Se connecter

Création

Ecriture

Sujet : [Roman] Six semaines en Allemagne
1
Non-Lus
Niveau 10
03 juillet 2013 à 20:16:54

Je tenais spécialement à vous faire partager le chapitre que je viens d'écrire histoire d'avoir des avis constructifs. :)

Voici le synopsis :

Prenons un adolescent invisible. Celui que l'on met au fond de la classe, le laissant s’effacer dans le décor, dans une totale indifférence. Le genre de personne que l'on a mit dans une case depuis longtemps et qui - aux yeux de tous - n'en sortira jamais. Que se passerait-il, l'espace d'un instant, si cet adolescent timide et asocial était envoyé de force dans un nouveau pays ?

:d) Premier chapitre au prochain poste :p)

Non-Lus
Niveau 10
03 juillet 2013 à 20:17:26

:d) Chapitre 1 : Une vieille photographie :g)

L’appartement était calme cette nuit-là. L’incandescente pleine lune laissait planer sa lumière à travers les fenêtres du salon. Affalé sur ce canapé de cuir obscur je profitais de l’ambiance, si particulière, propre aux nuits de samedis soirs. Autour de moi se fondaient dans l’ombre les nombreux cartons de déménagement encore fermés. Je les regardais avec lassitude. Ils traînaient là depuis si longtemps. Je laissais reposer ma tête en fermant calmement les yeux, bercé par le chant de notre nouvel aquarium sans poissons. Il fallait que je pense à acheter des poissons.

Je profitais aussi du verre posé sur la table à mon intention. Nous ne buvions pas souvent de vins, seulement pour les grandes occasions. Celui-ci ne brillait pas par son goût. Elle n’était décidément pas douée pour choisir de bons vins. Julia. Ah Julia. À travers la pièce toujours plongée dans les ténèbres, je contemplais cette brune aux yeux émeraude. L’obscurité. Le mystère. Ces mots lui allaient si bien. Je l’avais rencontré par hasard dans les rues froides de ma ville. Elle s’y tenait, immobile, devant la vitrine d’un établissement délaissé, visiblement fermé par faillite. En m’approchant, je fus frappé par sa beauté glaçante. Elle dégageait une aura hypnotique, m’obligeant à lui parler.

- Il ne viendra pas.
- Qui ?
- Le patron de ce magasin.

Elle sourit, sans rien dire, laissant nos regards se mélanger dans un long silence givré. D’abord nos prénoms échangés, puis quelques rendez-vous amoureux et me voilà deux ans plus tard dans ce nouvel appartement. Appréciant le moment, je réitérais ce vin douloureux. Je devais vraiment penser à acheter de meilleurs crus. Et des poissons, pour l’aquarium. Bon sang.

Sombrant dans un labyrinthe de pensées, le fracas du polystyrène m’arracha soudainement de mes songes. Je relevais la tête, intrigué, et l’observais à nouveau. Assise sur le sol froid, dans la pénombre, Julia fouillait un de nos cartons. L’air agacé, ses gestes étaient frénétiques et désordonnés. Quelque chose n’allait pas. Perturbant le calme environnant, je me levai pour m’approcher d’elle.

- Il se fait tard.
- Non attend, pas maintenant.
- Qu’est-ce que tu fais ?
- Je cherche notre photo !

Notre photo. Elle immortalisait un moment important pour nous deux. Durant l’un de nos rendez-vous, nous avions décidé de manger dans ce nouveau restaurant de notre ville. Les établissements n’ouvraient pas souvent dans notre petite cité, c’était une occasion. L’endroit était finalement assez commun. De petites banquettes bordant les murs, accueillaient les nouveaux clients qui venaient se restaurer au bord des tables rondes. L’éclairage tamisé offrait à l’endroit une ambiance chaude et familiale. Les serveuses, nouvelles également, bafouillaient encore lorsqu’il s’agissait d’annoncer le menu de la semaine, récemment appris par cœur.

Nous mangions tous les deux face à face. Julia portait une charmante robe d’été qui épousait délicatement ses jolies formes. J’étais sublimé. Passionnée, elle me racontait les aléas de son enfance avec son lot de premiers amours et nouveaux défis. J’évitais de faire de même, préférant rester secret à ce sujet. Raconter mon passé nécessitait bien trop de temps pour un simple rendez-vous comme celui-ci.

- Et depuis tout le monde m’appelle Jules au lieu de Julia !
- Tu l’avais bien cherché, taper un petit garçon…
- Je me défendais !

Julia se mit à rire en regardant vers le bas, heureuse. J’appréciais le moment. Alors que nous assommions l’assiette de nos derniers coups de fourchette, un homme se présenta à nous, un appareil photo à la main. Dans un costume flambant neuf, il nous regardait en penchant légèrement la tête d’un air attendrit.

- Vous me rappelez ma jeunesse les jeunes ! C’était une sacrée époque avec ma femme. Enfin, mon ex-femme…
- …
- Je me présente, Marc Harvet, le patron du restaurant. Je suis en train de prendre des photos de l’établissement et des clients présents aujourd’hui, notre premier jour !

A peine le temps d’assimiler les raisons de sa venue qu’un aveuglant flash nous capturait. Marc Harvet retourna son appareil numérique vers nous, fier de lui. Le regard vif et enjoué, Julia demanda une copie de la photo. Monsieur Harvet sauta sur l’occasion pour nous annoncer l’achat de sa nouvelle imprimante pour photographie. « Je vous offre celle-là ! » dit-il avec entrain. Puis, il courra vers d’autres clients avec la même ferveur, quel personnage.

A la fin du repas, je fis signe à la serveuse. Nous devions partir. Sorti du restaurant, Julia et moi décidions de nous promener à travers les rues de notre ville. D’une main, elle regardait attentivement la photographie et laissa l’autre frôler la mienne. Je saisissais l’occasion et m’arrêtai brusquement. Nos regards s’entremêlèrent à nouveau. Je regardais d’abord ses yeux, puis sa bouche. Envoûté, je laissais alors mes lèvres s’approcher des siennes. Notre premier baiser…

- Es-tu sûre que c’est le bon carton ?
- Evidemment ! C’est moi qui l’ai rangé.
- Faisons ça demain.
- Non. Je refuse de dormir sans cette photo !
- …

Soudain, Julia prit entre ses mains une photographie du carton déballé. L’air interloqué, elle la regardait longuement. Son regard vacillait entre l’image et moi. Elle avait l’air hésitante et surprise à la fois. Je m’assis calmement sur le sol froid pour saisir la découverte de Julia. C’était une photo de famille de plusieurs années. On pouvait y distinguer une mère dans la quarantaine, souriante, habillée de couleurs sobres. Une petite fille, assise en tailleur sur l’herbe, la tête reposant sur ses mains avec un nuage d’air malicieux. Et un adolescent. Il avait les cheveux longs, qui couvraient maladroitement ses oreilles. Habillé d’un jeans et d’un t-shirt blanc, très banal. Son visage avait l’air triste, effacé et son regard marquait un abysse de vide. Julia observait le jeune garçon attentivement, laissant le calme silence reprendre sa place dans notre appartement.

Je n’avais jamais sorti cette photographie, elle découvrait donc son existence pour la première fois. Je m’abandonnais à nouveau sur le canapé en cuir en me laissant tenter pour une abominable gorgée de vin. Julia se leva, la photo entre ses doigts et s’avança vers la fenêtre. Son regard pointait vers la ville endormis. Elle laissait les secondes passées en prenant leur aise.

- Je ne l’avais jamais vu, celle-là…
- …
- Je reconnais ta sœur et ta mère. Mais…

Julia tourna sa tête vers moi, l’air interrogateur. Je le voyais clairement, l’adolescent triste s’était accaparé de son esprit. Ce serait bien la première fois que celui-là marque la conscience de quelqu’un. Son existence était un mythe à lui tout seul pour bon nombre d’habitants de notre ville, surtout à cette époque-là.

- Oui c’est moi sur la photo.
- …

Julia prit un verre et le remplit de vin. Visiblement, elle n’était pas effrayée par cette satanée bouteille. Mince. Elle posa la vieille photographie sur la petite table du salon et s’assit à côté de moi. Me regardant dans les yeux avec tendresse, elle faisait frôler ses doigts sur ma main, laissant planer un reposant silence.

- Tu ne me parles pas souvent de toi, Florian.
- …

Ma main glissait sur le visage de Julia, éclairé sobrement par lune. Elle avait raison. Pour savoir qui je suis, il était important de savoir ce que j’étais sur cette photographie. Elle méritait de savoir. Ce qui m’était arrivé m’avait profondément transformé. Cette fille sur ce canapé de cuir serait bien la première personne à s’y intéresser.

- Que veux-tu savoir Julia ?
- Tout. Absolument tout.
- Ça risque de prendre du temps.
- Le temps, le vin, nous, tout est là.
- Sauf nos poissons
- …

Visiblement, elle voulait savoir ce que je n’avais jamais raconté auparavant. Ce qui m’avait construit. Une partie intégrante de ma personne, qui me guide au jour le jour, à chaque instant. Bien. Je pris la vieille photographie et regardait l’adolescent triste et effacé avec nostalgie. J’étais cet adolescent. Juste avant ces fameuses six semaines. Et…

- Très bien Julia. Je vais tout te raconter.

Pseudo supprimé
Niveau 32
03 juillet 2013 à 20:19:43

[Je ne sais pas trop si j'ai le droit de poster, mais... Bizarrement, j'ai bien l'impression, rien qu'en voyant le Synopsis, que ça sent le vécu. Je me trompe ? Enfin en tout cas, le contexte m'a l'air intéressant. Dommage que ça soit l'Allemagne et pas l'Angleterre... :rire:
Mais je vais lire. :) ]

Non-Lus
Niveau 10
03 juillet 2013 à 20:22:06

Pourquoi tu pourrais pas poster ? Au contraire, tout le monde peut. :)

Et oui c'est inspiré de mon propre vécu. :)

Pseudo supprimé
Niveau 32
03 juillet 2013 à 20:31:16

Eh bien! Je viens de lire le premier chapitre. C'est vrai très bon, j'ai vu quelques maladresses, mais à peine.

(C'est surtout des phrases un tantinet trop longues, ou quelques signes de ponctuation qui gagneraient à être ajouter pour faire quelques pauses dans les phrases.)

Mais c'est vraiment bon.

J'attends la suite.

(En fait, je me demandais si je pouvais poster car j'ai commencé à rédiger ce petit message avant la publication de ton premier chapitre. ^^)

ganstalean
Niveau 10
03 juillet 2013 à 21:02:13

Franchement, c'est vraiment bien ce que tu as écrit ici. L'histoire est bien racontée, les retours en arrière bien réalisés, rien à redire. Bravo, on en veut encore ! :-)

Non-Lus
Niveau 10
03 juillet 2013 à 22:59:31

Wao ! Et bien, merci beaucoup ! Je suis en train d'écrire le chapitre 2. Je le posterai ici une fois fini alors :)

Csquall
Niveau 10
04 juillet 2013 à 21:25:26

Très bon ! Continue :ok:

Non-Lus
Niveau 10
17 août 2013 à 21:21:59

Merci c'est vraiment gentil. Je prends mon temps pour la suite mais j'espère vous sortir le prochain chapitre d'ici fin août. :)

enedar
Niveau 7
18 août 2013 à 00:26:46

C'est donc ici que tu réécris ta fic? :) J'ai déjà lu ton ancienne version que j'avais apprécié . De même pour l'histoire d'un ex no-life d'ailleurs. :) Avec la russe! Ah que d'émotion.:') J'avais vraiment adorer ce personnage! Bref! Je m'égare! Tout ça pour dire que tu t'es bien amélioré depuis tes anciennes fic! Continue comme ça :ok:

Non-Lus
Niveau 10
19 août 2013 à 16:58:58

Oui je posterai ici la suite effectivement. Merci pour ton commentaire ça me fait plaisir :)

Non-Lus
Niveau 10
20 août 2013 à 18:48:02

Le chapitre 2 va prendre plus de temps que prévu. Je viens d'apprendre à l'instant que je dois refaire un examen d'économie dans deux semaines, m’empêchant donc de m'atteler à l'écriture du chapitre. Milles excuses !

Ce que je peux dire, néanmoins, c'est que le chapitre 2 sortira d'ici le mois de septembre. :ok:

DickFigures
Niveau 10
27 décembre 2013 à 18:19:21

C'est une erreur récurrente chez les débutants, mais tente d'utiliser des tirets cadratins. Aussi, les "- … " sont à proscrire, ce n'est ni utile, ni très beau. Comble plutôt les silences par de la narration.

L'écrit en lui-même est fluide et se laisse lire, je regrette cependant qu'il manque de descriptions. Le squelette est là mais manque de chair !

Non-Lus
Niveau 10
27 décembre 2013 à 18:25:55

Merci beaucoup pour cette critique. :)

Non-Lus
Niveau 10
17 mars 2014 à 16:09:07

Salut !

J'ai l'immense plaisir de vous annoncer que le chapitre 2 de Six semaines en Allemagne est terminé. Celui-ci se nomme : La case. Je dois faire encore deux-trois corrections mais je peux vous dire que la date de sortie est fixé :

:d) Lundi 24 mars 2014, vers 18h00, sur ce topic.

Je me réjouis de vous partager ça. :)

Non-Lus
Niveau 10
24 mars 2014 à 18:00:05

Six semaines en Allemagne
_____

Chapitre 1 :

https://www.jeuxvideo.com/forums/1-58-221418-1-0-1-0-histoire-six-semaines-en-allemagne.htm#message_221419
_____

:d) Chapitre 2 : La case :g)

Les reflets lunaires se mariaient tendrement aux parois de notre salon. Ses timides éclats argentés dévoilaient, au fond de la pièce, notre aquarium endormi. J’entendais ses bulles tourbillonner dans le calme paisible de notre appartement. Une reposante mélodie, propice aux souvenirs enfouis dans les profondeurs de mon esprit. Julia m’observait. Je percevais dans son regard les interrogations grandissantes. Je pris une profonde inspiration et fermais une dernière fois les yeux, me projetant ainsi dans l’océan d’un passé lointain.

De douloureux souvenirs m’encerclaient alors, laissant plonger chacune de mes pensées dans une certaine agonie. Cela faisait longtemps que je ne l’avais pas ressenti. Cette ambiance. Si glaciale. Celle qui me faisait sombrer plus intensément dans les abysses de ma secrète adolescence. Le souffle coupé, j’ouvris les yeux et me découvrais soudainement piégé dans l’inconnu. En levant la tête, je remarquais un faisceau de lumière qui anéantissait l’obscurité dans laquelle j’étais absorbé. Je restais là, égaré, jusqu’au retentissement de cette voix.

— Florian !? Mais que fais-tu ici !!?

Je l’entendais, derrière moi. Sévère. Assassine. Narguant mon incompréhension. Je songeais à me retourner. J’osais vraiment me retourner. Foutue curiosité. Je découvrais alors son auteur. Une femme, grande et autoritaire, dont les traits du visage, si profonds, semblaient être marqués par le long cours de la vie. Ses cheveux raides et interminables s’imprégnaient tristement des couleurs hivernales. Son aura, impitoyable, glissait sur un tailleur obscur enveloppant son corps, sans doute bien trop frêle. Et puis, il y avait ses yeux, gris, semblables au plus angoissant des brouillards.

— Ou suis-je ?

Des murs, sombres, s’érigèrent lentement du sol et s’élevèrent autour de nous. Invraisemblablement, nous nous retrouvions piégés dans la sobriété d’une simple pièce. Je ne comprendrais rien. J’observais le meuble qui s’interposait entre elle et moi, un sordide bureau de marbre faisant face à un fauteuil de cuir, dans lequel elle prit soin de s’assoir confortablement. Sous son air méprisant, je me laissais porter par le torrent de ce cauchemar inquiétant.

— Qui êtes-vous !?

Elle restait silencieuse. A l’image d’un soldat d’une époque déchue, elle leva son bras brusquement vers le haut. Du néant, apparu alors un dossier sur sa paume ridée. Je reconnaissais mon prénom inscrit sur sa couverture de cuir. Elle le feuilletait calmement dans le silence implacable, sans omettre d’assassiner chacune de mes questions de ses yeux cendrés et accusateurs. Arrivé à la dernière page, elle mit une énergie certaine à refermer le dossier, d’une ferveur presque forcée. Ses lèvres s’entrouvrirent délicatement ; juste assez, pour y faire surgir ses flèches empoisonnées.

— Résumons ta situation. Tes parents, jeunes mariés, débarquent dans cette petite ville sans histoires. Lorsque ta mère te met au monde, tu manques de te tuer en naissant avec le cordon ombilical autour du cou. Tiens, ça m’aurais fait moins de travail ça ! Bref. En grandissant, les médecins te diagnostiquent une myopie énorme et te prescrivent des verres de lunettes épais. Très épais. Ton père, bien trop absent, finit par partir. Tu grandis dans l’indifférence de ton entourage. Enfant calme. Enfant moyen. Et maintenant, du haut de tes seize ans, tu te retrouves ici. Cela n’a pas de sens !

Touché par ces mots je souffrais, comme un homme sous les tirs d’une armée sanguinaire. Des millions de questions s’installèrent dans ma tête.

— Co…Co…Comment savez-vous ça !?
— Tais-toi ! Tu ne peux pas être présent ici. Non. Ce n’est pas la bonne case !
— De quoi parlez-vous !?
— C’est pourtant EVIDENT ! Cette case-là, notre préférée, contient les gens qui ont du style. Notre style. Qui s’habillent comme on leur dit de s’habiller. Qui parlent comme on leur dit de parler. Mais surtout, surtout… Qui anéantissent toutes formes de différences venant s’opposer aux fondations de cette case. Nous l’adorons.
— « Nous » ?
— Comment ça « Nous » !!? Tu vois ! C’est pour ce genre de remarque, Florian, que tu n’en fais pas parti ! Répond moi maintenant ! REPOND je te dis ! Que fais-tu ici !?

Sur les murs, apparurent, soudainement, des écrans de télévision allumés ainsi que de grands haut-parleurs sur les côtés. D’insistantes publicités se mirent à défiler. J’avais l’impression qu’elles essayaient de me défier. Ces écrans, hypnotisant et provocateurs, diffusaient les mêmes spots en boucle. Ils anéantissaient chaque parcelle de mon esprit. J’étais là, impuissant, les yeux fixés sur ces écrans dévastateurs. Elle s’adressa à moi, de son air dédaigneux, satisfaite de ces nouvelles apparitions.

— Tu voulais comprendre !? Bien. Observe attentivement Florian, je te présente… « NOUS » !

La luminosité des écrans publicitaires se mit à attaquer mes yeux fatigués. Chaque son s’incrustait violemment dans mes tympans. Les publicités, elles, brillaient par leur non-sens. J’étais désormais avalé dans une spirale absurde et sans limites.

« Il m’arrive de me sentir mal, parfois. Mais ça, c’était avant que je m’habille en R-Style ! La marque des VRAIS gangsters. Tu veux péter la gueule à tout ton bahu ? R-Style ! Tu veux raper bien fringué ? R-Style ! Tu veux devenir le plus stylé ? Habits-toi chez R-Style !! R-Style : Just fuck it. » / « Putain ! Gustav ! Nos soirées ne sont pas assez cool, que peut-on faire ? REDBOULE ! La boisson qui va te faire grave kiffer ! REDBOULE ! Mélange-là à tes alcools préférés. REDBOULE : Devient le PIMP de toutes tes soirées. » / « Olala Emilie, j’ai des problèmes. - Mais que se passe-t-il Natacha ? Mon string me fait mal ! – Ah ça ! C’est parce que tu n’as pas essayé le nouveau string WHORE. Grâce à sa nouvelle matière révolutionnaire, la ficelle se glisse tendrement dans ton cul et te donne le sentiment d’être fraîche toute la journée ! Oh mais c’est génial Emilie, merci !! - WHORE, achète-le tout simplement. »

Les publicités se mirent à défiler plus vite et de plus en plus forts. Les sons et images s’enchaînaient à vitesse exponentielle, à tel point que je ne comprenais plus que de simples bribes.

« Achète » / « Devient » / « Suit » / « Obéis » / « Détruit » / « Oublie » / « Recommence ».

Et tout disparu. Le faisceau de lumière s’estompait lentement, nous laissant plonger d’avantage dans l’obscurité. Mon sort semblait se jouer ici, dans un monde que je ne comprenais pas, régit par des slogans bidon et cette vieille inconnue.

Celle-ci s’approchait de moi et posait ses doigts glacials sur mes épaules. Je la regardais. J’essayais de lui témoigner mes interrogations. Qu’allait-il se passer ? Etais-je prédestiné à ce qui allait m’arriver ? Elle pointait sa main vers le sol maintenant. Celui-ci trembla avec fureur, se laissant poignarder d’un gouffre, profond, dont les bordures narguaient dangereusement les pieds de ma chaise. La vieille inconnue esquissa alors un sourire démoniaque et me dit, en s’extasiant :

— Voilà. Ta place !
— Qu’est-ce que… !!

Elle fit un simple geste, comme agacée par ma présence et je sentais, instantanément, mon corps sombrer dans l’inlassable profondeur de ce gouffre. Je me laissais engloutir par une glaciale sensation de non-retour. Puis, dans ma course effrénée vers le vide, un bruit. Crispé. Métallique. Harcelait mes tympans. Mes yeux, eux, brulèrent par une incandescence inconnue. J’entendais mon propre souffle. Je ne tombais plus. Je ne souffrais plus. Tout disparu.

Mes yeux s’ouvraient à nouveau. J’étais là, allongé dans mon lit, fixant le plafond. D’où venait ce bruit ? Je tournais la tête vers ma fenêtre et aperçu ma mère qui se tenait là.

— Debout Florian, tu vas être en retard pour l’école !
— Oui maman c’est bon ! Laisse-moi tranquille !

Le regard vide, je repensais au cauchemar auquel j’étais fraîchement arraché. Celui-ci, bien qu’irréel, me marquait cruellement. Comment pouvait-il être aussi criant de vérités ? Victime de l’acharnement aléatoire de la vie, je le trouvais très intriguant. A quoi bon y penser de toute façon. Il fallait se lever. Encore une fois.

Alors que mes pieds atteignaient péniblement le parquet tiède de ma chambre, je regardais le miroir s’élevant fièrement devant moi. J’y voyais un adolescent. Maigre. Silencieux. Ses cheveux longs masquaient presque totalement ses petites lunettes ovales très épaisses. Celles-ci le protégeaient sans doute de ce monde devenu trop hostile. C’est ce que je pensais. Je ne m’y attardais pas trop. La glace passait bien trop de temps à m’engloutir de ses jugements. Et puis, il y avait cette journée, si routinière, qui m’attendait.

Enfin, ça, c’est ce que je croyais.

Cette journée. Cette fameuse journée. Le déclencheur du reste de ma vie. La journée de trop dans la peau de l’adolescent calme et discret que j’étais. Ah… Si j’avais su.

Je m’habillais et me préparais à pénétrer une nouvelle fois dans leur monde. Subir leurs remarques. Subir la pression de ces professeurs incompréhensifs. J’allais, à nouveau, être le spectateur d’un univers qui m’était définitivement incompatible. Il était temps d’y aller. Je fermais la porte de l’appartement familiale et la fixait quelques secondes. D’un soupir, je me retournais, me dirigeant ainsi vers le chemin de l’école. Je rêvais déjà de la fin de cette journée, qui m’ennuyait déjà.

… Si j’avais su.

Non-Lus
Niveau 10
24 mars 2014 à 23:23:29

(vous remarquerez ma ponctualité exemplaire) :hap:

Non-Lus
Niveau 10
27 mars 2014 à 21:51:10

Je me permets ce up fulgurant, écrasant les autres topics impoliment. :-p

--crazymarty--
Niveau 10
28 mars 2014 à 15:13:27

Chose promise, chose dû. J'ai lu.

Bon, le coté cool, c'est qu'au moins, tu tentes. Tentative maladroite certes, mais tu essayes d'accrocher quelque chose, de la matière, du corps (pourquoi, lorsque je vois ce mot, je l'associe directe à "oh oui vas y baise moi" :( ? ), très très loin de la première mouture (merci Noelfic :hap: ).

Sooooo, c'est bien... Mais pour le coup, on sent qu'il y a un coté pas naturel. Pas mal de mots, d'expression, font un peu tâche, tandis que le message même du rêve m'apparait comme une satyre fade et attendue de la société de consommation (satyre clichée ouais, mais qui a le mérite d'exister. Comme j'essaye de le faire comprendre à présent : il vaut mieux faire quelque chose d'imparfait que ne rien faire du tout), et j'ai eu un peu de mal à m'y accrocher. Pour moi, ça fait vraiment pas naturel, artificiel, comme si ça manquait d’authenticité (attention : être authentique, ce n'est pas écrire des oralités... Ca aurait plus à voir avec un message honnête, lucide, surtout que tu parles de toi... As-tu vraiment fait ce rêve ? ).
Bref, il manque la simplicité.
La sophistication que tu essayes d'attraper est, je pense ici, un leurre. Tu as du vocabulaire, et c'est très bien. Tu as même des idées pour étoffer le texte en figure, lui donner ta patte, c'est encore mieux. Mais vraiment, je t'incite à la plus grande simplicité dès que tu le pourras...

Je m'arrêterai pas sur la forme. Je n'ai plus souvenirs de fautes monstrueuses (mais je suis une taupe).

Voilà :hap: .

Non-Lus
Niveau 10
28 mars 2014 à 17:23:17

Salut Crazy ! :-p

Alors déjà, merci beaucoup d'avoir fait cette petite critique, c'est ce que j'attendais : comprendre où étaient mes faiblesses car il était évident que j'en avais et personne n'était venu encore me les montrer de façon sérieuses. Merci donc.

Pour ton commentaire en lui-même, je suis d'accord avec toi. J'ai eu beaucoup de mal à écrire ce chapitre (c'est en partie la raison du temps d'attente :hap: ), parce que, comme tu l'a remarqué, j'ai dû inventer. Ca à l'air tout con, mais je ne l'avais jamais fait !

Pourquoi ai-je choisi d'inventer ce rêve ? Tout simplement parce que j'ai ma petite idée derrière la tête et vous verrez que ça va m'être très utile pour la suite. Ce rêve, c'est une sorte d'outil scénaristique. Du coup, entièrement d'accord avec toi sur le côté non naturel, j'ai pas réussi à faire mieux pour gommer ça, pas encore le niveau nécessaire j'imagine ! (Bien sûr, sur le fond, l'histoire reste vraie, c'est juste romancé mais ça j'avais prévenu dès le départ)

Seule bémol à ta critique, le côté satyrique. Ce n'était pas le but, vraiment pas. Même si, maintenant que tu le dis, c'est vrai que ça peut être interprété comme ça. Disons juste qu'à un moment donné, je me suis lâché (et on voit exactement où... :hap: ).

1
Sujet : [Roman] Six semaines en Allemagne
   Retour haut de page
Consulter la version web de cette page