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Sujet : Sur la piste des Incas et...
Mandoulis
Niveau 26
31 janvier 2014 à 12:53:33

Dimanche 14 Octobre

Nous venons de participer au ciclopaséo dominical. Le président Correa, toujours lui, a mis en place une grande promenade à vélo, tous les Dimanche, pour les quiténiens qui le désirent. Du nord au sud, la capitale est envahie de cyclistes. Et pour que tout se déroule en sécurité, c’est bien simple, l’Avenida Amazonas, une des trois grandes artères de la ville, est interdite à la circulation automobile ! Plus de trente kilomètres de voie sont ainsi dégagés et les habitants se font plaisir ! Du coup, ça doit être un sacré bazar dans les rues latérales… Nous sommes allés jusqu’à la lisière de la vieille ville et ses côtes impossibles avant de prendre le chemin du retour. Deux heures de vélo en tout… La paëlla est sur le feu, nous crevons de faim !

Quatre heures passées dans le jacuzzi à regarder des DVDs. On ne pouvait rêver meilleur Dimanche après-midi… Oui, j’ai bien dit jacuzzi, l’espèce de grande baignoire avec des jets d’eau sur les côtés. Cristina est avocate, et travaille pour le gouvernement en chassant la corruption. Depuis que je suis arrivé, je la vois dépenser l’argent par les fenêtres… Nouveau téléphone, restaurant huppé, taxis au lieu de bus, repas livrés à domicile et même femme de ménage !! Parce qu’elle ne sait ni cuisiner, ni lancer une machine, ni faire la vaisselle… Et parce qu’il lui faut tout, tout de suite ! Elle a de l’argent, pourquoi s’embêter ? Je l’ai vu dans certains magasins passer avant tout le monde, une vraie sans-gêne ! Elle reste néanmoins très souriante et super gentille, sans doute grâce aux pétards maison (le plant de marijuana est dans le salon) qu’elle fume à longueur de journée. Toujours à planer et un peu trop tactile pour moi… Elle n’arrête pas de me parler de rester, travailler à Quito, s’installer, je suis peut-être parano, mais elle cherche à se caser… Fin bref, je ne pouvais trouver meilleur point de chute à Quito. Grande cuisine, salon avec canapé en cuir immense, trois chambres, chacune sa salle de bain, sans oublier le jacuzzi… Le top quoi ! =)

Mandoulis
Niveau 26
01 février 2014 à 12:52:42

Lundi 15 Octobre

Aujourd’hui, le soleil brille haut dans le ciel de Quito. Aujourd’hui, pas un nuage à l’horizon pour cacher les monts environnants. Aujourd’hui, je vais grimper ma première montagne…

Après trois bus, une côte raide pour accéder à la station du téléphérique, quinze minutes d’ascension avec le trouillomètre à zéro, me voilà au Cerro Cruz Loma, à 4000 mètres d’altitude. La vue sur Quito est plongeante, on distingue chaque bâtiment, église ou parc. Mon objectif, le Rucu Pichincha, culmine à 4696 mètres et se trouve à trois heures de marche. En espérant que je puisse arriver au bout…

Le silence. Le silence le plus complet. Pas une mouche, pas un oiseau, rien. Le silence absolu. Il est fort étrange de ressentir cette sensation de rien. Il n’y a que moi, le soleil, les montagnes et les nuages que je pourrais presque toucher. Voilà une heure que je me suis mis en route, une heure qu’il m’est permis de contempler ce paysage fabuleux. Les sommets se découpent tout autour, leurs flancs couverts d’herbe jaunie. C’est le paramo, la prairie andine. Au milieu de tout cela serpente mon chemin, il file droit vers le pic déchiqueté qui domine tous les autres, le Rucu Pichincha. L’ascension est extrêmement difficile. Ce ne sont pas mes jambes qui posent problème, mais mes poumons d’asthmatique… Ils ont du mal à trouver l’oxygène, ils brûlent, alors je vais tout doucement, centimètre après centimètre. J’espère qu’ils m’autoriseront à réaliser ce que je rêve depuis longtemps, côtoyer le toit des Andes…

Ça ne va pas du tout. J’ai envie de vomir. Je tremble de partout. Chaque pas me force à prendre sur moi-même pour continuer. Il est treize heures, et je ne sais que faire… Il fait de plus en plus froid et j’ai peur de tomber sous l’orage de la fin d’après-midi. Dois-je rebrousser chemin et verser quelques larmes pour mon échec ou dois-je continuer et pleurer de fierté et d’émotion une fois au sommet ?

J’ai persévéré. J’ai avancé, pas après pas, pause après pause, vertige après vertige. C’est une véritable épreuve physique et mentale que je m’impose à moi-même. Voilà trois heures que j’ai quitté le téléphérique et entamé cette ascension, mais j’ai échoué. J’ai atteint le pied de la partie la plus abrupte, le chemin semble contourner la montagne, mais je n’en vois pas la fin. Mon mental n’aura pas failli, c’est mon corps qui n’aura pas pu aller jusqu’au bout. La raison me dicte de retourner sur mes pas, car la descente sera tout aussi difficile. Et je dois redescendre. Inutile de prendre des risques inconsidérés et de me retrouver gisant quelque part cette nuit. Je ne suis pas triste, mais plutôt fier de ces kilomètres parcourus à plus de 4000m d’altitude. Des montagnes, j’en verrai d’autres, et je saurai alors à quoi m’attendre.

Comatant sur le bord du chemin sans en voir le bout, les yeux vides, tentant de faire obéir mon estomac, les vertiges n’en finissant pas, ce sont deux français qui m’ont sorti de cette galère en me forçant à redescendre avec eux. Ludo et Aurélien sont parvenus au sommet avant de s’en retourner en me chopant au passage. Il m’aura suffi de retrouver une altitude plus basse pour aller beaucoup mieux. Merci à eux.

« On se croirait hors du temps avec cette brume. Pas un bruit, ou presque… » Cette phrase de Ludo illustre bien la sensation que nous avons eue lorsque le brouillard est soudainement arrivé sur nous. On voyait à peine le chemin ! Je suis rentré avec eux jusqu’au centre-ville, avant de les laisser à leurs projets de volcans et sommets…
Ce soir, c’était soirée crêpes, malgré l’état désastreux dans lequel j’étais. Bernard est déjà rentré d’Otavalo, il a perdu sa carte bancaire, il avait plus une thune. Tous claqués, alors tous au lit de bonne heure !

Mandoulis
Niveau 26
02 février 2014 à 17:30:02

Mardi 16 Octobre

Après être passé par la Plaza Santo Domingo, surplombée par une église blanc de neige d’un côté et un édifice saumon de l’autre, me voici au pied de l’interminable escalier qui conduit au sommet du Panecillo, le petit pain, colline au sud du vieux centre depuis laquelle la Vierge de Quito veille sur la population. Mes jambes sont encore toutes engourdies après la marche d’hier, mais là, je peux arriver au sommet beaucoup plus facilement…

J’ai fait une pause en route. Un couple est passé par là en me disant « señor, peligroso ! » (dangereux) et en faisant un signe de gorge coupée. J’ai repris mon chemin en quatrième vitesse….

Il m’aura fallu quarante bonnes minutes pour venir à bout de ces marches. Je ne sais pas combien il y en avait, je n’ai pas compté, mais je dirais entre cinq cents et six cents… J’aurais pu prendre un bus ou un taxi pour monter, mais pour moi, un point de vue se mérite et, comme à chaque fois, je l’ai atteint à pied. Malgré la brume qui a envahi les sommets, le panorama reste magnifique. Quito s’étend dans sa vallée d’origine et l’urbanisation galopante est partie à l’assaut des flancs des montagnes. Les maisons de toutes les couleurs forment une palette irisée, pour le plus grand bonheur des yeux.

Je suis redescendu en taxi et ai poursuivi mon exploration de la vieille ville. Églises et monastères, je n’en rate pas un ! Je me dirige désormais vers la Basilica del Voto Nacional, imitation de Notre-Dame de Paris. Les espagnols, en traçant les rues parallèles et perpendiculaires de leur cité coloniale, ont fait fi des élévations du terrain, certaines rues sont à plus de 20 degrés ! Monter, descendre, je ne fais que cela, je ne vous dis pas l’exercice pour les jambes !

« Oh la vache ! Putin ! Nom de Dieu ! Ils sont cinglés ! » Je n’ai fait que répéter cela lors de mon ascension de la tour de la Basilique. Encore, pour le clocher, c’était un étroit escalier en colimaçon, mais là, après avoir emprunté une passerelle de bois branlante sous les toits, ce sont des échelles tout simplement fixées à l’extérieur de l’édifice qu’il faut grimper!! Un truc de fou, je n’ai jamais vu ça !! Je comprends maintenant pourquoi la fille que je viens de croiser m’a dit « good luck ». En tout cas, j’ai une superbe vue à 360° de Quito ! Cela valait quand même la peine d’avoir les pétoches !

La montée fait peut-être peur, mais je vous raconte pas pour la descente, je devais être plus blanc qu’un mort ! Foutu vertige ! Après tant d’émotions, j’ai rejoint le Parque Alameda et sa statue du libérateur Simon Bolivar. Là, je suis rentré, et je viens de faire ma corvée de recopiage. Pour ne pas me surcharger hier, je n’avais pris que quelques feuilles de brouillon volantes pour écrire. Du coup, il m’a fallu tout retranscrire sur mon joli carnet de route…

Mandoulis
Niveau 26
03 février 2014 à 12:32:22

Mercredi 17 octobre

Ce matin, j’ai petit-déjeuné à l’équatorienne. Guacamole et salade composée à base de chou. Trop de mal à le faire passer, demain, c’est confiture ! J’ai des courbatures dans toutes les jambes, mais je dois continuer mes visites si je souhaite quitter Quito avant le week-end, histoire de ne pas avoir les foules de fin de semaine à la Mitad del Mundo. Je passerai par plusieurs sites, tous éloignés les uns des autres et si différents…

Après une heure de circonvolutions, détours et méandres dans la montagne, me voici à la cima de la Libertad, où s’élève le Templo de la Patria. C’est ici que, le 24 mai 1822, le grand maréchal Antonio José de Sucre donna le coup de grâce aux troupes espagnoles, signant par là l’indépendance de Quito et de l’Équateur. Il y a cent-quatre-vingt-dix ans avait lieu la bataille de Pichincha. L’édifice en lui-même est moche, un simple assemblage de blocs de béton, mais la salle centrale est couverte de magnifiques peintures. A l’extérieur, la fresque colorée toute en céramique retrace un morceau de la bataille. La vue sur le centre-ville et le Panecillo est parfaite, j’ai bien fait d’emporter mes jumelles… J’ai fait le tour des salles d’armes, expositions d’uniformes et rangées de drapeaux, il me faut maintenant prendre un bus pour mon prochain arrêt ! Un dernier au revoir pour les deux vaches qui tondent la pelouse du jardin et me voilà parti !

Je viens d’assassiner mes jambes en montant les dernières marches menant au Parque Itchimbia, à l’est du vieux centre. Le Palacio de Cristal surplombe la capitale, plongée dans un faible brouillard. J’ai faim, mais pas l’ombre d’une boutique à l’horizon. Je vais redescendre vers l’Instituto Geografico Militar afin d’acheter quelques cartes pour les treks à venir et, qui sait, peut-être manger…

Après avoir grignoté des pâtisseries sablées trouvées dans un boui-boui, il m’a fallu une heure pour acheter les sept malheureuses cartes nécessaires à mes randonnées futures. On ne peut pas dire qu’ils soient pressés à l’IGM… Je sors tout juste du Museo Nacional, qui retrace l’histoire équatorienne au travers d’objets trouvés lors de fouilles. La plus grande partie d’entre eux étaient des céramiques de civilisations pré-incas, un énorme pavé expliquant la vie et les mœurs de ces différents peuples pour les accompagner. Difficile à suivre pour moi… Le plus intéressant était le parcours dédié à l’or Inca. Bijoux, vaisselle, objets religieux ou de tous les jours, tout resplendissait, brillait, éclairait la salle d’une lumière dorée… Fabuleux !

Me voici au cœur de la Capilla del Hombre, la chapelle de l’homme, édifiée par et pour Oswaldo Guayasamin, artiste équatorien du siècle dernier. Je suis monté ici en taxi, et j’ai bien fait, jamais je n’aurais pu survivre à une telle côte… Le lieu est étrange. C’est un grand cube de pierres avec une petite coupole. A l’intérieur sont exposées toiles, assemblages de pierres colorées formant comme des sculptures ou peintures murales. La plupart des tableaux sont des représentations humaines, enfin, presque. Il y a un petit air de Picasso dans ces visages déformés, ces corps déstructurés, ces personnes démembrées. Mais les couleurs sont ternes, tristes et rendent l’ensemble morbide. À certains endroits, j’ai l’impression de voir des cadavres, avec un fil les rattachant à la vie, telles les personnes sortant d’Auschwitz en 1945. Des regards vides, désespérés, des bouches restées ouvertes dans un dernier cri de souffrance, des mains squelettiques, du rouge, sang. L’ensemble fait peur, vraiment. Seule la tête d’une petite fille semble sourire, dans un coin. Pourquoi une œuvre joyeuse quand le reste n’inspire que la mort et le désespoir ? Les « sculptures » sont plus colorées, et reprennent des figures et des formes à l’allure inca. Mais la peinture murale du condor attaquant un taureau dans une tempête de gris, noirs et blancs, reste ma préférée. Un endroit fort bizarre donc. Guayasamin était-il dérangé ?

Après avoir mangé typiquement équatorien, patates, viande de bœuf et avocat, nous avons accompagné Bernard à l’aéroport. Il rentrait en Belgique. Il aura réussi, après moult péripéties, ministère de l’agriculture, douanes, banque, poste, à expédier son ayahuasca, substance à base d’une plante hallucinogène, chez lui. Vu qu’il était sur le départ, j’en ai profité pour parler du mien à Cristina, qui a réagi comme je le pensais, mal. Elle voulait que je reste encore, me trouver un travail à Quito, bref le truc pas possible quoi. Après un pétard et un verre de Jack Daniels, elle est allée se coucher, toute triste, mais en ayant accepté le fait que je parte, je crois…

Mandoulis
Niveau 26
04 février 2014 à 16:42:19

Jeudi 18 octobre

Pour le dernier jour à Quito, pas de grande visite, mais plutôt derniers préparatifs. Je viens de passer une heure à skyper avec ma famille, ainsi qu’à poster des demandes de couchsurfing à venir. Il me reste à dénicher une BD sympa et du papier cadeau. C’est l’anniversaire de ma petite sœur à la fin du mois, et je veux lui envoyer quelque chose… J’ai déjà trouvé le drapeau équatorien et celui de Quito (elle en fait collection) et un bouquin de mots cachés, en espagnol, évidemment. Elle vient de rentrer en quatrième et débute tout juste l’apprentissage de cette langue, d’où mon envie de trouver un Mickey ou Donald dans l’idiome local. Il me faut aussi faire quelques provisions, j’ai déjà du pain et quelques boîtes de pâté et thon, reste à dénicher une vendeuse de fruits à la sauvette, beaucoup moins chers qu’en grande surface. Si j’en ai le temps, la force, et si le climat me le permet, j’irai faire un petit tour dans le quartier de Guapulo.

Je file une dernière fois vers le centre-ville à bord d’un de ces bus bleus, ceux qui font la course et dans lesquels on peut monter n’importe où. Des franges de rideaux azurs à pompons océans aux fenêtres, la musique latino-américaine à fond les ballons, le klaxon qui semble collé à la main du conducteur, le rabatteur quasiment hors du véhicule hurlant aux piétons la destination, j’adore cette ambiance ! Ce n’est pas en Europe que l’on verrait cela ! Un gamin monte dans le bus, il vend des bonbons. L’autre devant n’avance pas, il s’en prend plein les oreilles. Tout cela est très cliché, c’est l’une des images que l’on se donne du continent sud-américain, mais c’est apparemment bien vrai…

Je vais rapidement vous résumer ma fin de journée avant de me coucher. J’ai trouvé les livres, des fables tout con, toutes faciles, ainsi que les fruits. Il pleuvait, je n’ai pas été à Guapulo du coup, et suis rentré faire le paquet cadeau. C’est con, mais j’ai pleuré en le faisant, j’ai pensé à ma sœur, je l’ai imaginé en train d’ouvrir le colis, de découvrir que son frère pensait à elle même à l’autre bout du monde. J’ai fait mon sac et laissé quelques affaires ici, chez Cristina. Mon bagage est trop lourd, et je repasserai forcément par Quito. Je n’ai enlevé que quelques habits et gardé le strict minimum, mais c’est la tente qui pèse le plus lourd. .. Et là, je pars avec quelques provisions. Demain, je serai au milieu du monde, sur la ligne de l’équateur. En revanche, je n’ai absolument aucune idée de l’endroit où je passerai la nuit prochaine…

Mandoulis
Niveau 26
05 février 2014 à 15:04:32

Vendredi 19 Octobre

Me voilà dans le bus qui me conduit à la Mitad del Mundo ! Je sens un peu d’appréhension en moi, sans doute parce que je ne sais pas où je crècherai ce soir. Je quitte la sécurité de l’appartement de Cristina aussi… Enfin, tout va dépendre de ce qu’il se passe aujourd’hui. Je me suis imaginé qu’on me laisserait dormir dans un des musées qu’il y a sur place, ou bien dans une des boutiques, mais je m’attends beaucoup plus à devoir monter ma tente pour la première fois. Je verrai bien…

Une ligne jaune court au sol, symbolisant l’emplacement de l’équateur. À la latitude 0°-0’-0’’ se dresse un haut monument de pierre surmonté d’un globe terrestre. C’est ici que, en 1736, Charles-Marie de la Condamine effectua les premiers relevés permettant de situer le centre du monde. L’expédition française déduisit également de ses mesures que la Terre n’était pas parfaitement sphérique, mais que les pôles étaient plats alors que l’on pouvait observer un renflement en son pourtour. Une énorme avancée pour le monde scientifique d’alors. J’en ai appris un peu plus sur ces histoires de solstices et d’équinoxes, je crois avoir enfin compris comment cela fonctionnait... Commençons par l’équinoxe d’automne, le 23 Septembre. À cette date, le soleil se trouve pile au-dessus de l’équateur. C’est le seul moment où il peut être à son zénith ici. Il entame alors son « voyage » dans l’hémisphère sud. Beaucoup de soleil pour ce dernier, beaucoup moins pour l’Europe. (J’ai essayé de faire un schéma avec la Terre tournant autour de l’astre pour essayer d’expliquer cela, mais peine perdue, j’aurais dû plus écouter en cours de physique…) Au solstice d’hiver, les nuits sont longues dans le nord, et le soleil « prend le chemin du retour » vers l’équateur. 21 mars, équinoxe de printemps. Même chose qu’en automne, mais l’astre se dirige cette fois-ci vers le monde occidental. J’ai beaucoup de mal à m’imaginer cela en trois dimensions, mais vous y arriverez peut-être… Il fait beau, chaud, et je m’apprête à partir avec un guide pour le cratère du Pululahua…

C’est immense. Le cratère, quatre kilomètres de diamètre, est habité depuis des siècles malgré l’activité permanente du volcan. Les gens qui vivent là cultivent la terre fertile, loin de tout, hors du temps. Ils n’occupent qu’un tiers de la surface, les deux autres formant une réserve protégée abritant orchidées, colibris et pumas. Il est possible de dormir là, mais pour quinze dollars la nuit, et le dénivelé de trois cents mètres qui conduit au fond aurait tendance à me fatiguer à l’avance. De plus, à 14h, c’est brouillard complet, brume bienfaitrice pour les résidents vu que c’est la seule source d’eau. Je ne passerai pas la nuit là, c’est sûr… Vu l’heure, je pense que je camperai près du site archéologique de Rumicucho.

Je viens de visiter le musée de plein-air Inti-ñan, littéralement, le chemin vers le soleil, qui se situe lui aussi à la latitude 0°-0’-0’’. En fait, lors de l’expédition de 1736, les scientifiques ont déterminé un tracé de l’équateur, là où je me trouvais ce matin. Mais depuis, la technologie est passé par là, et le véritable centre du monde, c’est ici, quelques dizaines de mètres plus au nord. J’ai eu droit à toute une série d’expérience, notamment sur la force de Coriolis. Au septentrion, les tornades et typhons tournent dans le sens des aiguilles d’une montre alors qu’au sud, c’est l’inverse. Ici, j’ai eu le droit à la démonstration du lavabo, mais c’est bidon. La force qui provoque la rotation des systèmes météorologiques n’a aucun effet sur de si petites quantités d’eau. Après, je ne saurais expliquer leur truc, puisque ça a marché. Le plus intéressant était le bref aperçu des cultures Huaorani, Shuar et Quitu-cara. Cette civilisation a d’ailleurs laissé quelques traces près d’ici, au site de Rumicucho. Je ne sais pas où c’est, mais je vais essayer d’y aller en stop, hors de question de marcher avec ce sac ! (Toujours trop lourd, ou alors c’est moi qui ne suis pas assez musclé…)

J’ai trouvé un bus qui m’a déposé non loin des ruines. Ce site fût au départ bâti par les Quitu-Cara en 500 avant JC pour les cérémonies d’équinoxe. Il ne reste que des murets de pierre rouge au sommet de cette colline naturelle. L’emplacement n’a pas été choisi au hasard, il domine d’un côté la désertique vallée de San Antonio (là où se trouve la Mitad del Mundo), tandis que de l’autre, mieux vaut ne pas chuter dans le gouffre vertigineux. On peut jeter le regard jusqu’à Quito et contempler les neiges du volcan Cayambe, troisième en altitude du pays. On comprend mieux pourquoi les incas ont repris le site par la suite… Château, temple, observatoire, ont été les principales fonctions des édifices dont il ne reste plus que gravats et buissons.
Deux papillons d’un orange vif interrompent mes pensées, apportant couleur à toute cette poussière. Des cactus poussent sur le côté des chemins de terre, on trouve quelques cahutes bâties avec les moyens du bord. Des maisons de béton surgissent hors du sol un peu partout, je planterai ma tente à l’abri de l’une d’elle, afin d’éviter le vent permanent. Je n’ai pas encore le courage d’aller déranger ces gens si démunis. Il me faut maintenant redescendre récupérer mon sac caché dans un buisson et installer mon dortoir de fortune.

On pouvait rêver mieux pour un premier campement… Le panorama est magnifique, certes, vestiges incas et neiges du Cayambe, mais la poussière est omniprésente. Je suis à la lisière d’un quartier pauvre de San Antonio, où les grandes baraques de béton encore inhabitées côtoient les taudis de briques et tôles. Les plantes grasses et les buissons autour de ma tente confirment le caractère désertique de l’endroit. D’où cette très fine poussière. J’en suis couvert, il y en a plein mon carnet de route, et j’ai l’impression d’en avoir mangé pour le goûter… Là tout de suite, je rêve d’une douche, même froide, pour me débarrasser de toute cette saloperie. Le soleil vient de se coucher, une musique typiquement andine résonne un peu plus loin. Les notes montagnardes sont accompagnées du bourdon de gros insectes attirés par la lumière de ma frontale. Je ferme les yeux, m’évade, suis brusquement ramené à la réalité par un coup de vent violent qui fait vibrer ma couche. La mélodie s’est arrêtée, les réacteurs d’un avion couvrent quelques instants le chant des chiens. Ils ont apparemment des tas de choses à se dire, la journée à se raconter peut-être, en tout cas, ça aboie dans tous les coins. Un âne les interrompt brièvement, avant qu’ils ne reprennent de plus belle. J’ai dîné d’une boîte de maquereaux à la moutarde, la seule qu’il me restait de ma chère Bretagne, d’un peu de pain et d’un abricot, j’ai le ventre bien plein. Ça commence à se rafraichir, j’espère qu’il ne pleuvra pas, mais vu les alentours, cela m’étonnerait fort qu’il y ait eu la moindre goutte d’eau dernièrement… Il n’est que 19h, mais je suis vanné, je vais déjà me coucher, au risque d’être debout au milieu de la nuit…

Mandoulis
Niveau 26
06 février 2014 à 18:37:34

Samedi 20 Octobre

J’ai eu un tout petit peu froid, malgré mes multiples couches de vêtements. Mais cela ne m’a pas empêché de dormir plus que cela… C’est plutôt le sol dur qui me réveillait de temps en temps afin que je change de position. Mais bon, j’ai ronflé jusqu’à 7h30… Petit-déjeuner dans le ventre, je m’apprête à quitter toute cette poussière pour rejoindre les forêts d’altitude de Mindo en auto-stop ! C’est le week-end, j’espère ne pas avoir trop de mal à trouver…

Il n’est même pas neuf heures que le soleil est déjà écrasant. Il fait 24°C à l’ombre, je ne vous dis pas en plein soleil, et avec le sac sur le dos… J’ai réussi à trouver de l’eau en demandant à une dame devant chez elle, elle m’a même ramené les glaçons ! Le bus ne m’a pas déposé là où je l’avais pris hier, du coup, il faut que je marche jusqu’à la route pour Nanegalito que j’avais repéré. C’est un village sur le chemin de Mindo. Je vais me poser sur le côté de la chaussée, pouce tendu avec mon écriteau noirci de ma destination. Je verrai bien si ça marche… Sinon, je viens de me rendre compte que je suis un boulet… J’ai oublié le marteau pour planter les sardines sur le lieu de mon dernier campement. Un vrai boulet je vous dis…

Quinze minutes à peine avant qu’une famille venant de la capitale ne s’arrête sur le bord de la route. J’étais trop content quoi, mon premier auto-stop qui fonctionne aussi bien ! Virage après virage, toujours en descendant, j’ai cru vomir en arrivant à Nanegalito. Pablo, onze ans, m’a montré leurs photos de vacances en Amazonie, je lui ai fait découvrir Tolède. J’ai parlé de choses et d’autres avec les parents, de religion notamment. Mais cela ne s’est pas arrêté là, ils ne m’ont pas déposé à l’embranchement qui menait à Mindo. Ils m’ont invité à déjeuner dans leur maison secondaire à Los Bancos, un peu plus loin. Perdue dans la campagne, avec un grand jardin, c’est un vrai petit coin de paradis. Après un repas pantagruélique, nous sommes allés, sous un soleil accablant, planter les bananiers qui venaient d’être livrés. Les poules se promenaient dans le jardin à l’allure de jungle, à la recherche de vers tout frais. J’ai pu goûter la canne à sucre, tout juste coupée, et c’est trop bon ! Après tous ces efforts, quoi de plus normal que d’aller à la piscine ? Je suis resté deux bonnes heures à nager après un caillou avec Pablo. Il m’a tué… Retour à la maison, limonade nature et, au moment où j’allais demander s’il y avait moyen de passer la nuit avec eux, nous sommes remontés en voiture. Ils rentraient à Quito, ils m’ont cette fois-ci largué sur le chemin de Mindo. Nous avons échangé Facebook et téléphone, il est certain que j’irai dîner dans leur restaurant une fois de retour dans la capitale.
A l’embranchement, des taxis détrousseurs de touristes demandaient trois dollars pour descendre à la bourgade. Tant pis je ferai les cinq kilomètres à pied ! Cent mètres plus loin, un minibus s’arrête et propose de me conduire pour cinquante centavos. Dix minutes plus tard, j’étais devant mon auberge. Il y avait moyen de camper (c’est pour cela que je l’ai choisie) et j’ai planté ma tente sous les bananiers ! Il y a des tonnes d’insectes chantant dans le noir, il fait une chaleur monstre et je me suis barricadé pour échapper aux moustiques. Je vais passer une très bonne nuit !

Mandoulis
Niveau 26
07 février 2014 à 15:31:22

Dimanche 21 Octobre

Tout est fichu, ils m’ont eu. Je ne sais pas où, quand, ni comment, mais ces salauds m’ont eu. Je vais maintenant vivre un enfer, parce que ça gratte !!!

Piaillements dans les feuillages, silhouettes se détachant sur le soleil, notes aigues, ombres furtives, mélodies introuvables, éclairs de couleurs, les oiseaux sont difficiles à approcher. Les papillons le sont bien plus. Noirs piquetés de blanc, taches rougeâtres, ailes azurées, jaunes citron, ces lépidoptères sont tous superbes, et j’en ai pu photographier quelques uns. Je suis allé me promener dans les chemins autour du village pour tenter d’apercevoir par moi-même les merveilles de Mindo. Après une bonne heure, j’ai pu approcher mon premier volatile. Dos orangé, ventre blanc, de la taille d’une pie, il se baladait sur un tronc d’arbre couché et m’a laissé le temps de fixer son image sur ma carte SD. Je m’en vais prendre la tarabita, funiculaire fonctionnant jadis à la main, afin de pénétrer le Bosque Protector Mindo-Nambillo. J’aurai sans doute plus de chances là-bas.

La nacelle est accrochée à des câbles d’acier à cent-cinquante-deux mètres de hauteur au-dessus de la forêt. La traversée fut rapide, je n’ai même pas eu le temps d’avoir peur… Me voici en pleine jungle. Les hauts arbres, couverts d’une épaisse mousse caca d’oie, s’accrochent aux pentes de la colline. Des épiphytes envahissants les ont colonisés, pompant dans leurs réserves. Quelques grenouilles doivent se cacher là-haut, dans les broméliacées nichées dans les circonvolutions des troncs. De longues lianes vert bouteille pendent des branches encerclées par les lichens. Au sol, c’est la même profusion de teintes anisées, pomme et émeraude. D’immenses fougères côtoient des plantes aux feuilles plus larges que ma tête. De rares fleurs apportent une touche de couleur à cet océan de verdure. Les papillons volètent dans tous les coins, les mouches sont deux fois plus grosses que chez nous et les oiseaux chantent de tous côtés. L’humidité permanente permet cette densité végétale et cet étalage de luxuriance. Je suis aux anges !
https://image.noelshack.com/fichiers/2014/04/1390757931-papillons-mindo.jpg

Ce que je viens de faire, tout le monde en rêve. Après une heure trente de marche à jouer les paparazzis dans cette forêt touffue, j’ai atteint, au beau milieu de nulle part, mes premières chutes d’eau sud-américaines. La cascade de la Reina n’est pas forcément importante, vingt mètres de haut à tout casser, mais son emplacement, perdue loin de tout, en fait un endroit magique. La fraicheur de l’eau ne m’a pas fait douter plus que cela, directement sous la cascade ! Je n’y suis pas resté plus d’une minute tellement c’était glacial, mais c’était juste énorme ! L’eau vous frappe de toutes ses forces, vous êtes gelés, votre respiration se fait plus rapide, mais putin, c’est une cascade en pleine jungle quoi !!!! J’ai déjeuné là, tel Tarzan en train de sécher après son bain. Le caleçon étant encore trempé, ben je vais prendre le chemin du retour sans ! (Mais avec pantalon !)

Après avoir rejoint mon point de départ, la tarabita, je me suis lancé dans l’autre chemin, qui mène à la cascade de Nambillo. Il m’aura fallu dix minutes à peine pour y descendre, je pense devoir en utiliser bien plus au retour… J’ai encore fait un peu trempette, mais juste les pieds cette fois, elle est tellement fraiche…

Je crois que même l’eau de la cascade était plus chaude ! Il va être difficile de s’habituer à la douche froide… Je me suis fait un ami. Le chien de l’auberge me suit partout ! Du coup, j’ai joué un bon moment avec lui, je lui ai parlé d’Eliot, mon propre chien mais il essaye de mordre, et ses petites dents font quand même un peu mal… Vu la chaleur, je vais encore dormir en sous-vêtements, ce qui va me permettre de gratter tout à loisirs ces putins de boutons, malheureusement…
Des papillons multicolores qui se posent jusque dans ma main, la jungle à perte de vue, douche sous la fraiche cascade, fruits tropicaux pour tout repas, une journée parfaite !

Mandoulis
Niveau 26
08 février 2014 à 21:05:12

Lundi 22 Octobre

Je me suis levé à la même heure que les oiseaux pour pouvoir les observer. 6h00, me voilà parti sur les chemins, la tête encore dans le pâté. J’en aurais vu de toutes sortes, grâce à mes jumelles. Un petit au dos jaune est passé devant moi à la vitesse de l’éclair, une formation de grands volatiles noirs m’a survolé à grands cris. Ma première vraie découverte fut cet échassier blanc au milieu de la rivière. Il s’éveillait, doucement, le cou encore rentré pour éviter d’attraper froid dans l’humidité matinale. J’en aurais entraperçu d’autres du coin de l’œil par la suite, mais rien de très concluant. Ce n’est qu’au retour que j’ai pu observer une dizaine de passereaux beiges ou noirs et blancs s’égaillant sur le bord du sentier. Mon échassier était toujours là, s’activant un peu plus, allant de rocher en rocher, l’œil vif, sans doute en plein recherche de nourriture. Ma dernière observation aura été pour ce que j’aurais appelé des perruches, d’un jaune-orangé vif mis en valeur par le soleil levant. Je ne suis pas déçu d’être sorti de bon matin, en revanche, je suis complètement naze !
https://image.noelshack.com/fichiers/2014/04/1390757910-oiseaux-mindo.jpg

Treize câbles tendus au-dessus de la forêt, permettant de passer d’une montagne à une autre. Je viens de faire de la tyrolienne au cœur de la canopée. C’était juste « trop le kiff », comme diraient les jeunes d’aujourd’hui… De vingt à quatre cents mètres pour la dernière, chacune d’entre elles a été un pur moment de folie ! En se retrouvant en position de superman au-dessus du vide, on a envie de crier, d’hurler, mais en fait on profite juste de l’instant.
Cet après-midi, c’est repos, bronzette si le soleil se calme un peu, dessins (j’ai un poil de retard) et pourquoi pas baignade dans la rivière qui passe au pied de mon campement ?

Ce que je prenais pour des moucherons et que j’ai laissés courir sur ma peau nue étaient apparemment des suceurs de sang. C’est insoutenable tellement ça gratte !

J’ai écoulé mon après-midi entre manger, dessiner, ne pas me gratter et tremper mes jambes dans l’eau froide de la rivière pour les anesthésier. J’ai vu des colibris ! Attirés par les distributeurs d’eau sucrée disposés par le gérant de l’auberge, j’ai pu en admirer en plein show aérien ! Je vais dormir avec le pantalon, histoire de ne pas rajouter une couche de boutons, mais chaque frottis du tissu sur les piqûres est un véritable supplice. Je doute de dormir aussi bien que les nuits précédentes.

Mandoulis
Niveau 26
09 février 2014 à 11:29:51

Mardi 23 Octobre

Me voilà réveillé au beau milieu de la nuit par ces interminables démangeaisons. Mais plus que de simples envies de gratter, je ressens comme des brûlures à chaque petite morsure de ces créatures. J’en ai mal, réellement. Je me cambre à chaque douleur, il m’est difficile de tourner mon esprit vers autre chose. Ce sont surtout mes pieds et mes mollets qui sont touchés. J’ai pris la température extérieure de ces derniers en posant mon micro-thermomètre sur ma peau. 32°C. La chaleur qui émane d’eux n’est donc pas imaginaire. Je ne sais pas si je vais pouvoir me rendormir et avancer comme prévu demain.

J’ai fini par me lever pour mettre mes jambes sous l’eau froide. J’ai pris un cachet contre la douleur également.
Levé à cinq heures pour faire le sac et prendre le bus de six heures et demie, je viens de me rendre compte que j’ai oublié l’inoubliable. J’ai laissé l’appareil photo branché sur l’ordinateur du cybercafé hier soir. Il va falloir que j’attende qu’ils rouvrent, je prie tous les Dieux du monde pour qu’il soit toujours là…

Je crois que c’est à ce moment là que je suis censé me jeter par la fenêtre. Ou bien m’allonger sur les rails, me mettre la corde au cou, avaler tous les médicaments de la pharmacie. Tout comme en 2007, à Berlin, lorsque j’avais oublié l’appareil photo sur un banc, mes souvenirs ont disparu. Envolées les photos de Tolède, Quito, le milieu du monde et le paradis perdu de Mindo. Pourquoi cela n’arrive toujours qu’à moi ? Pourquoi suis-je aussi étourdi ? Pourquoi n’y a-t-il pas des gens honnêtes sur cette Terre ? Le gérant du cybercafé a tout fait pour m’aider. Il a recopié à l’ordinateur le mot que je lui ai laissé et l’a affiché devant son magasin. Il est même passé au semblant d’administration du coin si j’ai bien compris. J’ai insisté sur le fait que je pouvais payer pour récupérer les photos. Mais j’ai peu d’espoir. Je ne veux pas rester seul, alors je rentre à Quito, chez Cristina, histoire de soigner un peu mon cœur (et mes jambes) avant de repartir à l’aventure. Je me déteste.

Mandoulis
Niveau 26
10 février 2014 à 12:11:36

Mercredi 24 Octobre

En arrivant à Quito hier soir, Cristina n’ayant pas terminé le travail, je me suis, tout comme à Mindo, réfugié sur Internet. J’ai trouvé quelques amis pour bavasser et me remonter le moral malgré l’heure nocturne européenne. Nous avons fini par aller à la pharmacie pour dénicher une crème apaisante. Elle n’aura pas apaisé longtemps, mais bon, cela m’aura permis de suivre le film sans trop me gratter… La nuit fut dure, il a fallu que je me lève deux fois pour passer de l’eau froide sur mes jambes.
Aujourd’hui, vidange de tête ! DVD et cuisine toute la journée ! Au menu de ce soir, couscous et saucisson aux marshmallows ! Cristina va être ravie (Elle était déjà excitée comme une puce hier soir). Je ne sais pas ce quelle a, ni ce qu’elle pense, mais il ne faut pas qu’elle s’imagine que je vais rester ici éternellement… Je prendrai la route sans doute Lundi. Je reste sans nouvelles de mon appareil photo chéri… J’ai peu d’espoir…

Mandoulis
Niveau 26
10 février 2014 à 12:12:14

Samedi 27 Octobre

Je n’ai pas fait grand-chose ces deux derniers jours… Pas mal de temps devant la télé, mais uniquement des films en espagnol bien sûr, histoire que cela serve à quelque chose… J’ai également déniché un livre dans la bibliothèque de Cristina. J’arrive à comprendre plutôt bien ces petites histoires d’aventuriers. Pas mal de temps sur Internet aussi, sur les deux forums que j’ai l’habitude de fréquenter. Pokémon Donjon Mystère équipe de secours Bleu, petite communauté dont les membres sont devenus des amis proches (jusqu’à passer nos vacances d’été ensemble) et Nouvelle-Ecriture qui, comme son nom l’indique, est un forum dédié à ceux dont la plume les démange. Groupe très hétéroclite, chacun ayant sa personnalité propre et très marquée. J’ai participé à l’un de nos petits concours, toujours dans l’idée de me changer les idées… Il fallait écrire un petit texte à partir d’une image d’un homme dans le métro…
Ce matin, nous avons pris, avec Cristina, le bus pour Otavalo, où nous allons passer le week-end. Un vrai bazar pour acheter le ticket, je n’ai pas compris grand chose ! J’ai acheté mon ticket, puis Cristina le sien. Seulement nous n’étions pas censés être dans le même bus ! J’avais donné un billet de dix dollars au guichet, l’équatorien marque combien j’ai donné sur un papier, et la monnaie m’est rendue dans le bus. Seulement là, vu que je n’ai pas pris celui-là, Cristina a été demander au chauffeur de rembourser, vu que je monterai dans le même véhicule qu’elle… Il a rendu vingt dollars ! Me voici donc dans le car vers Otavalo, sans avoir rien payé et gagné dix dollars… En arrivant à la gare routière, le premier chauffeur nous attendait parce qu’il s’était rendu compte de sa méprise. Un vrai merdier quoi…

Sous un soleil bienvenu s’étalent étoffes aux motifs complexes, assiettes peintes à la main et hamacs multicolores. Verts et jaunes, azurs et écarlates, se mêlent somptueusement en une explosion de teintes pour les yeux. Les articles du marché d’Otavalo ont fait sa renommée, c’est aujourd’hui l’un des plus grands de toutes les Andes. Depuis la place principale, ce sont des tentacules d’étals qui courent dans toutes les rues adjacentes. On peut trouver trois grandes zones dans cet immense magasin à ciel ouvert. Au sud, poulets, fruits exotiques, les incontournables pommes de terre et légumes locaux font saliver les passants. Au centre, ce sont les fripes. Baskets de marque comme chaussures de cuir, robes et pantalons n’attendent que d’être achetés pour quitter leurs étagères éphémères. Au nord enfin, l’artisanat, c’est dans ce dernier coin que j’ai saigné mon porte-monnaie. Écharpes ou couvertures en laine de lama, bracelets tissés et colliers de perle côtoient les bonnets originaux et les vêtements à rayures. Le chemisier à fleurs de ces dames d’Otavalo est de la partie, alors qu’instruments et CD de musique traditionnelle mettent l’ambiance. Sacs de toutes tailles, trousses et tableaux, tout est fait pour attirer le touriste en quête d’un souvenir…

Nous venons de nous faire péter la panse dans une pizzéria. Des musiciens traditionnels ont joué durant le repas, un très bon moment ! Nous nous faisons encore un film, toujours entrecoupé d’innombrables pubs, demain, c’est cascade et condors !

Mandoulis
Niveau 26
11 février 2014 à 16:28:44

Dimanche 28 Octobre

J’ai une nouvelle amie. Une magnifique turista ! Nous sommes restés à l’hôtel jusqu’à midi, en espérant que cela se calme, avant de partir pour la cascade de Peguche. Le flux s’est arrêté, mais j’ai toujours atrocement mal au ventre…

Je viens de me faire vomir. Ça fait un bien fou. Y’a vraiment un truc que mon estomac n’a pas apprécié… Le jus de guanabana du restaurant ? La nourriture du marché cuite sur place, dans des conditions d’hygiène pas très poussées ? Je ne sais pas, toujours est-il que cela aura un peu gâché la journée… Nous n’irons pas jusqu’au Parque Condor, nous allons prendre le bus du retour, en espérant que je ne leur refasse pas le revêtement des sièges…

J’ai vraiment la poisse… Le car est resté coincé une heure dans les embouteillages… Mais nous voilà rentrés, enfin ! J’ai rien mangé, on s’est foutu devant la télé. J’ai vomi trois fois encore, j’espère pouvoir dormir et surtout, que j’aille mieux demain, car je file vers Cotacachi.
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Mandoulis
Niveau 26
11 février 2014 à 16:29:16

Lundi 29 Octobre

Je vais beaucoup mieux aujourd’hui. Plus de maux de ventre, plus de nausées, plus rien ! J’ai dormi comme un bébé et commencé à me réhydrater. Petit-déjeuner léger, eau, pain et confiture, avant de quitter Cristina une seconde fois. Sortir de Quito en auto-stop me paraissait difficile, donc tant qu’à faire, j’ai pris un bus direct pour Cotacachi. Petite ville de dix mille habitants, il n’y a pas grand-chose à y faire, mais la cité reste une porte d’accès privilégiée à la Reserva ecologica Cotacachi-Cayapas. J’y ai été invité par Marcelo, je vais bien voir où est-ce qu’il compte m’emmener…

Marcelo, quarante ans environ, vit dans une grande maison dans le centre de Cotacachi. Les trois chambres lui permettent d’accueillir toute sorte de voyageurs de passage, tel Alex, roumain travaillant bénévolement auprès d’enfants handicapés d’Otavalo. Mon hôte lui, prépare chaque jour la collation des trois cent cinquante collégiens d’à côté. Là, nous attendons deux autres voyageurs, français eux aussi, qui arrivent directement de Colombie. Nous allons voir avec eux ce qu’ils désirent faire et tenter d’établir un programme. J’ai déjà entendu parler de l’ascension de l’Imbabura et de marche autour de la lagune de Cuicocha. Mais ils se font un peu espérer et là, je m’ennuie royal…

Mandoulis
Niveau 26
12 février 2014 à 12:54:53

Mardi 30 Octobre

Arnaud, cuisinier, et Jérémie, opticien, arrivent de Colombie. Ils ont débarqué cinq mois auparavant au Guatemala, et prendront leur avion du retour le huit Février, à Santiago du Chili. Nous avons entamé notre journée par une courte exploration de l’industrie du cuir de Cotacachi. Après quoi un bus nous a déposés à Otavalo, où ils ont fait leur marché. Ils m’ont fait mourir de rire à essayer masques et autres ponchos. De vrais touristes ! Ces deux parisiens sont vraiment super sympas, nous avons passé une très belle journée ! Je rentre plus tôt et les laisse à leurs divagations. Nous nous retrouverons sur Cotacachi et ce soir, c’est nous qui faisons à manger.

Mandoulis
Niveau 26
12 février 2014 à 12:55:19

Jeudi 1er Novembre

Mardi soir, première cuite sud-américaine. Liqueur de canne à sucre, ça monte assez vite… Nous avons épuisé la soirée entre tours de magie et jeu du château de cartes. (Un édifice repose fébrilement sur les autres cartes éparpillées en dessous. Il faut prendre ces dernières une par une sans tout faire écrouler.) Des énigmes également, ainsi qu’une histoire de fourchettes en équilibre sur un cure-dent. J’ai halluciné quand Alex et Marcelo ont fait tenir les deux couverts sur le petit bout de bois ! Ils étaient sur le cul quand, après moult tentatives, j’ai réussi à en poser huit ! Nous avons également eu un choc, Marcelo a en fait cinquante ans, carte d’identité à l’appui !!
Hier, journée très intense pour tout le monde. Grasse matinée, jeux de cartes, internet, sieste… Un programme extrêmement fatiguant ! Kayla, copine canadienne de Jérémie, rencontrée en Colombie, est arrivée hier soir des Galápagos. Pour fêter cela, nous avons entamé le bidon de caña de cinq litres ! (la liqueur de canne à sucre) Jeux de mains et de numéros m’ont achevé, encore une fois…
Ce matin, je suis allé, avec Arnaud, aider Marcelo à son travail. La petite cahute au fond de la cour a été prise d’assaut dès la sortie de la classe. Il n’y avait que les élémentaires aujourd’hui, les collégiens n’ayant pas cours. Les enfants ont une demi-heure de récréation pour grignoter en attendant le repas, aux alentours de 13h30. Sandwiches, fruits, boissons, hornados, sans oublier les chewing-gums se sont envolés comme des petits pains. Vraiment très intéressant ce contact avec les enfants. Nous avons discuté avec certains d’entre eux de choses et d’autres. Une expérience courte, mais qui donne envie de recommencer !
https://image.noelshack.com/fichiers/2014/05/1391112906-cotacachi.jpg

Mandoulis
Niveau 26
13 février 2014 à 12:07:15

Vendredi 2 Novembre

Le temps était magnifique, Alex est parti escalader l’Imbabura. Nous sommes donc trois français, une canadienne et un équatorien à avoir rejoint la Laguna de Cuicocha. À notre première vue sur cette merveille, nous avons tous poussé un soupir de contemplation. Le lac vit au cœur de l’ancien cratère du volcan Cotacachi. Ce dernier se dresse à l’arrière-plan, ses neiges défiant les nuages cotonneux de le cacher aux yeux de tous. Créées par des éruptions ultérieures, deux collines émergent de la surface turquoise et limpide. Leur forme, rappelant les dos de cochons d’Inde, a inspiré aux indigènes le nom de Cuicocha. Nous sommes au sommet de l’arête qui fait le tour complet de cette perle des Andes, prêts à marcher et à en mettre plein nos yeux !

Marcello nous a guidés dans son lieu favori, en dehors du sentier habituel. Nous l’avons suivi vingt minutes entre les pierres du lit asséché d’une rivière. Nous avons atteint le sommet d’une falaise, là où chutait l’eau d’un petit ruisseau. Le vent projetait le liquide glacial en gouttelettes jusqu’à nous. Un endroit magique. A suivi la partie la plus ardue du parcours, une heure d’escaliers. J’ai réussi à monter, à mon rythme certes, plus lent que celui des autres, mais sans ventoline ! La plus belle des vues sur la lagune nous aura vu déconner sur le bord du précipice… Une mandarine, et nous voilà repartis !

Un début de journée formidable ! Nous sommes tous ravis d’avoir pu dispenser ces heures en compagnie de Marcelo dans un endroit qui en valait le détour ! Retour à l’arrière d’un pick-up, déjeuner au marché, nous voilà rentrés !
J’ai désespérément cherché sur Internet le fameux trek indiqué par mon guide entre les lagunes de Cuicocha et Mojanda. Impossible à trouver ! Marcelo m’a donc conseillé de partir d’Otavalo pour rejoindre le deuxième lac. Le volcan Fuya Fuya sera de la partie et je terminerai au site pré-inca de Cochasqui ! Ce sont trente-quatre fabuleux kilomètres qui m’attendent demain. Le temps de quitter cette auberge espagnole est venu, ce furent cinq jours inoubliables, je suis prêt à plonger en pleine nature ! Marcelo, Arnaud, Jérémie, Kayla et Alex sont les premiers à me laisser un petit message dans mon carnet de route.

Mandoulis
Niveau 26
14 février 2014 à 13:59:47

Samedi 3 Novembre

Ma chasse à la carte postale de ce matin m’aura pris une heure trente ! Un truc de fous ! J’ai tout de suite trouvé celles qui me manquait (j’en ramène une de toutes les villes et endroits visités), seulement, je n’avais pas assez de sous. Je suis donc retourné à la maison chercher la carte bancaire pour retirer quelques dollars. Me voilà à nouveau au magasin, mais la vendeuse n’avait pas de monnaie ! J’ai demandé un peu aux alentours, personne capable de faire péter mon billet de dix ! Coucou la maison ! Marcelo a pu m’échanger mon bout de papier contre des pièces trébuchantes et sonnantes. Dernier arrêt à la boutique, j’ai enfin mes cartes postales !
Parlons de mon trek. Cela fait une heure que je marche dans Otavalo même, et je viens seulement d’atteindre la route qui y mène. Après ces soixante minutes, je suis déjà mort. Ce n’est pas le sac à dos de vingt kilos qui m’aura tué, mais le soleil écrasant et l’implacable chaleur. Il fait au minimum trente degrés, c’est tout simplement inhumain. Quatorze kilomètres d’une route de pierres grimpent jusqu’au lac. Je viens de voir quelques bus passer par là, je vais me renseigner, si jamais l’un d’entre eux terminait sa tournée au plan d’eau…

Pas de bus, j’ai donc fait du stop, et j’ai battu le record du monde ! Juste le temps de tendre la pancarte et le pouce que je me trouvais à l’arrière d’un pick-up. Vingt-cinq secondes à peine ! J’ai bien fait de choisir l’option motorisée, parce qu’en voyant la route, je me suis dit que j’aurais vraiment morflé pour grimper jusque là. J’ai pris mille-cinq cent mètres dans la tête et perdu vingt degrés. Le paysage est tout simplement magnifique. Mojanda étale ses eaux entre les sommets avoisinants. Les cimes de ces derniers sont couvertes de brume. C’est magique. La famille quiténienne qui m’a pris en stop est venue en nombre pour camper ici cette nuit. Vu la fraîcheur, ils se tâtent… Ils m’ont proposé de les accompagner pour aller observer les petits lacs alentours. Vamos !

J’ai passé un super après-midi avec Yolande et sa famille. Trois heures à l’arrière du pick-up à aller de lac en lac, à échanger, prendre des photos, rire. Des gens géniaux ! Je me suis amusé comme un gosse ! Merci à eux tous, en particulier Mauricio et Felipe, fils de Miss Yolanda et Esteban, le petit-fils. Ils habitent Quito, c’est prévu que je repasse les voir lorsque j’y retournerai !
Me voilà dans ma tente, à 3700 mètres d’altitude, vue sur le lac, toilettes au fond du buisson. Douze degrés dehors, je me suis déjà glissé dans mes couches, prêt à passer ma toute première nuit dans le froid.
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Mandoulis
Niveau 26
15 février 2014 à 11:57:18

Dimanche 4 Novembre

J’ai sorti la couverture de survie au milieu de la nuit parce que j’avais trop froid aux pieds. Elle n’a pas changé grand-chose… Je me suis réveillé avec le soleil, orteils et mains engourdis, malgré les gants et les multiples paires de chaussettes. Dehors, beaucoup trop de vent, et ça caille à mort… Ça ne donne pas du tout envie d’aller grimper le Fuya Fuya… La toile de tente ruisselle des gouttelettes déposées par la brume, ce serait bien qu’elle sèche avant que je ne remballe tout… Je n’arrive pas à me réchauffer, vivement que je sois redescendu !

Il m’aura fallu une demi-heure pour atteindre le sommet de cette première colline. La bruine s’est arrêtée, mais le vent souffle fort. J’ai l’air d’un esquimau, calfeutré sous mes fringues. Malgré la marche, je suis obligé de remuer mes doigts de pied de temps en temps, j’ai trop peur qu’ils ne s’engourdissent… Le Fuya Fuya me domine, mais plus pour longtemps, celui-là, je compte bien me le faire ! Un rayon de soleil vient de faire son apparition, les couleurs sont magnifiques. Les folles herbes du paramo se parent d’un jaune vif et brillent par la rosée qu’elles accueillent. Le lac se transforme en miroir, sa surface blanche uniquement troublée par les remous provoqués par la brise. Un peu plus au fond, l’eau est aussi noire que les rochers déchiquetés des monts qui l’encerclent. Je suis au cœur des Andes, seul, à contempler ce spectacle magique. Je viens de me rendre compte à quel point j’étais privilégié…

« OH PUTIN OUI ! » J’ai hurlé. J’ai pleuré. J’ai pensé à ma famille, à ceux qui disaient que j’étais fou de partir comme cela. Je suis tellement fier de moi. Après, je pense, trois heures d’ascension et cinq cents mètres de dénivelé, j’ai atteint la cime du volcan Fuya Fuya a 4263m et ce, malgré mes poumons merdiques. Ce n’est qu’un sommet insignifiant comparé à d’autres, mais c’est mon premier. J’aurais tellement aimé que mes proches et certains de mes amis soient là pour partager ce moment unique avec moi, mais je suis seul, alors je pense à eux tous. Malgré toutes les merveilles équatoriennes pour emplir ma tête, ils me manquent. J’ai envie de serrer ma sœur dans mes bras, de regarder un bon vieux Dr House avec mon frère et mon père, d’embellir le jardin avec ma mère, de courir après notre chien complètement débile, que l’on se fasse un repas dominical familial comme on en l’habitude. Je voudrais tant repasser une soirée avec l’équipe de Ludwigshafen 2012, retrouver le brouhaha de la cantine et les enfants, me faire un après-midi shopping avec de vieilles amies, mais je suis seul, alors je pense à eux tous.
En arrivant, j’ai eu le droit à une magnifique vision à 360°. La lagune en contrebas abritant foule de poissons, le chemin de terre que j’emprunterai tout à l’heure pour descendre jusqu’à Cochasqui, la deuxième cime vertigineuse du Fuya Fuya, un peu plus loin, une bourgade paisible s’étendant dans la vallée. Maintenant, je ne contemple plus qu’une brume grisâtre et opaque. Le vent chante à mes oreilles une mélodie lointaine avant de chasser le brouillard quelques instants. J’en profite pour faire mon chinois et compléter ma carte SD. Un immense oiseau émerge des limbes blancs. Un rapace en vol plané, un condor peut-être… Il est trop éloigné pour que je puisse l’identifier. Il disparait tel qu’il est venu, comme un fantôme dans les nuages.
Je vais entamer la descente, mais par un chemin bien plus facile que celui que j’ai emprunté à l’aller. Le sentier m’avait en effet mené au bout de la ligne de crête, que j’ai suivi jusqu’au sommet. Le vide à droite et à gauche, je me trouvais eu faîte de l’arête. Quelques moments d’escalade avec le trouillomètre à zéro. Mais c’était tellement fabuleux que je ne regrette pas cette marche ardue !

Cela fait une heure que j’ai levé le camp. J’ai atteint les environs de la petite lagune, à deux kilomètres et demi. Longer la grande a été difficile à cause du soleil qui me forçait à faire une pause toutes les cinq minutes pour boire et éponger ma sueur. C’est beaucoup plus facile, si l’on peut dire, maintenant que j’ai atteint l’ombre des nuages. Il fait plus froid, mais je préfère, au moins je peux avancer. Le trek dans lequel je me suis lancé ne m’a pas l’air aussi ardu que je ne le pensais. Malgré les vingt kilos, voir plus, sur mon dos, ma sacoche et la tente à la main, je n’ai pas grand peine à marcher.
Après l’ascension de quatre heure et trente minutes du Fuya Fuya ce matin, je me suis lancé en direction de Cochasqui, vingt-deux kilomètres plus loin. Vu l’heure déjà avancée, je dormirai une autre nuit dans le paramo, c’est certain, mais je vais essayer d’avancer un maximum aujourd’hui. J’atteindrai peut-être l’interminable descente qui me mènera aux ruines. Dîner en surplomb d’un site pré-inca, ça vous tente ?

Je viens de réaliser la partie la plus difficile. Il me fallait grimper deux cent mètres avant d’atteindre le point le plus haut du trek : 3800m. Cochasqui se trouve à 3000. Maintenant, ce n’est que de la descente. La brume s’est imposée dans la montagne, je ne vois pas à vingt mètres et quelques gouttes viennent de tomber… J’espère ne pas avoir de pluie…

Je me suis trouvé un petit coin à l’écart de la route de terre pour camper. J’ai marché (et fait des pauses) pendant quatre heures, un peu moins des deux tiers du chemin. Il sera facile demain de poursuivre jusqu’aux ruines. Je pourrai peut-être même être à Ibarra dans l’après-midi !
Il fait froid ici aussi, mais l’endroit a l’air plus abrité qu’à la lagune. Il y pousse une végétation plus dense, dont des arbres. Ces derniers sont habités par une foule de piafs qui chantent et ne cessent de survoler ma tente. J’ai réussi à me sustenter un peu, une demi boîte de thon et deux tranches de pain de mie. Avec ça, j’aurais mangé une guaba (genre de grande cosse verte de soixante centimètres dont l’on déguste la partie cotonneuse sucrée à l’intérieur) et une mandarine aujourd’hui. J’ai l’impression que l’altitude me coupe la faim. Je me force à manger, mais ça ne descend pas beaucoup. Je me demande bien pourquoi je trimballe des provisions… Et pour l’eau, comment fait-il vous demandez vous ! Je suis parti de Cotacachi avec deux litres, je les ai bus depuis longtemps, mais j’ai refait le plein directement dans les lagunes ! Je suis mort, je vais dormir comme un bébé….
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Mandoulis
Niveau 26
16 février 2014 à 12:21:04

Lundi 5 Novembre

Il a plus hier soir, j’ai ramassé la tente trempée…. Après les deux dernières heures de marche, m’y voici enfin ! Nulle parcelle d’ombre ne vient atténuer la nudité de ces vestiges archéologiques. Quinze pyramides tronquées témoignent de l’ancienne puissance des Quitu-Cara. Cette civilisation régna sur tout le nord de la sierra équatorienne de 500ap JC jusqu’à l’arrivée des incas en 1463. La position stratégique, à trois mille mètres d’altitude ainsi que la vision à 280° sur les vallées environnantes ont permis à la cité de Cochasqui de résister à l’envahisseur. Vers 1500, l’Empereur Huayna Capac épousera finalement une princesse quitu, scellant l’annexion du royaume de cette dernière au puissant voisin inca.
Les pyramides sont construites avec des blocs de cent soixante kilos taillés grâce à des pierres volcaniques, plus dures. Les rampes permettant leur acheminement au sommet sont toujours là, cachées sous un mètre de terre, comme tout le site d’ailleurs. Les constructions ne résisteraient pas à l’érosion, elles ont donc été ensevelies pour être conservées. Des chevaux paissent tranquillement sur le site, mais laissent les agaves, plantes grasses à l’allure de cactées, en paix. Cette dernière fleurit tous les sept ans, et le tronc alors produit était utilisé par les Quitu-Cara pour bâtir leurs maisons. Les feuilles, riches en fibres, fournissaient aussi bien du fil que servaient de base pour la préparation de la tequila.
La surface plane au sommet des pyramides servait soit de lieux d’habitations, soit de temples. Des calendriers solaires et lunaires ont été excavés sur l’une d’entre elles. Les édifices ne sont pas placés au hasard et reproduisent certaines constellations de par leur position. Les Quitu-Cara étaient fascinés par le ciel et tout ce qu’il contenait, comme la plupart des civilisations. Un peu plus bas s’élèvent des monticules appelés tolas. Ce sont des tombes. Ce peuple croyait en la vie après la mort et enterrait les siens en position fœtale dans de grandes jarres, avec tout ce qu’ils pouvaient nécessiter dans l’autre monde : habits, poteries, et même femmes pour les chefs !
Malgré mon estomac qui hurlait pour que je le nourrisse, la visite fut fort intéressante !

Je suis descendu jusqu’à un croisement, histoire de doubler mes chances de trouver un véhicule. Route de pierres défoncée, une petite brise pour soulever la poussière. Des plantes grasses, quelques arbres, des nuées de mouches et, bien sûr, le soleil au mieux de sa forme ! Comment puis-je décrire cet endroit reculé de tout mieux que cela ? Une première fourgonnette est passée, malheureusement complète. J’ai fini à l’arrière du pick-up suivant une demi-heure plus tard. Ils me déposeront à Cayambe, en pleine civilisation !

Je n’aurai même pas eu le temps de terminer mo premier bizcocho, viennoiserie typique de Cayambe, que je me trouvais déjà dans une autre voiture… J’aurais dû faire Pékin Express…
Déposé à Ibarra, j’ai rapidement trouvé un hôtel pour la nuit. Ce n’était pas si cher, et j’avais de toute façon besoin d’une douche chaude et d’un matelas moelleux pour ce soir. Je suis passé sur Internet, histoire de narrer mon fabuleux week-end à ma famille, mais ils n’étaient pas connectés… J’ai ensuite fait le tour des églises et des basiliques de la capitale de la province d’Imbabura. Rien d’exceptionnel ni de fantastique, mais les parcs plantés de palmiers et ceinturés de résidences coloniales sont agréables à parcourir. J’ai goûté les glaces de Rosalia Suarez, à base de jus de fruits et de blancs d’œufs. Pas un millilitre de lait ! Et elles sont délicieuses ! Retour dans ma suite nuptiale, j’ai mal aux jambes, je ne suis pas certain de voir la série télévisée jusqu’au bout…

Sujet : Sur la piste des Incas et...
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