisme social est un phénomène social décrit comme l’application de la survie du plus adapté à la société. C’est donc aussi, par extension, le fait que les gens moins adaptés à la société dont ils font partie meurent plus souvent ou plus vite que les autres membres de cette société.
C’est un exemple d’inversion collectiviste: rappelez-vous, le collectiviste veut mettre l’homme au service de la société, tandis que l’individualiste veut mettre la société au service de l’homme. Décrire un mécanisme de société qui élimine l’individu ne répondant pas à ses critères, c’est partir du premier principe plutôt que du second: c’est imaginer une société qui fabrique (par la sélection des adaptés et l’élimination des inadaptés) ses propres individus à sa convenance, au lieu de l’inverse.
Le darwinisme social est donc une des nombreuses façons collectivistes de voir le monde. Il est courant qu’un gauchiste décrive le marché libre comme une forme de darwinisme social. C’est là une confusion entre compétition et concurrence:
"La compétition implique des buts antagonistes de la part des acteurs ; par exemple la lionne qui court après un buffle est en compétition avec lui: le buffle participe à une action dont l’aboutissement est contraire à ses propres intentions (rester en vie à court terme), il participe malgré lui. Pour le buffle, la participation à cette action n’est en rien nécessaire. Pour la lionne, la participation dérive de la nécessité de se nourrir, qui fait partie de sa condition d’être vivant, ce qui est différent de la contrainte (= impératif non-nécessaire)."
"La concurrence implique aussi des buts antagonistes, mais seulement de la part des non-acteurs ; par exemple dans la concurrence entre deux fabricants de voitures, aucun des deux ne participe malgré lui à la conception de l’offre de l’autre, et l’acheteur qui choisit l’une plutôt que l’autre n’agit pas sur celui qui n’a pas été choisi. De même, sa participation n’est pas contrainte: il peut choisir de ne pas participer. Pour les fabricants de voiture en concurrence, la participation dérive, comme pour la lionne, de la nécessité de gagner leur vie, qui est un élément de la condition humaine, et non d’une contrainte."
Dans un marché libre, la non-action n’entraîne pas la suppression du non-choisi. Si disparition il y a, c’est une conséquence de la nécessité d’agir pour prolonger son existence, et pas du libre choix: voir dans le marché libre une forme de darwinisme revient à attribuer par erreur aux libres choix de certains les conséquences de conditions naturelles complètement détachées de ces choix.
Mais au fait, l’état est-il une forme de compétition, ou bien de concurrence ?
"La participation à l’état n’est pas une nécessité dérivée de la condition humaine: un individu peut vivre sans autorité supérieure, et plusieurs individus peuvent vivre ensemble sans autorité supérieure. La participation à l’état, quand elle se produit, est donc forcément contrainte. De là, une société étatisée introduit forcément des contraintes auxquelles sont soumis les individus, contraintes qui sélectionnent ceux qui sont adaptés et nuisent à ceux qui n’y sont pas adaptés."
Ainsi, le darwinisme social n’est pas une forme de concurrence, mais une forme de compétition, puisque ceux qui sont éliminés et rejetés par la société dans laquelle ils vivent se voient refuser toute alternative possible: leur participation est contrainte sans être nécessaire et par conséquent leur élimination au nom des critères de la société est, elle aussi, contrainte sans être nécessaire. On le voit bien: pour qu’il y ait darwinisme social, il faut une participation forcée, contre le consentement, de la part des acteurs.
Voilà le nœud du problème: celui qui confond nécessité et contrainte voit l’homme comme “nécessairement” soumis à une autorité supérieure et à ses critères, ce qui entraîne qu’il ne puisse échapper aux conséquences de cette participation et doit s’adapter ou mourir. C’est l’essence du darwinisme social: forcer sur l’homme une contrainte non-nécessaire, l’obliger à répondre à des critères antinaturels car situés en dehors de sa condition, imposer l’adaptation de l’homme à des conditions arbitraires et évitables, plutôt que de le laisser s’auto-déterminer.
De là, tout forme de société non-consentie entraîne une forme plus ou moins forte de darwinisme social. Pour la semaine prochaine, vous analyserez quelles formes de compétition (par opposition à concurrence) peuvent être trouvées dans nos sociétés actuelles.
Question subsidiaire: peut-il exister une société consentie entre les lions et les buffles ?
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Je profite du regain d’intérêt apparent pour ce vieil article pour y ajouter une remarque récente de Martini, qui tombe en plein dans le sujet:
"Il y a quelque chose de grandiose et de tragique dans l’accomplissement du destin d’un con trouvant la mort de manière stupide, en toute liberté, sans que personne ne lui ait voulu du mal ni ne l’ait aidé à se détruire sous quelque bonne intention malavisée. On pourrait même y trouver une esthétique."
La condition de l’homme est absurde car il est libre de choisir le sens qu’il souhaite à sa propre existence, et effectivement il y a une certaine esthétique, mi-tragique mi-grotesque, dans l’accomplissement de sa destinée. Plus pure est l’expression de lui-même dans la conduite de sa vie, plus belle est cette tragédie mâtinée de comédie. C’est bien pourquoi il convient de ne pas s’ingérer dans les affaires des autres, au risque de ternir cette esthétique et d’introduire l’inversion de valeurs notée plus haut.
http://jesrad.wordpress.com/2007/06/08/quest-ce-que-le-darwinisme-social/
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Ne me marche pas dessus!
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