Ne pouvant pas poster de test aussi long sur la page officielle de Mother 3, j'ai publié une critique (et non un test) qui j'espère, vous plaira.
"Bon. Là, on nage, on patauge puis on se noie dans le trouble.
L'un des seuls jeux qui range le jeu vidéo - jeu avant tout, donc pas une œuvre artistique telle quelle - au rang d'art. Voilà ce qu'est Mother 3.
Entendons-nous bien. Pour qu'un jeu vidéo soit représentatif de l'art vidéoludique, il faut que ses caractéristiques, à savoir les signaux envoyés par le joueur via des boutons, soient en totale adéquation avec l'énoncé du jeu en question, à savoir le scénario (apanage de la littérature, du théâtre puis du cinéma), le visuel (apanage de l'art visuel : sculpture, peinture, architecture, théâtre) et le son (apanage de la musique, puis du cinéma).
Or on confond souvent ce qu'on peut appeler "art" dans le jeu vidéo avec ce qu'on appelle communément "art" dans le cinéma. C'est à dire un enchevêtrement "bâtard" des trois caractéristiques sus-mentionnées. Et l'art cinématographique est justement considéré comme art car des Hommes intelligents ont vu dans ces images en mouvement un moyen d'expression sublimant les autres arts car non cloitré, donc ultime.
Très peu sont les jeux vidéos à rentrer dans cette catégorie. Zelda Majora's Mask, Chrono Trigger, Dragon Quest VIII, Final Fantasy IX (ici on y est presque, mais on se sent encore dans un jeu vidéo avec tous les "défauts" d'implication qu'il comporte - nous nous étendrons plus tard sur le sujet -)
Ici, il sera donc plus question de critique que de test.
Mais commençons par le test :
Jouabilité (le plus important hein) : tout répond parfaitement, l'ajout d'un système de jeu de rythme pendant les combats apporte une implication supplémentaire de la part du joueur
Graphismes : un aboutissement de la 2D des années 1980-1990's, avec des animations d'une justesse absolue.
Son : Dantesque, dans tous les sens du terme. Tout est parfait. Çà dérape, ça gargouille, sa fuse de tous les côtés, ça apaise, ça émeut, ça inspire, ça expire, ça respire, ça vit. Quasiment jamais une bande-son n'a été aussi magnifique et en accord avec tout ce qui se passe derrière un écran. Et ce malgré le processus sonore. On en reste sous le choc.
Durée de vie : Suffisante pour qu'on ne se lasse pas et que le tout soit cohérent, comme un certain Chrono Trigger, en légèrement plus long (une vingtaine d'heures contre une douzaine pour ce dernier).
Cette partie (la moins intéressante concernant Mother 3) étant expédiée, nous allons pouvoir parler de l’œuvre en tant que telle - Et d'avance, excusez le lyrisme exacerbé de ces quelques lignes qui vont suivre -
Lucas, Claus, Flint, Hinawa, Boney, Duster, Kumatora, Salsa, Fassad, P****, C****, Dr A*******
seront les destinées que vous êtes supposé avoir au bout des doigts.
L'aventure est extrêmement linéaire, jusqu’au-boutiste même à ce niveau, et ce qui tranche avec ce casting peu alléchant de prime abord (respectivement un gamin pleurnicheur, un gamin courageux et impulsif, un cow-boy, une mère au foyer aimante, un chien, un voleur estropié, une princesse, un singe, son maitre, un ********************biiiiiiiiiiiip), c'est la fatalité qui s'abat sur le joueur, qui est clairement sollicité dans le jeu (les regards caméra et appel à la personne qui tient la console entre ses mains sont fréquents).
Le joueur est constamment pris à partie dans le petit théâtre qui se joue devant lui, et est impuissant face à ce qui arrivent aux personnages qu'il voit évoluer, vivre et survivre. Le quatrième mur est constamment brisé, la musique rythme chaque instant de manière adéquate et le joueur est quasiment harcelé par son écran. Il ne peut que juger, se sentir à la fois désolé et encouragé par ce qu'il se passe sous son nez sans ne pouvoir rien y faire (en tout cas pas grand chose de radical).
On est quasiment dans le théâtre épique théorisé par Bertolt Brecht, concernant l'implication du spectateur, le jugement qu'il doit apporter et la provocation faite à son encontre.
Maintenant, le rapport entre les boutons et ce qui se passe derrière l'écran.
Tout d'abord, le choix de mixer les combats de type J-RPG classique à un jeu de rythme (non obligatoire, pour en rassurer certains) est une grande idée, non seulement pour éviter la lassitude, mais pour que le joueur sente qu'il fait ses propres combats, qu'il y est impliqué en tant que personne, et non qu'il connait simplement les algorithmes habituels, à savoir la stratégie adéquate et autres automatismes habituels à ce type de jeu.
A ce titre, on nous demande assez tôt dans le jeu d'entrer le nom de la personne qui joue (pas des personnages, non, ça arrive dès le début, mais de la personne qui joue, "derrière l'écran"), nom qui apparaitra dans le générique de fin et sera remercié et félicité à maintes reprises durant ce dernier (comme c'était déjà le cas dans Mother 2 par ailleurs).
Ne nous étendons pas sur les émotions, insondables, indescriptibles par les mots, où l'on se surprend à être touché par un singe qui détruit avec rage une télécommande, un travesti dormeur qui attend fatalement sa mort provoquée par le joueur, un père de famille taciturne prêt à tout sacrifier pour (re)trouver ce qui lui reste, des villageois qui prennent gout sans raison particulière au luxe, deux autres villageois qui s'aiment mutuellement au fil du temps sans se rendre compte que leur timidité les laisse dans un mare d'incertitude les paralysant, etc.
Tout cela semble très peu intéressant voire cliché, mais le fait d'évoluer avec ces personnages, et la mise en scène de certaines de ces scènes sont d'une justesse à couper le souffle. Et voilà une chose qui est typique au jeu vidéo, et qui ne fait pas dans le cinéma attardé comme beaucoup de jeux qui ont pour réputation d'avoir "un bon scénario". Ici, le joueur n'est pas spectateur. Il est acteur, comme mentionné plus haut. Les endroits et les époques où il voyage (on n'est pas dans Chrono Trigger évidemment, ici la courbe spatiotemporelle est linéaire) sont comblés de personnages déjà rencontrés et de références. Jusqu'à l'excès, peut-être : quand tous les habitants d'un petit village se retrouvent dans la plus grande ville du monde et en sont les principaux habitants, on fait mine de ne pas notifier cette incohérence, tant le voyage est singulier.
Il y'aurait tant à dire sur cet objet qu'est Mother 3 que les mots manquent, s'envolent, flottant jusqu'à s'écrouler, dévalant un torrent des larmes que les personnages et le joueur retiennent sans cesse jusqu'à un final qui apparait comme une apothéose, une libération et surtout un sentiment que rien ne sera plus comme avant nulle part, derrière l'écran et devant l'écran.
Shigesato Itoi, bravo
Shogo Sakai, merci
Les animateurs, merci
Nintendo, qu'attendez-vous pour assumer l'un des chef-d’œuvre absolu du jeu vidéo et le localiser dans le monde occidental ? Il pourrait presque être envoyé dans l'espace !"