L'Ukraine fut, avec la Russie, le grand pays du football soviétique, mais pourtant, il faudra attendre les années 70 pour que les ukrainiens ne deviennent très présents dans la Sbornaia avant même de devenir majoritaire dans les années 80. Mais comment l'Ukraine a t-elle pu passer d'une nation assez mineure au sein de la sélection soviétique dans les années 50 et 60 à la force principale à partir des années 70 ? C'est ce que l'on va voir ici.
Dans un premier temps, nous allons faire commencer le football soviétique en 1950. Bien évidemment, le football est arrivé dans l'Empire Russe à la fin du XIXe siècle et l'équipe nationale formée au début du XXe siècle mais la Première guerre mondiale et la Guerre Civile Russe vont en bonne partie stopper le football au sein de l'Etat russe puis soviétique.
L'équipe nationale soviétique joue son premier match le 16 novembre 1924 face à la Turquie (victoire 3-0 de la Sbornaia) mais entre 1924 et 1946, l'équipe nationale joue très peu pour des raisons principalement politiques. La VSFK est officiellement reconnue par la FIFA en 1946 et vivent leur premier tournoi majeur en 1952 avec les JO d'Helsinki.
En 1950 et 1954, l'URSS n'envoie pas d'équipes pour les qualifications à la Coupe du Monde et ne découvriront la plus grande des compétitions qu'à partir de 1958.
En 1952, sur les 16 joueurs qui vont en Finlande, 14 sont russes et 2 sont géorgiens, représentant logiquement le football soviétique de l'époque ou les clubs moscovites étaient hégémoniques, avec le Dinamo Tbilissi de Lavrenti Beria comme seul concurrent non-moscovite.
4 ans plus tard à Melbourne, 16 des 18 joueurs sont russes, seuls Nikita Simonian, arménien et Iosif Betsa, ukrainien, font offices d'exception parmi les vainqueurs des JO 56, les deux jouant néanmoins dans des clubs moscovites comme l'entièreté de l'équipe.
Pour la Coupe du Monde 1958, les russes sont encore largement majoritaires, représentant 18 des 22 joueurs, il y'a néanmoins 3 ukrainiens et 1 letton. 87% des joueurs viennent d'un club moscovite, dont 32% du Dinamo.
Cette tendance majoritairement russe avec des minorités ukrainiennes et géorgiennes se poursuit jusqu'au milieu des années 60.
A la Coupe du Monde 1966, 10 des 22 joueurs sont russes pour 3 ukrainiens, 5 géorgiens, 2 azéris, 1 hongrois et 1 letton.
Le Dynamo Kiev remporte son premier championnat en 1961 avant d'enchainer les titres à partir de 1966, gagnant 6 titres sur les 10 années qui suivent. Sous la tutelle de Viktor Maslov puis de Valeriy Lobanovskiy et en se basant sur un jeu intense et où les permutations, le pressing et un dispositif tactique nouveau : le 4-4-2. Rinus Michels et Arrigo Sacchi savent de qui ils doivent leurs succès et ce jeu à l'ukrainienne va servir de socle à la domination du Dynamo Kiev sur le football soviétique.
A la Coupe du Monde 1970, les russes et les ukrainiens représentent chacun 8 joueurs, avec 6 géorgiens venant du Dinamo Tbillisi.
Malheureusement pour le foot soviétique, la Sbornaia ne jouera pas de Coupe du Monde en 1970 et 1982, refusant de reconnaître le fascisme en 74 contre le Chili de Pinochet avant de se surprendre par le petit frère hongrois en 78.
Sur les 14 championnats entre 1970 et 1982 (le championnat 76 se joue deux fois), les clubs ukrainiens gagnent 7 fois, dont 6 pour le Dynamo.
Et en Espagne, les joueurs ukrainiens représentent 10 des 22 soviétiques dont 8 du Dynamo, devenant le premier fournisseur de joueurs au sein de la Sbornaia. Les russes ne représentent plus que le quart des joueurs de l'équipe nationale.
1986 sera la plus grande preuve de l'évolution de la hiérarchie dans le football soviétique, les russes représentent 68% des joueurs, les russes étant réduis à 23%, géorgiens et biélorusses se contentant des miettes. Cela s'explique en partie par le remplacement au dernier moment d'Eduard Malofeev, ancien coach du Dynamo Minsk, par un Valeriy Lobanovskiy au sommet de son art après la victoire de son Dynamo Kiev 3-0 en finale de la Coupe des Coupes 86 face à l'Atletico Madrid à Gerland. En termes de clubs, la domination du Dynamo se ressent encore plus, le club de Lobanovskiy représentant 55% des joueurs, le Spartak Moscou étant le seul club moscovite encore présent avec 18% des joueurs.
La mort de la sélection en 90 se ressent avec un pourcentage d'ukrainiens qui a baissé à 50% des joueurs au total, 11 sur 22. La Russie est revenue à 32% avec 7 joueurs, 3 biélorusses et 1 géorgien complétant l'équipe. Le Dynamo Kiev représente encore 41% des joueurs alors que des clubs non-soviétiques commencent à acheter des joueurs venus de l'Union, l'URSS voyant ses joueurs quitter le pays. Le Spartak prends 2 titres sur les dernières années du pays, le Dynamo un seul, Lobanovskiy quittant le pays à la chute de l'URSS.
C'est à partir de 1970 que Russie et Ukraine ont inversés leur rôle au sein de la Sbornaia, la Géorgie et la Biélorussie récupérant quelques miettes au fil de l'histoire du football du pays.
Au final, l'Ukraine aura réussi à prendre le dessus dans le football national grâce au travail révolutionnaire de Viktor Maslov puis de Valeriy Lobanovskiy qui feront du Dynamo Kiev un club de niveau mondial, capable de lutter avec les plus grandes écuries d'Europe de l'Ouest malgré des moyens moins élevés.