Avant tout, je n'écris pas ce topic dans l'intention de provoquer les libéraux du forum, mais dans l'intention de comprendre leur idéal, et je serai ravi que les réponses soient nombreuses et argumentées.
Mon questionnement est parti de la notion de Justice et de Droit dans une société libérale. Je me suis beaucoup inspiré de mes cours, aussi de mes lectures et j'en suis venu à cette réflexion : Je ne comprend effectivement pas, comment une société peut garantir la liberté totale des Hommes (comportements, mœurs, association, etc), alors même que cette société tolère – et j'irai jusqu'à dire – induit l'existence d'autres sociétés à l'intérieur d'elle-même. La Justice et le Droit étant des produits de la société, comment est-ce que la Justice d'une société peut s'établir à d'autres ?
Je n'apporterais donc aucune réponse puisque je n'en ai aucune... en espérant que les libéraux puisse le faire. Bonne lecture.
Pour commencer, le Droit est un ensemble de règles écrites qui déterminent le comportement socialement admissible dans des circonstances et des environnements spécifiques. Le droit privé applique le droit civil et le droit public applique le droit pénal et provient de l'Etat. Ainsi, le droit explique ce qui est inadmissible et le sanctionne.
Pourquoi ? Avons-nous besoin de règles formelles ?
Le droit est une expression du pouvoir dans le contexte d'une pacification de la société. Pas besoin d'une règle de droit civil pour savoir que si l'on fait un accord (administratif ou autre), on se doit de le tenir.
Quelle est donc la formalité du droit et les sanctions qu'elle entraine ?
Dans une société où la violence est minutieusement réglementée, nous avons besoin d'interventions institutionnelles dans les rapports sociaux.
Ex : les Vendettas montrent un manque d'intervention institutionnel dans les rapports sociaux.
Le Droit régit donc les rapports sociaux selon le pouvoir en interdisant l'imposition des sanctions par les membres de la société envers d'autres membres.
Ex : Si quelqu'un se fait voler, il ne doit pas aller chercher ses affaires chez la personne qu'il soupçonne, il doit appeler la Police ou se rendre chez un Procureur.
La distinction déviance / délinquance provient de la distinction entre contrôle social / Droit :
Lorsque l'on fait quelque chose de particulier (se teindre les cheveux en vert, se moquer de la maladie mortelle de sa voisine), c'est de la déviance.
La délinquance c'est quand il y a transgression de la loi pénale (appelée « infraction juridique du droit pénal »). Ainsi, lorsque l'on commet une infraction, on est traité par les institutions pénales.
Tout cela correspond à la conscience de l'individu socialisé, laquelle est négociable (pour les adolescents par exemple) avec la norme dominante pour voir comment la norme réagit et évolue. Si elle se maintient, c'est qu'un pouvoir la contrôle.
Ex : Un adolescent décide de venir au lycée en string sans pantalon > il sera dans la déviance, mais est en négociation avec la société. Puisque si porter le string sans pantalon devient une mode, et que beaucoup de monde se met à porter des strings sans pantalon (comme pour les baggies qui descendent jusqu'en bas des fesses), alors cette déviance rentre dans la norme. Tandis que si la mode du string sans pantalon ne prend pas, la norme n'aura pas évolué,.
D'une autre manière : les plus forts font les règles. Au point de vu culturel, nous ne vivons pas dans un monde dominé par le style de vie d'un adolescent boutonneux ou d'un vieux grabataire, mais par le modèle social dominant incarné par l'homme occidental, blanc et d'âge moyen.
Mais les membres de la société ont la capacité d'influencer la socio-culture plus que le pouvoir :
les normes et les lois s'ajustent à cela.
Ainsi, certaines lois deviennent obsolète :
L'Homosexualité.
Comment est arrivée la suppression des lois homophobes ? Pourquoi le PACS, etc ? Le modèle homosexuel a intégré le modèle social dominant : comment a-t-il influencé la morale ?
La société s'est adaptée en gardant la notion de couple (dans la forme) et a intégré l'homosexualité. De ce point de vu, l'infraction peut se comprendre entant que formalisation d'un interdit socio-culturel.
Si l'on sait que frapper quelqu'un est interdit, c'est parce que l'on comprend le lien entre culture et modèle social dominant par rapport au Code Pénal. La loi est compatible avec l'idée que nous nous faisons de ce qui est permis ou non. C'est l'apprentissage social qui génère la régulation sociale plutôt que l'inverse.
Il a donc deux systèmes qui semblent évoluer de façon indépendante, le contrôle social (avec toutes les régulations sociales, ces normes, ces modèles, etc) et le système pénal avec des règles et des procédures.
Les cheveux verts ne sont pas hors la loi, mais entrainent des sanctions sociales (rejet social, discrimination à l'emploi, etc). Le but est donc de voir comment les deux systèmes interagissent (système formel : Justice / système informel : le contrôle social) :
On s'appuie sur le droit pénal, car ce processus s'est formé par le contrôle social au fil des siècles. Pour autant, pour vivre nous n'avons pas besoin de connaître le droit pénal et évoluer dans la société.
Ex : Le rapport enseignant <-> élève, on sait tous comment se comporter et quelles sont les limites.
Il y a donc un lien : la règle formelle maintient un rapport avec les valeurs sociales.
Ce qui est retenu entant qu'entité normative importante par la société, influence le système juridique. Toutefois, ce rapport n'est pas un rapport de correspondance immédiate.
L'Homosexualité était un crime il y a encore 30 ans (et l'est toujours dans d'autres sociétés). Aujourd'hui, la société s'est adaptée avec le PACS et des sociétés sont mêmes passées au mariage. Les changements se passent sur le plan social, et les institutions changent pour rééquilibrer le modèle social.
http://img808.imageshack.us/img808/4845/negociations.png
La « ligne de cohérence » représente vulgairement les normes sociales dominantes dans une société (la France par exemple). Celle-ci est détournée par les progressistes remettant en cause les droits des femmes dans les années 60. Le mouvement de libération des femmes s'est exprimé par différentes manières : les manifestations, la consommation, les comportements et l'image rendu de ce mouvement dans les médias. Tout cela a formé ce que l'on appelle les « négociations » avec le modèle social de l'époque. Puisque les négociations se sont montrées fermes et durables, ce mouvement a influencé la loi, et dessinant ainsi une nouvelle ligne de cohérence, que les conservateurs tentent à leur tour de détourner.
Pour finir de façon concise, la notion de crime :
Le crime est un construit social. On remarque que le système formel de normativité d'une société, reflète la volonté de graduation des peines (contravention, amende, privation de libertés, …). Ainsi, la gravité de l'infraction reflète les valeurs socio-culturelles. Selon notre société, les sanctions pénales ne sont pas les mêmes (lapidation, peine de mort, prison, travaux forcés, etc).
Donc la façon dont les valeurs sociales se reflètent dans la loi pénale exprime la socio-culture dominante, le changement social, la conception actuelle de ce qui constitue une sanction grave, et aussi les règles des limitations de l'intrusion de la loi dans la sphère sociale.
D'ailleurs, on peut constater que le droit pénal (par le processus de négociations) a un certain retard par rapport à la société (ex: loi Hadopi 10 ans après l'explosion du P2P). Mais ce retard permet de filtrer ce qui est durable.
Et c'est là que la problématique libérale intervient (quoique j'aurais pu la faire intervenir bien plus tôt mais je souhaiter bien développer) :
Le libéralisme est une idéologie qui impose à chacun des « Droits naturels » d'après lesquels chacun est libre de faire ce qu'il veut et donc de refuser tout ce qu'il peut vouloir refuser (pour résumer). Ainsi, pas de sécurité social, pas d'impôt, pas d'État puisque par nature, le libéral s'il n'a rien signé refuse de se voir imposer quoique ce soit (ce qui se défend). La seule chose qui peut éventuellement lui être imposé, c'est la Justice et l'armée (voir l'Éducation pour certains parait-il).
Une société sans État (au delà de la question : est-ce que des citoyens qui le voudraient pourraient créer un État dans cette société sans État ?) sera toujours composé de micro-sociétés, c'est à dire de groupe de personnes plus ou moins large partageant une socio-culture. Alors voilà :
imaginons l'existence de ces micro-sociétés... Nous venons de voir, que c'est la société qui influence le droit, et non l'inverse. Comment une société dont seule la Justice peut s'imposer et être au dessus de la société, peut-elle avoir un Droit légitime, auprès des conservateurs (qui seraient par exemple contre l'IVG, pour la condamnation de l'homosexualité comme maladie mentale, pour les vendetta, contre le divorce et pour l'imposition du mari à la mariée, etc avec même des questions religieuses) et auprès des progressistes (par exemple pour l'IVG, pour le mariage et l'adoption homosexuelle, contre les mafias et pour le divorce libre et une société athée et laïque).
Comment ferait la Justice pour prévenir des discriminations que ce soit physiques ou comportementales si dans un groupe les femmes se rasent le crânes mais ne sont pas embauchées dans les entreprises, si dans un autre il y a des xénophobes ou des antisémites assumés qui partent en croisade, etc...
Comment est-ce que la Justice pourrait réguler toutes ces interactions sociales ? Comment pourra évoluer la Justice ?
Sera-t-elle figée au moment de la déclaration de la société libérale et de la destruction de l'institution Étatique ? Si oui, alors si cette société avait vu le jour il y a 30 ans, les homosexuels seraient internés et/ou mise à mort. Si non alors les négociations entre ces micro-sociétés pourraient de nouveau établir l'homosexualité comme un délit ?
Éclairez moi de vos lanternes, parce que je crois bien qu'il s'agit là de la plus grosse incohérence dans le libéralisme, et la Justice est pourtant ce qui régit notre vie de tous les jours.