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The Elder Scrolls V : Skyrim

Sujet : [Fic] Au cœur de la tempête
TheEbonyWarrior
Niveau 35
28 novembre 2016 à 22:27:17

Chapitre 53

Dans la taverne, les hurlements des ivrognes se mêlaient à la lutte que menaient les deux compétiteurs. Shezarr observa son adversaire sous le bord de la capuche qui lui masquait le haut du visage. Un grand khajiit brun au visage de tigre, aux bras épais comme des troncs, qui était sans mal parvenu en finale. La poigne du félin était en effet incroyable, et il gagnait peu à peu du terrain sur le rougegarde, ne lui laissant que quelques centimètres de marge avant que son avantage ne disparaisse. Son coude s'enfonça douloureusement dans le buffet, alors qu'il tentait de stopper l'avancée du colosse, dont le front était désormais parcouru d'énormes veines, sous le coup de la force et de la concentration déployées. Le khajiit remonta à la verticale malgré les efforts du voyageur pour l'en empêcher, et se mit même à gagner du terrain, millimètre par millimètre.
Shezarr sourit furtivement, secoua la tête, et cessa de chercher une victoire conventionnelle, convaincu que son opposant avait encore de la réserve, et l'écraserait au premier signe de faiblesse de sa part. Il banda néanmoins ses muscles, et parvint à regagner un ou deux centimètres au prix d'un effort non négligeable. Les bras des deux finalistes s'immobilisèrent alors, à mi-chemin entre les deux côtés du comptoir. La sueur leur coulait du front, bien que nul ne soit préoccupé d'autre chose que de leur affrontement. Autour d'eux, les spectateurs, en transe, acclamaient joyeusement leur participant favori, faisant trembler les murs de la taverne. La récompense avait de quoi faire plus d'un envieux, et la finale rassemblait deux hommes qui avaient respectivement écrasés tous leurs adversaires précédents. Pour le khajiit, il s'agissait autant d'une question honneur que d'argent, mais le rougegarde ne considérait pas les choses ainsi.
Soudain, Shezarr réduisit presque entièrement sa force, et son opposant n'osa pas forcer, intrigué. Alors qu'une lutte interne s'entamait pour le félin, qui redoutait un piège, l'homme chuchota, de manière à ce que seul son adversaire puisse l'entendre :

- J'abandonne.

Au moment où les yeux du khajiit se plissaient, cherchant à savoir s'il s'agissait d'une feinte ou non, le rougegarde enfonça ses talons dans ses bottes, posa la main gauche sur sa cuisse, et poussa de toutes ses forces. Bénéficiant du détournement d'attention que sa déclaration avait provoqué chez son opposant, ainsi ancré dans le sol, ses chances de victoire venaient d'exploser. La main du félidé s'écrasa violemment contre la table, tandis que la sienne y restait fermement agrippée, comme pour assurer sa victoire.

- Impossible ! s'indigna immédiatement un vieillard qui assistait à la compétition. Battre Jal-Aiq au bras de fer ? Il n'a jamais perdu, et un vulgaire nomade parvient à décrocher la victoire ? Un maléfice, rien de plus !

- Non, vieil homme, répliqua le rougegarde en se levant. Les règles étaient claires, et personne ne peut contester le résultat. J'ai bien mérité ma récompense, je crois.

- Toi... marmona le khajiit, à bout de nerfs. Tu n'as pas joué de manière loyale ! J'exige une revanche !

- Je vais me contenter d'une victoire, rétorqua distraitement Shezarr en attrapant au vol la récompense que lui avait lancé le gérant, maitre des paris et organisateur de la compétition.

Le félin renifla bruyemment, écumant d'orgueil, ouvrit sa besace, en tira une bourse pleine à craquer, et la brandit face au vainqueur, l'air mauvais. Lorsque le rougegarde s'en approcha, il la retira vivement hors de portée, et lui adressa un geste obscène.

- Main gauche, grogna le perdant en se mettant en position, un regard assassin sur le visage.

Le rougegarde sourit, estima un instant la somme qu'il venait de contempler, et prit finalement place sur son tabouret. Il agrippa fermement la main de son adversaire, presque deux fois plus grosse que la sienne. Cette fois-ci, la ruse ne fonctionnerait pas. Mais peu lui importait.

- Main gauche, tu en es certain ? fit Shezarr, dubitatif.

- Ne te fous pas de moi, grogna le félin. Je suis aussi puissant du côté d'un côté que de l'autre, figure toi. Et ce n'est malheureusement pas ton cas, vu comment tu te tiens bancalement. Tu n'as pas l'habitude d'utiliser cette main, n'est-ce pas ?

- Non, c'est le moins qu'on puisse dire...

- On dirait bien que les mensonges et les stratagèmes ne sont plus ton fort, serait-ce en raison de la peur ? Allez, tu es prêt à perdre l'argent que tu viens miraculeusement de remporter ?

Alors que l'assemblée se mettait à échanger fébrilement sur l'issue de l'affrontement, le serveur, qui avait noté le montant de la victoire précédente, s'avança, et frappa dans ses mains.

- Allez-y !

Un choc sourd retentit, accompagné d'un vague gémissement, mais tout fut noyé par les acclamations du public. Cependant, les cris laissèrent place aux murmures en quelques secondes seulement. Tout le monde s'était figé.
Le khajiit, hébété, baissa les yeux et contempla sa main sanguinolente, enfoncée de plusieurs centimètres dans la table par celle du rougegarde.

- Que...

Shezarr se leva, s'empara de la bourse avec un sifflement satisfait, rabattit un peu plus sa capuche sur son visage, s'inclina devant l'assemblée inquiète qui s'était formée autour de la scène, et quitta la taverne sans tarder, laissant son adversaire déchaîner sa rage.
Le ciel qu'il retrouva s'était considérablement assombrit, et la fin d'après-midi durant laquelle il s'était engouffré dans la taverne avait laissé place à une nuit d'hiver désertique.
Neloth l'attendait à la sortie, adossé contre la facade d'une maison en ruines, à moitié visible grâce à la lumière jaillissant de l'auberge.

- Alors ? fit le jeune Dunmer, hésitant.

Shezarr sourit et lui montra fièrement son butin.

- Je pense qu'il y a de quoi échanger nos chameaux pour de nouvelles montures, dit-il pensivement. Nous allons pouvoir repartir d'ici demain, si le temps le permet. Et à cheval, en plus de cela.

L'elfe noir émit un soupir de soulagement. Ils allaient pouvoir continuer leur route sans passer plus d'une nuit à Skaven.
Depuis quelques semaines, ils avaient adopté une stratégie simple mais efficace, afin de pouvoir avancer rapidement pour des efforts modérés. Dès qu'ils pénétraient dans une nouvelle ville ou un nouveau village, ils se séparaient, et traversaient la cité chacun de leur côté. Tandis que Shezarr se chargeait de repérer tout ce qui pourrait lui assurer une somme convenable pour se réapprovisionner en vivres, Neloth parcourait les lieux à la recherche d'une auberge modérément chère, mais à l'abri des envieux.
En raison du long trajet qu'ils effectuaient, le risque que le rougegarde soit suivit ou détroussé de sa bourse par ceux qui lui avaient donné était considérablement réduit, et ils pouvaient passer une nuit au chaud, sans craindre les potentiels dangers qui habitaient les quartiers modestes une fois le soir tombé.
Mais Skaven était la première grande ville dans laquelle ils faisaient escale depuis leur départ de Sentinelle, et le nombre astronomique de passants s'avérait être un sérieux problème lorsqu'il s'agissait de conserver son or durablement. Ils avaient donc préféré faire route ensemble tout en restant vigilants, en évitant les quartiers marchands, souvent noirs de monde, et les zones aisées, où le coût de l'asile se révélait bien trop élevé. Ils se trouvaient donc dans une zone peu recommandable, fréquentée exclusivement par les chasseurs de primes, mercenaires et espions en service. Les quelques gardes qu'ils avaient croisé en s'aventurant dans les bas-fonds étaient prudents, et surveillaient fébrilement leurs alentours. L'odeur de la misère se mêlait ici à celle du meurtre et du vol, embaumant les rues d'un parfum âcre et sordide. Malheureusement pour les deux voyageurs, la nuit était bien avancée, et il était exclut de la passer dehors, dans un endroit plus proche du coupe-gorge que des quartiers modestes dont ils se contentaient d'ordinaire. Ils allaient donc devoir trouver une auberge rapidement, au détriment de la sécurité.

Un rougegarde titubant sortit de la taverne, un verre à la main, et s'adossa à la maison détruite, juste à côté de Neloth.

- C'tait un g... grand m'ment. Jal-Aiq est fu... furieux d'sa défaite, v'pouvez m'croire. V'nêtes pas du co... pas du coin, n'est-ce pas ?

- Nous voyageons sur les routes de Tamriel depuis sept ans afin de former les volontaires aux arts martiaux, mentit Shezarr avec une aisance et une spontanéité surprenantes. Mais nous préférons garder l'anonymat.

Le regard entendu qu'il jeta à Neloth lui indiqua qu'il ferait mieux de rester en retrait pour le moment.
L'ivrogne reprit, hoquetant, un grand sourire en travers de la figure.

- Oh... Oui, nat'rellement, l'ano.... L'anonym... Enfin, vous faites b... bien. C'pas un... coin pour les voyageurs, ici.

Le rougegarde hocha la tête avec une approbation exagérée, et se traîna de nouveau vers la taverne, ayant vidé sa choppe. Neloth jeta un coup d'œil à son compagnon.

- Les arts martiaux ? Vous auriez pu trouver mieux, tout de même...

- On est jamais trop prudent, fit ce dernier. Autant les intimider tant que nous le pouvons encore, nous n'en seront que plus serein cette nuit. Allez, ne traînons pas. Il fa commencer à faire froid.

La température chuta en effet rapidement, les plongeant en seulement quelques minutes dans un froid intense. Ils se fondirent entre les batiments délabrés, grelottants, et disparurent à l'angle d'une ruelle. Ils poursuivirent leur chemin, à la recherche d'un lieu où dormir. L'architecture splendide des quartiers riches laissait ici place à un style plus ancien, qui aurait pu avoir son charme si la zone n'avait pas été laissée à l'abandon. Les pavés du sol étaient délogés, parsemant parfois leur chemin de longues ouvertures remplies de sable. Les bâtiments, dont certains étaient au bord de l'effondrement, semblaient tassés par le poids de la misère, et leurs facades craquelées étaient couvertes d'avis de recherche illisibles ou déchirés. Les passants étaient rares, et hâtaient le pas, faisant de leurs ombres de longues traînées sombres glissant sous les lumières éparses des torches malmenées par le vent.

Alors qu'ils débouchaient sur une rue à peine plus large que les précédentes, un écriteau attira l'attention de Neloth, qui donna un discret coup de coude à son voisin. Le silence semblait les écraser, les dissuadant de parler de peur d'attirer l'attention d'individus peu recommandables.
La facade de l'auberge, une vieille bicoque en bois, n'était illuminée que par la lanterne rouillée accrochée à la poignée de la porte. Sur le panneau était écrit «Bienvenue au Vasard Mouvant».

TheEbonyWarrior
Niveau 35
28 novembre 2016 à 22:28:55

Shezarr poussa doucement la porte avec sa main gauche, et le Dunmer remarqua avec un frisson qu'il gardait l'autre crispée sur le pommeau de son épée. Ils pénétrèrent dans une pièce sombre, d'une dizaine de mètres de côté, uniquement meublée de deux tables rondes et d'un comptoir, sur lequel un homme dormait, la tête entre les bras. Le plafond, très bas, était à seulement quelques centimètres de leurs têtes, ne leur laissant que peu de mobilité.
Le rougegarde jeta un oeil à la salle : un long manteau sur une chaise, une dague plantée dans un tas de cartes, sur une table, et beaucoup de poussière. Il n'y avait visiblement aucun autre client. Il s'approcha du gérant, et donna un petit coup de pied dans le buffet, le réveillant en sursaut. L'homme redressa la tête, révélant un vieillard au visage buriné et aux dents gâtées.

- Bienvenue au Vasard Mouvant, fit ce dernier d'une voix éteinte par la somnolence. Je vous sers quelque chose ?

- Deux chambres pour la nuit, dit le rougegarde. Ca fera combien ?

- Quatre septims par personne en temps normal. Mais vu que vous déboulez aussi tard et que vous avez pas l'air franchement décidés à pioncer dehors, ca fera seize septims pour vous deux. Et puis, vous avez l'air louche avec votre capuchon, vous. Moi, j'veux pas d'ennuis !

Shezarr déposa douze pièces sur la table, et monta l'escalier sans attendre de réponse. Le propriétaire acquiesca, s'empara de la somme, et Neloth suivit son compagnon dans l'obscurité.
L'auberge n'avait probablement pas reçu de visiteurs depuis plusieurs semaines. Au premier étage, les marches donnaient sur un corridor sans éclairage, dont chaque côté donnait sur deux chambres. Au fond, une porte condamnée, donnant probablement accès au palier supérieur, était perçée de trous et couverte de moisissures.

- On dirait bien que l'entretien n'est pas son fort, soupira le rougegarde en se dirigeant vers la porte du fond. Tu préfères la chambre côté rue ?

- Non, ca ira, refusa l'elfe.

Son interlocuteur haussa les épaules, et s'engouffra dans la pièce de gauche. Neloth fronca les sourcils, et rejoignit son compagnon.

- Je... C'est ma chambre, il me semble...

- Ne sois pas stupide, répondit Shezarr. On ne se sépare pas. Pas dans un quartier comme celui-ci. Et, bonne nouvelle pour toi, il y a deux lits.

- Je... Tu as raison, approuva finalement le jeune Dunmer en fermant la porte derrière lui.

- Au fait, ta blessure va mieux ?

Neloth passa pensivement la main sur sa tunique. La plaie la moins profonde avait à moitié disparue, laissant une unique cicatrice barrer sa poitrine en diagonale. Sa peau resterait plus claire à cet endroit là, d'un bleu pâle, fantomatique.

- Je n'ai rien sentit depuis deux jours, annonça t-il. À condition de ne pas agir imprudemment, je pense que je n'aurais plus de problèmes.

- Et bien, fit le voyageur en s'étendant sur sa couchette, nous pourrons avançer sans retenue, dans ce cas ! Cette bonne nouvelle conclut notre journée ! Essaye de dormir, nous nous levons à l'aube, demain.

Ce n'est qu'en s'allongeant sur son matelas que le jeune elfe noir prit conscience qu'il tombait de fatigue. Malgré l'inconfort que lui procurait la couche de paille, il se mit bientôt à bailler, puis ferma les yeux. En passant la main le long de son omoplate, il sentit la lettre de Dakin, dissimulée entre deux couches de tissu. Il avait voulu l'ouvrir, pendant un temps, mais s'était finalement retenu. Il avait déjà assez à penser pour ne pas s'encombrer l'esprit davantage. Le Dunmer eût une pensée pour lui et Aris. Ils étaient probablement déjà arrivés à Daguefilante depuis plusieurs jours. Et il espérait les revoir le plus vite possible. Il avait des questions, beaucoup de questions...

- Shezarr, je peux te demander quelque chose ? glissa le Dunmer en posant sa tête sur son bras replié.

- Bien sûr, répondit celui-ci à voix basse. Un problème ?

- Non, je voudrais juste savoir où tu allais. Tu m'as prévenu que nous nous séparerions le moment venu, mais la route vers Cyrodiil est dépassée depuis longtemps, et atteindre Hauteroche va se révéler difficile puisque nous en sommes maintenant séparés par les montagnes de la Queue de Dragon. J'en déduis que tu fait aussi route vers Bordeciel ?

- Et bien...

Le rougegarde sembla hésiter. Dans la pénombre, Neloth crû le voir se retourner brusquement, et entraperçut la lueur de son regard perçant, en dessous de son éternelle capuche de jute.

- Lorsque je suis né, sur l'île de Balfiera, je fus abandonné par mes parents, et recueilli par une famille de commerçants. Mais, pour des raisons que je préfère garder privées, ils ont fini sur la paille, et m'échangèrent contre quelques pièces d'or, au cours d'une vente clandestine. Après plusieurs années de servitude, je fit la recontre de quelqu'un, un jeune rougegarde arraché à une enfance heureuse, tout comme moi. C'est grâce à lui que j'ai pu m'échapper vers la Cité Impériale. Mais il a du rester en arrière pour couvrir ma fuite, et je ne l'ai jamais revu. Si je suis ici, faisant route vers le nord, c'est en raison d'une promesse que nous nous étions faite, autrefois. Je ne l'ai pas retrouvé ni à Lenclume, ni en Hauteroche, mais je dois le persévérer, quitte à y passer ma vie. Je ne l'ai pas encore remercié, et je compte bien le faire.

Le rougegarde ricana, et reprit :

- Désolé. Je suppose que tu devais t'attendre à quelque chose de bien plus spectaculaire venant de moi, non ?

Neloth, ne répondit pas, terrassé par la fatigue et les semaines de voyage qu'il avait effectué. Le voyageur sourit, rabattit sa couverture sur son visage, et s'endormit.

Le réveil du lendemain fut brutal.
Le gérant poussa la porte en beuglant, à moitié assommé par une consommation d'alcool excessive.

- Bienvenue au Vasard Mouvant ! Allez, vot' nuit est passée, bande de salauds ! F-f-foutez-moi le camp maintenant !

Les deux compagnons, passablement brusqués par un tel vacarme, se levèrent en gémissant, et plièrent bagage au plus vite afin d'éviter que le vieillard ne réveille tout le quartier.
Lorsqu'ils sortirent, les reflets dorés sur le sommet des plus hauts édifices les informèrent que le soleil entamait tout juste son entrée dans le ciel.

- Bien, acquiesca Shezarr. Maintenant, les chevaux. Tiens, voilà la moitié de la somme, au cas ou nous nous perdrions de vue.

Neloth bailla, cligna des yeux plusieurs fois, et hocha péniblement la tête en prenant une bourse presque pleine, qu'il rangea dans son sac, à l'abri des regards.

- Tu as quelque chose de particulier à faire en ville ? reprit le rougegarde. C'est notre dernier arrêt avant un moment...

- Non, je pense que ca ira. Plus vite nous serons parti, plus vite nous arriverons, n'est-ce pas ?

- Alors en route ! s'exclama Shezarr en souriant de plus belle.

Ils partirent sans plus tarder.
Étrangement, le Dunmer ne ressenti cette fois-ci pas le malaise qui l'avait envahi le soir précédent, mais demeura alerte au cas ou les choses tourneraient mal. Ce ne fut heureusement pas le cas, et le jour fut rapidement levé. Le ciel, d'un bleu grisonnant, fut soudain envahi de nuages rougeoyants, faisant de la voûte une véritable mer de flammes au dessus de leur têtes. Ils quittèrent le quartier au bout de quelques minutes de marche, et poursuivirent en direction du Nord, là ou se trouvaient les ecuries les plus proches. Les premiers passants firent leur apparition, et se multiplièrent, comme si la ville revenait lentement à la vie.
Brusquement, alors qu'ils débouchaient sur une artère plus importante, au coin d'un temple, la foule se déversa sur eux. L'animation était telle qu'il leur sembla redécouvrir les sons, les odeurs et les couleurs propres aux vivants. Partout, des étals d'épices, de tissus, de vêtements et de fruits, devant lesquels se pressaient des centaines d'acheteurs. Les bâtiments, reposants sur d'imposantes colonnes de pierre rouge, formaient autant de galeries à l'abri de intempéries, dans lesquels musiciens et cracheurs de feu fourmillaient joyeusement. Au milieu de la rue, une charette passait, remplie de sel et de poissons, faisant s'écarter la cohue tel l'aileron d'un requin dans les vagues.

- Fait attention à ta bourse ! cria le rougegarde pour couvrir le brouhaha de la foule.

- Comment ? hurla Neloth, sans parvenir à se faire entendre davantage.

Shezarr secoua la tête, et tapota sa ceinture, permettant au Dunmer de comprendre le message. Ce dernier hocha la tête, et posa nerveusement la main sur son havresac, afin d'écarter tout risque. Ils s'enfoncèrent encore dans la ville, puis la foule se dissipa modérément, les laissant respirer.
Ils furent momentanément séparés par le passage d'une troupe de danseurs itinérants, mais continuèrent d'avancer, tout en restant proches pour ne pas se perdre. C'est alors que le regard méfiant de certains passants attirèrent l'attention du jeune elfe.
Il s'en rendit compte au bout de quelques secondes supplémentaires : lui et Shezarr étaient dévisagés. Les marchands s'écartaient sur leur passage, les gardes les suivaient suspicieusement du regard, et il lui sembla que quelque chose n'allait pas. Puis il comprit.

Là où le quartier duquel ils provenaient, hanté par une fourberie sans honte, ne faisait d'eux qu'un duo de simples voyageurs, celui-ci les transformait presque en hors-la-loi. Autour d'eux, les habitants étaient richement vêtus, les étalages affichaient des prix insensés, et l'architecture des bâtiments suffisait à peine à refléter la noblesse de ceux qui y vivaient.
Un rougegarde, cachant jalousement son visage, et un Dunmer, chose exceptionnelle en Martelfell, ne pouvaient inspirer la confiance des habitants. Vêtus comme des nomades, marchant avec empressement, jetant des regards pressés autour d'eux, ils avaient plus l'air de fugitifs que d'humbles voyageurs. Neloth commençait à comprendre pourquoi Dakin avait la foule et la noblesse en horreur. Trop de regards, trop d'individus cherchant à juger avant de connaître. Et aucune chance de s'intégrer, à moins d'y mettre des efforts conséquents. L'elfe noir fit part de ses inquiétudes à son compagnon de route, mais ce dernier, l'air fermé, ne lui prêta même pas attention, et continua d'avancer d'un pas hâtif.
Depuis quand était-il aussi pressé ? Un instant plus tôt, le rougegarde avait l'air parfaitement détendu, et il marchait désormais sans s'arrêter, le regard fixé sur l'horizon. Avait-il remarqué autre chose ?

TheEbonyWarrior
Niveau 35
28 novembre 2016 à 22:29:13

Shezarr sembla prendre conscience l'inquiétude de son acolyte, et se tourna vers lui :

- Ne t'arrêtes surtout pas. Et ne regarde pas en arrière.

Neloth écarquilla les yeux. La voix du rougegarde venait de résonner directement dans sa tête, lui emplissant la boîte crânienne avec une intensité incroyable. Ce genre de sortilège, bien que basique en apparence, demandait des années d'entraînement à moins d'avoir un professeur digne de ce nom.

- Ne pas me retourner ? Mais... Pourquoi ? articula le Dunmer en fronçant les sourcils, une fois la surprise passée.

Sans un mot, son compagnon le traîna brusquement sur le côté, et le fit passer entre le mur d'un bâtiment et la cargaison d'une charrette que l'on déchargeait. Shezarr s'accroupit, et fit signe à l'elfe noir d'en faire de même.

- Nous sommes suivis, fit le rougegarde avec empressement. Depuis que nous sommes sortis de l'auberge dans laquelle nous avons passé la nuit, il y a quelqu'un derrière nous.

- Mais... Quoi ?

- Je n'en était pas certain, mais c'est maintenant le cas. Regarde discrètement de ce côté... S'il t'aperçoit, n'agit pas brusquement, et détourne lentement le regard.

Le Dunmer déglutit, passa prudemment la tête au dessus de la charrette, et balaya la rue des yeux. Heureusement, le flot de passants et de marchands s'était quelque peu tari, et il profita de l'accalmie pour observer attentivement. Un seul groupe de personnes était susceptible d'attirer l'attention.
Une trentaine de mètres plus loin, deux femmes brétonnes discutaient tranquillement avec un impérial, près de l'étal d'un grand rougegarde en tenue dorée. Ce dernier, à priori un vendeur de tapis, à en juger par l'allure de son échoppe, était en train de marchander avec les trois autres. Tout avait l'air normal. Cependant, une étrange impression de malaise venait de s'emparer du jeune Dunmer, comme si quelque chose les guettait. Peut-être était-ce juste l'effet de la déclaration de son compagnon, mais il se sentait désormais observé.

- C'est l'impérial, lui chuchota Shezarr sans se redresser. Ne bouge pas trop brusquement, il pourrait nous surprendre...

Neloth observa de nouveau l'homme. Vêtu d'un long manteau blanc dont les deux pans se séparaient à mi-cuisse, il portait une épée à la ceinture, et le col de son vêtement était déformé par ce qui pouvait ressembler à un bâton de combat caché dessous. Ses cheveux blancs cassants lui coulaient sur la nuque comme un voile nacré, et tombaient dru le long de ses tempes, masquant ainsi les contours de son visage.
L'elfe noir plissa les yeux, et se rendit compte que l'individu ne parlait pas aux femmes, ni même au marchand qui le dévisageait. Il était simplement debout, droit comme une tombe, et n'esquissait pas le moindre mouvement. Alors qu'un nouveau torrent de passants déferlait le long de la rue, Neloth se baissa de nouveau, et adressa un regard interrogatif au rougegarde.

- Attends une minute, fit alors le Dunmer. Comment sais-tu qu'il s'agit d'un impérial ? Son visage est caché.

- Tu ne le reconnais donc pas !? rétorqua le rougegarde à voix basse, presque indigné. C'est Petrus Cicere, enfin !

L'expression du jeune voyageur se métamorphosa dans la fraction de seconde qui suivit.

- Quoi !? Le légendaire chasseur mandaté par l'Empereur en personne ? Dakin m'en a vaguement parlé. Mais... n'est-il pas censé n'officier qu'en Cyrodiil ?

- Visiblement pas, fit Shezarr en se penchant à son tour.

- Tu es certain qu'il nous suit ?

- Oh, tu peux me croire sur parole. Mais je n'ai pas la moindre idée de ce qu'il nous veux. Tu as déjà trafiqué avec un groupe de vampires par le passé ?

- Je... non ! s'exclama Neloth, s'attirant ainsi le regard suspicieux de plusieurs habitants.

- Moi, une seule fois. Et c'était il y a des années. Pas de quoi faire se déplacer une légende vivante à des centaines de kilomètres de chez elle, en tout cas.

- Allons lui demander directement, alors...

Le rougegarde se retourna, horrifié. La simple expression de son compagnon lui donna l'impression qu'il venait de dire quelque chose d'insensé. Et pourtant...

- Si il est aussi bon que ce que les histoires le disent, nous n'avons aucune chance de lui échapper, non ? Alors, finissons-en maintenant, et repartons au plus vite une fois fixés.

- Ma parole, mais tu es devenu complètement fou ! Tu n'as donc aucune notion du risque que nous encourons ?!

Le Dunmer comprenait de moins en moins ce qu'il se passait.

- N'est-il pas censé être un homme vertueux ? Je veux dire, nous n'avons rien à nous reprocher ! Et je ne vois pas pourquoi il en aurait après nous ! C'est un chasseur de monstres, pas un tueur psychopathe !

- Pas si fort ! lui intima le voyageur en levant la main. Ces histoires que tu entends sur lui ne sont que des mensonges, Neloth. Ce que tu sais de cet homme t'a été apprit par des ignorants, eux-mêmes instruits par des individus ne sachant pas de qui ils parlaient...

Sous la réflexion de son protégé, Shezarr reprit :

- Il y a... Des rumeurs qui courent sur cet homme. Évidemment, tu n'en saura rien en restant dans le genre de quartier où nous nous trouvons actuellement. Mais, fais-moi confiance, il faut se méfier de lui comme de la peste...

L'elfe n'avait jamais vu son acolyte si sérieux. Les bras crispés, les front gouttant de sueur, le dos courbé, comme une créature acculée par un chasseur. Soudain, Neloth fut prit d'un sentiment de malaise.

- Attends, n'est-il pas censé chasser les monstres uniquement ? Dans ce cas, pourquoi devrions nous... ?

Le Dunmer suspendit sa phrase. Un sombre pressentiment s'était insinué dans son esprit.

- Tu... Tu n'as rien à te reprocher, n'est-ce pas ? fit-il d'une voix peu assurée.

Le rougegarde l'observa un instant, soupira, et passa derrière lui. Doucement, l'elfe releva la tête. À peine son regard montait-il au dessus de la charrette qu'il se posa sur Petrus. L'impérial se tenait debout, face à eux, à moins de trois mètres, les dévisageant froidement.
L'elfe sursauta, fit un mouvement en arrière, mait se prit les pieds dans un sac de toile et trébucha. Dans son dos, Shezarr s'était déjà levé, et avait commencé à courir, le laissant seul, acculé entre la charrette et le bâtiment.

Lorsque l'impérial se mit à avancer vers lui, d'un pas lent et pesant, le cœur du Dunmer sembla s'arrêter de battre. Il voulut relever la tête, sans succès. Il ne pouvait même plus bouger, cloué sur place comme un insecte sous le regard d'un dragon. Car tel était l'écart qui les séparait. Le traqueur parvint devant lui et s'arrêta sans bruit. Neloth resta de longues secondes, recroquevillé ainsi, écrasé de culpabilité, tel un enfant prit en train de voler. Et, même s'il était certain de n'avoir enfreint aucune loi, le regard de l'individu le dominant de toute sa hauteur semblait pénétrer son esprit, s'y insinuant avec aisance, à la recherche d'information ou de preuves dont il n'avait même pas confiance. Il se sentait démuni, incapable de supporter un simple coup d'œil de la part de cet homme.

- Montre moi ta main.

Neloth, sans même être effleuré par la pensee de refuser, tendit sa main à l'impérial, qui l'observa un instant.

- Merci.

La voix de l'homme était plus douce que ce à quoi il s'était attendu. Cela sembla dissiper quelque peu la peur qui lui comprimait les entrailles, et il leva les yeux, après quelques instants.

Le bas de son visage, recouvert par de larges bandes de tissu, était surmonté de de yeux d'un bleu vif polaire, de joues sans pommettes, et d'un front droit recouvert de mèches couleur ivoire.

- Tu n'as aucune idée de ce à quoi tu viens d'échapper, n'est-ce pas ?

L'elfe noir contempla son poignet, sans comprendre. Il n'y avait rien, rien d'autre que de la peau et un peu de poussière. Pourtant, il ne pouvait s'empêcher de le fixer, soudain fasciné par les lignes sombres que traçaient ses veines sous sa chair.

- Qu'est-ce que j'ai fait ? grinça t-il soudain. Qu'est-ce qu'IL a fait ?

- Il te retrouvera à l'odeur, ajouta Petrus sans répondre à sa question. Alors, lave toi les mains dès que possible. Change aussi de vêtements.

- Je suppose que je dois vous remercier de... quelque chose ?

- Non. Contente-toi de survivre. La route jusqu'à Blancherive est longue.

Le Dunmer porta vivement la main à son propre vêtement, indigné. La lettre n'avait pourtant pas bougé d'un pouce.

- Comment...

Petrus venait de tourner les talons, laissant les habitants s'écarter prudemment sur son passage.
La foule qui s'était formée autour d'eux se referma autour du Dunmer lorsque le chasseur disparut au loin, laissant le jeune elfe seul, assit dans le sable, foudroyé par des dizaines de regards inquisiteurs.
Brusquement, il se leva, empli d'une rage inexplicable, et tourna les talons, jouant des coudes avec une brutalité qu'il ne se connaissait pas. Il se précipita au hasard dans les ruelles, sachant à peine où il se dirigeait.
Ses pensées fusaient comme une pluie d'éclairs, mais aucune ne faisait sens. Il n'avait absolument aucune idée de ce qu'il venait de se passer. Shezarr, Petrus, Blancherive, la lettre que Dakin lui avait confiée...
Soudain, le Dunmer saisit son poignard, et déchira d'un coup sec la couture de sa tunique au niveau de l'épaule gauche. Il en sortit précipitamment la missive, et la déplia fébrilement. Il s'arrêta en découvrant le cachet de cire noire, toujours fermé.

«Non, souffla t-il. Non, c'est impossible... Comment a-t-il...?»

Il fut brutalement tiré de sa réflexion par un homme d'âge moyen, dont le regard insistant lui fit prendre conscience que tout une partie de son torse était exposée, en raison de l'ouverture béante qu'il avait faite. Le Dunmer se retourna pudiquement, et s'en alla, presque au pas de course, laissant libre cours à ses interrogations.
Avait-il fait route avec un être dangereux sans même le savoir ? Non, ça n'avait aucun sens ! Shezarr l'avait sauvé, soigné d'une blessure qui aurait pu s'avérer mortelle... Quel intérêt aurait-il eût à ne pas lui ôter la vie à ce moment-là, s'il avait voulu sa mort ? Avait-il seulement parlé au véritable Petrus Cicere ? Retrouver le rougegarde était encore possible, à condition de se hâter...
Mais, si l'impérial disait vrai, si celui avec lequel il avait passé des jours entiers s'avérait réellement être dangereux, ne risquait-il pas de se condamner en tentant de le retrouver ? Et, si son compagnon maîtrisait un sortilège de télépathie aussi avancé, comment pouvait-il bien l'avoir appris, s'il avait voyagé sans relâche à travers Tamriel comme il le disait ?
Il ne voulais pas y croire, et pourtant... Pourquoi Shezarr aurait-il menti, s'il était vraiment sans reproche ?

- Merde ! jura t-il, prit de l'impression qu'il aurait pu perdre la vie sans rien soupçonner.

Le Dunmer, furieux contre lui-même, passa pensivement la main à sa ceinture, et s'immobilisa au milieu de la rue. Sa bourse avait disparu. Il baissa les yeux, secoua vainement la tête, puis se souvint de son passage forcé à travers la foule, et serra les dents. Pas de cheval sans argent. Pas d'auberge, ni de vivres. Et son sac à dos était presque vide de provisions.
Mais il se remit tout de même à avançer, avec, plus que jamais, la ferme résolution de quitter cette ville sur-le-champ.

EsZanN
Niveau 27
28 novembre 2016 à 22:56:15

Je crois que je re-lirais ce chapitre après avoir tout relu psk ca fait trop longtemps qu'on en entendais plus parler xD
Super sinon ^^

ODST-01
Niveau 10
28 novembre 2016 à 23:55:46

Shezzar... son ami ne serait il pas un certain forgeron vampire?

TheEbonyWarrior
Niveau 35
29 novembre 2016 à 08:03:40

Je... Peut-être :noel:

Merde, vous êtes au taquet en fait :rire:

DaLiar
Niveau 8
29 novembre 2016 à 12:15:28

J'avais tout oublié ! Qui est ce forgeron vampire ?

TheEbonyWarrior
Niveau 35
29 novembre 2016 à 18:43:08

Le 29 novembre 2016 à 12:15:28 DaLiar a écrit :
J'avais tout oublié ! Qui est ce forgeron vampire ?

Shazam, le forgeron des Compagnons, auquel Neloth doit remettre la lettre de Dakin [[sticker:p/1jnj]]

Mais c'est un peu normal que vous ne l'ayez plus trop en tête, vu le peu de lignes qui lui sont consacrées :hap:

EsZanN
Niveau 27
29 novembre 2016 à 18:55:58

Ah ok donc j'ai compris alors 😂😂

ODST-01
Niveau 10
29 novembre 2016 à 20:14:47

Je crois que j'ai un problème existentiel... je me souviens d'un perso qu'on a vu deux fois, mais j'oublie toujours un truc lorsque je vais quelque part ou que j'en reviens (même en cours, genre mon sac ma clé USB...)

TheEbonyWarrior
Niveau 35
29 novembre 2016 à 20:32:29

Le 29 novembre 2016 à 20:14:47 ODST-01 a écrit :
Je crois que j'ai un problème existentiel... je me souviens d'un perso qu'on a vu deux fois, mais j'oublie toujours un truc lorsque je vais quelque part ou que j'en reviens (même en cours, genre mon sac ma clé USB...)

T'inquiètes pas, je crois qu'on l'a tous, ce problème-là :rire:

EsZanN
Niveau 27
04 décembre 2016 à 20:25:56

Sweet ? :hap:

TheEbonyWarrior
Niveau 35
04 décembre 2016 à 20:59:51

Je finis tard demain (examen préparatoire avant le BAC blanc), je pense que la suite sera là d'ici mercredi soir.

EsZanN
Niveau 27
04 décembre 2016 à 21:26:40

D'acc merci :ok: :hap:

EsZanN
Niveau 27
04 décembre 2016 à 21:27:07

Et bonne chance ;)

EsZanN
Niveau 27
07 décembre 2016 à 23:06:46

Nous sommes mercredi. :)

TheEbonyWarrior
Niveau 35
08 décembre 2016 à 19:09:16

Je dois rendre mon TPE écrit pour Mercredi prochain, du coup le chapitre est relativement retardé :hap:

EsZanN
Niveau 27
08 décembre 2016 à 21:51:43

:-( :-(

EsZanN
Niveau 27
11 décembre 2016 à 23:35:38

Sweet ? ..

TheEbonyWarrior
Niveau 35
12 décembre 2016 à 16:45:48

J'ai fini 3/4 du chapitre, je DEVRAIS pouvoir finir ca ce soir/demain mais dans le pire des cas ce sera mercredi sans faute [[sticker:p/1kkn]]

Sujet : [Fic] Au cœur de la tempête
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